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Rechercher : saint ursin

Ora et labora

Une des objections que l'on fait souvent au type de travail auquel je me consacre est la sélection, consciente ou inconsciente, des données, autrement dit on ne prendrait en considération que ce qui irait dans le sens de l'hypothèse initiale, et l'on écarterait, plus ou moins intentionnellement, tout ce qui pourrait la remettre en question. C'est en effet un danger qui guette le chercheur, à partir du moment où il a enregistré un nombre certain de corrélations troublantes : dissimuler, oublier, omettre l'anomalie, le site, le mythe, le fait historique ou matériel qui ne fait plus sens dans la configuration envisagée. Bien souvent, la remise en cause à partir de cet indice résistant permet d'élargir encore et de découvrir une nouvelle structure symbolique adventice ou plus vaste. Et quand cela n'est pas possible, pourquoi ne pas accepter son impuissance ? De la géographie sacrée, il en va comme de la mythologie, nous n'en connaîtrons jamais que des fragments - d'où le nom de ce blog – à partir desquels nous hasardons nos reconstitutions. Tentatives toujours risquées, incertaines, provisoires, qui nous éloignent de la tentation de prétendre posséder la vérité.

Confrontons par exemple nos derniers développements à une étude extérieure : en 1989, j'avais choisi celle de Brigitte Rochet-Lucas sur les fontaines du Bas-Berry consacrées à la terre.1 Quatre sont citées :

  • Fontaine Sainte-Madeleine du Ponderon

  • Fontaine de Notre-Dame de Vaudouan

  • Fontaine de la Chaise, à Mosnay

  • Fontaine Saint-Pardoux, à Saint-Chartier.

Or les deux premières, on l'a vu, sont situées en Vierge et la troisième trouve place sur ce que j'ai appelé l'axe majeur, qui est un alignement Vierge-Poissons. Seule une fontaine reste en dehors de notre hypothèse zodiacale. On pourrait la passer sous silence, se contenter d'un trois sur quatre déjà édifiant, mais n'est-il pas plus fécond de prolonger l'enquête, d'aller chercher dans le détail ce qui se rattache à cette fontaine rétive ? Observons déjà qu'une coutume identique à celle de Mosnay, abandonnée aujourd'hui, la caractérisait, c'est-à-dire que les femmes cueillaient des rameaux de buis, les trempaient dans l'eau et aspergaient l'ecclésiastique, lequel devait se laisser faire (sinon la pluie ne venait pas).

De fait, il y a une petite erreur dans la relation de B. Rochet-Lucas : la fontaine se trouve en réalité sur la commune de Lourouer Saint-Laurent, à deux kilomètres environ du bourg, vers le sud-ouest. Or, le titulaire de l'église est saint Pardoux et non saint Laurent. « Fondateur de l'église de Guéret, rappelle J.L. Desplaces, il n'est pas vénéré dans l'Indre où aucune autre paroisse ne lui est dédiée. » (op.cit. p. 69). Quelle est la raison d'une telle originalité ?

Première constatation : la fête de saint Pardoux étant fixée au 6 octobre, cela la place donc dans le signe de la Balance, où se situe précisément Lourouer Saint-Laurent. Je note ensuite que ce village est sur le même parallèle que Mosnay. Saisissons-nous alors de la figuration du signe par une balance avec son fléau et ses deux plateaux : « La flèche, lorsque les plateaux sont en équilibre (équinoxe), ou l'épée qui s'identifie à elle, c'est le symbole de l'Invariable Milieu. » (Dict. Des Symboles, art. Balance, p. 99). Si nous traçons maintenant la ligne Mosnay-Lourouer, le méridien passant par le milieu du segment désigne le village de Lourdoueix Saint-Pierre, dans la Marche. Comme Lourouer (en 1249, cité comme « Decima de oratorio »), Lourdoueix doit son nom à un oratoire.

 

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Remarquons tout de suite que la figure qui se dessine ici, joignant les trois pôles Mosnay-Lourouer-Lourdoueix, est un quasi triangle équilatéral, symbole bien connu de divinité, d'harmonie, de proportion et d'équilibre. Triangle renversé en l'occurence, avec sa pointe en bas, il représente également l'eau et le sexe féminin (d'où, peut-être, les rites d'aspersion que nous avons vus menés par des femmes).

