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De sancto Ursino

"Ursinus, envoyé par les disciples des apôtres, fut le premier évêque de Bourges. En ces temps d’ignorance on l’ensevelit avec tout le monde dans le cimetière. Ce peuple ne comprenait pas encore qu’il faut vénérer les prêtres de Dieu. Sous l’épiscopat de Probianus (552-568), un nommé Augustus, qui avait fait partie de la maison de Désidératus, autre évêque de Bourges (545-550), et qui après avoir fondé un oratoire de Saint-Martin à Brives, avait été appelé à gouverner l’église de Saint-Symphorien de Bourges, eut, en même temps que saint Germanus évêque de Paris, une vision d’Ursinus qui leur indiqua lui-même où son cadavre était enseveli."

 

(Grégoire de Tours, Livre des Miracles, 7, LXXX)

 

 

Presque un mois de retard sur le calendrier. Ce n'est pas la première fois. Nous allons sortir de Scorpion au moment même où j'aborde enfin les terres de l'Arthropode, où le véritable aiguillon du secteur n'est autre que Bourges. Mais avant de plonger dans les profondeurs de son histoire, remarquons l'adéquation du festiaire liturgique avec le zodiaque neuvicien : la fête de tous les saints du diocèse de Bourges est en effet placée le 7 novembre, donc sous le signe du Scorpion. A cette date sont réunis dans une même commémoration tous les saints qui n'ont pu avoir au cours de l'année liturgique une fête spéciale, soit, indique Mgr Villepelet, « en raison de la pénurie de documents historiques les concernant, soit parce qu'ils n'appartiennent au Berry que d'une manière assez accidentelle. » (Les Saints Berrichons, op. cit. p. 168). La liste est longue : saint Genès, saint Firmin, saint Victorin, saint Satur, sainte Fauste, les saints Opion et Bezant, saint Gaultier, saint Odon, les saints Lié, Léonard, Séverin et Vulfin, et tous ceux « dont les noms, quoiqu'ils nous soient inconnus, sont inscrits dans le livre de vie. »

Le saint le plus prestigieux du diocèse, saint Ursin, a aussi sa fête dans le Scorpion. Elle est fixée au 9 novembre. Considéré comme l'apôtre du Berry, il aurait fait construire la première église de la ville de Bourges à la suite de la conversion de Léocade, premier sénateur des Gaules, sanctifié lui aussi et fêté le 23 novembre. Le fils de Léocade, Ludre, baptisé par saint Ursin lui-même, serait mort, selon la tradition, encore vêtu de la robe blanche des néophytes. Il est fêté le 16 novembre. Or, Doumayrou écrit dans son étude du système toulousain, après une description de Taureau : « Quant à son opposé, Scorpion, signe d'eau et de mort, plus précisément : de la transformation radicale (mort), ou fermentation réorganisatrice (eau), c'est-à-dire de l'épreuve initiatique fondamentale dont le résultat sera l'albification (attesté par la robe blanche des initiés), le pays en est l'Albigeois, pays de l'Aube d'une vie nouvelle. » (Géographie Sidérale, p. 62).

 

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Sarcophage de saint Ludre, en marbre de Paros
 

La crypte de l'église Saint-Etienne de Déols conserve le sarcophage gallo-romain du début du IVème siècle, qui a contenu les restes de saint Ludre. « Ce sarcophage, précise Mgr Villepelet, reproduit sur l'une de ses faces des scènes de chasse au sanglier, à l'ours, au lion, au cerf : motifs fréquents de décoration à cette époque, dont s'inspirera plus tard la porte romane de la Collégiale Saint-Ursin de Bourges. »

Déols et Bourges, les deux inspiratrices de la géographie zodiacale du Berry, montrent déjà à travers ces échos leur compagnonnage essentiel.


 

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21 novembre 2005 | Lien permanent

Saints Archanges

29 septembre, fête des Saints Archanges. L'occasion est trop belle de continuer l'enquête sur Saint-Michel-en-Brenne. Faute de temps, je reprends ici in extenso, sans en corriger une ligne, un passage de mon essai de 1989, relatif à la Brenne.

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« Près du château du Bouchet, s'étend le plus vaste des étangs brennous : l'étang de la Mer Rouge, ainsi baptisé, d'après la légende, par le seigneur du Bouchet, au retour d'une croisade en Terre Sainte. Il aurait aussi fait construire la petite chapelle blanche, sise entre les arbres et les eaux, en souvenir d'une apparition de la Vierge dans le creux d'un vieux chêne, alors qu'il recherchait un épervier perdu. Rien n'est gratuit dans cette fable : le vieux chêne est l'arbre cosmique, symbole de la fonction zénithale, polaire, principe moteur de toute vie. Aussi trouvons-nous, à la verticale de la chapelle, la cité de Bélâbre, qui doit son nom au Bel Arbre, peut-être l'arbre de Bel, Bélénos, l'Apollon gaulois, dont les traits seront repris par l'archange Michel, qui signe la paroisse de Saint-Michel-en-Brenne, située au nord du même méridien. Celui-ci survole l'étang de la Gabrière, que la seule chaussée d'une route sépare de son jumeau, l'étang du Gabriau. Font-ils référence à cet autre archange, Gabriel ? Figurent-ils les deux ailes de cet épervier perdu, de cet autre ange, lui déchu, Lucifer, « porte-lumière » ? Mais l'épervier est aussi une sorte de filet pour attraper le poisson, ce qui fait écho au signe tout en servant d'image concrète de la géographie sacrée emprisonnant dans les mailles de sa logique villes, église, châteaux, rivières et sites naturels. L'épervier est enfin ce jeu d'enfant qui consiste en une chaîne toujours grandissante de ses successives captures, illustrant par-là même la contamination initiatique, la sève spirituelle se disséminant dans les canaux du chêne cosmique. Cette cabale phonétique s'enracine en Navarre, à l'horizon de Toulouse : le blason de cette province est de gueules aux chaînes d'or mérellées, chargées en coeur d'une émeraude au naturel. L'émeraude fut, dans le conte, détachée du front de Lucifer, puis taillée dans la forme du Graal pour y recueillir le sang du Christ. A l'horizon de Belâbre est ce village déjà repéré de Luzeret -dérivé de l'ancien français lusier, "porte-lumière" précisément. Par ailleurs, assure Doumayrou, « le sang du supplice est, d'un point de vue païen, la pierre vomie par Saturne, roi déchu, c'est-à-dire le Bétyle. L'origine delphique de ce monument étant perdu, on en ignore la forme première, mais sur les représentations antiques il est toujours semblable à un oeuf prisonnier d'un filet, ou des spires d'un long serpent enroulé. C'est la semence lapidaire enchaînée par la Mérelle (la toile ou les étoilements du filet) où serpente Mélusine, dans un embrassement qui l'emportera de la chute à la régénération.(Géographie sidérale, p. 160-161) » Ce Bétyle ne serait-il pas inscrit, à peine voilé, dans le nom de Béthines -village du proche Poitou, domaine de Mélusine- placée exactement sur l'horizon de Bélâbre ? D'autant plus que l'axe Béthines-chapelle de Notre-Dame de la Mer Rouge aboutit à Sainte-Gemme tout en rasant la ville haute du Blanc, ville sacrée à l'époque gallo-romaine, où se trouvait, selon Jacques Pineau, un « Orgeon », association religieuse s'adonnant au culte de Cybèle, celle qui causa la chute du vieux Saturne."

