28 septembre 2007
Outrille et le Bétyle
Saint Sulpice nous a révélé la figure de saint Outrille, son prédécesseur sur la cathèdre berruyère. A part Saint-Aoustrille, dont nous avons vu qu'il rasait l'axe Saint-Genou-Saint-Ambroix, le saint a donné son nom à un village du Cher, accolé au bourg de Graçay et situé comme Saint-Ambroix à la limite des deux départements berrichons. Une collégiale romane, fondée en 989 par le chapitre du château de Saint Outrille de Bourges, lui est consacrée. Nous sommes ici très près de Vatan, la ville natale de Sulpice.
On peut définir un quasi triangle isocèle en traçant les axes Saint-Aoustrille - Saint-Outrille et Saint-Outrille - les Chapelles (point médian, rappelons-le, de l'axe Saint-Genou - Saint-Ambroix).
A Ménétréols, l'église est, nous l'avons vu, sous le vocable de saint Paul, qu'un vitrail représente, armé de son épée. Or, le site nominis, consacré aux biographies de saints, relate que saint Outrille "refusa une épouse pour devenir prêtre à Lyon, puis évêque de Bourges où il se concilia l'estime de son peuple en chassant un seigneur malfaisant que saint Outrille força lui-même, une épée à la main, à déguerpir et à pratiquer son brigandage ailleurs. Une localité se rappelle de cela : Saint Outrille-18310."
Mgr Villepelet ne rapporte pas cette anecdote mais signale tout de même qu' Outrille aurait dû combattre un certain Bethelen qui l'avait accusé de détournement de biens publics. Le roi Gontran aurait ordonné une ordalie (jugement de Dieu) en champ clos. Outrille se rendit au combat mais son adversaire avait déjà péri, renversé et foulé aux pieds par son cheval, "très doux d'ordinaire": "Le roi vit dans cette mort la manifestation de la vengeance divine". Un chapiteau de l'ancienne collégiale Saint-Outrille de Châtillon-sur-Indre (cité situé à quelques kilomètres en aval de Saint-Genou) reproduit les démêlés du saint avec Bethelen.
Il y a fort à parier que le combat d'Outrille et de Bethelen recouvre la christianisation d'une pierre sacrée, sans doute un mégalithe (ils sont nombreux dans ce secteur, ainsi peut-on trouver à Gracay le dolmen dit de la Pierre-Levée). Le village de Saint-Jean de Boiseau, dans le pays de Retz, près de Nantes, possède une chapelle de Béthléem dont le nom originel est Bétélian. Selon les rédacteurs du site de la commune, "l"
00:30 Publié dans Sagittaire | Lien permanent | Commentaires (0)
24 septembre 2007
Ne pas oublier Saint-Sulpice
Marc Lebeau dans un courriel personnel finit par ces mots : "Je suis avec toujours autant d'intérêt vos pérégrinations zodiacales, de Genoux en Ambroix pour finalement boucler la boucle à Bourges, ville du 17 janvier ?! (Saint Sulpice et Saint Genou !)"
Merci, Marc, de me rappeler l'existence de saint Sulpice. Je l'ai déjà évoqué* à plusieurs reprises, mais j'avais oublié ce détail cardinal : ce saint beaucoup plus célèbre que Genou et Ambroix est fêté un 17 janvier. Or, comme Marc le mentionne, c'est l'une des deux dates où Genou lui-même est fêté (avec le 20 juin, date donnée par Mgr Villepelet).
Ceci ne fait donc que renforcer ce lien consubstantiel que Saint-Genou noue avec Bourges, car saint Sulpice est le saint de Bourges par excellence.
Un autre détail mérite attention : c'est un autre saint, Outrille, évêque de Bourges précédant Sulpice, qui admet celui-ci dans son clergé, avec le consentement du roi Théodoric et qui l'ordonne prêtre. Or, la petite paroisse de Saint-Aoustrille, (autre forme du nom Outrille), près d'Issoudun, se situe juste au-dessus de l'axe Saint-Genou-Saint-Ambroix.
Peinture murale de Banize (Creuse)
Eglise Saint-Sulpice de Bourges
_________________________________
*Par exemple, ici, dont je donne l'extrait suivant :"Je ne pense pas que beaucoup de parisiens savent que la tradition le fait naître à Vatan...
