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15 octobre 2007

Phalères

Si l'on réfute le grec phallos (et non phallus) comme origine du nom Phalier, on ne se sort pas pour autant du grec avec Phalerius, car ce dernier terme nous renvoie à deux autres mots héllènes:
  • Phalères : qui désigne la rade qui servit de port à Athènes au VIe siècle, avant la construction du Pirée.
  • ta phalara (en latin phalerae) : "Plaques rondes d'or, d'argent ou d'autres métaux, sur lesquelles étaient gravée ou ciselée quelque figure en relief ; ainsi la tête d'un dieu, l'image d'un roi ou d'un empereur, ou quelque emblème ; des pendants, en forme de croissants ou de larmes, y étaient souvent attachés. Les personnes de distinction en portaient sur la poitrine, comme ornement ; c'était pour les soldats une décoration militaire que décernaient leurs chefs, et quelquefois elles servaient de harnais de luxe pour les chevaux (Liv. IX, 46 ; Sil. Ital. XV, 255 ; Virg. Aen. IX, 359 ; V, 310 ; Claud. IV, Cons. Honor. 549)." Anthony Rich, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques.
Le phaleratus désignait celui qui portait des phalères.

Stèle funéraire de l'aquilifer Cnaeus Musius,
décoré de deux torques et neuf phalères
Ier s. après JC
Landesmuseum, Mainz (Allemagne), 2002

© Agnès Vinas

L'origine de ces phalères n'est pourtant pas romaine. Comme en bien d'autres domaines, les Romains ont emprunté, dans ce cas particulier, semble-t-il aux Etrusques. Mais les Celtes eux aussi connaissaient les phalères, à tel point que Vincent Jauvert, présentant un travail sur l'Est au temps des Gaulois, peut écrire que "le plus époustouflant de l’art celtique, ce sont peut-être les phalères, les petites pièces rondes en fer ou en bronze de quelques centimètres de diamètre qui décoraient les chars des guerriers ou les harnachements de leurs chevaux. Celle que nous présentons ici date du ive siècle av. J.-C. et a été découverte dans la tombe d’un riche militaire à Cuperly, dans la Marne. L’organisation parfaite du décor surprend. Selon les spécialistes, tout a été préparé au compas. Cette harmonie aurait-elle une signification particulière? Certaines de ces phalères ont été récemment étudiées par des mathématiciens intrigués par la forme géométrique de leur décor. Ils ont conclu que les Gaulois étaient probablement des adeptes de la cosmogonie du grec Pythagore! Incroyable, par Toutatis!" (C'est moi qui souligne.)

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Cette interprétation est corroborée par l'archéologue Jean-Louis Brunaux, dont j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer le livre récent sur les Druides, lors d'un entretien avec François Dufay, pour le journal Le Point :

"Vous-même, n'avez-vous pas tendance à faire des druides des « philosophes » à la grecque égarés chez les Barbares ?

Non. Comme celle des présocratiques, la philosophie druidique est un savoir universel incluant la métaphysique, les mathématiques, l'astronomie, la botanique, la géographie, la géologie... Loin d'être des magiciens répandant la superstition, ces intellectuels cherchent les causes premières des choses, sous forme d'une pensée qui commence à revendiquer sa rationalité.

Vraiment ?

Quand on voit le calendrier trouvé à Coligny, dans l'Ain, datant du Ier siècle, héritage de leur savoir astronomique, ou des créations artistiques comme certaines phalères au décor géométrique d'une complexité inouïe, on n'est plus dans le domaine des tâtonnements, mais bien de travaux fondés sur des calculs, des mesures, des expériences
." (C'est moi qui souligne.)

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Comment ne pas faire de  rapport entre ces phalères, rondes et géométriquement complexes, et le cercle défini par le triangle de saint Phalier ? Tout se passe comme si on avait tracé au sol une gigantesque phalère. Y a-t-il une  divinité celtique  cachée derrière tout cela ?


Si l'on reprend les qualités attribuées à saint Phalier, il nous faudrait donc une figure liée aux orages, capable de les maîtriser, éventuellement escortée de chiens, en rapport également avec les eaux (fontaine Saint-Phalier du pélerinage chabriote, ruisseau dit de Saint-Phalier alimentant la Céphons à Levroux) : une figure simultanément céleste et chthonienne (la statue de Phalier repose dans la crypte de l'église de Chabris). Jean-Louis Desplaces cite un article du journal de l'Indre de 1834 qui rappelle que les fidèles avaient habitude de déposer les enfants malades dans le tombeau du saint :
"C'est dans une petite chapelle souterraine et fort obscure, située derrière le maître-autel, que l'on va particulièrement implorer l'assistance du saint. Au fond de cette chapelle est la statue de saint Phalier et dans un réduit, plus bas encore, est un sarcophage en pierre, dont la forme annonce qu'il peut dater du Vè siècle : c'est dans ce sarcophage qu'on dépose les enfants malades et languissants... L'analogie du nom avec celui de l'emblème de la fécondité ne peut être l'effet du hasard."
(Cité par J.L. Desplaces, Florilège de l'eau en Berry, 3ème volume, 1986, p. 61.)