 

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29 septembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (1)

Le prince de Saint-Chartier

Au fil de notre périple zodiacal, il est apparu de plus en plus clairement que l'édification de la géographie sacrée se confondait avec l'histoire de la sainteté chrétienne. Le IVème siècle de notre ère me semble constituer le point de départ de cette entreprise spirituelle. A cette époque, les évêques de Bourges sont déjà à la tête d'une immense province ecclésiastique qui incluait les évêchés de Clermont, Rodez, Albi, Cahors, Limoges, Javols (Mende), Le Puy et Toulouse. La cité elle-même était quatre fois plus vaste que Paris et le commerce y était florissant : marchands grecs, syriens et juifs y exercaient leur négoce. Il importe donc maintenant de se pencher plus avant sur les énigmes que Bourges nous présente et, en premier lieu, de revenir sur cet axe véritablement fondateur Cluis-Neuvy-Bourges, qui est apparu au terme de l'examen de la géographie sacrée biturige.

 

 

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Ruines de Cluis-Dessous (photo Etienne Bailly)

 

Partons de Cluis, dont la direction solsticiale d'été au soleil levant n'est pas indifférente. Elle vise Saint-Chartier, au nord de La Châtre, village qui doit son nom au prêtre Chartier qui servait cette paroisse sous l'épiscopat de Sulpice Sévère, à la fin du VIème siècle. Avant de prendre le nom du saint, le village se nommait Lucaniacus,  qui fait directement référence à la lumière (grec, leukos), qui atteint au solstice son apogée. « La naissance de ce nouveau jour, explique G.R. Doumayrou, est traduite seon la tradition par l'apparition d'un nouveau roi, jeune roi ou Dauphin. » (G.S. p. 72). Or les historiens avouent ne pas savoir pour quelle raison les seigneurs de Gargilesse se dessaisissent au Xème siècle du château de Cluis-Dessous (au pied duquel passe la ligne solsticiale), au profit d'Alard Guillebaud, seigneur de Châteaumeillant appelé aussi, mais nous comprenons ici pourquoi, le prince de Saint-Chartier (princeps castelli Sancti Karterii).

 

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Châteaumeillant lui-même vaut qu'on s'y arrête : on sait qu'il s'agit là du Mediolanum de la Table de Peutinger . Son église Saint-Genès est reconnue, à l'instar de la collégiale de Neuvy, comme un des plus remarquables sanctuaires romans du Berry. Or, il est possible de déceler des rapports précis entre les deux édifices ainsi qu'avec l'église Saint-Paxent de Cluis.

Il faut tout d'abord relever une identité de dédicaces : Cluis est sous le haut patronage de saint Paxent (martyr parisien du premier siècle), mais aussi de saint Etienne, premier martyr, comme la collégiale de Neuvy et la cathédrale de Bourges. Et Saint-Genès de Châteaumeillant fut dédiée elle aussi, primitivement, à saint Etienne, le vocable actuel ne datant que du XVIIème siècle.

Ensuite, il se trouve que les dimensions des trois édifices en question se recoupent bien souvent. Jugez-en : la largeur moyenne dans oeuvre de la nef de Saint-Genès est de 5 m 50, ainsi que la largeur moyenne du carré du transept ; à Neuvy, la hauteur à la clef des arcades du rond-point est aussi de 5 m 50, mesure qui est, à Cluis, la largeur du transept. La hauteur à la clef des grandes arcades de Saint-Genès est de 8 m 20, tandis que le diamètre du rond-point de Neuvy est de 8 m 30. La longueur du transept de Cluis est de 18 m, qui est exactement la mesure du diamètre de la rotonde.

On objectera à juste titre qu'il est toujours possible, avec un peu d'obstination, d'isoler des mensurations semblables entre deux monuments par ailleurs sans rapport. Cependant, dans le cas qui nous occupe, il peut être prouvé une conception unitaire, c'est-à-dire non plus seulement quelques analogies numériques mais une véritable relation d'homologie. Il suffit pour cela d'appliquer la méthode adoptée par un certain Léon Sprink dans son étude sur l'Art Sacré en Occident et en Orient.1

 

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1Léon Sprink, L'Art Sacré en Occident et en Orient, essai d'une synthèse, Ed. Xavier Mappus, Lyon, 1962. Mais j'ai recueilli ma documentation dans le tome 3 de L'émergence de l'Enel ou l'Immergence des Repères, de Vladimir Rosgnilk (Ark'All, 1988).

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02 janvier 2006 | Lien permanent

Léviathan, serpent tortueux

« D'où es-tu, ma petite, je ne t'ai jamais vue ?
- Je suis de Vatan, répondit la fille...
- Et que viens-tu faire de Vatan ici ?
- Je rabouille pour mon oncle Brazier que voilà... »

Balzac (La Rabouilleuse)


Première rencontre de la « rabouilleuse », Flore Brazier, avec le vieux médecin Rouget, qui la prendra bientôt à son service à Issoudun. « Elle est programmée par son nom, écrit Claude Duchet, de la fleur au feu (elle finit brûlée par les « liqueurs »).

Il est étonnant de voir ce nom de Flore Brazier s'inscrire aussi parfaitement dans le cadre de la géographie sacrée neuvicienne : patronyme faisant écho au feu du signe, Sagittaire, qui s'étend de Vatan à Issoudun ; prénom qui partage la même racine que le saint Florent sur lequel j'ai achevé la note précédente, et dont la fête est célébrée le 4 juillet, jour anniversaire du martyre de saint Laurian. Il serait bien sûr fantaisiste de penser que Balzac était de quelque façon que ce soit conscient de cette partition zodiacale de l'espace berrichon. Mais le fait est là, et si l'on veut bien concevoir que ce ne soit pas encore une fois une simple coïncidence, il est légitime de chercher une explication. J'ai quelques idées là-dessus, mais qu'il serait prématuré de présenter ici : elles restent à approfondir et je n'en dirais donc rien pour le moment.

