16 juin 2005
Sautoir et tibias croisés
Les symboles isiaques seront présents dans les rituels de la franc-maçonnerie et l'origine même des loges sera souvent cherchée dans l'Egypte primordiale. On retrouve cela, par exemple, dans un opuscule théâtral de Nicolas de Bonneville (1793), fixant les modalités de la cérémonie d'admission aux « Francs-Cosmopolites », intitulé la Fête du Vaisseau des anciens Francs. Le rideau se lève sur le tableau suivant :
« L'Isis ou l'Hiérophante est assise sur un vaisseau, à ses pieds le Sphinx. De chaque côté les images des Evangélistes avec leurs attributs dont la réunion représente les quatre parties qui composent l'image du Sphinx. » (La Quête d'Isis, p.53)
Ceci nous rappelle la croix de saint André - qui est aussi représentée chez les Francs-Maçons par des tibias croisés, encadrant souvent un crâne humain - et que l'on retrouve aussi en zone Taureau du zodiaque toulousain avec le blason du pays de Comminges : un écu de gueules à quatre otelles d'argent posées en sautoir, dont G.R. Doumayrou donne la lecture suivante :
« Elles (les otelles) peuvent représenter quatre feuilles ou lamelles d'argent consolidant l'écu de bois peint en rouge, mais évoquer aussi deux traversées diagonales (en sautoir), qui ouvrent la substance brute à la vibration stimulatrice du verbe. Elles sont en forme d'amande, autrement dit de semence, délient la substance en la divisant, et la relient à son nouveau destin : le sautoir était une croix de corde permettant au cavalier de sauter en selle, - de rompre son équilibre statique (ce que fait aussi la graine soumise en terre à la putréfaction), pour entreprendre sa chevauchée (germination de la semence libérée). Les otelles, de la sorte interprétées, signent un potentiel d'activité qui reste à évertuer. » (Géographie Sidérale, pp. 69-70)
Avant de quitter Taureau, il nous reste à interroger, en quelque sorte littéralement, ces métaphores botaniques, en mettant en correspondance les hauts-lieux du secteur avec la flore astrologique dévolue au signe, telle qu'elle apparaît dans les quelques textes antiques qui nous sont parvenus. Notre Plantaire aura nom Catalogus Codicum Astrologicorum Graecorum...
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15 juin 2005
Io et Isis
« Tout avait commencé par certains rêves étranges, lorsque Io était prêtresse de l'Héraïon près d'Argos, le plus ancien des sanctuaires, le lieu qui donnait la mesure du temps : pendant longtemps, les Grecs ont compté les années en se référant à la succession des prêtresses dans l'Héraïon. Les rêves sussurraient l'amour ardent que Zeus ressentait pour elle et lui conseillaient d'aller vers les prairies de Lerne, où paissaient les boeufs et les moutons de son père. Désormais, les rêves la voulaient ainsi : non plus prêtresse consacrée à la déesse, mais bête consacrée au dieu (...). C'est ce qu'elle devint. » (Roberto Calasso, Les Noces de Cadmos et Harmonie, p. 16)
Cette Io, fille du roi grec Inachos, était identifiée selon une tradition classique à Isis, comme en témoigne la note suivante de Jean Miélot, secrétaire de Philippe le Bon, lors d' un commentaire de l'Epitre d'Othéa de Christine de Pisan :
Yo, fut autrement appellee Ysis, dont Paris ou Parisisus est ditte, de para, c'est a dire empres, et de Ysis, ainsi : Paris est une cite situee empres Ysis, c'est a dire empres Saint Germain des prez ou son idole fu jadiz aouree et encore y perd aujourdhuy. ( Baltrusaitis, La Quête d'Isis, p.59)
Calasso décline les diverses variantes de l'enlèvement d'Europe, dont celle-ci :
« Comment tout cela avait-il commencé ? Si l'on veut de l'histoire, c'est une histoire de discorde. Et la discorde naît de l'enlèvement d'une jeune fille, ou du sacrifice d'une jeune fille. L'un ne cesse de se transformer en l'autre. Ce furent les « loups marchands » débarqués de Phénicie qui enlevèrent à Argos la tauropárthenos, la « vierge dédiée au taureau », appelée Io. Comme un message transmis de montagne en montagne, cela alluma le feu de la haine entre les deux continents. Depuis lors, Europe et Asie se battent, et à chaque coup de l'une suit un coup de l'autre. Ainsi les Crétois, « sangliers de l'Ida », enlevèrent à Asie la jeune fille Europe. Ils revinrent dans leur patrie sur un bateau en forme de taureau et ils offrirent Europe en épouse à leur roi Astérios. Ce même nom céleste aurait été aussi un des noms d'un petit-fils d'Europe : ce jeune homme à tête de taureau qui vivait au centre du labyrinthe, dans l'attente de ses victimes. Mais, plus souvent, on l'appela le Minotaure. » (Les Noces de Cadmos et Harmonie, p. 17)
Plusieurs illustrations anciennes représentent l'enlèvement d'Europe par Zeus sur un bateau décoré d'une image de taureau. Baltrusaitis signale ainsi une miniature en tête d'un chapitre de Boccace (1313-1373) figurant la « tres ancienne ysis deesse et royne des egyptiens » dans un bateau semblable à celui du blason parisien. Dans une autre miniature, le navire arbore un pavillon avec une vache.
