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06 juillet 2005

Bouzanne, rivière matricielle

Sur la méridienne de Neuvy Saint-Sépulchre, ligne de partage entre Gémeaux et Cancer, se trouve la source de la Bouzanne. Cette petite rivière - nous le verrons plus tard en détail lors de l'étude de Bourges et du signe du Scorpion – est un élément très important de la géographie sacrée du peuple biturige. Pour le dire vite, elle marquerait le culte de la souveraineté celtique et serait homologique au fleuve Boyne du comté de Meath (centre spirituel de l'Irlande), dont la divinité éponyme est Boand ou Boann. La géographie zodiacale a, semble-t-il, parfaitement intégré ce symbolisme et la Bouzanne apparaît comme une véritable rivière matricielle : prenant naissance en Cancer, signe des eaux-mères, elle arrose l'ombilic neuvicien avant de se jeter dans la Creuse au Pont-Chrétien, en secteur Poissons, dans le signe des eaux océanes.


Près de la source, s'élève la cité d'Aigurande, l'antique Equoranda, dont le nom signifie selon Dauzat « limite de l'eau ». Comme Ingrandes, elle indique par son suffixe randa, frontière, qu'elle est située à la limite de deux peuples celtes : Aigurande séparait les Lémovices des Bituriges. D'ailleurs, elle a gardé jusqu'à nos jours son caractère frontalier, délimitant ensuite Marche et Berry, et aujourd'hui Indre et Creuse.

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Puits à Aigurande

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05 juillet 2005

Jeanne et Jean

L'union des amants est, dans le principe, la même que celle des deux Creuse : « On a vu, dit Jacques Lacarrière, combien le langage anthropomorphique que nous continuons d'employer à propos de l'eau - « l'eau qui chante », « fondre en larmes » - révèle à notre insu les antiques associations entre l'eau et la vie. Aussi, en voyant deux fleuves « mêler leurs eaux » ou « entremêler leurs bras », les poètes antiques pensèrent-ils naturellement à un entrelacement amoureux. Aimer, pour un fleuve, cela consiste précisément à se jeter dans les « bras » d'un autre fleuve. Les confluents sont des lieux de conjonction amoureuse* et « les eaux mêlées » le symbole de l'union absolue. Le fleuve, en effet, possède le privilège de pouvoir s'unir si complètement à sa partenaire aquatique qu'il est ensuite impossible de distinguer les deux conjoints. » (En suivant les dieux, Philippe Lebaud, 1984, p. 100)

A l'intérieur de notre secteur Gémeaux, le dernier écho perceptible de cette symbolique émane du Mas Saint-Jean, sur une hauteur boisée près de Dun-le-Palestel, où une petite chapelle, « dont les origines remontent peut-être au XIe siècle, aurait reçu au XIVe siècle la visite de Jeanne d'Arc, accompagnée par Jean de Brosse. Aucun texte ne confirme, ni n'infirme cette légende. Pourquoi ne pas la croire, apprécier le charme du lieu, et contempler le superbe panorama où le Berry apparaît dans le lointain ? » (Gilles Rossignol, Guide de la Creuse, La Manufacture, 1985, p. 85) Sage décision. En fait, il ne s 'agit pas de prêter foi ou non à la légende, mais bien plutôt de déceler le sens qu'elle renferme, et qui est ici on ne peut plus clair : Jeanne et Jean rééditent en filigrane nos couples mythiques.


De plus, la situation élevée du lieu a permis l'érection d'un alignement significatif.

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Vers le sud-est, il se dirige sur Puyjean et le Puy de Gaudy, près de Guéret, qui culmine à 651 mètres, ancien oppidum gaulois aux murailles vitrifiées. Des restes de chapelle et une nécropole témoignent de sa fonction religieuse au Moyen Age. Son nom même (du latin gaudium, joie) l'assimile à une montjoie, c'est-à-dire un lieu souvent marqué d'un cairn, d'où les pèlerins ont le grand bonheur d' apercevoir le sanctuaire qui a motivé leur long voyage.

Vers le nord-ouest, l'axe passe à Dunet, Dun-le-Palestel (dunum, hauteur fortifiée), pour aboutir aux hameaux de Vaussujean et Lagouttejean. Difficile d'invoquer le hasard, d'autant plus que la carte IGN utilisée pour cette recherche (Dun-le-Palestel, 1/50000) ne mentionne aucun autre lieu « Jean » sur le territoire qu'elle recouvre.