Revenons à saint Florent. Une note du site de la Société de Mythologie Française nous précise sa double nature d'ermite évangélisateur et de sauroctone. Je dois dire que j'ai découvert ce dernier terme à cette occasion : le sauroctone désigne « littéralement, en grec, un "tueur de lézards, de sauriens". Autrement dit un exterminateur de dragons, chargé d'éradiquer les vieilles bêtes d'un passé sulfureux, aussi bénéfique pour la société que l'étaient les tueurs de géants. »

Ceci renforce évidemment l'hypothèse posée auparavant d'un saint Laurian substitut d'un héros tueur de dragons, dont nous avons vu que le prototype indo-européen était Indra, d'autant plus que l'on peut relever d'autres similitudes : ces signes particuliers qui sont d'une part la crosse abbatiale et l'Evangile, d'autre part, sa figuration dans une barque conduite par un ange. Florent est donc évêque comme Laurian, et remarquons que s'il existe apparemment plusieurs Florent, celui qui est fêté le 4 juillet est l'un des premiers évêques de Cahors. Et avec cette ville, nous retrouvons la thématique de la terre gaste, ainsi qu'en témoigne ce passage de Doumayrou : « C'est, tout au fond de la terre obscure, le chaos primordial, et sur la carte, la cité de Cahors qui est au Nord géographique de Toulouse, Nord physique distinct du Nord magnétique montalbanais. Ce nom, aussi bien que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos), et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité de cette gueule d'enfer qu'est le chaos. » (op. cit. p.168)

Cahors au Nord de Toulouse, comme Vatan est au Nord de Neuvy, et le Tempé au Nord de Delphes. Le même tropisme septentrional traverse l'histoire de Laurian.

Maintenant, en ce qui concerne la barque conduite par un ange, elle apparaît dans l'épisode d'Eusèbe d'Arles où l'évêque traverse la Loire de cette manière, pour se rendre à Vatan. Arles où, soit dit en passant, l'on exposait à une certaine époque sur les murs de l'église Saint-Antoine des carcasses de crocodiles qui étaient censées être celles de monstres terrorisant la région.

 

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On me dira que la figure du dragon n'apparaît pas en tant que telle dans la geste de Laurian. Ce n'est même pas sûr. Si l'on veut bien lire avec attention ce passage d' Ésaïe (27/1) : " En ce jour, l'Éternel frappera de sa dure, grande et forte épée le léviathan, serpent fuyard, le léviathan, serpent tortueux ; et il tuera le monstre qui est dans la mer. " on pourra se demander si ce « serpent tortueux » n'est pas indiqué par ce lieu-dit de Rue-Torte, au sud de Vatan, où passe le ruisseau de la fontaine Garnier. Et je soupçonne aussi que le choix de Totila - le roi wisigoth persécuteur de Laurian, dont on sait qu'il est une erreur historique - s'explique par sa proximité phonique avec cette racine « tortueuse ». Le nom même de la tortue dérivant de « tartarucus », qui appartient au Tartare, c'est-à-dire au monde des ténèbres, à l'enfer : « Dans les représentations du christianisme, la tortue (symbole des ténèbres) apparaît combattue par le coq (figure de lumière) ; l'opposition entre les deux animaux existe avec cette valeur dès l'Inde védique, dans le culte de Mitra et ensuite en Perse. » (Dictionnaire Historique de la Langue Française, Robert, p. 2137)

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24 février 2006 | Lien permanent | Commentaires (2)

La paix du feu, qui est l'huile

"N'en déplaise à Paris, Issoudun est une des plus vieilles villes de France."

(H. de Balzac)

Reprenons notre marche en avant, notre circumambulation zodiacale, en abordant les terres de Sagittaire. Longue fut la station précédente en Scorpion, mais, de l'examen de la géographie sacrée biturige à la tentative d'investigation dans l'univers de l'alchimie, les questionnements étaient nombreux et les pistes de recherche foisonnantes. C'est d'ailleurs avec un sentiment d'inachevé que je quitte ce signe, la matière historique et mythologique qu'il convoque s'est révélée considérable, et appréhender plus de quinze cents ans de vie berruyère-berrichonne, entre Ambigatus et Jacques Coeur, semble un défi quasi impossible à relever. Le temps manque, et plus que jamais se justifie le titre du site : plus que jamais, j'ai la sensation de n'explorer ici que des fragments de la géographie sacrée de mon pays natal.

Les signes qui vont suivre - sauf surprise, et découverte de nouveaux indices – ne présenteront pas le même volume d'informations, et j'ai bon espoir de terminer ma ronde annuelle, à l'équinoxe de printemps, sur un panorama complet du zodiaque de Neuvy Saint-Sépulchre. La tâche n'en sera pas terminée pour autant, mais il est encore trop tôt pour évoquer ce temps à venir.

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Donc Sagittaire. Où il faut encore parler de Lys Saint-Georges, et des deux souverains, Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion, qui lui auraient donné son nom. Nous savons d'autre part qu'ils se disputèrent âprement la puissante place forte d'Issoudun , située également dans ce signe, rivalité dont le témoignage architectural le plus imposant est la Tour Blanche , commencée par Richard et achevée par Philippe. Or l'alignement Lys- Issoudun passe par ce hameau de Saint-Léger déjà évoqué par ailleurs, saint Léger qui est aussi le titulaire de l'église de Lys. Cet axe Lys-Issoudun est véritablement la flèche du centaure archer, que Doumayrou envisage comme « l'archétype de la chevalerie traditionnelle » (op.cit. p. 255), dont nos deux rois étaient vus comme les conducteurs divinement désignés. Aussi bien, Saint Georges est-il ce chevalier qui met à la raison le dragon de Lybie dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine.

Le signe est le domicile de Jupiter, aussi y trouvons-nous, établi sur les bords de l'Indre, le château de Villejovet, dont le nom vient du latin jovis, génitif de Jupiter, tandis qu'en aval s'élève Ardentes, qui fait clairement référence au feu du signe.

 


Nous avons déjà vu le rôle central de cette cité au sein de la figure du triangle du Feu s'opposant symétriquement au triangle de l'Eau. J'ajouterai maintenant qu'Ardentes est symétriquement opposé à Aigurande (dont la racine est l'equo celtique, l'aigue, c'est-à-dire l'eau), par rapport à l'axe équinoxial, le parallèle de Neuvy. L'eau et le feu ici se répondent, et entre les deux cités se tisse un échange subtil lisible dans le jeu des blasons : celui d'Ardentes est d'or à trois fasces ondées, de gueules, qui est : de Maillé, tandis que celui d'Aigurande est semé de France à la cotice de gueules. Les ondes rappellent les eaux-mères, vivier inépuisable de Cancer qui, lui, renferme le feu royal incarné par les fleurs de lys d'or. De la même manière, le Cancer du zodiaque toulousain enveloppe le pays de Foix, du feu : « cette eau singulière, détentrice du feu, est, d'après René Guénon (Symboles fondamentaux, p. 155), l'eau substantielle où se développeront les germes fécondés, car ce signe est celui de la gestation. » (G.R. Doumayrou, op. cit. p. 171). D'ailleurs le blason de Foix n'est pas sans offrir quelque similitude, de nombre et de métal, avec celui d'Ardentes, avec ses trois pals de gueules sur champ d'or.

