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20 mars 2008

Buxus Sempercentrum

Au centre du carré sacré, Bouesse et Buxières d'Aillac portent la marque du buis. Sans parler des lieux-dits, deux autres communes indroises partagent une semblable étymologie. La Buxerette, tout d'abord, Labussière au XIIIème siècle, près de la forêt de Montpeget : ce petit village n'est pas sur un axe de notre figure mais en revanche il se place sur le méridien de Neuvy Saint-Sépulchre. Cependant Neuvy, pas très éloigné, notons-le,  du centre Buxièrois, ne semble pas à l'époque celtique ou préceltique, avoir l'importance qu'il aura par la suite.


Plus intéressant pour nous est le village de Buxeuil, au nord. Il est en effet fort proche du centre de la roue de saint Phalier. Le Rouet, le lieu-dit le plus proche du centre exact de la roue, est situé à la limite de cette commune avec celle de Poulaines. Le nom même est celtique : Buxeuil signifie la clairière de buis (gaulois ialo, "clairière"). On y a retrouvé de l'outillage néolithique et des monnaies gauloises.

Sur la même commune, quasiment  sur le parallèle du Rouet, on repère  aussi une fontaine Saint-Martin, assortie d'une chapelle. On assure que la dévotion est fort ancienne. Elle serait également  fort récente... puisque Jean-Mary Couderc assure qu'en 1974 encore, on y  a trouvé un talon du tiercé au pied de la statue de Saint-Martin...

Buxeuil près du centre de la roue de saint Phalier



05 février 2008

De saint Genou à Diou

L'espace vide entre le carré de Saint-Genou (appelons-le ainsi provisoirement) et le cercle de Saint-Phalier correspond, disais-je,  à l'espace du torque dans la statue dite du dieu d'Orsennes. Sitôt après avoir terminé l'écriture du billet, une autre relation géométrique m'a alors sauté aux yeux. J'ai déjà mentionné l'axe Saint-Genou passant par Sougé (même origine, faut-il aussi le rappeler, que Souvigny) et désignant l'oppidum de Levroux. Or, toujours en partant de Saint-Genou, il suffit de faire basculer cette ligne de quelques degrés pour rejoindre cette fois la cité de Levroux. Et si on la prolonge, on constate qu'elle atteint Saint-Phalier en tangentant le cercle dédié à ce saint priapique, puis qu'elle traverse très exactement Ménétréols-sous-Vatan, centre de la couronne de Ménétréols, avant de rejoindre le petit village de Diou, sur les rives de la Théols. Si on continue au-delà, on arrive à Saint-Doulchard, l'antique Ampeliacum, juste au-dessus de Bourges.

Notant également que cet axe croise quasi perpendiculairement l'axe Saint-Aoustrille - Saint-Outrille, je reste frappé par la rigueur de la construction.

Un mot, maintenant,  sur Diou, nouveau venu dans ces investigations : le village apparaît comme Dio en 1177, parochia de Dyo en 1298, enfin sous la forme actuelle au XIIIe siècle. S. Gendron y voit un probable nom divin, "du gaulois devo "dieu" (comp. Devo-ialo "lieu divin"> Deuil, Seine-et-Oise), qui entre en composition dans Jovard (*Divo-duros) et Diors. Un homonyme dans l'Allier : Diou, malheureusement sans mention. Sur la commune de Diou (Indre), on a retrouvé, en 1986, un fanum entouré d'une grande enceinte en fossé (...). Le site est à proximité du gué de Chaprenan, sur la Théols (...)." (Les Noms de lieux de l'Indre, p. 5)
Ceci confirme la valeur sacrée de l'alignement, valeur sacrée que l'on accorde par ailleurs au torque (c'est bien parce que le personnage porte un tel bijou que l'on peut penser qu'il représente une divinité).

10 novembre 2007

Phalier : essai de synthèse

Phalier, ce saint méconnu, nous a conduits à une divinité celtique (Taranis/Sucellus)  et à une divinité gréco-latine  (Priape), selon que l'on rattache Phalier aux phalères ou au phallos. Des indices existent pour chaque hypothèse, et il est bien difficile de trancher. Mais faut-il trancher justement ? N'y aurait-il pas coexistence des deux acceptions ? Je suis tenté de penser que se place à  l'origine la divinité celtique : Taranis et sa roue céleste auraient été imprimés dans le paysage de la civitas bituricum. Cela m'a d'ailleurs amené à modifier l'idée que je me faisais de la géographie sacrée biturige ; avant Phalier, je n'avais repéré que des constellations symboliques articulées autour de rivières comme l'Arnon et la Bouzanne et je pensais donc qu'une structuration géométrique telle que celle du zodiaque de Neuvy n'était pas envisagée par les Celtes qui vivaient là. Il semblerait donc que ce ne soit pas le cas : la  triangulation des lieux-Phalier, en résonance avec l'étonnante géométrie décelée par les mathématiciens dans l'examen des phalères celtiques, laisse à penser que nos ancêtres gaulois ont borné et organisé  leur territoire de façon rigoureuse, selon des figures géométriques aux dimensions  précises.

