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29 mars 2007

Retour sur le chaos

Je suis heureux de présenter ici ce riche développement de Marc Lebeau qu'il n'a pas été possible techniquement d' insérer dans les commentaires (j'en ignore d'ailleurs la raison). A l'origine, il s'agit d'une réponse à Jean-Marc Bellot.

 

 

  Bonsoir Jean-Marc

 

Je suis allé voir votre page sur la Boite de chocolat et j’y ai particulièrement apprécié le joli graphique qui le clôt !

 

Ce qui m’amène à revenir sur cette notion de Chaos, désolé Colette, mais c’est un concept qui me paraît important et qui, chez moi, ne recouvre aucunement un amusement de potache !

 

A tout Seigneur, tout honneur ! , commençons par le verset 2 de la Bible :

 

« La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. »

 

Dans toutes les religions ou histoires de la création, le chaos est là, materia prima indispensable à la création : il ne peut y avoir « d’après » sans qu’il n’y ait eu auparavant Chaos.

 

Poursuivons avec une belle définition du Chaos (cf. : http://www.philo-net.com/M-PPaul-chantsacre.htm ) :

« Dans les traditions, tant orientales qu'occidentales, la création débute par un chaos. Celui-ci est un mélange de souffles, c'est-à-dire d'énergies, avant toute séparation. C'est un état "catastrophique" à la condition de méditer sur le double sens de catastrophe, celui de chaos, de désorganisation, d'indifférenciation, que nous employons couramment, et celui qu'il a en acceptation musicale, à savoir le retour au point de repos et à l'équilibre axial d'une corde de lyre après qu'elle eut vibré. …

Tout est issu du chaos, tout y retourne le septième jour (repos de la corde de lyre) au travers de la propagation d'une vibration créatrice harmonique: le Verbe créateur se transforme lui-même en une vibration primordiale de la nature d'un son, disent les traditions. »

 

Dans les travaux de Géographie sacrée, cette notion me paraît essentielle. Nous tentons en effet de trouver un ordre, une organisation spatiale et symbolique dans l’océan des données, des informations, des lieux : le territoire est (a) –t-il été organisé, par qui ? pourquoi ? Cette organisation est-elle seulement voulue ? Ce me semble, nous examinons quelques bulles qui remontent à la surface, quelques « pointements », du magma géographique, pour en faire ressortir les liens et les connivences. Cette démarche n’est-elle pas vaine ? Et si ce Chaos primordial n’avait jamais été « traité » pour en faire une « création » ? Les liens que nous pensons voir ne sont-ils pas qu’une malicieuse intervention du Dieu Hasard (c’est le pseudo de Dieu lorsqu’il intervient incognito a dit quelqu’un ! ce qui nous ramène au début de la Genèse !) ? ou, plus mathématiquement, un résultat des probabilités ?…

 

En bref, existe-t-il un ordre caché dans le désordre des lieux-dits et des implantations humaines ? Les mathématiciens du XXème siècle et de début de XXIème siècle semblent le penser : la Théorie des catastrophes de René Thom s’est muée en Théorie du Chaos qui comporte ses règles, ses lois et ses « attracteurs » !

 

A ce propos, je vous suggère d’aller voir sur les sites suivants un cas étrange à la rencontre des « Catastrophes » de René Thom et de la Géographie sacrée :

http://www.societe-perillos.com/dali.html

et le forum qui va avec et qui apporte des précisions sur un point du tableau de Dali :

http://www.perillos.com/forum/viewtopic.php?t=446&pos...

 

J’irais peut-être voir ce site de « La Madeleine » lors de mes vacances d’été !

 

Pour cette belle notion de Sérendipité, qui ressort naturellement du Chaos !, je donne ici quelques liens intéressants qui permettront de poursuivre la réflexion :

 

http://www.egideria.fr/serendip.html

http://wiki.crao.net/index.php/s%E9rendipit%E9

http://jdepetris.free.fr/Livres/voyage3/cahier32.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Trois_Princes_de_Serendip

http://fr.wikisource.org/wiki/Voyages_et_aventures_des_tr...

 

 

En vous souhaitant plein d’interrogations chaotiques !

 

 

14 mars 2007

La sérendipité et les otages

Savez-vous ce qu'est la sérendipité ? Ce mot, francisation de l'anglais serendipity inventé par Horace Walpole en 1754, désigne le phénomène par lequel on fait la  découverte fortuite d'informations qu'on ne cherchait pas exactement. La plupart du temps, on cherchait même autre chose et puis voilà qu'au détour d'une page on tombe soudain sur un passage qui fait profondément sens pour nous. La recherche sur le web a multiplié les occasions de sérendipité, et je dois dire que nombre des notes de ce site sont redevables à de semblables trouvailles.