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13 juin 2005
K, Cadmos et Calasso
Entrer chez un bouquiniste, c'est, plus que dans une librairie, s'abandonner aux caprices du hasard. Sur ces étals hétéroclites la surprise peut advenir plus facilement. Les sédiments de centaines d'années d'éditions s'offrent à nos regards et sous nos doigts furtifs peut soudain se révéler le volume inespéré échappé du long sommeil d'un grenier. Cette pièce rare (et je n'entends pas par-là quelque merveille bibliophilique : ce peut être un simple livre de poche) n'attendait que vous pour revenir à la vie et vous apporter en retour quelques-unes des réponses que vous quémandiez sans succès. Les livres en attente de lecture ont beau s 'accumuler sur mes étagères, je ne peux résister au bout de deux ou trois semaines à la tentation de passer la porte d'un de ces antres de littérature brocanteuse.
Rue du Père Adam, s'est ouvert depuis peu la bouquinerie joliment nommée par son propriétaire Le bleu fouillis des mots (détournant le bleu fouillis des étoiles claires, de l'Art Poétique verlainien). Le 28 mai dernier, j'y achetai Les noces de Cadmos et Harmonie, de l'écrivain italien Roberto Calasso. Publié en 1991 chez Gallimard, je me souvenais vaguement que le livre traitait de mythologie. J'avais eu à l'époque une velléité d'achat, et puis j'avais laissé tomber. Pour un prix très modique, je m'en portais enfin acquéreur.
Un livre pour plus tard, un de plus. Il rejoignit la cohorte des bouquins en attente. Pourtant, quelques jours plus tard, dans le Monde des Livres ( édition du 3 juin ) que je n'avais plus consulté depuis des mois, je lus en première page une critique de K., le nouveau livre de Roberto Calasso. Patrick Kéchichian parle d'une « lecture attentive et inspirée du Procès et du Château », où l'auteur « cherche moins à s'inscrire dans la lignée des exégètes du grand écrivain praguois qu'à dévoiler la « matière obscure » dont son oeuvre est née. »
Cet article, par l' intérêt qu'il suscita en moi, me força d'une certaine manière à revenir sur le livre que j'avais acheté. Je le ressortis du rang et entrepris d'en lire quelques lignes. Je devais en savoir un peu plus sur ce Calasso. Tant qu'à faire, commençons par le début.
Le début, c'est ça :
« Sur la plage de Sidon, un taureau s'essayait à imiter un roucoulement amoureux. C'était Zeus. Il fut secoué d'un frisson, comme sous la piqûre des taons ; et cette fois, ce fut un doux frisson. Eros plaçait sur sa croupe la jeune fille Europe. »
Le frisson, c'est moi qu'il parcourait à ce moment précis : ce Zeus taurin, j'en avais fait état dans mon manuscrit, dans le chapitre que je révise ce temps-ci. Par-delà la coïncidence, Roberto Calasso renouvelait mon regard sur le mythe.
