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Rechercher : saint Denis

Mayeul à la Bouteille

Là fit Bacbuc, la noble, Panurge baisser et baisser la marge de la fontaine, puis le fit lever, et autour danser trois ithymbons. Cela fait, lui commanda s'asseoir entre deux selles, le cul à terre, là préparées. Puis déploya son livre rituel, et, lui soufflant en l'oreille gauche, le fit chanter une Epilénie, comme s'ensuit :
                  O Bouteille
            Pleine toute
            De mystères,
            D'une oreille
            Je t'écoute :
            Ne diffère,
            Et le mot profère
            Auquel pend mon cœur.
            En la tant divine liqueur,
            Qui est dedans tes flancs reclose,
            Bacchus, qui fut d'Inde vainqueur,
            Tient toute vérité enclose.

Rabelais 1483 - 1553 : Le cinquième livre 1564 ; Chapitre XLIV

 

Résumons : l'étymologie de Souvigny et le récit de la mort de saint Odilon rattachent clairement ce dernier  à saint Sylvestre et à la nuit qu'il désigne, que  Philippe Walter  rapproche à son tour de la figure archétypale de l'Homme sauvage. C'est en revenant au livre pour établir la citation exacte que je me suis aperçu (ma première lecture ne m'en ayant laissé aucun souvenir) que cet Odilon clunisien était évoqué dans ce même chapitre consacré à la période de Noël. Ce très bel exemple de sérendipité m'a donc conduit à l'évêque Adalbéron de Laon, personnage sulfureux qui combattit autant que faire se peut l'influence monastique grandissante. Avec le Chant en l'honneur du roi Robert, 432 vers latins en hexamètres dactyliques, daté du premier tiers du XIème siècle, il livre un sombre portrait de l'évolution du royaume et brosse une satire virulente des moeurs clunisiennes, en dehors de tout réalisme, mais intéressant justement en cela qu'il recueille des données d'ordre carnavalesque puisées au fonds primitif des croyances du paganisme.

Dans le poème, l'évêque raconte avoir dépêché à Cluny l'un de ses moines les plus loyaux. Or, celui-ci en revient corrompu et méconnaissable jusque dans son apparence :

"Ses vêtements sont en complet désordre ; déjà il a dépouillé ses habits d’autrefois. Il porte un grand bonnet fait de la peau d’une ourse de Libye ; sa robe traînante est relevée maintenant jusqu’à mi-jambe ; elle est fendue par devant et ne le couvre plus non plus par le derrière. Il a sanglé autour de ses reins un baudrier brodé, serré le plus possible ; l’on voit pendre à sa ceinture quantité d’objets de la nature la plus diverse, un arc avec son carquois, un marteau et des tenailles, une épée, une pierre à feu, le fer pour la frapper, la branche de chêne à enflammer. Un pantalon, allongé jusqu’au bas de ses jambes, se colle à leur surface."

 Cette description assimile le moine (lequel se présente maintenant comme un soldat aux ordres d'Odilon, "roi de Cluny") à un homme ensauvagé (ce bonnet en peau d'ourse de Libye est tout à fait symptomatique). Il transmet à l'évêque (qui se met lui-même en scène dans cette histoire) un message alarmant de son nouveau maître :


« Les Sarrasins, cette race aux mœurs les plus sauvages, ont envahi, le fer à la main, le royaume de France ; ils l’occupent tout entier, et rongent tout ce que nourrit le sol de la Gaule. Partout un sang vermeil humecte et rougit cette terre, et gonfle les torrents que fait déborder l’excès du carnage. Les reliques des saints, objets des soins de l’Eglise, ornements consacrés de ses sanctuaires, volent dispersées à travers les airs, pour aller désormais tenir compagnie aux oiseaux et aux lions. C’est maintenant le diocèse de Tours que les barbares dévastent et dépeuplent. Saint Martin tout en larmes invoque à grands cris le secours d’un défenseur ; Odilon, qui est accablé des mêmes épreuves, partage ce désespoir. Il est allé à Rome demander du secours pour ses moines."


 "Nous sommes au XIe siècle, note Ph. Walter, et l'apparition de Sarrasins en Gaule, surtout en Touraine à l'intérieur du royaume, ne repose sur aucun fondement historique. Comme l'ont fait remarquer les commentateurs modernes du texte, les invasions sarrasines sont terminées depuis longtemps et le terme de Saraceni, utilisé par Adalbéron, désigne, probablement par métaphore, une autre catégorie de personnes. Laquelle ?"