A ce propos, j'avais déjà mis en évidence la similarité de deux roues découvertes indépendamment l'une de l'autre : celle de Nesmes, près du Blanc (que l'on peut rattacher au nemeton, sanctuaire central gaulois) et celle de Ménétréols dans la région qui nous occupe actuellement. Or, je me suis aussi aperçu que le diamètre de ces deux roues était égal, à quelque centaines de mètres près, au rayon de la roue de Saint-Phalier (quinze kilomètres environ). C'est donc un ensemble d'une grande cohérence qui se dessine peu à peu devant nous.


Sur ce système symbolique celtique, les Romains ont greffé ensuite leur propre mythologie, sans toucher à l'essentiel. Ainsi Priape se serait-il plus ou moins substitué à Sucellus, sans doute par le truchement d'une divinité comme Sylvain qui présente des caractères communs aux deux divinités en question. Enfin, l'église, devant la force de cette tradition, est contrainte de susciter l'existence d'un saint, en l'occurrence Phalier,  empruntant aux cultes païens à l'honneur depuis des siècles et fortement enracinés dans la pratique populaire.

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Les roues, le triangle d'Outrille et l'axe Saint-Genou-Saint-Ambroix

(carte du calendrier des Postes)

 





26 octobre 2007

Phalier, Priape et les vergers

Flava Ceres, tibi sit nostro de rure corona spicea,
quae templi pendeat ante fores;
pomosisque ruber custos ponatur in hortis,
terreat ut saeva falce Priapus aves;

Tibulle (Elégie I)


(Traduction : Blonde Cérès, que te soit donnée une couronne d'épis venant de notre domaine, pour qu'elle soit suspendue devant les portes de ton temple, et que l'on installe un Priape, rouge gardien, dans nos vergers pleins de fruits, pour que de sa faux cruelle il effraie les oiseaux.)



Etrange destinée mythologique que celle de Priape : le fils de Dyonisos et d'Aphrodite (certaines traditions disent même de Zeus), originaire de Lampsaque en Aise Mineure,  dieu de la fécondité et de la fertilité à qui l'on dédie chants et poésies, finit dans les vergers romains sous forme de statues grossières en bois de figuier vermillonné, autrement dit en épouvantail.

Mais c'est cette association latine entre vergers et Priape qui me retient d'exclure complètement l'hypothèse phallique du nom de saint Phalier. En effet, si l'on veut bien revenir quelque peu en arrière, examinons à nouveau la légende de Saint-Outrille, près de Graçay, où se trouve le premier Saint-Phallier que j'ai mentionné :
"Un jour, on aperçut le diable dans le village. Aussitôt, les braves villageois se mirent en devoir de lui donner la chasse. Le diable se réfugia sur le clocher. Une vaillante commère entreprit de l'en déloger et commença l'escalade. Le diable, sentant son refuge menacé, sauta dans le verger avoisinant. Mais sa queue se prit dans la flèche et la tordit de telle façon que, de nos jours, elle demeure vrillée ...."

Bien sûr, on peut juger que c'est somme toute assez banal, la présence d'un verger au pied d'une église. Poursuivons donc avec le Saint-Phalier levrousain : ceux qui se sont penchés sur la carte IGN du site, que j'ai déjà insérée deux fois, y auront peut-être aperçu sur la route qui mène à Levroux le lieu-dit nommé précisément Le Verger.



Trouverons-nous un troisième verger sur la troisième pointe du triangle, à savoir à Chabris, terre d'élection du saint ermite ?  Je n'en ai point décelé, il est vrai, mais il existe, me semble-t-il, d'autres indices. Encore une fois, c'est l'excellente recension de Jean-Louis Desplaces (Florilège de l'eau en Berry, vol. 3) qui va nous servir de guide. La dernière procession à la fontaine Saint-Phalier, proche de l'oratoire du même nom ( dont j'ai noté qu'elle balisait l'alignement avec le Saint-Phalier de Graçay), a eu lieu en 1973 où elle ne recueillit qu'une centaine de personnes. Cruel contraste avec la même procession avant-guerre, décrite par l'écho paroissial de Chabris en septembre  1934. La narration est enthousiaste :
 
