03 mai 2005
Du feu de roue au Ris de Feu
N'est-ce pas en mai, que le feu de Roue tombe du ciel ?
Ce dernier commentaire de LKL nous ouvre une perspective alchimique passionnante. Cependant, par souci de clarté, nous n'aborderons véritablement aux terres de l'Art d'Hermès qu'avec l'étude du signe du Scorpion. Ceci dit, en attendant, voici une figuration tangible du feu de roue provenant précisément de ce secteur de la roue zodiacale.
Vitrail de la Cathédrale de Bourges - cliché Alain Mauranne
Aujourd'hui même, je suis retourné à la chapelle de Verneuil. Depuis avril 1996, date de ma première visite, c'est peu dire que rien n'a été restauré. La végétation étouffe lentement l'édifice, les ronces se faufilent aux fenêtres béantes et le portail cerné d'orties s'entrouvre sur un monceau de détritus. Paradoxe de ce vaisseau désolé à l'échouage sur l' axe même du triomphe de la Lumière. De cet abandon, je ne songe pourtant pas à m'indigner. Il y a même une sourde poésie qui émane de cette décrépitude. Et puis sur l'autel aux pieds verdâtres, sous une fleur en plastique, quelqu'un a laissé une carte postale. Elle représente la salamandre de François 1er. Je l'ai photographiée mais laissée à sa place, qu'elle puisse intriguer à nouveau un autre visiteur curieux...
"Dans le feu ardent vit souverainement la salamandre
Qui ne fait cas de tes flammes,Vulcain.
De même, ne repousse pas des flammes l'embrasement furieux
La Pierre, elle aussi née dans un feu tenace.
Mais, insensible, éteint l'incendie et sort libre car
Pleine d'ardeur, de semblable chaleur elle se réjouit aussi."
Michael Maier, Atalante fugitive (1618)
Le château de Ris de Feu, daté du XVème siècle, en circonférence de la Roue et en pointe de la forêt de la Luzeraize, témoigne-t-il lui aussi du feu de roue des Philosophes ?
23:55 Publié dans Bélier | Lien permanent | Commentaires (2)
L'être de l'étang
Selon le propre site de la cité, le village de Locronan est le seul en Europe à avoir conservé un nemeton, toujours inscrit dans le paysage :
"Le Nemeton de Locronan est un grand quadrilatère d'une douzaine de km. de périmètre, comportant douze points remarquables, représentant les douze mois de l'année celtique. La fonction sacrée du nemeton était la représentation sur terre du parcours des astres dans le ciel : il décrivait dans l'espace les douze mois de l'année en même temps que chacun de ces mois était consacré à une divinité du panthéon celtique.
C'est au travers de la Troménie chrétienne contemporaine que nous pénétrons au coeur de ce rituel ancien. En effet, les habitants de Locronan parcourent tous les six ans, à travers la lande, le chemin sacré jalonné de douze stations situées à l'endroit exact des douze mois de l'année celtique."
C'est hier soir, juste après avoir posté la note précédente, que je me suis rendu compte que le segment de l'alignement Luzeret-Béthines traversant la Roue (la corde AB en rouge sur la carte) constituait la base presque exacte du carré inscrit dans ce cercle. On retrouve donc bien ici aussi un quadrilatère, plus vaste que celui de Locronan. On remarquera que la diagonale issue de A pointe au-delà de la roue vers le cromlech de Seneveau , c'est-à-dire un cercle de pierres levées comme à Stonehenge. La même diagonale traverse aussi tout un chapelet d'étangs.
On sait d'après de nombreux textes antiques, confirmés par l'archéologie, que les Gaulois, comme d'autres peuples indo-européens, accordaient une importance toute particulière aux sources, aux lacs et aux étangs. Sénèque affirmait que c'était la sombre couleur, l'insondable profondeur de leurs eaux qui conféraient à certains étangs un caractère sacré . L'étang, comme la source, ouvrait un passage vers l'Autre Monde, le monde souterrain des dieux.