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Orfèvrerie mérovingienne attribuée à saint Éloi

Fragment de la croix de Saint-Denis

Or et verres colorés, premier tiers du VIIe siècle

BnF, Monnaies, médailles et antiques, Inv. 56-324
 


Il s'agit, je pense,  pour Adalbéron, de ternir la réputation des moines en les montrant en grande difficulté et tout bonnement ridicules devant l'armée païenne. Ne serait-ce pas parce qu'ils s'implantent sur les hauts-lieux même du paganisme, en réadaptent les rituels et renomment les figures tutélaires,  que les clunisiens déclenchent l'ire du vieux prélat ? Cette voie de l'assimilation qui aboutira à la mythologie christianisée que décrit Philippe Walter s'oppose radicalement à la visée plus orthodoxe, basée sur la Bible, que défend Adalbéron. Mais reprenons le fil de l'analyse menée par le chercheur :


" Pour résoudre cette énigme des Sarrasins, il faut être attentif à la date de la bataille : "Tout cela, sache-le bien, s’est passé au premier jour de décembre, mais nous tenterons de nouveau le combat aux calendes de mars." Les calendes de décembre et de mars permettent  de mieux comprendre le curieux accoutrement des moines ainsi que cette bataille qui a toutes les apparences d'un défoulement carnavalesque. Il faut donc à présent se concentrer sur la valeur capitale de ces dates." Ph. Walter rappelle alors que  le 1er décembre est la fête de saint Eloi, saint orfèvre et forgeron, spécialiste du travail des métaux.


"Or, le costume de nos moines comporte une série d'ustensiles familiers aux forgerons : un marteau et des tenailles, une pierre à feu, le fer pour la frapper et la branche de chêne à enflammer. Un commentateur d'Adalbéron notait que ces instruments étaient ceux du maréchal-ferrant. On ne peut négliger le fait que saint Eloi, fêté le 1er décembre, protège justement  les chevaux parce qu'il possédait un cheval assez particulier et que sa légende lui attribuait l'exploit de rajeunir par le feu du four.(...)"


Il poursuit en signalant qu'il "existe en France de très nombreux toponymes qui proviennent d'un ancien Equaranda. Sous ce nom, il faudrait reconnaître une divinité chevaline, sans doute comparable à Epona et que le culte à saint Eloi a probablement christianisé. Georges Dumézil a montré que le cheval était, au même titre que d'autres animaux comme l'ours, le loup, etc., parfaitement intégré aux rituels des Douze Jours, la période qui sépare Noël de l'Epiphanie et qui voit donc le changement d'année, aux calendes de janvier."


On peut discuter l'étymologie d'Equaranda : si l'on s'accorde facilement sur l'idée de limite, de frontière indiquée par le second élément -randa, les spécialistes ne sont pas unanimes sur le premier élément, certains le rattachant à  la racine equus- (juste, équitable), d'autres à la racine  aqua- (l'eau). La piste proposée par Ph. Walter serait en somme une troisième interprétation possible. Sans trancher aucunement, on peut tout de même signaler que la commune d'Ygrande est très proche de Souvigny. D'ailleurs les deux lieux sont cités ensemble dans une étude récente sur le Berry Antique :
"Quant à celle [la commune] d'Ygrande, elle est séparée  de la limite ecclésiastique par la commune de Saint-Aubin-le-Monial. Cependant sa proximité de la frontière est confirmée cette fois-ci par le témoignage de La vie de saint Maiolus [rédigée, je le rappelle, par Odilon lui-même], abbé de Cluny qui indique que Silviniacum-Souvigny est une villa arverne à la frontière avec les Bituriges. Or Souvigny fait partie avec d'autres communes de cette avancée arverne à l'intérieur du territoire biturige." (Le Berry Antique, Atlas 2000, Supplément n°21 à la Revue Archéologique du Centre de le France, coll., p. 22).

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Carte Lexilogos


En traçant l'alignement Souvigny-Ygrande, et le prolongeant vers le nord-ouest, je découvre à l'instant même où j'écris ces lignes, qu'il rejoint la chapelle  Saint-Mayeul, qu'un site décrit ainsi : "Cette ancienne chapelle très agréablement située en raison de sa proximité avec la forêt de Tronçais, dépendait avant la Révolution de Souvigny. Bien que dédiée à Sainte Madeleine, c'est pourtant Saint Mayeul, abbé de Cluny, qui y est honoré chaque année, lors d'un pèlerinage commémorant son passage en 964, peu avant sa mort : : la légende rapporte qu'il y fit jaillir une fontaine miraculeuse."


Cette chapelle est ce qui reste de l'ancien prieuré de la Bouteille que visita Mayeul selon la légende.


Une Bouteille qui ne nous rappelle peut-être pas sans malice le point de départ de nos investigations : la soif vertigineuse de l'enfançon Gargantua, la verve rabelaisienne  emmenant son lecteur jusqu'à l'oracle de la Dive Bouteille...

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03 juin 2007 | Lien permanent

Au milieu du chemin

Or, que l'Autonne espanche son usure,
Et que la Livre à juste poids mesure
La nuict egale avec les jours egaux,
Et que les jours ne sont ne froids ne chaux
(...)