C'est ce qui s'est passé récemment alors que j'étais en quête d'un article ancien. Parvenu sur la page de Wikipédia consacrée à la ville de Culan, je suis tombé en arrêt devant la mention de Louis de Culan, personnage que je ne connaissais encore pas. Baron de Châteauneuf sur Cher,  amiral de France, compagnon de Jeanne d'Arc et du roi Charles VII, commandant  en second de l'armée du roi lors du siège d'Orléans, il fut l'un des quatre "otages de la Sainte-Ampoule“ lors du sacre à Reims. "Quatre seigneurs devaient en effet escorter la "Sainte-Ampoule" entre l'abbaye de Saint-Rémi où elle était gardée depuis le IVe siècle jusqu'à la cathédrale de Reims, lieu du sacre du roi de France. Les seigneurs devaient défendre jusqu'à la mort — d'où le nom d'otages — le saint-Chrême contenu dans une fiole de cristal (ampoule) qui avait déjà servi pour le sacre de Clovis par Saint-Rémi. Être "otage de la Sainte Ampoule" était donc un honneur considérable qui permettait le jour du sacre d'entrer à cheval dans la cathédrale pour remettre cette "ampoule" en forme de colombe à l'archevêque. Aux côtés de Louis de Culant, étaient "otages" pour le sacre du Charles VII : le maréchal Jean de Brosse, seigneur de Boussac et de Sainte-Sévère : Gilles de Laval, baron de Rais; et Jean Malet seigneur de Graville."

medium_Charles_vii.jpg

Alors que je venais d'écrire ma note sur les liens qui avaient perduré entre Berry et Ile-de-France, cela venait singulièrement apporter de l'eau à mon moulin. Le roi Charles VII qui s'était retiré à Bourges quand les Bourguignons avaient mis main basse sur Paris (ce qui lui avait valu l'appellation péjorative de "roi de Bourges") semble choisir,  pour la cérémonie la plus importante qui soit, des seigneurs qui ont un lien très fort avec la géographie sacrée du pagus bituricus.


J'ai déjà montré la place de Culan dans la géographie sacrée celtique, articulée sur les rivières Arnon et Bouzanne. Il faut savoir aussi qu'il existait depuis le XIIe siècle un prieuré dépendant de l'abbaye de Déols au lieu-dit “Prahas” qui a servi d'église paroissiale jusqu'en 1630. À cette date, c'est une vieille connaissance, le prince de Condé, qui obtient de l'évêque que la chapelle du château devienne église paroissiale de Culan.

Voyons maintenant Jean de Brosse : Seigneur de Boussac et de Sainte-Sévère, nous l'avons déjà croisé en Gémeaux où, compagnon de Jeanne d'Arc, il est réputé l'avoir accompagné à la chapelle du  Mas Saint-Jean, près de Dun-le-Palestel dans la Marche.

Observons aussi que Boussac se trouve sur le méridien de Toulx Sainte-Croix en même temps que  Mehun sur Yèvre, où Charles VII fut proclamé roi et où il mourut le 22 juillet 1461, fait que j'ai mentionné  dans ma note du 31 juillet 2005 sur le cheval Mallet, écrite pour rendre compte de la concentration de lieux Mallet ou Malleret autour de cet axe polaire de Toulx. Il n'est peut-être pas fortuit de voir Jean Malet, seigneur de Graville, comme troisième otage du Saint-Chrème. Ce n'est pas cependant un seigneur berrichon : ultime défenseur de la Normandie, il fut nommé Grand Maître des Arbalétriers en 1425, une charge créée soit dit en passant  par Saint-Louis.

medium_ToulxMalletDenis.jpg

Reste Gilles de Rais, à la sinistre réputation. Pas un berrichon lui non plus. Là, je dois avouer que sa relation avec la géographie sacrée ne m'apparaît pas encore clairement, si tant est qu'il y en ait une.


En tout cas, derrière les otages de la Sainte-Ampoule, venait l'escorte de l'épée royale tenue par le Connétable de France. Mais celui-ci étant en disgrâce, c'est Charles d'Albret, lui-même fils et gendre de connétable, neveu du grand chambellan La Trémoïlle, qui reçut l'honneur de porter l'épée royale. Or Charles d'Albret, comte de Dreux,  était aussi seigneur d’Orval, de Montrond (actuellement Saint-Amand-Montrond), Bois-Belle (actuellement Henrichemont) et la Chapelle d’Angillon, localités toutes berrichonnes.