"Le lac sacré le plus célèbre", écrit Jean-Louis Brunaux (Les Gaulois, Sanctuaires et rites, Errance, 1986), est celui de Toulouse que maints auteurs antiques nous décrivent. Les Volques Tectosages, habitants de la région, y vouaient un culte au dieu Belenus qu'ils honoraient en plongeant de somptueuses offrandes d'or et d'argent dans ses eaux. Le consul L. Servilius Caepio ne résista pas à ces richesses accumulées lorsqu'il conquit la cité en 106 av. J.C. Il aurait dérobé aux Gaulois 110 000 livres d'argent et 100 000 livres d'or.."
Belenos, Toulouse, ces noms nous sont familiers. Et que dire de ces Volques qui auraient aussi selon une légende pillé l'or de Delphes sous la conduite de Brennus. Un trésor qui leur aurait porté malheur et qu'ils auraient abandonné, devinez où ? Dans les marécages des bords de la Garonne.
Est-ce à nouveau un hasard si la Roue de Nesmes est mis au jour un premier mai (j'assure ici n'avoir rien prémédité) ? Retour au site de Locronan :
"Le premier mai, début de la saison chaude dans le calendrier celtique, est la grande fête du feu, la fête de Belenos. A Locronan, le premier mai, est planté au milieu de la place un hêtre, arbre sacré des Gaulois, symbole du renouveau de la nature, qui sera immolé par le feu au solstice d'été à la fin juin. "
Vérifiez : le hameau le plus proche du centre de la Roue, placé sur l'axe équinoxial, se nomme la Bélivière.
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01 mai 2005
La roue de Taranis
Nesmes me me laisse pas en paix, la Forêt de la Luzeraize m'intrigue. Depuis quelques jours, je ne cesse de regarder cette carte, comme si elle était dépositaire d'un secret qui se dérobe à peine est-il entraperçu. J'ai maintenant une intuition que je me propose d'approfondir. On verra bien où cela nous conduira.
Considérons la forme de la forêt : un long croissant étroit traversé longitudinalement par une très longue allée. Si l'on prolonge en imagination la courbe de cette allée, on atteint Nesmes avant de replonger dans la sylve du Bois de Paillet. Nesmes, clairière entre deux massifs forestiers.
La tentation est grande de tracer le cercle esquissé par la Luzeraize. Je propose de prendre pour centre le point de croisement entre l'axe équinoxial (le parallèle de Neuvy Saint-Sépulchre) et la route Bélâbre-Ruffec (ce dernier village abritait un prieuré fondé au milieu du 9ème par Raymond, vicomte de Limoges et comte de Toulouse). Ce centre est très proche d'un étang nommé Etang de la Rouère, que je m'empresse bien sûr de lire comme l'étang de la Roue... D'autant plus que dans la direction de l'étang par rapport à ce centre se profile très précisément le lieu-dit La Rouère.
De nombreux étangs sont d'ailleurs présents sur la circonférence de la Roue, dont deux étangs de la Luzeraize et l'étang des Grands Fourdines, au nord de Ruffec. Certes, dira-t-on justement, nous sommes en Petite Brenne, où les étangs sont légion...
Et pourquoi une Roue en ce pays bélâbrais ? Rappelons qu'étymologiquement le Zodiaque est la roue de la vie. Mais poursuivons le thème celtique, puisque nous sommes entrés ici en s'interrogeant sur le sanctuaire, le nemeton : la roue apparait en effet comme une figure très fréquente dans l'iconographie celtique. On la découvre le plus souvent "dans les sculptures gallo-romaines en compagnie du Jupiter celtique, communément appelé dieu à la roue ou Taranis, ou encore du cavalier au géant anguipède"(Dictionnaire des Symboles, p.828).