Ronsard (Epître d'Automne)


La Vierge du zodiaque toulousain abrite la région du Minervois. « Minerve, nous rappelle G.R. Doumayrou, étant l'antique vierge olympienne que ses pouvoirs égalaient au maître des cieux. » (Géographie Sidérale, p. 104) Or, le secteur Vierge du zodiaque centré sur Rome renferme la localité de Castrum Minervae sur la côte de Calabre (Jean Richer, Géographie sacrée dans le monde romain, Trédaniel, p.146). Au reste, elle est aussi située dans la Vierge d'un système centré sur Cumes. Son importance mythique est attestée par Denys d'Halicarnasse (I, 51,3) :

« Le plus grand nombre des navires d'Énée jetèrent l'ancre au promontoire de Iapygia et les autres en un endroit nommé d'après Minerve où il se trouva qu'Énée lui-même mit pour la première fois le pied en Italie. »

Les pélerins qui partaient de La Châtre – en somme, notre Castrum Minervae berrichon – en direction du Mont Saint-Michel ne manquaient pas, à ce qu'il paraît, de faire halte à Notre-Dame de Vaudouan, près de Briantes. Isolée en pleine campagne, une chapelle reconstruite au 19ème siècle, aussi vaste qu'une église de village, témoigne encore du prestige du lieu, qui se fonde sur la découverte le 25 mars 1013, jour de la fête de l'Annonciation, par une jeune fille de la région, d'une statue en bois de la Vierge à l'Enfant (lui-même tenant dans ses mains une colombe), flottant sur les eaux d'une source. Portée à l'église de Briantes, puis à la chapelle des Religieux de Saint-Germain de La Châtre, la statue chaque fois disparaît et est retrouvée le lendemain dans l'eau de la source. Devant cette obstination, où l'on voit très vite une intention de la Vierge de demeurer en ces lieux champêtres, on décide d'édifier une chapelle. « Peut-être la Sainte-Vierge indiquait-elle par son insistance, écrit le Docteur J.J. Meunier, auteur en 1959 d'une pieuse monographie sur Vaudouan, qu'elle voulait purifier par sa présence ce lieu qui avait du être jadis le témoin des faux-cultes druidiques et barbares. »

Le seigneur du Virolan qui possédait la terre la donne sans délai et l'on commence à creuser les fondations. Las, l'eau les envahit. On creuse un peu plus haut sur un talus voisin sans plus de succès. Dépité, le maître-maçon jette son marteau dans les airs.

« Miracle encore, poursuit le bon docteur Meunier : un tourbillon emporta le marteau jusqu'à 500 pas et il alla choir dans une clairière éloignée où on le chercha vainement jusqu'à ce que qu'une génisse blanche que personne n'avait remarquée se mit à mugir d'une manière inaccoutumée. On se rendit auprès d'elle et, à ses pieds, on retrouva l'outil. Puis la génisse disparut sans que l'on comprit par où elle était passée. »

Évidemment, on choisit de bâtir à cet endroit précis, à 800 mètres de la fontaine. On met six mois à élever l'édifice qui est béni au mois de septembre « en présence d'un extraordinaire concours de clercs et de laïques. » C'est encore aujourd'hui en septembre, le deuxième dimanche après la Nativité de Marie, qu'on célèbre la fête et que se déroule le pélerinage de Notre-Dame de Vaudouan. La fête du 22 septembre 1912 fut particulièrement remarquable puisqu'elle fut présidée par Mgr Dubois, archevêque de Bourges, venu honorer les cinquante années de pastorat de l'abbé Semelet qui avait entrepris la reconstruction de la chapelle. Plusieurs milliers de pélerins assistaient à la cérémonie, et pas moins de quarante prêtres étaient présents. C'est dire l'importance symbolique du lieu à cette époque encore. Un certain Villebanois pouvait écrire en 1679 : « ainsi je croy, sans dessein de charger, qu'il n'y a point de dévotion de Notre-Dame en France plus grande que celle de Vaudouan. »

Sans dessein de charger non plus, remarquons tout de même que, du 25 mars à la fin septembre, nous avons cheminé d'équinoxe à équinoxe, de Bélier à Balance. Sous le couvert du culte marial, se dissimulent les vieilles déterminations zodiacales.

Je suis arrivé moi aussi, en cet équinoxe d'automne, au milieu du chemin. Un peu en retard sur le calendrier, je ne suis pas encore prêt à aborder Balance. Vierge et Lion, très riches, m'ont demandé plus de temps que prévu. Pensez que j'avais cinq articles en réserve pour Vierge, d'après mon étude de 1989, et que, suite aux digressions champenoises, je commence seulement le deuxième avec Vaudouan...

C'est l'occasion aussi pour moi de remercier les lecteurs fidèles et les commentateurs inspirés qui me donnent désir et énergie de persévérer.

Merci à Marc et à LKL, good fellows, pour leurs aimables phrases.

