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30 mai 2005

Les porteurs de torches

Rappel de l'hypothèse : Alpinien et Austriclinien, saints compagnons de Martial, auraient pris la place des parèdres de Mithra, Cautès et Cautopatès.

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Alpinien dérive évidemment d'Alpes, nom d'origine celtique qui désigne la montagne. Je lis aussi (sur un site traitant des Pyrénées... ) que Servius, à l'occasion d'un vers de l'Enéide, IV, 442, dit que Alpes signifie en gaulois, montagnes élevées.

Austriclinien est clairement à rapprocher d'Auster « vent du sud » et « région méridionale », australe. Il est intéressant de lire la notice que lui consacre le Dictionnaire Historique de la Langue Française (Robert, 1995) : « A la différence d'autres termes désignant les vents, celui-ci n'est pas grec ; on l'a rapproché de l'ancien haut allemand ostar « de l'Est » (Ost) mais la confusion des points cardinaux est très improbable. Toutefois les philologues anglo-saxons maintiennent cette hypothèse qui conduit à apparenter le nom de l'est (→ est), celui du vent et celui du lever du jour (→aurore). Si cela était, il y aurait aussi parenté avec les noms propres Autriche et Ostrogoth, formés sur le nom de l'est.(...) »

La relation Alpinien-Austriclinien est donc à envisager sous deux aspects possibles :

Si Austriclinien provient d'Auster, vent du sud, Alpinien lui fait écho en incarnant le Nord : en effet, la montagne sacrée, centre du monde, coïncide avec l'axe du monde. « Son sommet se trouve sous la Polaire, véritable clef de voûte de ce système imaginaire merveilleusement homogène. » (Monde des Symboles, p. 169). Cette dualité rejoindrait plutôt le thème de l'ascension et de la descente des âmes.

Si Austriclinien s'apparente à l'est, à l'aurore, il rejoint parfaitement le symbolisme du soleil levant qui s'attache à l'un des deux dadophores. Et j'ai déjà signalé dans un article passé que l'orientation des mithraea était conçue en sorte que le soleil levant de l'équinoxe de printemps illuminait l'image cultuelle de la divinité. Ce n'est sans doute pas sans raison que la légende fait mourir Austriclinien en Toscane, et que Martial le ressuscite à l'aide du bâton que saint Pierre lui a confié. Le lever de l'astre est à interpréter en effet comme une véritable résurrection quotidienne. Alpinien, dans ce cas de figure, incarnerait le soleil couchant. Rien cependant ne semble nous autoriser à relier son nom à l'ouest. Son marquage septentrional suffit-il à le relier à l'obscurité ? Est-il fortuit, par ailleurs, que ce soit dans certains cantons des Alpes que la religion mithraïque se perpétue jusqu'à cinquième siècle ? "Sallying forth from the flourishing cities of the valley of the Rhone, the foreign cult crept even into the depths of the mountains of Dauphiny, Savoy, and Bugey. Labâtie near Gap, Lucey not far from Belley, and Vieu-en-Val Romey have preserved for us inscriptions, temples, and statues dedicated by the faithful." Franz Cumont (The Mysteries of Mithra, 1903)

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Que l'on développe donc l'une ou l'autre des significations d'Austriclinien, on débouche soit sur une dualité manifeste avec Alpinien, soit sur un rappel très net de l'orientation essentielle des mithraea.

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Un épisode de la vie de saint Martial me frappe aussi particulièrement, c'est celui de la destruction des idoles à Bordeaux.

Il se trouve que dans cette ville on a exhumé en 1986 le plus grand mithraeum découvert en France (180 m2). Malheureusement, il semble qu'on l'ait détruit peu après, si l'on en croit l'archéologue Jean-Pierre Bost dans un article du Point de mai 2004 :
« Il y a quelques années, un temple de Mithra (divinité antique) du iie ou iiie siècle, bien conservé et découvert cours Victor-Hugo, a été détruit parce que le conservateur du patrimoine et la ville sont tombés d'accord sur cette décision. De même, un sanctuaire exhumé près de l'ancien cinéma Le Rio et montrant comment une ville antique très romanisée avait su conserver des traditions gauloises, a été rasé. »

Etrange persévérance dans la destruction des idoles...