Parents illustres, famille de premier rang, premières années à la cour de Bourgogne, les commentateurs insistent sur le voisinage royal de Sulpice (surnommé le Pieux ou le Débonnaire, à cause de la douceur de son caractère). Pourquoi placer le berceau de ce noble rejeton dans ce bourg obscur de Vatan ? Et si, outre le riche symbolisme, on l'a vu, qui s'y attachait, c'était parce que Vatan est à la fois sur le méridien de Neuvy et sur le parallèle de Bourges, dont le siège épiscopal échut à Sulpice par nomination royale ?"
00:51 Publié dans Verseau | Lien permanent | Commentaires (0)
18 septembre 2007
Tous les chemins mènent à Bourges
Autre point commun essentiel entre Saint-Genou et Saint-Ambroix : Bourges. Bourges, la capitale de la civitas bituricum. Petit rappel : c'est le comte de Bourges, Wilfred, qui fonde en 828 l'église et le monastère d'Estrée, lesquels un peu plus tard accueilleront les reliques de saint Genou. Il n'est sans doute pas anodin que cette initiative ait été prise d'un commun accord, ainsi que le stipule Mgr Villepelet, avec Ode son épouse. La génération induit le couple ; semblablement la restauration de l'abbaye de Saint-Ambroix fut décretée à la suite d'une charte signée par Geoffroy vicomte de Bourges et sa femme Ildeberge de Déols. Datée de 1012, elle fut signée par presque tous les nobles du pays.
L'abbaye de Saint-Ambroix dont il est ici question ne se situait pas à Saint-Ambroix, mais bel et bien à Bourges, car la dépouille du saint y fut transférée au Xème siècle, dans le faubourg de Brisiac et déposé dans l'église consacrée aux saints apôtres Pierre et Paul. L'abbaye fut construite peu après, pillée par les Normands puis rétablie dans ses possessions primitives par Geoffroy. Brûlée par les protestants en 1562, restaurée en 1571, reconstruite presque entièrement en 1635, vendue comme bien national en 1793, "il en reste, nous dit encore Mgr Villepelet, quelques vestiges importants dans la propriété de Mlle de Bourbon ; le jardin des Prés-Fichaux appartenait à cette abbaye ainsi que les beaux platanes de l'avenue de la Gare jadis dans l'enclos du monastère."
23:45 Publié dans Verseau | Lien permanent | Commentaires (0)
11 septembre 2007
Les stèles de Saint-Ambroix
Saint-Ambroix n'est plus qu'un modeste village de 378 habitants, mais à l'époque gallo-romaine où il se nommait donc Ernodurum, il avait une toute autre ampleur. Comme le montre avec éloquence la carte des voies romaines établie par F. Dumasy et L. Laüt dans Berry Antique (Atlas 2000, 21ème supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, p.113) :
Saint-Ambroix apparaît ici comme une localité importante de la cité biturige, étape sur la voie romaine reliant Saint-Marcel à Bourges (Argentomagus à Avaricum).
Autres indices indiscutables, les magnifiques stèles funéraires qui y furent découvertes au début du XXème siècle et qu'on l'on peut admirer en particulier au Musée Bertrand à Châteauroux. Je me réjouis d'ailleurs de lire sur le site de Gérard Coulon - archéologue, historien et écrivain natif de Mézières-en-Brenne, fondateur et premier conservateur du Musée d'Argentomagus -, qu'il va entreprendre, en collaboration avec Simone Deyts, professeur à l’Université de Bourgogne à Dijon et éminente spécialiste de la sculpture gallo-romaine, l’étude scientifique de ces stèles : " L’accord enthousiaste de la ville de Châteauroux - qui en possède la plus grande partie - nous permet de commencer cette étude dès l’automne prochain. Notre travail aboutira à la publication d’un répertoire illustré."
La venue d'Ambroix à Ernodurum en devient encore moins anodine. Ce n'est pas dans un misérable village de seconde zone que l'évêque achève sa pérégrination et sa destinée terrestre, mais bien dans une agglomération qui connut une prospérité certaine et dont l'aura devait être encore forte dans ce Haut Moyen Age où il vécut.
23:26 Publié dans Verseau | Lien permanent | Commentaires (0)
09 septembre 2007
Pourquoi Cahors ?