" (...) C'est un pèlerinage champêtre par la traversée des champs et des vignes, la montée d'un chemin abrupt, mais mystique aussi, par une sorte de poésie médiévale qui se dégage des ombres de la crypte, des eaux de la fontaine, des invocations naïves au " guérisseur des douleurs et des enfants en langueur" (...) Aux messes du matin, les dévotions privées et la visite indispensable à la crypte. Un escalier de pierre usé par les pas de quarante générations, conduit au sanctuaire souterrain où trône sur l'autel une statue antique de saint Phalier, curieusement couverte d'un camail de chanoine et d'une étole. (...) Tous les prêtres sont descendus en même temps pour leur visite d'hommage, ils s'agenouillent, prient et passent sous le tombeau de saint Phalier. Ce tombeau est tailladé par les couteaux des pèlerins qui emportaient autrefois de la poussière précieuse ainsi recueillie.
A dix heures et demie, "les  chiens de Saint-Phalier" cloches au timbre argentin, aboient à la population qui, à ce signal, se presse vers l'église et la remplissent. La longue nef ogivale est décorée à chaque arceau d'oriflamme au chiffre du saint Patron. la tribune porte en pendentifs d'immenses grappes de roses d'un merveilleux effet. Le sanctuaire est tapissé de verdure et de roses aux vives couleurs. Deux bosquets de palmiers et de plantes vertes encadrent l'autel dont les degrés sont chargés de bégonias éclatants et superbes, ensemble qui retient les regards
."

C'est cette profusion de verdure et de roses qui m'intrigue et me fait penser aux vers virgiliens :
Vere rosa, autumno pomis, aestate frequentor 
spicis : una mihi est horrida pestis hiemps.

Traduits ainsi par Maurice Rat :
Au printemps je suis couvert de roses, en automne  de fruits , en été d'épis ; seul l'hiver m'est un horrible fléau.

"La rose, explique-t-on icisymbole de l'amour et du désir, est la fleur de Vénus, de Bacchus et de Priape, auquel on offre aussi, à l'occasion, d'autres fleurs : violettes, pavots, etc."
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Mosaïque d'El Jem (Tunisie)

Pascal Quignard : "A Rome, on ne peut distinguer  lusus et religio, sarcasme et sacrifice, Dieu raillé ou Dieu puissant. Fascinus ou Priapus fut honoré de stèles durant tout l'Empire. Priapus est "le premier des dieux", le dieu Prin, le dieu Priopoien (le dieu qui crée-avant la création elle-même). Priapus fut sans la moindre hésitation le dieu le plus représenté de l'Empire. Sarcasme vient du grec sarx, qui est le mot qu'employait Epicure, pour dire le corps (sôma) de l'homme et le lieu unique du bonheur possible. Le sarkasmos, c'est la peau prélevée sur le corps de l'ennemi qu'on a tué. En cousant ces peaux "sarcastiques", le soldat formait un manteau de victoire. Le plus souvent Athéna arbore la tête de Gorgone sur son bouclier, mais il arrive que la déesse porte sur son épaule la dépouille (le sarkasmos) de Méduse. Le latin carni-vore traduit mot à mot le grec sarko-phage." (Le sexe et l'effroi, Gallimard, pp. 104-105)

Difficile de ne pas songer au sarcophage vide de saint Phalier, au profond de la crypte, en calcaire monolithe reposant sur deux piliers, auge de pierre dont on grattait donc "sarcastiquement" la surface pour recueillir la poussière guérisseuse.

 







23 octobre 2007

La motte de Saint-Phalier

Avant d'en revenir au Phalier phallique, une dernière précision sur laroue de Saint-Phalier. Nous avons vu que cette figure était donnée par les trois pointes d'un triangle rectangle portant toutes la marque toponymique de saint Phalier, ermite limousin. Or, sur la circonférence de cette roue, un autre site porte le nom de Saint-Phalier : il ne s'agit point d'un hameau, ni même d'une simple maison et il n'apparaît pas sur la carte IGN.

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Je n'en aurais rien su sans l'ouvrage collectif Histoire et archéologie du pays de Levroux, publié avec le concours, entre autres, du CNRS en 2003. On y apprend donc qu'à "la croisée des chemins de Levroux à Vatan et à Saint-Phalier, à 1,2 km de Levroux et 2 de Saint-Phalier, se dresse une butte artificielle en terre de 22 m de diamètre et 4,5 m de hauteur, couverte par un bosquet. Le donjon de Saint-Phalier est mentionné en 1243 par le cartulaire de Levroux. Il est situé sur la limite de la franchise de Levroux définie en 1259, pour laquelle il constituait un point remarquable dont la stabilité était assurée. Le haut de la motte offrait pour le guet un site exceptionnel d'où l'on pouvait voir très loin dans toutes les directions. Monsieur Bougault-Fauchais y a pratiqué des fouilles et, selon un témoignage oral que nous avons recueilli dans les années 1970, il  y aurait trouvé une tombe à char de l'âge du Fer ; il ne reste ni mobilier ni trace écrite  de cette hypothétique découverte."

Il faut noter que dans ces tombes à char, on rencontre souvent des pièces de harnachement de chevaux, dont ces fameuses phalères dont j'ai parlé naguère.

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00:50 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : phalier, roue, motte