A lire également :
L'Evangile de Matthieu dans sa confrontation au culte de Mithra

23:50 Publié dans Taureau | Lien permanent | Commentaires (0)

28 mai 2005

Martial et Mithra, même combat

« Bull and cave themes are found in Christian shrines dedicated to the archangel Michael, who, after the officialization of Christianity, became the patron "Saint" of soldiers. Many of those shrines were converted Mithraea, for instance the sacred cavern at Monte Gargano in Apulia, refounded in 493. It is hard to avoid the conclusion that the Mithras cult was transferred to the previously unvenerated archangel.
Bull and crypt are linked in the Christian saint Saturnin (frequently "Sernin" or "Saturninus") of Toulouse, France. The Mithraeum is retained as a crypt under his earliest church, evocatively named "Notre-Dame du Taur
."


Je n'ai donc rien inventé : mon hypothèse reliant Saint Sernin de Toulouse au culte de Mithra, je l'ai retrouvée exprimée ce soir même dans l'article du Wikipedia anglo-saxon sur le Mithraïsme, beaucoup plus complet que son homologue français.

A la légère déception d'avoir été précédé dans l'émission de l'idée, a succédé heureusement le plaisir de se voir d'une certaine manière confirmé. Je me sens d'autant plus tenté maintenant de compléter mon interprétation mithraïque du personnage de saint Martial. J'ai déjà écrit que par son nom – Martial - il me semblait correspondre au troisième grade de l'initiation (miles), celui du soldat. Il faut rappeler aussi que ce sont essentiellement les légionnaires romains qui ont propagé cette religion orientale. Robert Turcan, par exemple, a montré le lien étroit entre le culte de Mithra et le réseau de colonies et de voies militaires de la vallée du Rhône (le christianisme suivra d'ailleurs le même axe de pénétration).

Je verrai volontiers dans le souci récurrent de la crypte et du souterrain chez les moines bâtisseurs de Saint Martial de Limoges la marque de la filiation avec l'héritage mithraïque, le souvenir du mithraeum édifié sous la terre ou dans le rocher. Bien entendu, il ne faut pas supposer une démarche consciente chez les religieux de l'époque romane, le symbolisme originel était sans aucun doute perdu, remplacé par un autre puisant en réalité aux mêmes sources essentielles : « (...)l'architecture des temples et maisons n'a de sens qu'en tant qu'elle est une reproduction symbolique des structures cosmiques, tant statiques que dynamiques. La cave des demeures, ou simplement leur sol, la crypte des églises, les salles enténébrées des soubassements des temples, communiquent avec les Grandes Eaux de l'Abîme, et aussi avec la Grande Terre Mère. » (Gérard de Champeaux, dom Sébastien Sterckx, Introduction au Monde des Symboles, Zodiaque, p. 58)

Les mêmes auteurs, spécialistes du monde et de l'art roman, retrouvent d'ailleurs quelques lignes plus loin la thématique ouverte avec le signe du Taureau : « La plupart des peuples soulignent cet aspect de Mystère Vivant que prennent à leurs yeux les régions inférieures, en faisant d'un animal mythique le support de la terre : simple expression symbolique d'une intuition très profonde. (...) Chez les peuples du Caucase, en partie en Egypte, et là où l'Islam a étendu son influence, on retrouve le taureau comme support de la terre : le taureau est universellement reconnu comme un symbole en rapport avec la chaîne eau-terre-fécondité-femme. »

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La résurrection d'Austriclinien


M'intriguent aussi les deux compagnons de Martial, saint Alpinien et saint Austriclinien. Comme Martial, ils sont clairement désignés par Grégoire de Tours comme prêtres orientaux. Ces deux noms si proches phonétiquement me font furieusement penser aux noms des deux dadophores (porteurs de torches) qui se dressaient de part et d'autre soit de l'accès au couloir central du mithraeum, soit de Mithra lui-même. L'un tenait sa torche levée (Cautès), l'autre sa torche abaissée (Cautopatès). De même, Alpinien et Austriclinien, ayant survécu à Martial, sont ensuite enterrés à ses côtés dans la crypte Saint Martial.