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Cette figure -inutile de prolonger le suspense - nous l'avons déjà rencontrée : c'est celle de Sucellus, le dieu au maillet, que l'on peut aussi rattacher au Silvain latin et au Jupiter gaulois Taranis dont l'attribut principal est la roue. Sucellus, déjà vu à Levroux, et qu'il n'est donc pas très étonnant de retrouver tout près de là sous la forme de saint Phalier, s'affirme décidément comme le grand dieu du nord de l'Indre. Sa christianisation sous les formes diverses de Silvain et de Phalier dut être longue et complexe.

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Le Châtelet (Hte-Marne).

Jupiter-Taranis à la roue, au foudre et aux éclairs


Devons-nous maintenant abandonner résolument l'hypothèse phallique du nom de Phalier (on s'est aperçu en passant qu'en 1834, cette analogie semblait aller de soi) ?
Pas si sûr...

(A suivre)

22 avril 2007

Denis Gaulois (18) : D'argent et de gueules

"Ensuite Léocade écrivit à Rome et marqua son aventure à quelques sénateurs romains ; il leur disoit : Quoi que vous m'ayez nommé gouverneur de la Gaule, il m'a fallu l'être aussi des habitants de Bourger et des cantons. Je fais actuellement ma demeure dans le canton de Déols ; j'ai fait bâtir des temples ; je me suis fait baptizer, ainsi que ma famille et mes gens ; j'observe la loi de Dieu et je la fais observer à tous ceux de mes cantons ; je suis nommé prince de Déols, gouverneur de la Gaule en Berry. "

"Telle est la légende de Denis Gaulois, conclut le docteur Fauconneau-Dufresne, qui se trouve en tête de la pièce intitulée : .Petite chronique et généalogie des seigneurs qui ont possédé les terres de Déols et Châteauroux, depuis l'an 218 jusqu'en 900, et depuis l'an 900 jusqu'à l'an 1620, et les dons qu'ils ont fait"

Avant de conclure à mon tour cette petite étude de la légende, je voudrais revenir sur  un point d'héraldique abordé récemment.
J'ai dit qu'Argenton possédait au centre de ses armes celles de Déols. Pour être plus précis, il s'agit d'un demi écusson fascé d'argent et de gueules.
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Blason d'Argenton
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Blason de Déols
 

Ces deux couleurs apparaissent également dans le blason des Chauvigny, qui succèdent aux princes de Déols à partir de 1187. D'ailleurs ce sont leurs armes qui figurent aussi en haut à gauche du blason d'Argenton (d'argent à cinq fusées et deux demies de gueules accolées et rangées en fasce, accompagnées en chef d'un lambel de six pendants du même).

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Par sérendipité, j'ai découvert ensuite qu'argent et gueules étaient également les couleurs de Dol-de-Bretagne, dont j'ai déjà mis en relief la parenté étymologique, géophysique et mythologique avec Déols.

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Pour être tout à fait précis, le blason actuel de la ville est très différent, mais le site Geobreizh confirme bien que "
Le premier blason de l'archevêché de Dol datant de 1173 était de gueule fuselé d'hermine (rouge avec des losanges d'hermine). Le second était écartelé d'argent et de gueules."
Pourquoi maintenant ces deux couleurs : d'argent et de gueules ? Selon le tableau de correspondances des couleurs héraldiques établi par Gérard de Sorval (Le langage secret du blason, Bibliothèque de l'Hermétisme, Albin Michel, 1981, p.108-109), Argent peut être rattaché à la Lune et à Artémis, tandis que Gueules est logiquement dévolu à Mars. Or, nous avons encore en mémoire les épisodes mythologiques du sarcophage de saint Ludre, où Artémis se taillait la part belle. Marc Lebeau avait justement fait observer que la relation Bélier-Capricorne visible sur le terrain avec Argenton-Leucade se reflétait dans la légende où Méléagre, le tueur du sanglier de Calydon, était selon certaines sources considéré comme le fils d'Arès.