1Ce n'est certes pas la plus exhaustive. Mieux vaudrait maintenant prendre celle de Jean-Louis Desplaces, avec ses trois volumes du Florilège de l'eau en Berry. Je m'y emploierai un de ces jours.

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19 octobre 2005 | Lien permanent

Denis Gaulois (7) : Grand Corps Malade

Il faut porter attention aux vecteurs des coïncidences, c'est-à-dire aux médias, aux supports physiques de l'information porteuse des synchronies remarquables. J'ai souvent remarqué des récurrences sur ces vecteurs, avant l'extinction finale. J'en veux encore pour illustration ce qu'on peut observer avec la dernière page du supplément Ile-de-France du Journal du Dimanche (édition du 15 octobre). Le 1er octobre, je relevai l'article en dernière page où Jérôme Charyn évoquait Hemingway. 

medium_silhouettesable.2.jpgOr, la semaine suivante, cette même dernière page était consacrée à Grand Corps Malade, alias Fabien Marsaud, un slameur qui a vendu récemment plus de 300 000 albums. Le titre de l'article est Le héraut de Saint-Denis. En effet, le jeune homme habite la ville depuis l'âge de 4 ans, et il lui voue un fier amour qu'il a exprimé dans plusieurs chansons (qu'on peut écouter ici) : « Saint-Denis, ville sans égale/ Saint-Denis, ma capitale. »

 

Il n'ignore pas le Récit qui fonde la ville : « La rue de la République mène à la basilique où sont enterrés tous les rois de France, tu dois le savoir/Après la géographie, petite leçon d'histoire. »

« Tous les dyonisiens, précise-t-il,  connaissent la légende : le périple jusqu'à la périphérie de Paris de ce martyr nommé Denis. Décapité, il a ramassé sa tête et a dû se dire : « Je préfère mourir en banlieue. » Alors il a marché, marché, passé la porte de la Chapelle. Au bout du rouleau, il s'est écroulé ici. La Basilique fut construite là où son corps a été enfoui. La basilique, je l'ai visitée une fois en CM1. J'y suis retourné pour un festival de musique classique. On y jouait le Requiem de Mozart, impressionnant avec cette acoustique ! L'endroit idéal pour slamer. »

Bon, ce n'est pas tout à fait juste : la première sépulture de saint Denis fut à Saint-Denis de la Chapelle, comme l'a montré Anne Lombard-Jourdan. Saint-Denis fut la seconde sépulture, effectuée après translation des reliques vers 627. Ceci n'est pas très important, on pardonnera à Grand Corps Malade de vouloir faire briller sa ville. Il reste assez saisissant de voir ici s'interpénétrer mes deux catégories, ces deux fils dont j'écrivais qu'ils « ne cessent d'ailleurs de se croiser, formant un brin qu'il serait bien artificiel de démêler. »

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22 octobre 2006 | Lien permanent | Commentaires (2)

Denis Gaulois (1) : les licornes sans cornes

Je vous propose de suivre pas à pas, sur la mode du feuilleton, la curieuse légende de Denis Gaulois.


« L'an 218, Denis Gaulois possédoit le canton de la Gaule, en partie les terres de Dieux et celles de Déols ; il avoit aussi le canton de Roux. Il étoit fils de Denis Gaulois et de Jeanne de Dieux.

En l'année 196, ils firent bâtir une chapelle, qu'ils dédièrent à Sainte- Marie de Déols ; puis ils firent bâtir une autre chapelle, sur les bords de la rivière d'Indre, près leur luant ou châtel, où ils faisoient leur résidence avec Denis, leur fils. Ils la nommèrent Saint-Denis en Gaule ; ils firent venir des moines pour dire des oraisons à la louange du Seigneur.

Après quelque temps, la mère de Denis Gaulois vint à mourir ; elle fut enterrée dans la chapelle de Sainte-Marie de Déols. Son père l'ayant suivie de près fut enterré dans la même chapelle.