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23 septembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (1)

Le Magny

Sur le côté Lourdoueix Saint-Pierre – Lourouer Saint-Laurent du triangle de l'eau que nous avons mis en évidence à partir d'une étude des fontaines sacrées liées à la terre, nous retrouvons Le Magny. Une fontaine, dont je n'ai pas encore parlé, est là aussi étroitement liée à l'église du village : à moins de deux cents mètres en contrebas, sur le bord de la route de La Châtre, elle porte le nom de Saint-Rémi. Pourtant, rien dans l'église, ni dans la procession associée ne rappelle le célèbre évêque rêmois. En effet, c'est le 29 juillet, jour de la fête de saint Loup, que l'on descendait à la fontaine, où le curé bénissait l'eau : « (...) à l'église, des évangiles étaient dits, des cierges brûlaient devant la statue de saint Loup. La procession est abandonnée depuis une dizaine d'années mais une messe est toujours célébrée pour la saint Loup. On invoque celui-ci pour la peur ou la guérison des fièvres ; selon Michel Garraut, curieusement, on déposait des pièces de monnaie dans la gueule du monstre terrassé par saint Michel et non devant la statue de saint Loup. » (J.L. Desplaces, op.cit. p. 74).

Saint Loup étant un saint peu fréquent en Berry, ( il n'est d'ailleurs pas répertorié par Mgr Villepelet parmi les saints berrichons), on peut s'interroger sur sa présence ici. C'est le lieu de se souvenir que Le Magny est situé sur l'alignement des saint Eloi. Or, Mgr Villepelet, encore lui, raconte que la reine Bathilde suivit à pied le cortège funèbre de saint Eloi, qui s'était endormi « dans le Seigneur, à Noyon, le dernier jour de novembre de l'an 659. » Il précise ensuite en note que cette reine Bathilde (qui était une ancienne esclave originaire d'Angleterre), aurait voulu transférer au monastère de Chelles - qu'elle avait elle-même fondée et où elle prit voile à la mort de son mari Clovis II - le corps de saint Eloi. « Mais quand on souleva son cercueil, il devint si pesant qu'on comprit que la volonté de Dieu était que le corps du saint restât à Noyon. Il fut en effet enseveli d'abord dans l'abbaye de Saint-Loup qui prit dans la suite le nom de saint Eloi. C'est ce convoi funèbre que suivit à pied et dans la boue, en plein hiver, la reine Bathilde avec ses trois fils Clotaire III, Childéric II et Thierry III. Plus tard les ossements de saint Eloi furent transportés dans la cathédrale de Noyon, qui les conserve encore en grande partie aujourd'hui. » (Les Saints Berrichons, Tardy, 1963, p. 202, c'est moi qui souligne).

L'église du Magny mérite une visite. Outre les statues de saint Loup et de saint Michel (celle-ci en pierre polychrome du XVème siècle), on y admirera des vestiges de fresques et des chapiteaux romans de belle facture, dont une saisissante sirène.

 

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Il y a là sans aucun doute matière à méditation prochaine.

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25 octobre 2005 | Lien permanent

La Chapelle du Fer

Sur le bord d'une petite route entre Saint-Plantaire et Crozant s'élève la Chapelle du Fer, mentionnée sur les cartes de Cassini sous le nom de Chapelle Saint-Jean-aux-Fers. Elle est « le but d'un pélerinage, écrit André Simon en 1910, qu'accomplissent, dans l'intérêt de leur conservation, tous les bestiaux de l'extrémité méridionale du Bas-Berry (...). Le pélerinage a lieu la veille de la Saint-Jean, avec procession autour de la chapelle. Le jour de la Saint-Jean, on fait dire une messe, et, pendant le sacrifice, les fidèles lancent en guise d'offrande, des toisons entières de brebis (La Chapelle du Fer, in Revue du Berry et du Centre, p. 240) ». Ce pélerinage décrit le premier quadrant zodiacal, celui du printemps, qui court du Bélier (les toisons de brebis) à la fin des Gémeaux, au solstice d'été, dont la Saint-Jean (24 juin) est la figuration chrétienne. Le Saint-Jean-aux-Fers n'est autre que Saint Jean-Baptiste emprisonné par le roi Hérode puis décapité (Marc, 6-17) à la suite de la danse de Salomé, la fille d 'Hérodiade.

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((Décollation de saint Jean-Baptiste. - BNF, LAT 18014 - fol. 214 Petites Heures de Jean de Berry France, Paris XIVe s, détail) ) La situation isolée de la chapelle s'expliquerait par cette autre légende : « " Alors qu'une épidémie accablait les troupeaux du bourg de Saint-Plantaire, les habitants firent des prières à Saint Pantaléon qui ne furent pas entendues. Une neuvaine à Saint Jean-Baptiste obtint le succès ; les fidèles reconnaissants décident de construire une chapelle mais les murailles sont renversées, les substructions inondées. Le maître-maçon déclare : « La jalousie règne vraisemblablement au ciel comme sur la terre. Saint Pantaléon est irrité de voir Saint Jean prendre possession de son fief. Que Saint Jean choisisse lui-même le lieu de son sanctuaire. » Il lance dans les airs,, poursuit Jean-Louis Desplaces (Florilège de l'eau en Berry, vol. II, 1981), son marteau qu'un vent emporte au loin. Sept ans après, un taureau mugissait autour d'un objet : la bergère aperçoit un marteau. La chapelle est immédiatement construite. » L'animal commis à l'élection du lieu saint n'est donc autre que le titulaire zodiacal du secteur. Nous allons voir maintenant que la position de la chapelle ne doit rien au hasard d'un vent, fut-il divin.