Ici se clôt notre périple capricornien. Je laisse à chacun le temps de la réflexion, le temps d'une pause océane ainsi que nous en avons pris l'heureuse habitude. Les commentaires seront aussi momentanément fermés. Au retour, nous arpenterons enfin les terres encore indéfrichés de Verseau (le seul signe qui n'a pas encore sa catégorie). Merci à vous tous, lecteurs de plus en plus nombreux, qui me donnez désir et courage de continuer ce voyage en symbolisme.


15:00 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (2)

18 avril 2007

Denis Gaulois (17) : Déols, Cahors et le chaos

"Avant que de retourner à Bourges, le patriarche Ursin recommanda au père gaulois de penser souvent à la loi de Dieu ; il lui répondit qu'il ne l'oublieroit jamais.

Le même jour, au soir, Denis gaulois fut à l'oraison ; étant à genoux, les bras croisés, il mourut après l'oraison. Le religieux voulut lui parler, mais il fut surpris de voir son seigneur mort. Il en avertit Léocade qui vint avec sa famille et ses gens ; il le fit enterrer dans le même endroit. Il fut fort regretté de tous les habitants de ses cantons.

Léocade, Ludre et ses gens eurent bien de la peine à contenir les animaux du défunt : ils pleuroient leur maître et vouloient entrer dans la chapelle.

Léocade fut héritier de tous les biens de Denis Gaulois ; mais il ne garda pas longtemps les animaux, qui moururent bientôt après leur maître."

Le retour d'Ursin à Bourges coïncide donc avec la mort presque subite de Denis Gaulois : ces deux personnages patriarcaux sont comme des avatars de cette antique divinité  désigné aussi comme l'Homme Sauvage, celui qui vit au milieu des animaux. La douleur de ceux-ci au trépas de Denis, leurs pleurs et leur décès rapide après celui de leur maître, montrent encore une fois le lien viscéral, organique qui les reliaient. Ursin, l'ours (ursus) désigne une nouvelle fois la direction boréale.
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De ce tropisme, on peut voir une dernière illustration avec le tympan du Christ de Déols, dont quelques fragments sont conservés au Musée de Châteauroux. Selon Jean Favière (Berry Roman, Zodiaque, 1970, p. 201), il évoque "plus spécialement le Christ du tympan de Cahors." Or Cahors est situé au Nord géographique de Toulouse, l'autre grand centre zodiacal héritier des omphaloi égéens. Le tympan lui-même de cette cathédrale Saint-Etienne est celui du portail Nord.

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Le socle sur lequel repose le Christ de Déols est porté par deux animaux : le lion et le dragon. "Cette représentation des symboles de l'Antéchrist et du Diable suivant Honorius d'Autun, poursuit Jean Favière, fréquente dans la sculpture gothique, est unique dans l'iconographie des portails romans."

Est-ce là encore un écho à Cahors, que Doumayrou rattache au chaos primordial ? "Ce nom, ainsi que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos) et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité bien connue de cette gueule d'enfer qu'est le chaos." (Géographie sidérale, p.168)

Cette représentation répond en tout cas, sur le territoire berrichon, à la présence en bas de l'axe Cancer-Capricorne, des villages de Mortroux, Moutier-Malcard, Malval, Châtelus-Malvaleix, qui tous portent la marque d'un symbolisme "maléficié". Malval, la "vallée mauvaise", est ainsi l'exact opposé de la montagne céleste que figure  le pôle déolois.

11:45 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (2)

17 avril 2007

Denis Gaulois (16) : La biche et le sanglier

"Un jour Ludre dit à son père qu'il falloit se ressouvenir que le patriarche Ursin leur avoit dit de bâtir des temples ; Léocade ne différa pas. Il fit bâtir une église qu'il dédia à saint Etienne et fit dire des prières par un des moines de la chapelle de Sainte-Marie, auquel il donna de grosses sommes ; il donna, en outre, de l'argent à plusieurs habitants pour bâtir autour.
Après quoi, il pria le patriarche Ursin de venir prêcher dans son canton, ce qu'il fit, et plusieurs rentrèrent dans la loi de Dieu ; il les baptiza. Il allait souvent avec Léocade voir le père Gaulois."