Denis Gaulois étant resté seul avec les amis de sa maison, continua de faire valoir les mêmes cantons que ses père et mère lui avoient laissés. »


Selon Grégoire de Tours, Denis aurait été décapité sous le règne de l'empereur Decius (248-251), on voit donc mal comment, en 196, on aurait pu édifier une chapelle consacrée au célèbre saint céphalophore. C'est l'une des nombreuses invraisemblances du texte, dont la géographie qu'il met en avant est tout aussi truffée de fantaisies : à côté de Déols, lieu avéré, voici les cantons de Dieux et de Roux, qui sont sans doute des jeux de mots formés sur Châteauroux ou le Bourg-Dieu (autre appellation de Déols). La suite n'offre plus aucun doute sur la teneur mythique de l'histoire :


« Il fit voeu de jamais ne se marier. Il éleva dans son luant quantité d'animaux féroces qui sembloient à des licornes, mais sans cornes ; dangereux envers les habitants de ces cantons mais non envers lui, il les avoit élevés de jeunesse et leur faisoit faire le labour de ses terres ; il les montoit comme des chevaux. Ces animaux multiplièrent un grand nombre d'animaux dont grande partie se retirèrent dans les forêts ; et ces cantons sont plantés en bois jusqu'à la rivière d'Indre, qui sépare les cantons de Dieux, Déols, Roux et Saint-Denis, tous situés en la gauche du Berry. »

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« Tous situés en la gauche du Berry » : on voit mal ce que signifie l'expression. Qu'est-ce que la droite et la gauche d'une province ? On se demande parfois si le copiste a bien fait son travail... Ces licornes sans cornes ne manquent pas d'un certain humour, sans doute involontaire. Un terme également nous étonne : luant, que le narrateur donne comme équivalent de châtel. Or, mon dictionnaire d'ancien français ne mentionne pas le mot. Il existe cependant une paroisse du canton de Châteauroux qui se nomme Luant, attestée en 1202 comme appartenant à Guillaume de Luant (Willelms de Luens), devenue Seigneurie de Luans en 1596 (Stéphane Gendron propose comme étymologie possible le nom propre germanique Leudincus). Et je viens de lire que Luant, où existait aussi un prieuré, dépendait de l'abbaye de Saint-Gildas (ce qui nous renvoie incidemment à un commentaire récent de Marc Lebeau...).


Tiendrions-nous là une piste sérieuse ?

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27 septembre 2006 | Lien permanent

Vézelay, le Mont Scorpion


« Les ombres ne peuvent voiler ce qui fait la vraie gloire de Vézelay : rendez-vous des saints, des rois, des héros, et de la multitude des humbles, elle a entendu saint Bernard prêcher la croisade au flanc Nord de sa colline ; saint Thomas Becket, promis au martyre, a prié sous les voûtes de son église ; Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion y ont réuni leurs armées en partance pour Jérusalem ; frère Pacifique et ses compagnons, envoyés par saint François, retrouvant dans sa lumière un reflet de la lumière d'Assise, y ont établi un petit couvent, le premier du domaine royal ; saint Louis, enfin, trois ans avant de mourir croisé, y est venu pour la dernière fois honorer Marie-Madeleine. »

(H. Delautre, J. Gréal, Vézelay, Basilique Sainte Madeleine, Editions Franciscaines, p. 5.)


Vézelay, désignée par Colette dans un récent commentaire, s'est donc imposée à moi. J'aime ces surprises, ces ouvertures soudaines sur un ailleurs, comme un rideau dévoilant une pièce oubliée. Vézelay, je connaissais, du moins je croyais connaître, j'en avais arpenté les rues, éprouvé les pentes, je savais que la voie jacquaire passant à Neuvy en provenait, mais Vézelay était restée jusque là muette, lointaine, indifférente au périple zodiacal. Et puis d'un seul coup, elle s'y épanouit, devient nécessaire et complète une partie du puzzle cosmique.

Quelques coïncidences achevèrent d'emporter ma conviction : un être cher me signalant un livre de littérature de jeunesse se déroulant tout entier à Vézelay, et s'achevant sur une citation de Jules Roy, illustre habitant de la vieille cité :

« Le week-end dernier, juste avant de quitter Vézelay pour rejoindre sa compagnie en Espagne, Suzelle a été attirée, en marchant, par le titre d'un ouvrage exposé dans la vitrine du libraire : Vézelay ou l'amour fou, signé Jules Roy. Elle se l'est offert pour accompagner son voyage. Entre le train et l'avion, elle n'a pu s'empêcher de souligner au crayon :

« Vue du ciel, la ville représente en effet une forme courbe, un abdomen à sept anneaux, avec une queue à segments dont le dernier est armé d'un aiguillon sans doute venimeux.