Taranis (Musée de Copenhague). Détail du chaudron de Gundestrup
Or, Jupiter est, selon Michel Provost (Le Val de Loire dans l'Antiquité, CNRS Editions, 1993), le grand dieu des Carnutes :
"C'est autour de lui que se regroupent les divinités de Vienne-en-Val. C'est la seule civitas du Val de Loire où l'on rencontre des dédicaces à I.O.M [Iupiter Optimus Maximus], et où il est associé au culte impérial (à Orléans et à Vienne-en-Val). Le département du Loiret est également le seul où l'on ait trouvé tant des statuettes en bronze que des bagues représentant Jupiter, que le symbole de la roue et surtout un groupe au cavalier et à l'hippophore. Il semble donc que l'on puisse écrire que Jupiter occupe le principal rôle dans la panthéon carnute."
Tout se passe donc comme si les Bituriges avaient voulu en ce point très précis de leur territoire fonder un nemeton qui soit la réplique du grand nemeton carnute qui rassemblait chaque année les druides de toute la Gaule. Un autre indice est la présence au coeur de la roue de l'église de Jovard, près de Bélâbre, du 12ème comme la chapelle de Nesmes. Je ne suis pas le premier à lire ce nom de Jovard
comme une dérivation de Jovis (Jupiter en latin).
Un pélerinage à Notre-Dame de Jauvard est encore pratiqué, sur lequel je regrette de ne pas posséder de plus amples informations.
Notons enfin, et j'en terminerai là pour aujourd'hui, que l'alignement du centre de la Roue avec Nesmes conduit à Château-Guillaume au Sud et à Ruffec au Nord, rejouant donc à cette occasion l'affrontement Toulouse-Poitiers.
19:10 Publié dans Bélier | Lien permanent | Commentaires (1)
29 avril 2005
Nemeton
L'axe Béthines-Luzeret rasant Bélâbre traverse aussi la Forêt dite de la Luzeraize, au lieu-dit précisément de la Grande Luzeraize. "Il y a une stricte équivalence sémantique, nous avertit le Dictionnaire des Symboles (Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Robret Laffont/Jupiter, 1982), entre la forêt celtique et le sanctuaire, nemeton. L'arbre peut être considéré, en tant que symbole de vie, comme un lien, un intermédiaire entre la terre où il plonge ses racines, et la voûte du ciel qu'il rejoint ou touche de sa cime." Ainsi César, dans La Guerre des Gaules, rapporte que les druides se réunissaient chaque année dans la forêt des Carnutes, donc dans une clairière de celle-ci.
Le village de Nesmes, situé dans le prolongement de la Luzeraize, sur les rives de l'Allemette, en aval de Château-Guillaume, ne serait-il pas le souvenir d'un ancien nemeton ? Un opuscule me signale qu'on trouve sur cette ancienne commune rattachée à Bélâbre en 1822 une chapelle désaffectée du XIIe siècle. Un voyage sur les lieux s'imposera quelque jour.
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27 avril 2005
Le Faussaire et l'Araignée
"Chaque espèce avait sa façon de recommencer à vivre. Les pommiers débutaient modestement, chargés de papillottes roussies et sales, les noyers se nimbaient d'un nuage qui avait la pâleur de l'automne ; un grand peuplier brûlait dans sa verdure tendre et esquissait, à voix basse, les premières mesures de cette rumeur ruisselante qui l'habiterait tant de jours et tant de nuits. Partout l'âge et la vieillesse se masquaient et le bras décharné des chênes se cachait sous les grappes vertes."
"Le printemps qu'elle ignorait était comme une immense page neuve ouverte à son chevet et sa jeunesse universelle, sa fraîcheur, rendait pitoyable le visage légèrement rougi et gonflé, posé sur la chevelure. Les premières rides le marquaient et l'involontaire sourire des lèvres entrouvertes paraissait une ébauche de grimace sans signification, tourné vers un monde impénétrable."