La fondation par Léocade de l'église Saint-Etienne, à l'instigation de Ludre rappelant la promesse faite à Ursin, est à mettre en relation avec la présence en cet édifice du sarcophage de saint Ludre. Je l'ai déjà mentionné plusieurs fois : ce monument funéraire présente un décor qui n'a rien de chrétien avec ses thèmes directement inspirés de la mythologie grecque. Brigitte Rochet-Lucas (Rites et Traditions populaires en Bas-Berry, 1980, p. 162) y reconnaît, outre des scènes de chasse et de repas, Hercule et la biche du Mont Cérynie, Méléagre et le sanglier de Cérydon.
Or Jean Richer, mettant en relation, dans sa Géographie Sacrée du Monde Grec, les signes zodiacaux avec les travaux d'Héraklès, associe précisément le troisième travail - la capture de la biche de Cérynie - avec le signe du Capricorne (auquel, faut-il le rappeler,  appartient Déols dans le système neuvicien). La biche est en effet associée à la direction du nord : dans la légende, elle court jusqu'au pays des Hyperboréens pour échapper au héros. De plus, comme tout cervidé, elle est consacrée à Artémis, dont le pays des Hyperboréens est précisément la résidence principale.

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Héraclès et la capture de la biche de Cérynie,

amphore attique à figures noires, v. 530520 av. J.-C., musée du Louvre

(photo Jastrow) 


Ce qu'il est intéressant de relever dans l'article de Wikipédia consacré à la biche de Cérynie, c'est qu'une "version contradictoire et isolée d'Euripide raconte que la Biche, de taille gigantesque, vivait dans les bois d'Oenoé, en Argolide et ravageait les récoltes. Héraclès la tua et consacra les bois de l'animal dans le temple d'Artémis Oenoatis afin de se concilier avec la déesse."
Un animal vivant dans les bois et ravageant les récoltes : ceci rappelle furieusement les bêtes féroces de la légende de Denis Gaulois. L'auteur se serait-il inspiré de l'iconographie du sarcophage ? Un autre indice fort m'incite à le penser : la nature même d'Artémis, son mode de vie, la rapproche étrangement du "père Gaulois", vivant dans la familiarité de ses bêtes sauvages, licornes sans cornes, effrayantes montures :

"Coureuse des bois, sauvageonne insoumise et fière, Artémis appartient avant tout au monde sauvage. Seule parmi les dieux, à l'exception de Dionysos, elle est constamment entourée d'une troupe d'animaux sauvages, d'où son épiclèse Ἡγημόνη / de Hêgêmónê, « la Conductrice ». Elle est aussi à la tête d'une troupe de nymphes (20 nymphes du mont Amnios, selon Callimaque) et de jeunes mortelles, qu'elle mène à travers les forêts. L'Iliade en parle comme de « l'agreste Artémis (...), la dame des fauves » (XXI, 470).

Surnommée la « Bruyante » (Κελαδεινή / Keladeinế), elle mène sa meute et les pousse de la voix. Artémis possède en effet le double visage de la compagne des animaux sauvages, et de la chasseresse. La biche symbolise bien son ambivalence : la bête est sa compagne favorite, et de nombreuses représentations la montrent à son côté. Néanmoins, Artémis est aussi celle qui est réputée poursuivre de ses flèches cerfs et biches, même si peu de textes l'attestent."


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Méléagre et le sanglier de Calydon, probable copie

d'après Scopas (IVe siècle av. J.-C.), musée Pio-Clementino

(Photo Jastrow) 

Qu'en est-il maintenant de Méléagre et du sanglier de Calydon ?

Une nouvelle fois -la coïncidence est tout de même étonnante - il s'agit d'un animal monstrueux qui ravage des récoltes, en l'occurrence un sanglier envoyé par Artémis, encore elle, dans les vignes du royaume de Calydon  pour se venger du roi Oenée qui avait négligé de sacrifier en son honneur. C'est Méléagre , le fils d'Oenée, qui abat l'animal, suscitant la fureur d'Artémis.

Or, écrit encore Jean Richer, le "sanglier semble un véritable doublet de l'ourse et chaque fois qu'il apparaît sur des monnaies avec ou sans ailes, c'est avec une signification polaire (ou bien associé au solstice d'hiver). C'est ainsi qu'on trouve des protomés de sanglier sur les monnaies de Clazomènes, ville tournée vers le nord, de Ialysos, située au nord de l'île de Rhodes. (...)

L'équivalence ourse-sanglier repose peut-être sur un jeu de mots (...).  Dans d'autres langues indo-européennes, l'équivalence linguistique est plus apparente (latin : ursus-us). En anglais, le même mot (bear-boar) désigne les deux animaux.

Rappelons, d'autre part, qu'aussi bien dans la légende d'Adonis que dans celle de Méléagre, Artémis l'hyperboréenne, suscite un sanglier meurtrier. A Patras, on sacrifiait à Artémis des oursons et des sangliers, avec d'autres bêtes sauvages." (op.cit. p. 82-83)


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Le sanglier de Calydon (détail du sarcophage de saint Ludre)
 

Nous sommes donc en présence d'une thématique polaire extrêmement cohérente qui fait correspondre Déols avec la géographie sacrée du monde grec, ainsi que nous l'avions déjà entrevu avec le nom même de Léocade, associé à Leucade, origine du zodiaque, point vernal du systéme delphique.