 

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medium_blason-foix.jpgmedium_blason-aigurande.jpgDans cet autre triangle zodiacal qu'est celui de l'élément Feu, le Sagittaire, après le Bélier et le Lion, représente un achèvement. Ecoutons l'astrologue-poète Jean Carteret :

« Il y a trois types de feu : le feu originel qui est le feu invisible comme l'électricité, il y a l'accident du feu qui est la flamme, et il y a la paix du feu qui est l'huile – d'où le sacre des Rois de France. » (Des dialogues et du verbe, L'Originel, 1978, p. 63).

Le berceau de la puissance royale, la bien-nommée Ile-de-France, est placée, par une malicieuse coïncidence de l'histoire, à l'intérieur de cette zone Sagittaire. L'huile sainte versée par les prêtres sur le corps du roi le remplissait, croyait-on, de la force du Seigneur. « Un tel cérémonial, explique Georges Duby, introduisait ainsi le souverain dans l'Eglise, l'établissant parmi les évêques que l'on sacrait comme lui. Rex et sacerdos, il recevait l'anneau et le bâton, les insignes d'une mission pastorale. Par les chants de louange que l'on psalmodiait dans les solennités du couronnement, L'Eglise installait sa personne au sein des hiérarchies surnaturelles. Elle précisait sa fonction qui n'était plus simplement de combat, mais aussi de paix et de justice. » (Le Moyen Age, Skira, 1984, p. 15). Ceci correspond bien à la mission du feu sagittarien qui, au terme du troisième quadrant du zodiaque, selon un autre astrologue, André Barbault (Sagittaire, Seuil, 1958), « est au service d'une expérience « transindividuelle » ; son essence purifiée est destinée aux transports spirituels : il est feu purificateur, feu de l'illumination, feu sacré, analogue à la flamme qui s'élève, à la flèche qui relie la nature à la transcendance. »

Par exemple, Helgaud de Saint-Benoît-sur-Loire, qui écrivit la vie du roi Robert de France, parle de lui comme d'un homme de Dieu : « Il avait tant de goût pour l'Ecriture que pas un jour ne se passait sans qu'il lût les Psaumes et adressât à Dieu très haut les prières du saint David. » « Ainsi, dit-il par ailleurs, le roi doit être mis à part de la foule des laïcs car, imprégné de l'huile sainte, il participe au ministère sacerdotal. »

Observons tout de même, avec Georges Duby encore, que ce roi perd toute autorité dès que l'âge ou l'infirmité l'empêche de monter à cheval. Comme si le pouvoir royal ne pouvait se maintenir sans puiser aux sources de la puissance instinctive représentée par le noble animal. Centaure déchu, le roi passe la main.

 

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Richard Coeur de Lion

Issoudun, convoitée par les deux rois de France et d'Angleterre, fut rattachée à la France en 1200, en étant comprise dans la dot de Blanche de Castille. Ville royale, elle accueillit fréquemment Charles VII et Louis XI, au logis du Roi, actuel Hôtel de Ville. Louis, reconnaissant la loyauté de ses habitants, affranchit les sept foires annuelles en leur accordant les mêmes privilèges qu'à celles de Bourges, la rivale. Cette fidélité d'Issoudun à la monarchie lui valut encore, en 1598, d'être exempté par Henri IV de toute imposition. Le blason de la ville porte lui aussi l'empreinte royale de par ce champ d'azur au pairle d'or accompagné de trois fleurs de lys mal ordonnées du même.

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Maintenant, si nous quittons Issoudun par le quartier Saint-Denis, nous ne tarderons pas à traverser le Bois du Roi. Et la route empruntée nous conduira alors à Vatan, qui balise la méridienne de Neuvy, autrement dit son axe solsticial. Cette itinéraire est à lire symboliquement comme la visée mystique de la flèche sagittarienne atteignant la conscience de Capricorne, dont nous abordons là les terres.

 

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La Théols à Issoudun, au pont Saint-Paterne

 

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16 février 2006 | Lien permanent

Ganymède et Cernunnos

Chapitre 5 : "Comment Gargantua naquit de bien étrange façon"

 

Peu de temps après, elle (Gargamelle) commença à se lamenter et à crier. Aussitôt, arrivèrent en masse des sages-femmes de tous côtés (...). Alors une vilaine vieille de la compagnie, qui avait la réputation d'être guérisseuse, venue de Brisepaille d'auprès de Saint-Genou depuis soixante ans, lui administra un astringent (...). Cet obstacle fit se relâcher, au-dessus, les cotylédons de la matrice, par où l'enfant jaillit, entra dans la veine cave et, grimpant par le diaphragme jusqu'au-dessus des épaules, où ladite veine se sépare en deux, prit le chemin de gauche et sortit par l'oreille gauche.

Dès qu'il fut né, il ne cria pas comme les autres enfants : "Mi! mi! mi!", mais il clamait à pleine voix : "A boire ! A boire ! A boire !", comme s'il invitait tout le monde à boire.


En 1989, dans le première version de cette étude, je continuais ainsi ma pérégrination en Verseau :

medium_cernunnos.2.jpg "Plus loin, à Vendoeuvres, a été trouvé un autel " provenant sans doute de l'église, dit Brigitte Rochet-Lucas, représentant sur une face un Apollon citharède, accompagné d'un corbeau (ou chouette ?) et sur l'autre face un enfant qui semble tenir une outre ou un vase, entre deux personnages nus debout sur un serpent." Il s'agit là de notre verseau, le Ganymède de la mythologie, dont la grande beauté provoqua l'amour de Zeus, qui se changea en aigle pour prendre le jeune homme dans ses serres et le placer dans l'assemblée des Dieux. Il y verse l'ambroisie, l'hydromel ou le nectar, nourritures et boissons d'immortalité. Dans l'iconographie chrétienne, il devient ange, aussi "Verseau enveloppe-t-il le pays d'Agen, anagramme évident pour l'ange verseur des eaux.(G-R Doumayrou, op. cit. p. 78) Et Michel Serres d'écrire :

"Je ne sais pas vraiment, dit-elle, ce que signifie ce mot d'Yquem. Je constate seulement que le dixième ordred 'anges, chez Ben Maïmon, après les  séraphim, éloïm ou cherubim, se nomme ychim. Ofamim, rapides ; seraphim, étincelles ; malakim, envoyés ; ychim, animés.
Esprits animaux survolant la colline ainsi nommée ; archanges en myriades échappés du goulot." (Les cinq sens, op. cit. p. 187-188)

Il importe aujourd'hui de compléter ce passage : l'autel de Vendoeuvres est bien sûr cette stèle de Cernunnos dont j'ai déjà parlé ailleurs.



Le Verseau peut-il vraiment être identifié à ce dieu-cerf que l'historienne Anne Lombard-Jourdan identifie comme le dieu-père, le Dis pater mentionné par César, et dont un avatar ne serait autre que le géant Gargantua, dont la lecture "à plus hault sens" de Rabelais  nous permettrait de restituer quelque peu la mythologie ?