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11 juin 2005
Saint-Germain-Beaupré
La croisade était bien sûr le modèle de l'engagement du chevalier. La maison de Foucauld, qui se réclamait d'alliances avec les Lusignan -ce qui ne saurait nous surprendre-, vit un de ses représentants accompagner Saint-Louis dans son expédition vers les Lieux Saints.
Plan du château de Saint-Germain-Beaupré (Archives Départementales de la Creuse)
Le propre château des Foucauld, Saint-Germain-Beaupré, toujours en secteur Taureau, mérite quelque attention. L'actuel édifice est élevé sur l'emplacement de l'ancien château féodal daté de 1182, lui-même probablement édifié sur les ruines d'une motte castrale. Ce nom de Saint-Germain-Beaupré ne peut manquer d'évoquer l'abbaye royale de Saint-Germain des Prés. Un rapprochement qui n'est peut-être pas fortuit : l'abbaye était le lieu d'un temple d'Isis. C'est du moins ce que rapporte le premier historien de Paris, Gilles Corrozet, en 1550 :
« Touchant l'imposition du nom, aucuns dient que la ou est S. Germain des prez y avoit un temple dédié à la superstition de l'idole ou déesse Isis, qu'on racompte avoir esté féme du Grand Osiris ou Jupiter le Juste, la statue de laquelle a esté veue de nostre temps, et en ay souvenance... Ce lieu esté appelé le temple d'Isis et pour ce que la cité en estoit prochaine, elle fut nommée Parisis (quasi juxta Isis), pres du temple d'Isis. » (Jurgis Baltrusaitis, La Quête d'Isis, p. 58).
Quoi qu'il en soit de la véracité de l'information et de la fantaisiste étymologie de Paris, il reste qu'on peut vérifier que Saint-Germain des Prés est bien dans la direction du degré zéro de Taureau, par rapport au centre de l'Ile de la Cité, coeur de la vieille Lutèce.
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09 juin 2005
La croix de saint André
Cette croisée diagonale des chapelles et des châteaux n'est autre que la croix renversée, la croix en X dite croix de Saint-André, dont le nom vient du grec Andreios, homme. Selon Guy-René Doumayrou, cette croix est un « Rappel de l' « animal à figure d'homme aux quatre visages » d'Ezéchiel, elle évoque d'abord l'homme écartelé sur la roue, supplicié de l'injustice aveugle aux échafauds de la société, mais aussi, plus près des principes, l'être microcosmique divisé et réduit à ses quatre éléments, ou quatre membres, pour être reconstruit sur un niveau supérieur d'existence, comme l'image du sautoir déjà le suggérait. C'est ce qui vaut à l'apôtre André (traduisez du grec : le messager-homme) d'être le saint patron de tout vrai chevalier destiné, comme le martyr, à chercher sa liberté dans le sacrifice de sa propre intégrité. » (G.S., p. 80) La croix de Crozant signe en définitive l'union du temporel et du spirituel, la mission du seigneur s'engageant à être le héraut et le défenseur de l'Eglise, et qui met son épée et son courage au service de la Foi.
Le chevalier est l'égal du martyr, écrit Doumayrou, et cela n'est pas anodin : les saints évoqués jusque-là sont tous des martyrs. Un vitrail de la cathédrale de Chartres consacré à saint Pantaléon le montre d'abord attaché à une croix de saint André, torturé par deux bourreaux qui le brûlent avec des torches, puis subissant le supplice de la roue.
L'un des plus importants ordres de chevalerie de la chrétienté patronné par saint André fut l'ordre de la Toison d'Or, fondé le 10 janvier 1430, à Bruges, par le Duc de Bourgogne Philippe le Bon, à l'occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal.
Les membres de l'ordre portaient un collier auquel appendait la dépouille du bélier fabuleux : « Peu après, par scrupule ou par prudence, note Philippe Audoin, on tentera de substituer au héros païen le biblique Gédéon qui, ayant étendu à terre une toison de mouton, y recueillit au matin la rosée céleste. Il s'agissait toujours de requérir un don surnaturel. Nous avons déjà noté que pour les Alchimistes, c'est entre le Bélier et Taureau, que le Spiritus mundi, la rosée céleste, doit intervenir dans l'opération à laquelle elle adjoint ce mystérieux catalyseur : la vie. » (Bourges, cité première, Julliard, 1972, p. 63).
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