La Saint-Jean d'été marque l'apogée de la lumière. Le soleil va maintenant se coucher chaque jour un peu plus vers le sud-ouest. La nuit relève la tête : elle ne domine pas encore en durée, mais elle croît chaque jour, insensiblement tout d'abord. Nous sommes parvenus sous le signe de Cancer.

*C'est moi qui souligne.

01:50 Publié dans Gémeaux | Lien permanent | Commentaires (0)

01 juillet 2005

La Tour du Boucher

En descendant le ruisseau de Lavaud - autrefois nommé l'Aire (Gémeaux n'est-il pas signe d'air ?) - qui suit de près la perpendiculaire Measnes-Aubepierre, on découvrira une étrange tour ruinée que j'appellerai, faute de mieux, la Tour du Boucher, d'après le nom de la ferme la plus proche. Elle se dissimule dans un bois de chênes et de châtaigniers, dernière trace d'un ancien château-fort, avec une cave voûtée qu'une seule ouverture sombre dans le tapis de feuilles mortes signale encore.

Un blason est gravé dans la pierre au fronton de la porte : un blason vivré, encadré par deux initiales. L'usure de la pierre n'empêche pas d'y reconnaître un P et un C.

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Sans doute sont-ce là les initiales de quelque ancien seigneur du lieu, il reste que la coïncidence avec les propres initiales des Dioscures est troublante. De toute façon, une explication n'efface pas forcément l'autre : on peut très bien avoir donné tel nom à telle personne en vertu de cette nécessité supérieure de contribution au plan d'harmonie.

Les deux vivres du blason n'évoquent-elles pas de leur côté le caducée du maître des Gémeaux, c'est-à-dire Mercure ? En héraldique, la vivre ou guivre n'est autre qu'un gros serpent tandis que le caducée, rappelons-le, est une baguette autour de laquelle s'enroulent deux serpents en sens inverse. « La légende du caducée, explique le Dictionnaire des Symboles (p.153), se rapporte au chaos primordial (deux serpents se battent) et à sa polarisation (séparation des serpents par Hermès), l'enroulement final autour de la baguette réalisant l'équilibre des tendances contraires autour de l'axe du monde, ce qui fait parfois dire que le caducée est un symbole de paix. Hermès est le messager des dieux et aussi le guide des êtres dans leurs changements d'état, ce qui correspond bien, remarque Guénon, aux deux sens ascendant et descendant des courants figurés par les deux serpents. »

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Encastrée dans le mur d'une grange appartenant à la ferme qui surplombe le site, une sculpture en pierre blanche bien érodée, provenant manifestement des ruines du château, nous apporte une ultime confirmation. Elle représente certainement un seigneur et sa femme. Ils se substituent ici aux Gémeaux, ainsi que dans certains zodiaques qui, au lieu des deux frères habituels, figurent un homme et une femme.

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(BNF, LAT 18014)
fol. 3
Petites Heures de Jean de Berry
France, Paris XIVe s.

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29 juin 2005

Léon et Gervais

En 1989, l'ouvrage qui me servait de référence ne mentionnait pas le titulaire de l'église de Measnes, et je n'avais pas eu la curiosité d' aller chercher ailleurs l'information. Je sais maintenant combien il est important de toujours connaître sous quel vocable est inscrit un bâtiment religieux : les attributions ne sont jamais le fait du hasard et comportent presque toujours un enseignement. J'ai donc récemment comblé cette lacune en ce qui concerne Measnes.

Nous ne serons pas étonnés d'apprendre que l'église se place sous une double dédicace. Elle est en effet sous le patronage de saint Gervais et de saint Léon. Cela est tout à fait cohérent avec la nature du signe des Gémeaux.

Mais il y a mieux : il suffit de creuser un peu l'histoire de ces deux saints pour avoir une claire confirmation de la prégnance de la thématique gémellaire.
Tout d'abord, ce n'est pas à saint Léon que saint Gervais est le plus souvent associé, mais à saint Protais. Un exemple en est l'église de Civaux, dans le proche Poitou.