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06 juin 2005 | Lien permanent

Pantaléon en Lorraine

En effectuant une recherche sur le web au sujet de saint Pantaléon, j'ai découvert le chemin des Saints Auxiliaires de Hombourg, en Moselle. J'ai ainsi appris que Pantaléon était l'un des quatorze saints dits aussi « auxiliateurs », invoqués collectivement pour le soulagement de maux divers. Quatorze statues jalonnent un chemin qui conduit de l'église à la chapelle Sainte-Catherine, en passant le long du site de l'ancien château.

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Le culte des saints Auxiliaires remonterait seulement au XVème siècle et l'implantation actuelle des statues n'a été réalisée qu'en 1900. On ne saurait donc parler de tradition séculaire, cependant il est curieux de noter que deux Pantaléon sont à l'honneur : l'un vient en sixième position sur le trajet, l'autre est abrité au sein de la chapelle. De plus saint Cyriaque, qui ouvre la théorie des saints, est un diacre de Rome martyrisé en 303, donc la même année que Pantaléon. Il se trouve aussi qu'on l'invoque pour les maladies des yeux.

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22 juin 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)

Outrille et le Bétyle

Saint Sulpice nous a révélé la figure de saint Outrille, son prédécesseur sur la cathèdre berruyère. A part Saint-Aoustrille, dont nous avons vu qu'il rasait l'axe Saint-Genou-Saint-Ambroix, le saint a donné son nom à un  village du Cher, accolé au bourg de Graçay et situé comme Saint-Ambroix à la limite des deux départements berrichons. Une collégiale romane, fondée en 989 par le chapitre du château de  Saint Outrille de Bourges, lui est consacrée. Nous sommes ici très près de Vatan, la ville natale de Sulpice.

On peut définir un quasi triangle isocèle en traçant les axes Saint-Aoustrille - Saint-Outrille et Saint-Outrille - les Chapelles (point médian, rappelons-le, de l'axe Saint-Genou - Saint-Ambroix).

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Dans ce même secteur, j'avais mis en lumière en mars 2006 une autre figure géométrique que j'avais nommée la Couronne de Ménétréols. Or, elle n'est pas sans résonance avec le triangle outrillien : ainsi peut-on noter tout d'abord que  le côté Saint-Outrille - Saint-Aoustrille est parallèle à l'axe Vatan - Saint-Valentin, et ensuite que Ménétréols, centre de la couronne, est sur le méridien exact de Saint-Outrille. Que ces rapprochements soient fortuits me paraît improbable.
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A Ménétréols, l'église est, nous l'avons vu, sous le vocable de saint Paul, qu'un vitrail représente, armé de son épée. Or, le site nominis, consacré aux biographies de saints, relate que saint Outrille "refusa une épouse pour devenir prêtre à Lyon, puis évêque de Bourges où il se concilia l'estime de son peuple en chassant un seigneur malfaisant que saint Outrille força lui-même, une épée à la main, à déguerpir et à pratiquer son brigandage ailleurs. Une localité se rappelle de cela : Saint Outrille-18310."

Mgr Villepelet ne rapporte pas cette anecdote mais signale tout de même qu' Outrille aurait dû combattre un certain Bethelen qui l'avait accusé de détournement de biens publics. Le roi Gontran aurait ordonné une ordalie (jugement de Dieu) en champ clos. Outrille se rendit au combat mais son adversaire avait déjà péri, renversé et foulé aux pieds par son cheval, "très doux d'ordinaire": "Le roi vit dans cette mort la manifestation de la vengeance divine". Un chapiteau de l'ancienne  collégiale Saint-Outrille de Châtillon-sur-Indre (cité situé à quelques kilomètres en aval de Saint-Genou) reproduit les démêlés du saint avec  Bethelen.
Ce nom est intrigant : il n'est pas sans rappeler Bethel, étymologiquement la Maison de Dieu, dont la première mention dans la Bible se trouve dans la Genèse. Abraham y fonde un autel et, plus tard, c'est là que Dieu apparaît en songe à Jacob, avec l'échelle où montent et descendent les anges. Jacob qui fait un autel de la pierre qu'il avait placée à sa tête pour s'endormir. Béthel peut ainsi être rattaché aux bétyles, ces pierres sacrées dressées vers le ciel.


Il y a fort à parier que le combat d'Outrille et de Bethelen recouvre la christianisation d'une pierre sacrée, sans doute un mégalithe (ils sont nombreux dans ce secteur, ainsi peut-on trouver à Gracay le dolmen dit de la Pierre-Levée). Le village de Saint-Jean de Boiseau, dans le  pays de Retz, près de Nantes, possède une chapelle de Béthléem dont le nom originel est Bétélian. Selon les rédacteurs du site de la commune, "l'appellation de Bétélian (Béthel : pierre ou lieu sacré) indique qu'il existait un culte druidique christianisé par la suite sous le vocable de Bethléem."
 