Jeune et imberbe sur la stèle, selon les propres termes de sa description, il partage ces traits avec Ganymède, le plus bel adolescent de la Grèce selon la légende. Mais au-delà de ces apparences, c'est leur fonction à tous les deux qui au fond les rassemble : Ganymède sert à boire, on l'a dit, or quelle est la principale préoccupation de Gargantua et de ses compagnons, sinon celle de boire encore et encore. Et ceci dès la naissance, puisque sortant de l'oreille gauche de Gargamelle, l'enfant criait déjà : "A boire ! A boire !"
Anne Lombard-Jourdan rapproche le célèbre passage du "Propos des bien yvres" du mythe  du combat du serpent et du cerf, qui lui semble être au fondement de notre passé religieux et culturel :

"Après s'être régalés à satiété de tripes, les compagnons de Grandgousier allèrent tous à la Saulsaie danser et boire sur l'herbe drue au son des flageolets et des cornemuses. Rien là en apparence que d'honnêtes divertissements. Il est pourtant question aussi d'autre chose.
Rappelons que, selon les auteurs classiques et médiévaux, le cerf, après avoir dévoré le serpent dont le venin l'échauffe et le dessèche, éprouve la nécessité incoercible de boire, puis, sa soif assouvie, le besoin de s'agiter pour combattre et évacuer à tout prix le poison qu'il vient d'ingérer et qui menace de circuler jusque dans ses veines.
C'est le processus que Rabelais met en scène dans le chapitre V de
Gargantua qui rapporte les Propos des bien yvres. Les compagnons de Grangosier boivent abondamment, mais à bon escient  et dans un but précis :"Puis entrèrent en propos de resieuner on propre lieu." L'apparition immédiate de jambons a pu faire comprendre "resieuner" dans le sens de "déjeuner". Mais il s'agit en réalité d'un équivalent forgé par Rabelais du verbe "rajeunir" (l'ancien français dit "rejeunir" et "renjeunir ou rajouvenir").
C'est bien à rajeunir que vont s'employer à la Saulsaie les buveurs compagnons de Grandgosier. Ils appartiennent à toutes les classes et à toutes les professions. Ils boivent sec le vin pur et dansent sur l'herbe, à la façon dont le cerf mythique boit l'eau de la fontaine "et puis court sa et là". Leur but est de faciliter le mélange de la boisson avec le venin du serpent contenu dans les tripes du cerf qu'ils viennent de manger, afin d'expulser leurs  humeurs malignes et d'apaiser la fièvre qui les tient. Les "bien yvres" préfèrent boire le vin sans eau, mais ils obtiendront le même résultat : le renouveau du corps après une sérieuse purgation." (Aux origines de Carnaval, Odile Jacob, 2005, p. 40)

Si l'on n'est pas convaincu par ces rapprochements, qu'on retourne maintenant à la citation rabelaisienne ouvrant  cette note : qui procède à l'accouchement de Gargantua, alors que des tas de sages-femmes accourues de tous côtés ont failli à la besogne ?  Eh bien une vilaine vieille,  à la réputation de guérisseuse,  "venue  de Brisepaille d'auprès de Saint-Genou". Or, où est Saint-Genou, sinon dans l'Indre, sur les rives même de celle-ci, à une quinzaine de kilomètres seulement de Vendoeuvres, en pleine zone Verseau.

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Il faut se pencher sérieusement sur Saint-Genou. 

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15 mai 2007 | Lien permanent

Le buis et le net

Il faudra un jour réfléchir un peu plus profondément sur l'étrange relation qui lie la géographie sacrée - ce réseau d'autrefois que je me plais parfois à nommer pour moi-même l'Archéo-réseau - et l'internet, ce réseau de réseaux qui a bouleversé et continue de bouleverser la culture et l'économie de notre temps. Bien sûr la géographie sacrée n'a pas émergé avec l'internet ; Jean Richer, Guy-René Doumayrou, pour en citer les principaux découvreurs, n'ont utilisé que leur immense érudition pour jeter les bases d'un examen renouvelé des rapports que les anciens  avait noués avec leur milieu naturel et social. Poursuivant leurs recherches sur un petit coin de cette planète, je me suis moi aussi fondé dans un premier temps sur mes seules lectures. La publication de mes investigations sur le net, sous la forme du présent  blog, se voulait avant tout une tentative de partage. Or, j'ai très vite constaté que l'expérience débordait très largement ce cadre très étroit de la seule transcription de l'existant. Sans doute, chaque fois que j'avais repris le travail autour du zodiaque de Neuvy Saint-Sépulchre, la nouvelle mouture avait gagné en épaisseur, de nouvelles connections s'étaient imposées et des horizons nouveaux s'étaient déployés. Mais ce qui était nouveau avec le net, c'était l'ampleur de ces révisions. A tel point que trois ans plus tard, je n'en ai pas fini avec une étude qui devait à l'origine être terminée en un an. Si en elle-même la géographie sacrée n'avait guère d'existence sur la toile - et c'était bien une des raisons qui me poussaient aussi à l'investir - la richesse documentaire sur les sites étudiés, sur le légendaire, l'hagiographie, le folklore populaire... me poussèrent souvent vers des prolongements inattendus. La sérendipité était reine et me conduisit bien des fois sur de nouvelles pistes. Ajoutez à cela la qualité des commentaires de quelques lecteurs peu nombreux mais fidèles, qui influèrent également sur la marche de l'entreprise.

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Donnons un nouvel exemple de cette ouverture que donne le net, dans le cadre de cette étude entamée autour du grand carré au buis.
Cette figure définissant naturellement deux grandes croix, celle des diagonales et celle des médianes, je recherchai par googlage les résultats de l'association des mots-clés croix et buis.

Or, le second résultat me dirigea tout droit vers une étude parue dans la revue Aquitania en 1997-1998 sur un entrepôt du 1er siècle avant J.C. situé à La Croix du Buis, à Arnac-la-Poste en Haute-Vienne.

Le troisième résultat avait également un lien avec le même site, à travers une étude parue dans la même revue, appartenant à un auteur différent, J.P. Guillaumet. En voici le résumé :
"Un monument à quatre faces humaines a été découvert sur le site laténien de la Croix du Buis, en Haute-Vienne. Il s'agit d'un quadrifons dont on connaît quelques autres exemplaires datés de la protohistoire récente, l'un provenant d'Espagne (Puentedeume, La Coruña), l'autre de la commune de Thiant, dans le département du Nord, et le troisième du Titelberg, au Luxembourg. Ce thème est inconnu dans la mythologie celtique. L'oeuvre d'Arnac-la-Poste semble être liée à des cultes domestiques et date de la charnière entre période celtique et période gallo-romaine."