Enfin venaient les douze pairs
qui ne sont pas bien sûr sans faire penser aux douze signes du zodiaque : "L'imposition de la couronne par l'archevêque met en jeu la collaboration à la sacralisation royale des douze pairs - héritage de la légende de Charlemagne -  qui fait participer au rite royal six évêques et six grands seigneurs laïcs par un geste d'intégration de l'aristocratie ecclésiastique et laïque." (Jacques Le Goff, Saint-Louis, p.831)

Parmi ces douze pairs, notons Raoul de Gaucourt, capitaine d' Orléans, originaire du Nord de la France, qui  prendra possession à la même époque de la terre de Cluis-Dessous.

 

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03 mars 2007

Caput regni

J'imagine le scénario suivant :
 
A l'époque où le peuple gaulois des Bituriges (étymologiquement, les Rois-du-Monde) était le plus puissant de la Gaule et où les Druides avaient conquis une influence déterminante sur la société de leur temps, les deux centres sacrés les plus importants se trouvaient être Déols et Bourges (ils ne portaient évidemment pas ces noms-là), deux tertres entourés de marais, dont le compagnonnage symbolique sera constant au cours des siècles suivants, la trace en étant gardée jusque dans la légende tardive de Denis Gaulois.

A l'heure de la conquête romaine, les Bituriges n'exercent plus le pouvoir suprême et ne sont plus que les clients des Eduens ; les Druides eux-mêmes, comme l'a bien montré Jean-Louis Brunaux, ont perdu la  prééminence des siècles antérieurs et forment une institution déclinante.
Un nouveau centre sacré a supplanté les centres bituriges : Anne Lombard-Jourdan a suggéré qu'il s'agissait d'un  tertre  situé au nord de Paris, dans la plaine du Lendit. Ne pouvant éradiquer purement et simplement ce haut-lieu du paganisme, les premiers chrétiens y placèrent le martyre de saint Denis et sainte Geneviève érigea à proximité la première basilique dédiée à celui-ci.
medium_martyrestdenis.jpg

Martyre de saint Denis


Le lien avec les anciens centres sacrés n'est cependant pas rompu : entre Berry et Ile-de-France, Paris-Saint-Denis  et Bourges-Déols la vieille histoire perdure, se livre en échos riches et profonds. Le règne de Saint Louis est exemplaire à ce point de vue. On a vu le rôle insigne du prélat berrichon Eudes dans la consécration de la Sainte-Chapelle, la conduite de la croisade et la dotation en reliques christiques du modeste sanctuaire berrichon de Neuvy, création conjointe des princes de Déols et des seigneurs berruyers. L'abbaye royale de Saint-Denis a des possessions en propre à Reuilly et à La Chapelaude.

Etonnant comme la dualité Déols-Bourges est répétée par celle de Paris et Saint-Denis : "Depuis le XIe et, surtout, le XIIe siècle, plus encore sous Saint Louis, écrit Jacques Le Goff , Paris est la résidence habituelle du roi et donc de son conseil, la Curia, qui peu à peu se transforme de cour féodale itinérante en organisme de gouvernement tendant à la stabilité. Paris est devenu caput regni, la capitale du royaume. Mais Saint-Denis, où le roi va prendre l'oriflamme avant de partir pour la guerre ou les attributs du pèlerin avant de partir pour la croisade, sur l'autel duquel il paie un tribut de quatre besants d'or soigneusement déposés chaque année, où sont gardés, entre les sacres, les insignes du pouvoir royal, où reposent ses prédécesseurs dans l'attente de la Résurrection, Saint-Denis est appelé aussi caput regni.
Le Royaume de France a une capitale bicéphale, Paris et Saint-Denis, dont la route, bientôt parsemée de "montjoies", est la véritable voie royale. Et le triangle sacré de l'espace monarchique est Reims, où le roi reçoit le pouvoir  royal, dans la cathédrale du sacre, Paris où il l'exerce habituellement dans son palais et Saint-Denis où il l'abandonne dans le "cimetière aux rois" de l'abbaye "nationale"
(p. 530-531).

Jacques Le Goff montre que c'est d'ailleurs Saint Louis qui va pleinement utiliser "l'instrument idéologique et politique que la nécropole royale offrait  à la monarchie française", en réorganisant la disposition des tombeaux existants de manière à affirmer la continuité entre Carolingiens et Capétiens, et à se rattacher à la prestigieuse figure de Charlemagne, histoire de légitimer une bonne fois pour toutes cette dynastie capétienne "longtemps vilipendée en la personne de son fondateur Hugues Capet - que Dante va bientôt encore évoquer avec mépris" (p. 281).












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