De tous les signes du zodiaque qui figurent dans les voussures des tympans pour représenter l'univers et les saisons, le Scorpion caractérise Vézelay par le drame vie-mort-vie.

Vézelay n'existe plus que par l'amour, et par la mort vaincue. »

( Les roses de cendre, Erik Poulet-Reney, Syros, 2005, pp.119-120)

 

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Vezelay, Mont Scorpion, cela je l'ignorais jusqu 'à ce jour. Or, il est facile de vérifier que, comme Bourges,Vézelay est situé dans le signe du Scorpion du zodiaque neuvicien.

C'est sur cette belle rencontre, où certains ne verront encore une fois que le triomphe du hasard, que je fête le premier anniversaire de ce blog. A cette occasion, qu'il me soit permis de saluer tous les lecteurs fidèles ou irréguliers qui me suivent sur ce chemin d'étoiles.

Mille mercis à l'Oiseau nervalien, l'Artiste LKL, ATP malheureusement en sommeil depuis juillet 2005, Gatito, Colette et Marc pour leurs liens et/ou leurs commentaires qui m'ont si souvent permis de prolonger, rectifier, préciser tel ou tel fragment de géographie sacrée...

Une pensée enfin pour mes proches dont je ne louerai jamais assez la patience et la compréhension. Mon amour les accompagne.







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20 mars 2006 | Lien permanent | Commentaires (6)

En suivant la Mage

"Le devenir poussait en avant chaque saison comme un revenir vers sa plus grande force, vers sa sève fécondante. Le temps avait un but : c'était ce que la langue française appelle de façon merveilleuse le printemps. Les Romains l'appelaient ver et s'ils dirent primum tempus, ce fut pour marquer le premier temps - le temps fort selon le temps. Le premier temps est l'origine temporelle. Le printemps est la phanie elle-même." Pascal Quignard (Sur le jadis, p.32) Les jardiniers d'Argenton venaient à la chapelle de Verneuil déposer des fleurs en l'honneur de leur saint patron, suivant en cela le parallèle ombilical, cette ligne équinoxiale qui sépare l'hiver du printemps, le signe des Poissons de celui du Bélier. Mais on peut suivre aussi la voie des eaux : le ruisseau qui s'écoule de la fontaine Saint-Fiacre rejoint celui de la Mage qui se jette lui-même dans la Creuse, au coeur du vieux quartier Saint-Etienne, à Argenton. Le moine limousin Yrieix y passe lors de son voyage à Tours, daté entre 556 et 573, et décrit le lieu comme profane et consacré aux démons de la religion antique. Il faut dire que celle-ci avait une source encore proche : la ville gallo-romaine d'Argentomagus, abandonnée à la fin du IVe siècle ou au début du Ve. Persistance du paganisme que n'avait pas endigué la fondation probable d'un édifice chrétien implanté au-dessus d'un bâtiment antique et qui allait devenir l'actuelle église Saint-Etienne (une vieille histoire que cette lutte du païen et du chrétien, puisque cette même église, désaffectée, abritait voici encore peu de temps une école maternelle publique...). Selon Maurice de Laugardière (L'Eglise de Bourges avant Charlemagne, Paris-Bourges, 1951), cette implantation d'église faisait partie d'un vaste projet de l'archevêché de Bourges de construire un réseau de succursales de la cathédrale en différents lieux du diocèse. "En effet, écrit Armelle Querrien (in Argenton-sur-Creuse à la croisée de ses chemins, Editions du C-H-A, 2001), la répartition des églises Saint-Etienne, églises qui ont le même patron que la cathédrale de Bourges, quadrille le territoire du diocèse et coïncide avec les agglomérations protohistoriques et gallo-romaines et avec les grands carrefours routiers antiques. Ce réseau serait postérieur au décret de Valentinien III de 435 ordonnant de détruire les derniers temples païens et antérieur à 470 et aux persécutions des Wisigoths, adeptes de l'arianisme. L'église d'Argenton aurait donc été bâtie avant le passage de saint Yrieix. Elle a essaimé en trois lieux proches dont l'église a le même patron, Tendu, Bouesse et Velles, et peut-être plus loin, à Crozant, Eguzon et Cuzion." Il apparaît ainsi, et nous ne cesserons pas d'en découvrir de nouveaux exemples, que l'édification de la géographie sacrée se confond largement avec l'histoire de la sainteté chrétienne et de l'évangélisation des campagnes.