Sur cette sculpture, on en apprend un peu plus grâce à l'article de José GOMEZ de SOTO et Pierre-Yves MILCENT sur "La sculpture de l’âge du Fer en France centrale et occidentale""En Limousin, de l’enclos fossoyé de La Croix du Buis à Arnac-la-Poste (Haute-Vienne) proviennent des fragments de protomés de bovidés en terre cuite et une sculpture à quatre visages en grès (Toledo i Mur 1997 ; Guillaumet 1997). Ces visages – l’un a été détruit – sont portés par de longs cous, leurs yeux sont largement ouverts en amande, les chevelures en mèches se réunissaient au sommet de la sculpture en formant un motif disparu, peut-être une sorte de chignon. La fréquentation de l’enclos de la Tène D à la période augustéenne rend la datation de ces diverses œuvres légèrement imprécise. Le site avait été interprété comme un entrepôt stockant du vin d’Italie. M. Poux (2000, 226 sq.) propose d’identifier l’enclos comme un lieu de banquet et un de ses deux bâtiments comme une salle analogue aux hestiatoria du monde greco-romain, hypothèse qui nous paraît plus recevable et rend mieux compte de la présence en ces lieux de ces éléments sculptés exceptionnels, inconnus à la même époque ailleurs dans la région."


Sur les hestiatoria, on pourra lire, toujours sur le net, cette présentation de Karim Mahdjoub.

Récapitulons : nous voilà en présence d'une sculpture décrite comme exceptionnelle, unique dans la région, avec un thème inconnu dans la mythologie celtique (ce monument à quatre faces humaines me fait bien sûr penser à la colonne de Souvigny, avec ses quatre faces sculptées en bas-relief).


Maintenant arrêtons-nous sur le lieu : où donc est située La Croix du Buis ? Où donc est situé Arnac-la-Poste ? Haute-Vienne, avons-nous lu, mais, plus précisément, cette petite commune (qui, soit dit en passant, en août 2006, a organisé les 4es Rencontres des communes de France au nom burlesque[1] organisée par l'association des communes de France aux noms burlesques et chantants.) se trouve à 46° 16′ 39″ Nord et  1° 22′ 29″ Est. Autrement dit à environ dix kilomètres seulement du sommet sud-ouest du carré au buis, très près de ce Saint-Georges des Landes que j'évoquais dans la note précédente.

 


Cette Croix-du-Buis qui aurait pu se situer a priori n'importe où en France se trouve donc dans le no man's land que constitue la lisière du carré au buis.

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Le laurier du Tempé

A l'origine de la fondation de la rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre, nous trouvons trois personnages. Tout d'abord, le seigneur du lieu : Boson de Cluis, ensuite le suzerain de celui-ci, Eudes de Déols dit l'Ancien, "qui paraît bien, selon Jean Favière (Berry Roman, Zodiaque, 1970), avoir inspiré la création de cette nouvelle église placée sous le vocable de Saint-Jacques le Majeur, patron des pélerins, et directement rattachée à l'église de Jérusalem." Vassal lui-même "très fidèle et très familier" du duc d'Aquitaine Guillaume le Grand ( par ailleurs comte de Poitiers et abbé de Saint-Hilaire), il avait accompagné celui-ci à Rome en 1024 ; "puis, en 1026, poursuit Jean Favière, il était reparti cette fois vers Jérusalem en compagnie de Guillaume Taillefer, comte d'Angoulême, et d'une nombreuse suite. Après avoir, au passage, rendu visite à saint Etienne, roi de Hongrie, il était arrivé dans la Ville sainte en mars 1027. Sa réputation était grande ; en 1024, Hildegarde, écolâtre de Poitiers, conseillait à son retour, à Fulbert de Chartres, de ne pas manquer, "s'il traverse le Berry, de converser amicalement avec Eudes de Déols, homme de grande sagesse." Sa piété soutenait de nombreux établissements religieux et en premier lieu, les abbayes de Déols et Saint-Gildas de Châteauroux." Enfin, le troisième homme, qui aurait construit l'église selon la Chronique d'Anjou, est un certain Geoffroy, que certains auraient proposé d'identifier avec Geoffroy le Meschin, un vicomte de Bourges – mais c'est là, toujours selon Jean Favière, hypothèse gratuite.

La question est simple : pourquoi avoir édifié ce "reliquaire monumental" précisément dans ce bourg, ce Novo Vicus, né certainement autour d'un gué sur la Bouzanne à la fin de l'époque gallo-romaine, sur la voie menant d'Argentomagus à Néris-les-Bains ? Rien de prestigieux ne s'attachant apparemment à ce site, il faut supposer que c'est sa position géographique singulière qui a présidé à son élection. Neuvy, en effet, était le point de rencontre de plusieurs alignements fondamentaux. Outre ceux décelés par Guy-René Doumayrou, nous avons vu que la cité se plaçait sur le parallèle de Poitiers, mais il convient aussi de prendre en compte un axe Nord-Sud tout aussi primordial, souligné par la légende elle-même. J'avais omis de raconter la fin de l'histoire. En effet, après avoir occis le terrible Python, Apollon a dû pour se purifier de la souillure que le meurtre représentait, s'exiler en Thessalie, dans la vallée du Tempé. Or, où se place Tempé par rapport à Delphes ? Ni plus, ni moins qu'à son Nord géographique. La route que le dieu emprunte alors deviendra la Voie Sacrée, où chemineront les processions de la fête du Septerion, instituée en souvenir de son exploit et célébrée tous les huit ans. Que trouvons-nous au Nord géographique de Neuvy ? Un seul village, a priori anodin, au beau milieu de la Champagne Berrichonne : il a nom Vatan. Or, c'est à Vatan qu'est venu mourir au Vème siècle saint Laurian, évêque de Séville. Les sbires du roi wisigoth Totila l'auraient rattrapé en ce lieu et lui auraient tranché la tête. Le saint, prenant ladite tête dans ses mains, les auraient alors poursuivis et convaincus de la rapporter en Espagne, où elle aurait été conservée dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque. Mortelle randonnée bien énigmatique : ce Laurian fait bien sûr penser au laurier, l'arbre sacré d'Apollon. Jean Richer signale que Pausanias dénombrait à Delphes cinq sanctuaires successifs, dont le premier, le naos primitif, était fait de branches de laurier rapportées précisément du Tempé. "Mais ne faut-il pas lire là, poursuit-il, une allusion au rôle joué par les fumées enivrantes d'une certaine variété de laurier dans le fonctionnement de l'oracle ?" (Delphes, Délos et Cumes, Julliard, 1970). Lisons aussi la légende d'Apollon et de Daphné racontée par Ovide dans ses Métamorphoses : la nymphe est transformée en laurier par son père pour échapper aux ardeurs du dieu : Phébus, cependant, brûle de la même passion, la main droite posée sur le tronc, il sent encore, sous la nouvelle écorce, battre le cœur ; entourant de ses bras les rameaux - qui étaient les membres de Daphné - il étouffe le bois de baisers ; mais les baisers du dieu, le bois les refuse. Alors le dieu lui dit : " Puisque tu ne peux être ma femme, tu seras, du moins, mon arbre " ; laurier, tu pareras toujours ma chevelure, ma cithare, mon carquois ; (...) Péan avait fini de parler ; alors le laurier inclina ses jeunes rameaux et on le vit agiter sa cime comme une tête. Un autre détail de la légende de saint Laurian est significatif : averti par le Ciel de la mort de l'évêque, Eusèbe d'Arles vient à Vatan pour ensevelir le corps. Il le trouve gardé par deux ours. Comment ne pas voir là, dans la présence des deux plantigrades, une figuration des deux constellations boréales ? Déols elle-même, la cité de Eudes, se situe dans le nord du système, dans le signe du Capricorne. Déols qui est l'anagramme à peine déguisée de Délos, l'autre grand sanctuaire appolinien, son lieu de naissance et autre centre zodiacal majeur selon Jean Richer. Enfin, j'ajouterais que Neuvy avait pour elle de se situer sur le cours de la Bouzanne, dont j'aurais un jour ou l'autre l'occasion de montrer qu'elle est la rivière matricielle de la géographie sacrée des Bituriges, jouant le même rôle que la rivière Boyne (Boand) coulant dans la plaine de Meath, centre spirituel de l'Irlande celtique.