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28 septembre 2007 | Lien permanent

Chevaux et fontaines

"Comme je lui parlais de l'orage, elle se mit à rire et à hausser les épaules en me disant que je n'étais qu'un bourri de ne pas savoir encore que les orages ne sont jamais pour nous lorsqu'ils prennent naissance du côté du soleil levant »

Emile Guillaumin (La vie d'un simple)



Observons plus attentivement l'alignement Ygrande-Souvigny. A Ygrande même, l'église Saint-Martin faisait partie d'un couvent bénédictin rattaché ensuite à Souvigny.Deux villages situés ensuite entre Ygrande et Saint-Mayeul méritent l'attention. Le Vilhain tout d'abord : occupé, semblerait-il, en permanence depuis l'époque gauloise, c'est le point culminant du pays de Tronçais. Son église est également sous la patronage de  saint Martin, qui nomme en outre une fontaine "miraculeuse". A l' ombre de l'église se dresse un menhir impressionnant, haut de 4,56 m, large de 1,48 m,  auparavant couché en bordure de la route du Vilhain à Hérisson, près d'un point de vue, et déplacé  ici en 1985. Le site lieux sacrés rapporte que "L'abbé Charles-Antoine-Marie Bordelle, ancien curé du Vilhain dans la seconde moitié du 19 ème siècle écrivait à propos de cette pierre : "le dessus n'est pas tout à fait plat; il y a comme des espèces d'élévations graduées, qui ont dû être faites exprès, pour faire couler le sang des victimes. Elle a toujours porté le nom de Pierre Chevriau ou Chevau, il est probable qu'elle a conservé le nom des victimes qu'on immolait le plus souvent : les chevreaux et les chevaux"..."

Sans vouloir retenir l'interprétation sacrificielle très en vogue au 19ème, il est intéressant de retrouver la référence au cheval que Ph. Walter associe, on l'a vu, à saint Eloi (signalons aussi que, parmi les autres animaux associés aux Douze Jours, il mentionne l'ours - or, le premier ruisseau croisé par l'alignement est celui dit de l'Ours).

 

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Saint-Nicolas (photo)

L'autre village traversé avant Saint-Mayeul est Le Brethon, dont l'église Saint-Pierre renferme " une amusante statue de Saint Nicolas revêtu des ornements d'évêque, et accompagné du saloir contenant les trois petits enfants qu'il vient de sauver de la mort."  Or, saint Nicolas est également lié à la période qui nous occupe, puisque sa fête est placée le 6 décembre : "Le lieu primitif de l'implantation du culte de saint Nicolas en France, explique Ph. Walter, est Saint-Nicolas-de-Port à côté de Varangéville, important site lorrain d'extraction du sel depuis le Moyen Age. Comme pour rappeler ce lien séculaire de Nicolas et du sel, l'église de Varangéville est encore dédiée à saint Gorgon, un martyr qui eut les intestins salés par ses bourreaux. Saint Gorgon de Varangéville évoque irrésistiblement le Gargantua rabelaisien dont le lien avec le sel est bien rappelé dans le roman."


Saint Genou, que cette incursion bourbonnaise nous a un peu fait perdre de vue, se rappelle à notre bon souvenir puisque je me souviens avoir lu dans un article du site consacré au village que  sur les chapiteaux du choeur sont représentés des récits de l'Ancien Testament puis des histoires tirées de la légende de saint Genou :"Il chasse un démon qui sort de la bouche du possédé..., il baptise ou ressuscite trois enfants debout dans une cuve."

Saint Genou, saint Nicolas, même combat ? 

 

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Si l'on examine maintenant l'axe dans son prolongement vers l'est, on découvre qu'il enjambe l'Allier à Toulon-sur-Allier (église Sainte-Marthe et Saint-Martin, nef du XIème), traverse la Sologne Bourbonnaise en passant par les Chevennes, touche Chavanne au sud de Digoin avant de rejoindre la grande ville de pélerinage de Paray-le-Monial.
Les parages de Digoin, à proximité de cet axe, dans cette zone frontalière entre les deux départements de l'Allier et de la Saône-et-Loire, révèlent une concentration de lieux-dits faisant écho à des noms maintenant familiers :  Estrée, Fontaine-Saint-Martin, Les Bretons, et les proches villages de Saint-Léger-sur-Vouzance et Saint-Léger-les-Paray.
La très grande fréquence de Saint-Martin doit en particulier nous amener à nous pencher une fois de plus sur ce saint extrêmement populaire.

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06 juin 2007 | Lien permanent

D'Estrée à Souvigny

En 828, le comte de Bourges, Wilfred, "plus célèbre encore par sa piété que par sa naissance", précise Mgr Villepelet, décide, d'un commun accord avec sa femme Ode, de faire édifier, sur son domaine du bord de l'Indre appelé Estrée, une église et un monastère dédiée à la Vierge Marie et à tous les Saints. Cette large consécration  ne sembla pas satisfaire  les bénédictins chargés d'administrer les lieux puisqu'ils préférèrent se placer sous la protection d'un saint particulier, aussi bien allèrent-ils chercher les reliques de saint Genou qui reposaient à Cella supra Nahonem depuis de longues années.

