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15 avril 2005

Lusignan, Luzeret et les Wisigoths

La question est depuis longtemps de savoir si Mélusine tire son nom de Lusignan, le château qu'elle a fondé, ou bien si c'est celui-ci qui lui doit son nom ? Claude Lecouteux penche pour la première hypothèse, réhabilitant ainsi la thèse souvent raillée de Léo Desaivre, selon laquelle Mélusine serait la déformation de "mère des Lusignan" :

"Cette fée bienveillante qui a édifié la forteresse de Lusignan est donc, dans l'esprit des hommes de l'époque, aussi bien à l'origine de la réussite de la lignée que de son déclin. Au Moyen Age, on appelait ces fées "bonnes dames", et il n'est pas impossible, ni même invraisemblable de penser que le génie tutélaire du château fut nommé "bonne dame de Lusignan", puis par extension "mère Lusignan" comme il est fréquent dans nos campagnes. L'usure de la langue conduit alors à une contraction de cette appelation en "merlusignan", et, les liquides /r/ et /l/ ayant presque le même point d'articulation, nous aboutissons à la forme "mellusignan", avec gémination du /l/ puis à Mellusigne, forme attestée par les manuscrits." (Mélusine et le chevalier au cygne, p. 45)

medium_melusine.jpg


Mais la question n'en est que repoussée : pourquoi la fée a-t-elle été rattachée à cette famille, à ce lieu même de Lusignan ? La ville, qui se situe à la bifurcation des chemins Poitiers-Saintes (route de Saint-Jacques) et Poitiers-Niort-La Rochelle, se place donc dans le signe du Bélier du zodiaque neuvicien. Or, dans le secteur homologue du zodiaque toulousain, on rencontre Saint-Jean-de-Luz. Doumayrou : "port extrêmement actif au XIIe siècle : l'attribut de ce nom venu d'un mot basque (lohitzun) signifiant marais, a pris tout naturellement la forme romane (lutz) du nom de la lumière, que le tourbillon du Bélier doit extraire de la tourbe ; on sait déjà, si l'on se souvient de ce qui a été dit à propos du mot troubadour, que cette lumière est la trouvaille par excellence." Ajoutons que dans le prolongement de l'axe Toulouse-Saint-Jean-de-Luz, on découvrira Saint-Jacques de Compostelle.

La même forme se retrouve-t-elle à la racine du nom des Lusignan ? Ce serait cohérent avec la logique du signe et ferait en quelque sorte de Mélusine une mère-Lumière. A l'appui de cette hypothèse, on peut avancer la présence en Bélier, non loin d'Argenton, du village de Luzeret qui, au-delà de son nom (Albert Dauzat le dérive de l'ancien français lusier : porte-lumière), ne laisse pas d'être intéressant. Tout d'abord, remarquons qu'il est situé sur le méridien de Toulouse. Ensuite son église est la seule de la région à être consacrée à saint Vivien, mort en 460. Le site nominis en donne la biographie suivante :

"Originaire de Saintes, il devint administrateur de la région de Saintes par décision de l'empereur Honorius, puis renonçant à cette charge, il devint prêtre et évêque. Il connut l'invasion des Visigoths d'Espagne et accompagna les prisonniers jusqu'à Toulouse pour les soutenir dans leur épreuve. Il gagna l'estime du roi Théodoric et put obtenir de lui, quelque temps plus tard, la libération des prisonniers. Il est reconnu au martyrologe romain, mais n'est fêté que dans le diocèse de La Rochelle."

Il n'est pas sans intérêt de retrouver là encore les Wisigoths, que l'on a déjà vus à l'oeuvre avec saint Laurian. Toulouse et Tolède (où Jean Richer voit le centre zodiacal de la péninsule hispanique) ayant été leurs capitales successives, Doumayrou suggère qu'ils ont peut-être joué un rôle important de relais dans la chaîne traditionnelle.

(Petite pause océane pour le géographe sidéral. De retour ici dans quelques jours.)