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13 avril 2005 | Lien permanent

Le taureau de Saint Sernin

Sous la conduite de Brennus, Les Gaulois Volques pillent Delphes et en ramènent un trésor qu'ils abandonnent dans les marécages de la Garonne parce qu'il leur aurait porté malheur. Guy-René Doumayrou rapporte que Jean Markale, dans son étude sur les Celtes (page 119), « constate que rien n'atteste la réalité historique de cette équipée et que l'or de Delphes pourrait fort bien avoir été de nature spirituelle, plutôt que grossièrement métallique. Autrement dit, la légende ne ferait que porter témoignage, par le truchement tout à fait traditionnel du récit allégorique, d'une transmission initiatique de la puissance oraculaire, de l'omphalos héllène à l'omphalos occitan. Nombre de légendes de cette sorte, prises à la lettre par l'érudition moderne refusant a priori (ce qui ne relève pas d'une attitude proprement scientifique) l'interprétation symbolique qui était pourtant jadis la règle, ont conduit à l'élaboration d'une histoire rendant certainement très mal compte des réalités passées. » (G.S., p. 51) Un semblable souci de transmission de centre à centre ne se cache-t-il pas dans le tropisme toulousain de Guillaume d'Aquitaine et Robert d'Arbrissel ? Pourquoi modifier les prérogatives de Saint-Sernin, le lieu le plus sacré de la ville, comme en témoigne encore une inscription à l'entrée de la crypte : Non est in toto sanctior orbe locus, il n'est pas au monde de lieu plus saint ? Pourquoi créer un prieuré au nord de Toulouse, tout comme Saint-Sernin est au nord de Toulouse et Saint-Denis au nord de Paris ? Il est vrai ici que l'équipée militaire n'est pas une légende, mais encore une fois, sous les enjeux apparents de pouvoir, se dissimulent peut-être d' authentiques motifs d'ordre spirituel.

Pour le comprendre, il n'est pas inutile de se pencher sur une autre histoire au parfum de légende, la Passio précisément de Saint Sernin, (dérivation occitane populaire de Saint Saturnin), rédigée au Vème siècle. Envoyé en Gaule par le Pape avec six autres évêques (dont saint Martial, premier évêque de Limoges), il aurait évangélisé Pampelune puis Toulouse. En 250, sous Dèce, les prêtres du Capitole (alors consacré à Jupiter) l'accusent de rendre muet par sa présence l'oracle du temple et le somment dès lors de sacrifier le taureau rituel. Refus catégorique de Saturnin qui lui vaut d'être attaché par les pieds à la queue de l'animal furieux. Pris d'une rage folle, le taureau dévale les marches de l'escalier du Capitole. Saturnin, le cou brisé, est traîné le long du cardo romain (la rue saint-Rome) avant d'être abandonné, une fois passé la porte Nord, en dehors donc des remparts de la ville, sur la route de Cahors, à l'emplacement de l'actuelle rue du Taur (pour taureau). Recueilli par deux jeunes femmes (les saintes Puelles), son corps sans vie est enterré dans un fossé profond. Le taureau, lui, est achevé un peu plus loin, au lieu nommé depuis Matabiau (de matar = tuer et biau = bœuf), où se trouve la gare actuelle. C'est un autre Hilaire, contemporain de Hilaire de Poitiers dont j'ai déjà parlé, évêque de Toulouse au quatrième siècle (358-360), qui fait construire une petite église en bois sur la tombe du martyr. Cet oratoire devient rapidement un important lieu de pèlerinage, si bien qu'à la fin du IVe siècle, devant l'afflux des fidèles, l'évêque saint Sylve (360-400) décide de construire un édifice plus grand, achevé en 402 sous l'épiscopat de saint Exupère , lequel organise le transfert des reliques du premier martyr toulousain dans la nouvelle basilique et fait rédiger les actes officiels du martyre (connus donc sous le nom de Passio antiqua). Ce n'est qu'au début du IXe siècle que se constitue à Saint-Sernin une communauté de chanoines réguliers. Et, en 1080, commence la construction de la basilique romane actuelle. Le 24 mai 1096, le pape Urbain II, venu demander au comte Raymond de conduire la première croisade, consacre l'autel et la basilique. Or, la même année, lors de son séjour à Angers, Urbain II avait fait prêcher Robert d'Arbrissel en sa présence et lui avait donné plein pouvoir d'annoncer en tous lieux la parole divine.
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Une grande partie de ce que je retrace ici, je l'ai trouvé sur le très riche site de l'Ecole occitane de carillon, qui traite entre autres des sept sonneries toulousaines. Elles « prennent leur racine dans le martyre de saint Saturnin en 250. C'est un véritable tableau de ces instants : les quatre cloches au pied pour les pattes du taureau, les deux petites à la main pour les cris de la foule haranguant la bête. Dès lors, les premiers chrétiens ont voulu perpétuer le souvenir de leur premier évêque par ces rythmes qui se sont transférés après le VIIe siècle aux cloches, nous permettant aujourd'hui de jouer cette partition vieille de plus de 1750 ans. Peut-être la plus vieille partition au monde ? Au nombre de sept, elles se nomment : Simple, Marche, Double majeur (ou double de marche), Plan, Roulements, Taur simple (ou Petit Taur) et Grand Taur. » Ce qui me frappe, c'est qu'on peut trouver entre la Passio de Sernin et le pélerinage de Jovard au moins quatre grands points communs : - la récurrence du nombre sept : les sept apôtres évangélisateurs envoyés par le Pape dont fait partie Sernin, mais aussi Martial, dont Mauvières et Ruffec relèvent dans la Roue du nemeton belâbrais ; les sept sonneries ; les sept stations de Notre-Dame-de-Jovard. Mais, dira-t-on justement, sept est un nombre tellement fréquent en symbolisme qu'on ne saurait s'étonner outre mesure d'une telle coïncidence. - la récurrence de Jupiter est déjà plus surprenante : on a vu que Jovard dérivait de Jovis (Jupiter), et Sernin est accusé de troubler l'oracle de ce dieu auquel l'empereur rendait un culte officiel. - la récurrence du taureau mis à mort : au nord de la Forêt de la Luzeraize, se trouve un étang dit du Boeuf Mort. - la récurrence de l'épine : le prieuré de Lespinasse fondé au nord de Toulouse ; le prieuré de l'Epeau ; le château et l'étang de l'Epineau au nord de la Roue du nemeton ; et enfin notons qu'en 1251, Alphonse de Poitiers, frère de Saint-Louis, offrit une Epine de la couronne du Christ aux chanoines de Saint-Sernin.