Il faut croire que ces reliques étaient de grande valeur car on prit garde à les transporter, dès la première menace d'invasion normande, à l'oratoire de Saint-Pierre-le-Moutier, "entre Loire et Allier". A juste titre apparemment puisque les Vikings brûlèrent le monastère de fond en comble. Revenues à leur emplacement après autorisation de l'archevêque de Bourges, ne voilà-t-il pas que les Hongrois menacent à leur tour la région. Cette fois on transporte les saintes reliques au château de Loches, puis on les rapatrie dans la toute proche forteresse de Palluau. "C'est de là, enfin, assure Mgr Villepelet, après tant de pérégrinations, qu'elles furent ramenées solennellement, par la rivière de l'Indre, jusqu'à l'église d'Estrée, le 12 des calendes de juillet, et placées derrière l'autel. En souvenir de cette déposition, le bourg autrefois appelé Estrée a pris le nom de Saint-Genou, qu'il porte encore aujourd'hui avec respect."

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Forteresse de Palluau

 

Revenons sur ce périple des reliques : il est pour le moins curieux de protéger les reliques des attaques vikings en choisissant un oratoire lui-même situé à proximité d'un fleuve. On sait que les Vikings ont souvent remonté la Loire et un lieu élevé loin d'un cours d'eau important aurait mieux convenu, reconnaissons-le,  que Saint-Pierre le Moutier. Mais il semble qu'une tout autre logique soit ici à l'oeuvre.

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Image : Wikipedia

 

Observons d'abord que Saint-Pierre-le-Moutier est situé entre Loire et Allier, à peu de distance du confluent du Bec d'Allier, ce qui rapproche la petite cité de la thématique proprement Verseau de la convergence des flux.

En second lieu, la ville est rasée  au Nord par le grand axe d'Autun, lié à l'histoire de saint Léger, qui "se dirige, je me cite,  au sud-ouest par Chevannes, Montaigu, Saint-Léger-sous-Beuvray (au pied donc du Mont Beuvray, site de l'ancienne Bibracte, capitale des Eduens), Montjouan, Chevannes, Saint-Léger-les-Vignes au nord de Decize, Saint-Amand Montrond et Orval. Elle [la ligne] passe alors à deux kilomètres au nord de Neuvy Saint-Sépulchre puis rejoint Argenton, le bois de Souvigny, Chapelle-Viviers, Morthemer, Vivonne avant d'aboutir à Souvigné à seulement cinq kilomètres de Saint-Maixent. Un Saint-Maixent que nous retrouvons sur la partie sud du méridien de Toulx."

Cette position si proche d'un alignement majeur n'est sans doute pas fortuit car je m'avise maintenant qu'un autre axe, quasi perpendiculaire à l'axe d'Autun,  relie  le  hameau de Saint-Léger (que j'avais repéré mais n'avais pu jusque là intégrer dans un quelconque alignement), où une chapelle demeure, dernier vestige d'un ancien couvent, et Saint-Léger-le-Petit, sur les bords de la Loire.

 Et vers le sud-est, cette perpendiculaire va traverser très exactement le village de Souvigny, près de Moulins. Berceau de la maison de  Bourbon, première capitale du Bourbonnais,  il renferme  l'un des monuments les plus importants de l'époque romane : l'église prieurale Saint-Pierre et Saint-Paul, lieu de pèlerinage sur les tombes des  saints  abbés de Cluny, Mayeul et Odilon.

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Cette découverte donne a posteriori un sens manifeste à la récurrence de Souvigné et Souvigny sur l'axe autunois - fait que j'avais noté sans pouvoir  alors le justifier. J'ajoute que l'église Saint-Julien de Mars-sur-Allier, près du hameau de Saint-Léger, au nord de Saint-Pierre-le-Moutier, appartenait à un prieuré bénédictin dépendant de Souvigny (peut-être le couvent de Saint-Léger ?).

Au vu de ce que je lis maintenant sur Souvigny, une note spéciale me semble  nécessaire.

 

 

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29 mai 2007 | Lien permanent

Tous les chemins mènent à Bourges

Autre point commun essentiel entre Saint-Genou et Saint-Ambroix : Bourges. Bourges, la capitale de la civitas bituricum. Petit rappel : c'est le comte de Bourges, Wilfred, qui fonde en 828  l'église et le monastère d'Estrée, lesquels un peu plus tard accueilleront les reliques de saint Genou. Il n'est sans doute pas anodin que cette initiative ait été prise d'un commun accord, ainsi que le stipule Mgr Villepelet, avec Ode son épouse. La génération induit le couple ; semblablement la restauration de l'abbaye de Saint-Ambroix fut décretée à la suite d'une charte signée par Geoffroy vicomte de Bourges et sa femme Ildeberge de Déols. Datée de 1012, elle fut signée par presque tous les nobles du pays.