« Suivant les régions et les climats du monde romain, souligne Robert Turcan (E.U, 12, 365), Cautès s'identifie avec la période verdoyante, Cautopatès avec la période stérile de l'année, ou inversement. D'autres symbolismes concernant la descente des âmes dans le monde terrestre et leur remontée au ciel peuvent s'être greffés sur cette imagerie, comme le suggèrent les recherches (très contestées) de Leroy A. Campbell) »

Interrogeons donc maintenant les étymologies d'Alpinien et d'Austriclinien. (A suivre)

01:55 Publié dans Taureau | Lien permanent | Commentaires (0)

27 mai 2005

Taureau

« Je note, ce soir, dans La vie de Jésus de François Mauriac ce passage où il parle de la Résurrection :
« Nous imaginions plutôt un soir de printemps pareil à tous les autres soirs de printemps, cette odeur de terre chaude et mouillée, cette lassitude charnelle, ce vide que je ressentais enfant, après la mort du premier taureau, quand l'arène se vidait, comme si mon propre sang s'était appauvri de tout ce sang répandu. » »
( Jacques Chauviré, Journal d'un médecin de campagne, 26 août 1950)

Quand, armé d'une règle et d'un rapporteur, je plaquai pour la première fois la ronde galette d'un zodiaque sur une carte de la région, la présence dans le secteur du Taureau, signe de Terre par excellence, de la ville de La Souterraine fut une de ces fortes coïncidences qui me poussèrent plus avant dans cette aventure herméneutique d'un nouveau genre.

De fait, la cité marchoise doit officiellement son nom à une villa gallo-romaine nommée Sosterranea à cause de son sanctuaire souterrain, lequel devint la crypte de l'église actuelle érigée au 12ème siècle par les moines de l'abbaye Saint-Martial de Limoges. C'est Gérald de Crozant qui leur avait fait don du terrain en 1017.
Placée sous le vocable de l'Assomption de la Vierge, l'église fut une étape importante sur la route de Saint-Jacques de Compostelle comme en témoigne encore la pierre blanche placée à l'angle sud-ouest : repère indubitable pour le pèlerin d'alors.

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Saint Martial


La question, encore une fois, est très simple : pourquoi les moines de Saint-Martial ont-ils tenu à bâtir sur une nécropole souterraine ? Ne serait-ce parce que leur saint patron, Martial, avait lui aussi une sépulture similaire ? La crypte Saint Martial est en effet le haut lieu de Limoges, qui renferme depuis le IVème siècle les tombeaux du saint et de ses deux compagnons, Alpinien et Austriclinien.

00:40 Publié dans Taureau | Lien permanent | Commentaires (0)

25 mai 2005

L'ombre et la lumière

Tilly, non loin de Lignac, pratiquement sur l'alignement Nesmes-Château-Guillaume, était le siège d'une abbaye de l'ordre de Cîteaux, fondée en 1146 et nommée La Colombe.

Un aspect essentiel du monde des symboles se révèle ici, le principe de bipolarité qui veut que chaque symbole, comme l'explique Jean Chevalier dans son introduction au Dictionnaire des Symboles, « de quelque dominante qu'il relève, possède un double aspect, diurne et nocturne. Le monstre, par exemple, est un symbole nocturne en ce qu'il avale et dévore ; il devient diurne, en ce qu'il transforme et recrache un être nouveau ; gardien des temples et des jardins sacrés, il est à la fois obstacle et valeur, nocturne et diurne. (XXV) »

La Colombe, découverte en Bélier à l'issue d'une assez longue traque, est, ne l'oublions pas, oiseau de Vénus, qui n'est autre que la planète maîtresse de Balance, le signe opposé. Avec Balance, à l'équinoxe d'automne, la nuit reprend le pas sur le jour.

Cette dualité est concrètement évoquée à travers un axe Bélier-Balance s'originant à Tilly et son Eglise Notre-Dame. Jalonné par le hameau du Colombier, l'église Saint-Pierre de Chaillac, le château de la Prune-au-Pot, l'église Saint-Saturnin de Ceaulmont, il rase après Neuvy un autre lieu-dit Le Colombier avant d'atteindre celui du Chassin, et les villages de Saint Chartier et Verneuil-sur-Igneraie (église Saint-Hilaire). Jeu de miroir avec cette simple chapelle du Haut-Verneuil qui constitua notre premier témoin d'importance. Le Chassin, lui, possédait un château-fort, aujourd'hui disparu. Son nom, en tout cas, est tiré de celui du chêne en gaulois, cassanos. Or, c'est sur le chêne que se tiennent les colombes de l'Enéide, c'est sur le chêne qu'est cueilli le gui, c'est-à-dire le rameau d'or. Jean Beaujeu note à propos de ces textes de l'Enéide « que la mythologie du gui, très pauvre en Italie, était riche dans les pays celtiques et germaniques ; le gui passait pour avoir une puissance magique : il permet d'ouvrir le monde souterrain, éloigne les démons, confère l'immortalité et, détail propre aux Latins, est inattaquable au feu. Tout se passe comme si Virgile avait adopté un thème de son pays natal (la plaine du Pô avait été occupée pendant plusieurs siècles par les Celtes), en lui donnant un caractère latin par la consécration à Proserpine. » (Dictionnaire des Symboles, art. Rameau d'or, p.801).