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18 mai 2005 | Lien permanent

Toulx Sainte-Croix

« De mon lit je n'apercevais que la veilleuse énorme de l'hôtel battant dans la rue comme un coeur ; sur l'une des artères était écrit le mot : central, sur une autre le mot : froid, froid de lion, froid de canard ou froid de bébé? Mais le camée Léon frappait de nouveau à ma porte. De son gilet aux vibrations déterminées jusqu’à la racine de ses moustaches le soleil achevait de décharger ses rondins.» (André Breton, Poisson soluble) Oublions les vents, les rivages, ces grands escogriffes de pins atlantiques, ce fou de Bassan emprisonné dans la ligne plombée d'un pêcheur du malheur, le sable et la traîtrise des baïnes, le sourire des enfants et la splendeur des nuages, et arpentons à nouveau nos terres intérieures sous l'égide d'un signe nouveau : Lion solaire et flamboyant dont l'étude du secteur zodiacal correspondant va se fonder essentiellement sur le village creusois de Toulx Sainte-Croix. Du haut de ses 655 mètres, Toulx domine toutes les régions avoisinantes. Du sommet de la tour construite au siècle dernier par l'abbé Aguillaume, on contemplerait jusqu 'au Sancy et au Puy-de-Dôme. Je n'ai pas vérifié mais le panorama est vaste, pas étonnant si les Celtes en ont fait tôt un de leurs oppida. Le nom même viendrait du bas-latin tullum, lui-même emprunté au gaulois tullos, hauteur. Un dernier terme qui n'est pas sans évoquer la Thulé hyperboréenne, la ville mythique où séjournèrent Apollon et Persée ; et nous pourrions mettre au compte de Toulx cette remarque de Guy-René Doumayrou sur la capitale occitane: « Le nom, enfin, de Toulouse, qui n'a jamais changé, évoque de façon suggestive le grec thòlos, qui désignait, dans les temps primitifs, la touffe végétale coiffant et liant le sommet des huttes rondes en branchage. Par la suite, le sens s'en est étendu à la coupole hémisphérique en pierres sèches, et enfin, plus particulièrement, à la voûte des fours et étuves. De la coupole construite à la voûte céleste, l'analogie va de soi : centre et sommet, la ligature de la thòlos est bien le lien et le lieu privilégié, récepteur et répartiteur des influx cosmiques, le Trône du Jugement, l'étoile polaire gouvernante (en grec : thémis), de l'ourse (en grec : arctos) : ARTEMIS l'Immuable (du grec : artémès) : La treizième revient... c'est encore la première ; Et c'est toujours la seule, - ou c'est le seul moment... (Nerval, les Chimères : Artémis). » (Géographie Sidérale, p.65)

Il se pourrait bien que Toulx ait été de bonne heure un sanctuaire important du peuple gaulois des Lémovices qui occupait approximativement le Limousin actuel. On a pu déjà noter que la plupart des sanctuaires celtiques sont situés soit au centre soit sur les limites de la civitas, or Toulx est situé sur la frontière avec les Bituriges. Ce n'est que vers l'an 1000 que le village basculera dans l'escarcelle des princes de Déols, et si ce pays limousin de Boussac est dès lors rattaché à la province du Berry, il dépendra toujours du diocèse de Limoges : « exemple caractéristique de l'enchevêtrement des divisions administratives de la France d'Ancien Régime », écrit André Guy, auteur d'un opuscule sur le village. Que dire maintenant du qualificatif de Sainte-Croix ? Gilles Rossignol y voit une invitation à deux hypothèses : « (...)ou bien le plan primitif [de l'église] aura été inspiré de l'église du Saint-Sépulchre, à Jérusalem (comme à Neuvy Saint-Sépulchre dans l'Indre) ou bien on aura rapporté à Toulx une réplique du « vray boys », le bois de la Vraie Croix. » A vrai dire, aucune des deux propositions ne tient la route, d'une part parce que le vocable de Sainte-Croix n'a été ajouté que postérieurement à la fondation de l'église (dédiée en 1158 à Saint Martial, ce qui n'est pas anodin, nous y reviendrons); d'autre part parce que si relique de la vraie croix il y avait eu, il serait étonnant que la mémoire collective n'en ait pas gardé le souvenir d'une manière ou d'une autre. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé pour Neuvy qui s'honore toujours de deux gouttes du sang du Christ (que l'on doit à l'obligeance du cardinal Eudes de Châteauroux, légat du pape à la VIIème croisade, qui les fit acheminer en 1257). Faut-il absolument rechercher une cause matérielle, tangible à l'appellation Sainte-Croix ? Ne porterait-elle pas une symbolique lisible seulement dans le paysage et les relations du lieu avec ses alentours ? Pour Henri de Lubac, la croix érigée sur une montagne, au centre du monde, reproduit totalement l'antique image de l'arbre cosmique, en tant qu'Axe du Monde joignant le pôle terrestre au pôle céleste. Or, le méridien de Toulx est le vecteur éloquent d'une telle symbolique : balisé par Boussac ( dont le château abrita longtemps les tapisseries de la Dame à la Licorne ), il désigne le village de Primelles, dans le Cher, situé au coeur de la forêt domaniale de Thoux... Ici, selon Mgr Jean Villepelet (Les Saints Berrichons, Tardy, 1963, p.169), aurait séjourné assez longtemps saint Firmin, évêque d'Amiens, tandis qu'il se rendait à Rome au tombeau des Apôtres. Séjour significatif : Amiens se situe pratiquement sur ce même méridien. Et l'on ne sera guère étonné d'apprendre que l'un des deux Firmin honorés par l'église d'Amiens aurait été converti par saint Saturnin de Toulouse, dont le nom ne se retrouve que dans une seule paroisse du Cher, elle aussi traversée par l'axe polaire.
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Tournons-nous maintenant vers l'église du village.

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26 juillet 2005 | Lien permanent

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