François Villon
Deux localités sur le même parallèle, deux saints évêques de Cahors, Genou et Ambroix. La question se pose naturellement : pourquoi Cahors ?
Il convient tout d'abord de se souvenir que Cahors n'est pas une inconnue dans la géographie sacrée berrichonne :
le Christ du tympan de Déols n'est pas sans affinité, on l'a vu, avec celui du tympan de Cahors. Le socle sur lequel il repose est porté par deux animaux : le lion et le dragon. "Cette représentation des symboles de l'Antéchrist et du Diable suivant Honorius d'Autun, écrit Jean Favière, fréquente dans la sculpture gothique, est unique dans l'iconographie des portails romans." Et je me demandais alors si nous étions en présence là encore d'un écho à Cahors. Cahors que Doumayrou rattache au chaos primordial : "Ce nom, ainsi que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos) et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité bien connue de cette gueule d'enfer qu'est le chaos." (Géographie sidérale, p.168)
C'est bien cette idée du chaos qu'il s'agit d'appréhender pour comprendre la référence à Cahors sur l'axe Saint-Genou - Saint-Ambroix.
C'est ma lecture récente d'Ecoumène, le livre d' Augustin Berque, qui a grandement éclairé ma lanterne : le géographe, après avoir noté que Chaos est de même famille que chainô (s'ouvrir), qui provient de la racine indo-européenne ghei-, comme le latin hiatus, relève que "nombreux sont les auteurs qui leur apparentent chôra, terme que Platon utilise dans le Timée pour dire le lieu des choses au sein du monde sensible."
"Le Timée, poursuit-il, est l'une des dernières oeuvres de Platon, peut-être la plus célèbre. C'est en effet celle où il ramasse son ontologie et sa cosmologie - son onto-cosmologie, l'une allant avec l'autre - et qui narre entre autres le mythe de l'Atlantide. Pour ce qui nous concerne, on y trouve sa théorie du lieu. Après avoir distingué deux sortes d'être : la Forme ou Idée intemporelle et aspatiale (eidos ou idea), c'est-à-dire l'être absolu qui est l'"être véritable" (ontôs on) et relève de l'intelligible, d'une part, d'autre part l'être relatif ou en devenir (genesis), qui relève du sensible, Platon introduit un "troisième genre" (triton allo genos, 48e 3), qu'il va appeler chorâ."
Buste de Platon
Réplique romaine d'après un original du milieu du 4ème siècle
©[Louvre.edu] Photo Erich Lessing
Le problème est que Platon ne donne pas de définition très précise de cette chorâ, ne la désignant que par des métaphores qui, selon Berque, paraissent peu cohérentes. Des choses qui sont, elle semble comme l'empreinte et en même temps la matrice, mère (mêtêr) ou nourrice (tithênê). "Si Platon, continue-t-il, ne trace pas de figure claire de la chorâ, du moins pouvons-nous inférer une image de ce qu'il lui associe. Genesis, que les spécialistes, pour cadrer avec le système platonicien, interprètent comme l'être relatif, le devenir ou l'étant, cela exprime d'abord et fondamentalement l'idée d'engendrement (du radical indo-européen gen- ou gne-, lequel a été dans nos langues, c'est le moins qu'on puisse dire, extrêmement prolifique). Ce n'est évidemment pas un hasard si, dans le Timée, cette idée se trouve couplée à celle de chorâ, qui nous renvoie, en deçà d'elle-même, au chaos comme béance."
Et nous pourrions écrire, en écho à Augustin Berque, que ce n'est évidemment pas un hasard si l'histoire de saint Genou (dont la racine gen- est manifeste) est couplée à celle de la ville de Cahors, tirant son nom du Chaos (et anagramme de chorâ, par dessus le marché).
En faisant de la vieille de Brisepaille, près de Saint-Genou, l'accoucheuse de Gargamelle, Rabelais s'inscrivait parfaitement dans cette ontologie platonicienne.
"La chorâ, [...], c'est bien l'ouverture par laquelle adviennent à l'existence les êtres qui vont constituer le monde. C'est le lieu géniteur et le giron, l'i grec hospitalier de tout ce qu'il "y" a sous le ciel"(Ecoumène, p. 22-23).
23:30 Publié dans Verseau | Lien permanent | Commentaires (0)