Nous retrouvons un semblable lien entre Bélier et Capricorne, le point vernal et le solstice d'hiver, avec la cité d'Argenton, qui porte au coeur de son blason (en héraldique son abyme), les armes de la maison de Déols. Qui plus est, la direction du soleil levant au solstice d'hiver mené depuis cette ville désigne le village de Montchevrier (ancien Monte Capriri).

 

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 Argenton et ses directions solsticiales

 

 

12:05 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (1)

16 avril 2007

Denis Gaulois (15) : lui faisant caresses comme s'ils avoient su parler

Retour, comme annoncé, à la légende de Denis Gaulois (résumé des épisodes précédents : Denis revient de Bourges avec Léocade et sa suite ) :

"En approchant du canton de Déols, les autres animaux qui étoient restés au luant du seigneur Gaulois le sentirent arriver ; ils furent au devant de lui ; lui faisant caresses comme s'ils avoient su parler. Léocade et ses gens ne laissèrent pas d'avoir peur : mais le bonhomme leur ayant parlé, les fit tous connoître.
Léocade et sa femme étant donc arrivés au luant du seigneur Gaulois, demeurèrent quelque temps dans ce luant. Leurs gens étaient logés dans le canton de Dieux. Tous les jours Denis Gaulois menoit Léocade, Ludre et ses gens chasser les bêtes féroces et en tuèrent beaucoup. Avant que de partir, ils furent dans la chapelle entendre la prière que faisoient les moines ; ensuite ils montèrent sur chacun de ces animaux, à la faveur des quels ils en tuèrent beaucoup d'autres, surtout dans le canton de Roux."

On retrouve dans ce passage cette indétermination que j'ai déjà signalé sur l'identité des animaux compagnons de Denis Gaulois. Leur apparence doit être assez redoutable puisqu'ils effraient des chasseurs aussi aguerris que Léocade et sa troupe. Sensitifs et affectueux, ils entourent Denis de retour en son luant et comprennent ses paroles quand celui-ci les "fit tous connoître". Ils servent ensuite de montures pour la chasse aux bêtes féroces, elles aussi non désignées formellement. Ce flou dans les désignations renforce le sentiment d'étrangeté de cette histoire. Denis Gaulois apparaît encore plus qu'ailleurs comme un maître de la faune, un Homme Sauvage gouvernant les puissances animales. Cet aspect païen est contrebalancé par la référence à la prière, aux moines, à la chapelle, mais ceci est comme plaqué artificiellement sur l'intrique et ne contribue en rien au dénouement.

 

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El salvaje y el civilizado - Sculpture gothique présentant l'homme sauvage (homo sylvestris) au côté de l'homme civilisé à Valence.
Photo : Chosovi



Notons aussi le décalage dans les noms des cantons : Dieux renvoie certainement au Bourg-Dieu, autre nom ancien de Déols, et Roux à Châteauroux, mais pourquoi ces inventions lexicales, alors que les noms de Bourges et de Déols sont par ailleurs mentionnés ?

"Il arriva un jour que Ludre se trouva malade ; il pria Léocade de le changer de canton, parce que les chaleurs des bois le feroient mourir. Léocade n'ayant que ce fils, pria instamment le seigneur Gaulois de lui donner un autre canton : à quoi reprit le bonhomme : - Cherchez, vous êtes maître ; si vous n'avez pas de trésor, prenez dans mon luant ce qu'il vous faut  ; mais ne vous écartez pas de moi bien loin.
Alors Léocade fit bâtir un châtel entre  Dieux et Déols, sur une petite montagne, où il n'y avait qu'une prairie à passer entre son châtel et celui du seigneur Gaulois."

L'on voit à travers ce passage que Denis reste maître sur ces terres : Ludre malade prie son père qui en appelle lui-même à Denis. On retrouve également  le thème de la chaleur dans les bois, celle-là même qui en faisait sortir les bêtes féroces et ravager les cantons. Curieuse chaleur en vérité, puisqu'à rebours de l'expérience ordinaire de tout un chacun, où l'on va chercher la fraîcheur dans ces mêmes bois.
La description de l'emplacement du châtel de Léocade fait penser au château Raoul, édifié sur le coteau de la rive gauche de l'Indre, séparé de Déols par la seule prairie Saint-Gildas.

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