L'abbaye de Saint-Ambroix dont il est ici question ne se situait pas à Saint-Ambroix, mais bel et bien à Bourges, car la dépouille du saint y fut transférée au Xème siècle, dans le faubourg de Brisiac et déposé dans l'église consacrée aux saints apôtres Pierre et Paul. L'abbaye fut construite peu après, pillée par les Normands puis rétablie dans ses possessions primitives par Geoffroy. Brûlée par les protestants en 1562, restaurée en 1571, reconstruite presque entièrement en 1635, vendue comme bien national en 1793, "il en reste, nous dit encore Mgr Villepelet,  quelques vestiges importants dans la propriété de Mlle de Bourbon ; le jardin des Prés-Fichaux appartenait à cette abbaye ainsi que les beaux platanes de l'avenue de la Gare jadis dans l'enclos du monastère."

 

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Dieu parlant à Isaïe
Bréviaire à l'usage de Saint-Ambroix de Bourges (1380)
Bourges - BM - ms. 0016

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18 septembre 2007 | Lien permanent

De sancto Ursino

"Ursinus, envoyé par les disciples des apôtres, fut le premier évêque de Bourges. En ces temps d’ignorance on l’ensevelit avec tout le monde dans le cimetière. Ce peuple ne comprenait pas encore qu’il faut vénérer les prêtres de Dieu. Sous l’épiscopat de Probianus (552-568), un nommé Augustus, qui avait fait partie de la maison de Désidératus, autre évêque de Bourges (545-550), et qui après avoir fondé un oratoire de Saint-Martin à Brives, avait été appelé à gouverner l’église de Saint-Symphorien de Bourges, eut, en même temps que saint Germanus évêque de Paris, une vision d’Ursinus qui leur indiqua lui-même où son cadavre était enseveli."

 

(Grégoire de Tours, Livre des Miracles, 7, LXXX)

 

 

Presque un mois de retard sur le calendrier. Ce n'est pas la première fois. Nous allons sortir de Scorpion au moment même où j'aborde enfin les terres de l'Arthropode, où le véritable aiguillon du secteur n'est autre que Bourges. Mais avant de plonger dans les profondeurs de son histoire, remarquons l'adéquation du festiaire liturgique avec le zodiaque neuvicien : la fête de tous les saints du diocèse de Bourges est en effet placée le 7 novembre, donc sous le signe du Scorpion. A cette date sont réunis dans une même commémoration tous les saints qui n'ont pu avoir au cours de l'année liturgique une fête spéciale, soit, indique Mgr Villepelet, « en raison de la pénurie de documents historiques les concernant, soit parce qu'ils n'appartiennent au Berry que d'une manière assez accidentelle. » (Les Saints Berrichons, op. cit. p. 168). La liste est longue : saint Genès, saint Firmin, saint Victorin, saint Satur, sainte Fauste, les saints Opion et Bezant, saint Gaultier, saint Odon, les saints Lié, Léonard, Séverin et Vulfin, et tous ceux « dont les noms, quoiqu'ils nous soient inconnus, sont inscrits dans le livre de vie. »

Le saint le plus prestigieux du diocèse, saint Ursin, a aussi sa fête dans le Scorpion. Elle est fixée au 9 novembre. Considéré comme l'apôtre du Berry, il aurait fait construire la première église de la ville de Bourges à la suite de la conversion de Léocade, premier sénateur des Gaules, sanctifié lui aussi et fêté le 23 novembre. Le fils de Léocade, Ludre, baptisé par saint Ursin lui-même, serait mort, selon la tradition, encore vêtu de la robe blanche des néophytes. Il est fêté le 16 novembre. Or, Doumayrou écrit dans son étude du système toulousain, après une description de Taureau : « Quant à son opposé, Scorpion, signe d'eau et de mort, plus précisément : de la transformation radicale (mort), ou fermentation réorganisatrice (eau), c'est-à-dire de l'épreuve initiatique fondamentale dont le résultat sera l'albification (attesté par la robe blanche des initiés), le pays en est l'Albigeois, pays de l'Aube d'une vie nouvelle. » (Géographie Sidérale, p. 62).

 

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Sarcophage de saint Ludre, en marbre de Paros
 

La crypte de l'église Saint-Etienne de Déols conserve le sarcophage gallo-romain du début du IVème siècle, qui a contenu les restes de saint Ludre. « Ce sarcophage, précise Mgr Villepelet, reproduit sur l'une de ses faces des scènes de chasse au sanglier, à l'ours, au lion, au cerf : motifs fréquents de décoration à cette époque, dont s'inspirera plus tard la porte romane de la Collégiale Saint-Ursin de Bourges. »

Déols et Bourges, les deux inspiratrices de la géographie zodiacale du Berry, montrent déjà à travers ces échos leur compagnonnage essentiel.


 

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21 novembre 2005 | Lien permanent

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