Comme Enée, nous allons désormais pouvoir poursuivre notre périple en entrant, en ce qui nous concerne, dans le signe du Taureau, signe de Terre, et précisément, selon les termes de l'astrologie traditionnelle, domicile nocturne de Vénus.

En définitive, nous ne faisons ici que vérifier une forte intuition de Guy-René Doumayrou qui, enquêtant sur les régions mentionnées dans la légende de Mélusine, s'étonnait que les domaines de la fée, Marche et Poitou, soient désertes en images d'ombre : « Peut-être, mais il faudrait pouvoir s'appuyer sur des témoins plus stables que des statuettes de bois ou même de pierre, une géographie de l'ombre et de la lumière, relative au culte de la Dame, existe-t-elle, reprenant une giration parallèle à celle de la roue toulousaine » (G.S., pages 265-266).

Quelle terre pouvait mieux constituer le moyeu d'une telle roue sinon le Bas-Berry, ouvert à l'ouest sur le Poitou et au sud sur la Marche ?

01:05 Publié dans Bélier | Lien permanent | Commentaires (0)

23 mai 2005

Cartes du ciel

Elles n'infirment, ni ne confirment mon hypothèse sur la nature mithraïque du martyre de Saint Sernin, mais elles sont un témoignage supplémentaire de la richesse historique de la basilique toulousaine. Elles, ce sont les deux cartes du ciel situées dans la galerie inférieure nord. En vrai amoureux des cartes, je ne pouvais les passer sous silence. C'est ma recherche actuelle qui m'a fait découvrir inopinément leur existence à travers un article de Bernard Ducourau, conservateur du patrimoine, initialement paru dans le numéro 22 de la revue Monumental en septembre 1998.



A côté d'une première carte en grande partie illisible, une autre « conservée dans sa plus grande partie représente l'univers dans sa conception qui prévaut jusqu'à De Revolutionibus de Copernic en 1543. La terre est au centre d'un Univers composé de douze cercles concentriques. Les six premiers portent un astre, nommé en latin : Luna Lobus, la lune ; Luna Mercuris, Mercure ; Circulum Venusis, Vénus ; Casa Solis, le Soleil ; Sfera Martis, Mars ; Celium Jovis, Jupiter. Le septième cercle est la trajectoire de Saturne. L’astre, invisible sur la partie conservée du cercle, a été vraisemblablement situé à l'endroit d'une lacune, au droit du soleil. Le cercle suivant est constitué d'une multitude d'astres disposés à peu près tous les 10° : la « barrière des étoiles fixes », qui clôt l’univers stellaire. Quatre cercles suivent : le premier est le Premier mobile, qui donne à l'univers son mouvement rotatif. Les trois autres peuvent correspondre aux sphères célestes où siègent les neuf catégories d'anges (3). Sur le dernier, le douzième, Empyrée, limite de l'univers, trône Dieu, ici non représenté.
Trois continents sont nommés sur la Terre, sans tracé géographique
: Europa, Africa, et Asia. Un axe nord-sud partage la Terre. »

Ce qui est remarquable, c'est la position probable de Saturne : « Si la disposition approximative des astres tous les 60 ° avait été respectée, ajoute en note B. Ducourau, Saturne aurait été en bas à gauche de la carte. Or, à cet endroit, en bon état de lisibilité, il n'apparaît aucune trace de figuration. Deux hypothèses à ce manque : soit le peintre a oublié de porter Saturne, ce qui paraît peu probable, cet oubli pouvant avoir été corrigé par la suite ; soit la planète se situait là où aujourd'hui se trouve une importante lacune, au-dessus du soleil, en haut et au centre de la carte. Cette localisation à première vue illogique pourrait s'expliquer par la volonté de placer dans une position d'évidence l'astre d'où découle le nom du saint patron de l’édifice. »

00:25 Publié dans Omphalos | Lien permanent | Commentaires (0)