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14 avril 2005

Mélusine, Aliénor et Epona

"Jusqu'au nombril, elle avait l'apparence d'une femme et elle peignait ses cheveux ; à partir du nombril, elle avait une énorme queue de serpent, grosse comme une caque à harengs."
Jean d'Arras

C'est le duc Jean de Berry, à qui vient d'être rendu en 1369 le comté de Poitiers, qui demande avec sa soeur Marie à Jean d'Arras, libraire et relieur, de rédiger l'histoire de la famille des Lusignan et de leur château, construit selon la légende par la fée Mélusine. Disposant de la vaste bibliothèque du duc où abondent chroniques, récits de voyages (parmi lesquels Le Livre des Merveilles de Marco Polo), compilations de légendes et autres livres d'astrologie, de magie et de divination, Jean rend sa copie en 1392 (on est loin de la frénésie éditoriale actuelle). Ce Roman de Mélusine est le parfait exemple de la fusion entre courtoisie, thèmes chevaleresques et mythes celtiques dont Régine Pernoud voyait l'origine à la cour d'Aliénor d'Aquitaine. C'est à celle-ci, "reine de France, puis d'Angleterre, et surtout reine des Troubadours, que Poitiers, assure Guy-René Doumayrou, doit d'avoir été foyer de poésie et centre de la vie courtoise et chevaleresque dans la seconde moitié du XIIe siècle."

Claude Lecouteux dans Mélusine et le Chevalier au Cygne (Payot, 1982) a ainsi clairement montré que la fée-sirène était la figure d'une déesse celtique. Une déesse-jument venant s'unir avec des humains et apporter la prospérité et dont la forme gauloise est Epona.



Il ne fait dans son ouvrage aucune relation avec le matériel archéologique découvert à Poitiers concernant Epona. Et pour cause puisque c'est seulement en 1983 qu'a été découvert une statuette de la déesse lors d'un sondage sur l'un des plus importants carrefours du centre urbain. Par ailleurs, la monnaie la plus courante chez les Pictons associe la main ouverte au cheval à tête humaine.

(A suivre)

01:50 Publié dans Bélier | Lien permanent | Commentaires (2)

13 avril 2005

Le laurier du Tempé

A l'origine de la fondation de la rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre, nous trouvons trois personnages. Tout d'abord, le seigneur du lieu : Boson de Cluis, ensuite le suzerain de celui-ci, Eudes de Déols dit l'Ancien, "qui paraît bien, selon Jean Favière (Berry Roman, Zodiaque, 1970), avoir inspiré la création de cette nouvelle église placée sous le vocable de Saint-Jacques le Majeur, patron des pélerins, et directement rattachée à l'église de Jérusalem." Vassal lui-même "très fidèle et très familier" du duc d'Aquitaine Guillaume le Grand ( par ailleurs comte de Poitiers et abbé de Saint-Hilaire), il avait accompagné celui-ci à Rome en 1024 ; "puis, en 1026, poursuit Jean Favière, il était reparti cette fois vers Jérusalem en compagnie de Guillaume Taillefer, comte d'Angoulême, et d'une nombreuse suite. Après avoir, au passage, rendu visite à saint Etienne, roi de Hongrie, il était arrivé dans la Ville sainte en mars 1027. Sa réputation était grande ; en 1024, Hildegarde, écolâtre de Poitiers, conseillait à son retour, à Fulbert de Chartres, de ne pas manquer, "s'il traverse le Berry, de converser amicalement avec Eudes de Déols, homme de grande sagesse." Sa piété soutenait de nombreux établissements religieux et en premier lieu, les abbayes de Déols et Saint-Gildas de Châteauroux." Enfin, le troisième homme, qui aurait construit l'église selon la Chronique d'Anjou, est un certain Geoffroy, que certains auraient proposé d'identifier avec Geoffroy le Meschin, un vicomte de Bourges – mais c'est là, toujours selon Jean Favière, hypothèse gratuite.