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01 avril 2005 | Lien permanent

Les lions de pierre

Curieux monument que l'église de Toulx Sainte-Croix : trois travées de la nef se sont effondrées et le clocher-porche est maintenant séparé du choeur. On a peine à croire d'ailleurs à une telle destruction, tant on est impressionné par les contreforts massifs qui cernent l'édifice. André Guy écrit que « l 'écroulement paraît remonter au 15e ou 16e siècle, à en juger par la forme de la porte donnant accès à l'église, et d'autre part à une inscription déjà relevée par Barailon sur une grosse poutre du beffroi où l'on peut lire 1507. » Plutôt que de rebâtir à l'identique, on se sera donc accommodé de la catastrophe. Une route passe entre les deux parties du monument, dont les portes se font face. Ce qui reste de la nef centrale, ainsi que les deux nefs latérales, est voûtée en berceau, ce qui indiquerait, toujours selon André Guy, une influence de l'école romane poitevine, qui se manifesterait de façon encore plus nette dans le déambulatoire et le choeur formant la partie la plus ancienne de l 'église (fin XIème siècle) : « Parmi les six colonnes qui séparent le choeur du déambulatoire, quatre sont cylindriques et deux de plan tréflé (exemple unique dans la région d'un pilier roman-poitevin. » Cette singularité s'éclaire si l'on admet que Toulx s'est inscrit dans un système de correspondances symboliques mis en place par des seigneurs poitevins et berrichons. L'importance de ce haut-lieu, je veux en voir un autre indice dans l'histoire de saint Martial : ce fut, si l'on en croit la Vie du saint, la première cité des Lémovices qu'il aurait évangélisée (une fresque du Palais des Papes, à Avignon, représente cet épisode). Si l'on prend la peine de signaler un tel fait, c'est qu'il devait bien exister à cet endroit un culte païen assez important pour qu'il soit apparu nécessaire de le recouvrir avec un récit de conversion.

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Une autre particularité de l'église de Toulx est la présence de trois lions de granit aux entrées, deux devant l'église, un devant le clocher. George Sand les met en scène dans Jeanne, son premier roman champêtre, qui se déroule dans cette région de Boussac, en leur attribuant un rôle de symbole de l'occupation anglaise : « Renversés par des paysans au temps de la Pucelle ; mutilés, devenus informes... ils gisent le nez dans la fange. » André Guy fait justice de cette signification abandonnée depuis longtemps par les historiens. « Bien antérieurs à cette occupation », ils ne sont d'ailleurs pas uniques en leur genre : « ils sont semblables à ceux de Limoges (église Saint-Michel-des-Lions), ou encore à ceux si fréquents en Creuse de Peyrat-la-Nonière, Vallière, Lupersat, Jouillat, Saint-Georges-la-Pouge, Saint-Marc-à-Loubaud... sans compter ceux détruits au cours des siècles. » Osera-t-on alors, compte tenu de cette dissémination, leur donner une valence zodiacale (en précisant que leur nombre même indiquerait les trois décans du signe) ?
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Ce qui est certain c'est que ces lions avaient assez de prestige pour apparaître dans les cartulaires comme lieux de justice. Les actes sont souvent conclus près des lions, ou entre les lions. En Suisse, jusqu'au XVème siècle, les lions des entrées étaient comme les assesseurs de la justice écclésiastique, le prieur venant siéger « inter leones » (Lexique des Symboles, Zodiaque).