Et si ces deux saints milanais sont associés, c'est tout simplement parce qu' ils sont frères jumeaux... Ils subissent le martyre sous Néron en 57, et leur corps est miraculeusement retrouvé trois cents ans plus tard par saint Ambroise. La Légende Dorée de Jacques de Voragine raconte la vision d'Ambroise :

« Longtemps leurs corps restèrent cachés, mais ils furent découverts au temps de saint Ambroise de la manière suivante: Saint Ambroise était en oraison dans l’église des saints Nabor et Félix ; il n'était ni tout à fait éveillé, ni entièrement endormi; lorsque lui apparurent deux jeunes gens de la plus grande beauté, couverts de vêtements blancs composés d'une tunique et d'un manteau, chaussés de petites bottines, et priant avec lui les mains étendues. »
Par la suite, Ambroise découvre les corps ainsi qu'un volume, près de leur tête, indiquant le récit de leur naissance et de leur mort.

La même Légende Dorée nous permet peut-être de comprendre pourquoi Léon a été choisi pour compagnon à Gervais : la référence à saint Pierre, présent à Lourdoueix Saint-Pierre et l'abbaye d'Aubepierre, est explicite :

« Quand le bienheureux Léon écrivit la lettre à Fabien, évêque de C.-P., contre Eutychès et Nestorius, il la posa sur le tombeau de saint Pierre et après avoir passé quelque temps dans le jeûne et la prière, il dit : « Les erreurs que je pourrais avoir commises comme homme dans cette épître, corrigez-les et amendez-les, vous à qui l’Eglise a été confiée. » Et quarante jours après, comme il était en prières, saint Pierre lui apparut et lui dit : « J'ai lu et amendé. »Saint Léon prit la lettre qu'il trouva corrigée et amendée de la main de l’apôtre. Une autre fois, saint Léon passa quarante jours en prières au tombeau de saint Pierre, et le conjura de lui obtenir le pardon de ses péchés: saint Pierre lui apparut et lui dit : « J'ai prié pour vous le Seigneur, et il a pardonné tous vos péchés. (...) ». Il mourut vers l’an du Seigneur 460. »


Un autre détail de l'histoire de Gervais et Protais est significatif : il est écrit qu'après avoir donné tous leurs biens aux pauvres, ils ont rejoint saint Nazaire à Embrun, où celui-ci construisait un oratoire avec un enfant nommé Celse. Nazaire et Celse forment un autre couple gémellaire inséparable. D'ailleurs la Légende Dorée affirme que c'est en arrivant dans la ville gauloise de Gemellus, où Nazaire opéra nombre de conversions, qu'une dame lui offrit son fils Celse, avec prière de le baptiser et de l'emmener avec lui. Quand ils sont condamnés tous les deux à Milan, comme Gervais et Protais, ils se jettent dans les bras l'un de l'autre à la lecture de la sentence de mort. Et saint Ambroise retrouvera leur corps, à la suite d'un songe, dans un jardin de la ville, tout comme il avait retrouvé les corps de Gervais et Protais.

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28 juin 2005

L'axe des Lourdoueix


Non loin de Fresselines, une autre configuration symbolique reproduit le thème gémellaire. Une fois n'est pas coutume, je n'en suis pas l'inventeur : elle a été discernée la première fois par M.Gérard Guet, qui a observé que l'église du petit village creusois de Measnes (que les gens du crû prononcent « mène »), se situait exactement au point médian de l'axe qui relie l' église de Lourdoueix Saint-Michel à l'église de Lourdoueix Saint-Pierre. Ces deux paroisses doivent leur nom et leur origine à deux simples oratoires. Ainsi l' « Oratorium Sancti Michaelis » est-il cité en 1154. Mais pourquoi saint Michel et saint Pierre ?

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L'explication en est que ce doublet reprend sous une formulation chrétienne la dualité de Castor et Pollux : l'archange figure l'immortel Pollux tandis que l'apôtre se substitue au mortel Castor. Leur réunion symbolise l'indispensable communion du céleste et du terrestre. De même que Pollux intervient auprès de Zeus pour plaider la cause de Castor et l'arracher des griffes de la mort, c'est un ange qui délivre Pierre des geôles du roi Hérode (Actes, 12, 6-18).
Rappelons encore la parole célèbre de Jésus :

« Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église, et la Puissance de la Mort n'aura pas de force contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux et tout ce que tu lieras sur cette terre sera lié aux cieux et tout ce que tu délieras sur cette terre sera délié aux cieux. » (Matthieu 16, 18-20)

La perpendiculaire à l'alignement des Lourdoueix menée depuis Measnes, autrement dit la mé(di)asne(s), conduit précisément à l'ancienne abbaye cistercienne d'Aubepierre (alba petra). Fondée en 1149, il n'en reste malheureusement plus que quelques vestiges, détruite qu'elle fût au 16ème par l'armée protestante du duc de Deux-Ponts.

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