La question est simple : pourquoi avoir édifié ce "reliquaire monumental" précisément dans ce bourg, ce Novo Vicus, né certainement autour d'un gué sur la Bouzanne à la fin de l'époque gallo-romaine, sur la voie menant d'Argentomagus à Néris-les-Bains ? Rien de prestigieux ne s'attachant apparemment à ce site, il faut supposer que c'est sa position géographique singulière qui a présidé à son élection. Neuvy, en effet, était le point de rencontre de plusieurs alignements fondamentaux. Outre ceux décelés par Guy-René Doumayrou, nous avons vu que la cité se plaçait sur le parallèle de Poitiers, mais il convient aussi de prendre en compte un axe Nord-Sud tout aussi primordial, souligné par la légende elle-même.

J'avais omis de raconter la fin de l'histoire. En effet, après avoir occis le terrible Python, Apollon a dû pour se purifier de la souillure que le meurtre représentait, s'exiler en Thessalie, dans la vallée du Tempé. Or, où se place Tempé par rapport à Delphes ? Ni plus, ni moins qu'à son Nord géographique. La route que le dieu emprunte alors deviendra la Voie Sacrée, où chemineront les processions de la fête du Septerion, instituée en souvenir de son exploit et célébrée tous les huit ans.

Que trouvons-nous au Nord géographique de Neuvy ? Un seul village, a priori anodin, au beau milieu de la Champagne Berrichonne : il a nom Vatan. Or, c'est à Vatan qu'est venu mourir au Vème siècle saint Laurian, évêque de Séville. Les sbires du roi wisigoth Totila l'auraient rattrapé en ce lieu et lui auraient tranché la tête. Le saint, prenant ladite tête dans ses mains, les auraient alors poursuivis et convaincus de la rapporter en Espagne, où elle aurait été conservée dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque. Mortelle randonnée bien énigmatique : ce Laurian fait bien sûr penser au laurier, l'arbre sacré d'Apollon. Jean Richer signale que Pausanias dénombrait à Delphes cinq sanctuaires successifs, dont le premier, le naos primitif, était fait de branches de laurier rapportées précisément du Tempé. "Mais ne faut-il pas lire là, poursuit-il, une allusion au rôle joué par les fumées enivrantes d'une certaine variété de laurier dans le fonctionnement de l'oracle ?" (Delphes, Délos et Cumes, Julliard, 1970).
Lisons aussi la légende d'Apollon et de Daphné racontée par Ovide dans ses Métamorphoses : la nymphe est transformée en laurier par son père pour échapper aux ardeurs du dieu :
Phébus, cependant, brûle de la même passion, la main droite posée sur le tronc, il sent encore, sous la nouvelle écorce, battre le cœur ; entourant de ses bras les rameaux - qui étaient les membres de Daphné - il étouffe le bois de baisers ; mais les baisers du dieu, le bois les refuse. Alors le dieu lui dit : " Puisque tu ne peux être ma femme, tu seras, du moins, mon arbre " ; laurier, tu pareras toujours ma chevelure, ma cithare, mon carquois ; (...) Péan avait fini de parler ; alors le laurier inclina ses jeunes rameaux et on le vit agiter sa cime comme une tête.

Un autre détail de la légende de saint Laurian est significatif : averti par le Ciel de la mort de l'évêque, Eusèbe d'Arles vient à Vatan pour ensevelir le corps. Il le trouve gardé par deux ours. Comment ne pas voir là, dans la présence des deux plantigrades, une figuration des deux constellations boréales ?

Déols elle-même, la cité de Eudes, se situe dans le nord du système, dans le signe du Capricorne. Déols qui est l'anagramme à peine déguisée de Délos, l'autre grand sanctuaire appolinien, son lieu de naissance et autre centre zodiacal majeur selon Jean Richer.

Enfin, j'ajouterais que Neuvy avait pour elle de se situer sur le cours de la Bouzanne, dont j'aurais un jour ou l'autre l'occasion de montrer qu'elle est la rivière matricielle de la géographie sacrée des Bituriges, jouant le même rôle que la rivière Boyne (Boand) coulant dans la plaine de Meath, centre spirituel de l'Irlande celtique.

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12 avril 2005

Carte zodiacale

Avant d'approfondir le thème mélusinien et d'examiner en détail le peu que l'on sait sur la fondation de la rotonde de Neuvy, voici une carte du zodiaque (réalisée à la main en 1989).