Jean Blanzat (La Gartempe)
Fin de l'entracte ? Avec prudence, j'avais ajouté un point d'interrogation. Dans la nuit même, j'ai eu confirmation qu'il était justement pressenti. L'article mis en ligne, je répondis au commentaire de Philippe Henry qui me posait une question sur Tarkovski. Je me permets de reprendre ici ce que j'écrivis :
"Désolé, Philippe, je ne connais ni Charles Fort, ni le film Magnolia. Enfin, maintenant un peu, après recherche sur le web suite à votre commentaire. Plutôt que de vous répondre sur Tarkovski, je vous invite à voir Sacrifice ou Stalker ou n'importe quel autre de ses films : sa vision va bien au-delà d'une simple curiosité pour le paranormal. Les faits insolites ne sont que l'écume d'un phénomène autrement profond.
Bien à vous. "
Eglise de Saint-Savin-sur-Gartempe(photo. F.Thurion)
Enfin, malgré l'heure tardive, je décide de refaire une recherche sur Google au sujet de Jean Blanzat. La première, ciblant aussi La Gartempe, avait été tout à fait décevante – le web est parfois désespérément lacunaire ; celle-ci, sur Jean Blanzat uniquement, ne livra pas grand chose de plus. Aucun texte approfondi, que de courtes et sèches biographies, et puis, dans la troisième page de recherche, le site du Stalker apparaît. Je tombe sur un article du 10 avril 2004, intitulé Solaris de Stanislas Lem et le Dieu incompréhensible : Juan Asensio y présente un texte antérieur, une fine et stimulante analyse du célèbre roman de S.F. avec de nombreuses références au film qu'en a tiré Tarkovski. C'est le passage suivant qui cite Jean Blanzat :
"Je ne crois pas aux recommencements et les idiotes qui, d’un geste devant leur miroir, effacent pour un autre les rides et les plis de souffrance de leur visage repeint à neuf, seront tôt ou tard hantées par des souvenirs plus aigres qu’un renvoi de bile. Non. Il y a, il doit y avoir autre chose car enfin, si le texte écrit a découvert quelque parcelle de la vérité âprement recherchée, il doit bien être valable, mon Dieu, au-delà de quelques mois, voire années, sans devoir se ratatiner comme un trognon de pomme oublié de tous ou comme cette… cette quoi ? (amande, noisette ou je ne sais quoi d’autre, petit et infiniment desséché) qui n’en finit pas de se momifier dans l’étrange roman d’un auteur aujourd’hui bien oublié, Jean Blanzat, intitulé Le Faussaire. "
Oublié, ma vaine quête le confirme. Mais sa résurgence ces jours-ci ne cesse de nous intriguer. Recherchant cette page aujourd'hui pour la rédaction de cette note, c'est sur un autre article, daté du 7 février 2005, Diapsalmata ou interlude entre diverses lectures, que je retrouve mention du même Faussaire, en des termes presque identiques :
"Quelques modifications (et non point rétrogradations, chers Joseph et Thibault...), pour commencer, dans mes listes de liens. Quelques nouveaux liens aussi, il faut contribuer n'est-ce pas à l'extension du domaine de la Toile, qui finira bien par enserrer complètement un monde devenu transparent, desséché, comme cette araignée évidée qu'évoque quelque part Gadenne, reprenant d'ailleurs une image de saint Jérôme. Une araignée desséchée, suspendue à un coin de poutre, ou bien cette coquille de noix abandonnée sous un meuble dont parle Jean Blanzat dans un étrange roman, oublié de tous, Le Faussaire, voilà ce que je suis, certainement pas le loup solitaire qui de loin contemple les hommes et s'en retourne, trottinant de travers, au plus profond des bois silencieux."
L'araignée électronique dévide son fil d'Ariane et, parmi le dédale actuel des blogs, nous livre donc quelques pistes rêveuses.
00:05 Publié dans Le Facteur de coïncidences | Lien permanent | Commentaires (0)