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11 avril 2005

Le Zodiaque de Neuvy Saint-Sépulchre

Résumons : le python poitevin sorti du limon picton s'enroule autour d'un axe Est-Ouest qui a déjà ramassé sur son passage Ingrandes, Argenton-sur-Creuse et la petite chapelle de Verneuil.

Hypothèse : cet axe Est-Ouest est la ligne vernale, équinoxiale, d'un système symbolique basé sur la projection du ciel sur la terre et donc la partition d'un territoire en douze secteurs correspondant aux douze signes du zodiaque. Cet axe est la ligne 0° Bélier du système et s'origine à Neuvy Saint-Sépulchre, dans l'Indre.

Un bas-relief représentant une vouivre, autre figuration du serpent fabuleux, se dresse, solitaire, sur le parement extérieur de la rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre, édifiée entre 1034 et 1049 à l'imitation du Saint Sépulcre de Jérusalem.

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La singularité de ce monument n'avait pas échappé à Guy-René Doumayrou qui, dans sa Géographie Sidérale, avait noté qu'il était posé sur un cercle de onze colonnes : "Ce symbolisme unidécimal est d'autant plus surprenant qu'il s'appuie sur un nombre à peu près unanimement considéré comme néfaste dans la tradition occidentale. C'est le nombre des Apôtres après la trahison de Judas, le retour d'une singularité venant détruire la perfection du dénaire, bref le désordre." Ceci est juste,
mais nous savons maintenant ce que nous devons penser de l'avènement d'une telle figure : le désordre n'est qu'un moment de la crise rituelle, le passage obligé vers l' ordre nouveau.

Doumayrou ne se contentait pas de relever une bizarrerie symbolique, il plaçait Neuvy au sein d' une figure de vaste dimension dont l'origine se trouvait être le château de Montségur, le haut-lieu cathare.

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Sur l'axe de symétrie vertical, les centres des deux triangles sont marqués "non au point de rencontre géométrique des autres hauteurs, mais très exactement, de part et d'autre du segment Saintes-Feurs, au sommet de triangles construits sur la division par Onze, à Beaulieu-sur-Dordogne au sud, et à Neuvy saint-Sépulchre au Nord." Le même nombre onze se retrouve à Beaulieu où le grand porche méridional de l'abbatiale bénédictine, "assez semblable à celui de Moissac, s'orne au tympan d'une fourmillante scène du Jugement posée sur un double registre d'animaux fabuleux. Or, sur le registre inférieur, ces animaux évoluent en avant d'un décor composé de Onze rosaces tangentes, très nettement ciselées."

Ce n'était pas tout : Neuvy prenait place également, toujours selon Doumayrou, dans un autre triangle sidéral dépassant de loin le seul espace des pays d'Oc.

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"Le village de Syren, au solstice d'hiver de Luxembourg (c'est-à-dire du Château-Lumière), le seuil d'Outre Monde de Sein sur la bais des Trépassés, et le belvédère de Planès, s'inscrivent aux sommets d'un exact triangle équilatéral dont le côté Nord passe par le Mont-Saint-Michel. La bissectrice issue de Planès passe par Vaour, celle qui vient de Syren traverse Saintes (où Jehan d'Arras situe les derniers chantiers de Mélusine) et celle qui part de Sein s'appuie sur Neuvy Saint-Sépulchre, Lyon, se pose à Gargano, autre Mont Saint-Michel situé dans l'ergot de la botte italienne, et prototype de la montagne normande, pour enfin s'accrocher à Delphes." (c'est moi qui souligne)

Nous retrouvons donc le grand omphalos grec, où Apollon défit le Python mythique. Mais il y a une autre figure mythique, citée ici en passant par Doumayrou dans ce dernier extrait, qui doit nous interroger : Mélusine, la fée à la queue de serpent. Ne serait-elle pas un avatar de notre créature ophidienne ? Liée intimement au Poitou et à la famille des Lusignan, son inscription dans la géographie sacrée ne semble pas là encore relever du hasard.

00:10 Publié dans Omphalos | Lien permanent | Commentaires (4)