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28 juillet 2005 | Lien permanent

Vatan, terre gaste

« Après que l'arc fut détendu, la flèche s'en retrouva fichée au sommet de la tête de la sirène, comme le montrent deux dalles sculptées provenant de la façade ouest de l'abbatiale Saint-Sernin qui sont aujourd'hui au musée des Augustins : étrange scène de chasse, motif classique de l'ornementation romane que l'astrologie traduit en disant que Mars s'exalte en Capricorne. »

(Guy-René Doumayrou, Géographie sidérale, p. 150)

 

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La flèche perçant le crâne symbolise l'illumination, l'inspiration fécondante, l'ouverture de la conscience à l'intuition divine. Sachant cela, nous ne serons guère étonnés des détails merveilleux de la biographie de saint Laurian, venu trouver la mort à Vatan. J'en ai déjà évoqué des détails dans un article sur le Laurier du Tempé , mais il n'est sans doute pas inutile d'y revenir ici plus longuement. Originaire de Pannonie (comme saint Martin, d'ailleurs, et ceci n'est sans doute fortuit), clerc de l'église de Milan, Laurian aurait été nommé évêque de Séville au temps de Totila, roi des Wisigoths. Après un épiscopat de dix-sept ans, Laurian se serait rendu à Rome, puis en Gaule au tombeau de saint Martin, enfin à Vatan, où les émissaires de Totila l'aurait rejoint, puis lui auraient tranché la tête. Le saint aurait alors pris sa tête dans ses mains, poursuivi ses assassins et leur aurait demandé de la rapporter en Espagne. Le "chef" de saint Laurian aurait donc été conservé dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque, pendant laquelle on l'aurait si bien caché que depuis, il n'aurait pu être retrouvé. Par ailleurs, il est dit qu'Eusèbe d'Arles, averti par le Ciel, venu à Vatan pour ensevelir le corps du martyr, le trouva gardé par deux ours. Ces faits tirés de la Passio Sancti Lauriani, peut-être écrite vers la fin du IXè siècle, n'ont très probablement aucune valeur historique, mais ils recouvrent sans nul doute une matière mythique qu'il importe de remettre en lumière. Mgr Villepelet lui-même, bien qu'affirmant que tout n'était pas faux dans ce récit, n'en reconnaît pas moins qu' « il y a trop de détails sujets à caution pour qu'on puisse les admettre sans réserve : tels le rôle de Totila, qui était roi d'Italie et non d'Espagne, la mention d'Eusèbe d'Arles, qui ne se trouve point sur les listes d'évêques de cette ville, l'invraisemblance de certains détails merveilleux. (Les Saints Berrichons, p.116) ».

J'ai suggéré ailleurs que Laurian, de par son nom, pouvait donc renvoyer au laurier de la vallée du Tempé, au nord de Delphes, dont le centre oraculaire faisait grand usage. Si Laurian meurt à Vatan, ce n'est pas un hasard, c'est que la ville est située au Nord géographique de Neuvy Saint-Sépulchre, représentant donc le pôle , le centre céleste autour duquel s'enroule toute la création - les deux ours qui gardent le corps de Laurian figurant évidemment les deux constellations boréales de La Grande et de la Petite Ourse.

Maintenant, quelle est la signification de ce nom de Vatan ? Stéphane Gendron n'hésite pas à écrire que Vatan « est le grand absent des dictionnaires et études générales de toponymie française. M. de La Tramblais risque un rapprochement avec vastus : le nom de Vatan a la même origine [que Gâtine], locus vastae solitudinis, lit-on dans la Vie de saint Laurian « (LA TRAMBLAIS 1867 : 361). P-ê en effet racine *vast, celle de l'afr. gast « jachère, terre inculte ». (Les Noms de Lieux de l'Indre, p. 30).»

Romain Guignard, dans un ouvrage publié en 1944, Vatan, des origines à nos jours (réédité en 1997 par la librairie Arts et Loisirs d'Issoudun), abonde dans ce sens : « Vastinum (ou Vastinium) est un vocable du bas-latin de la famille de vastum et dont la signification selon le glossaire de Du Cange aurait été : champ sablonneux, stérile, inculte. Sens dérivé de vastum qui porte primitivement une idée de destruction (le sens originel du latin classique vastus est : ravagé, dépeuplé ) et qui se dit des champs que l'on ne cultive pas ; vastum se dit en plus d'une terre destinée au pacage des animaux et, dans les forêts, d'un emplacement à découvert, sans arbre. (pp. 9-10)»

Alors Vatan, terre gaste ? Terre littéralement dévastée ? Philippe Walter, dans son livre Mythologie Chrétienne, Fêtes, Rites et Mythes du Moyen Age (Imago, 2003, 2005), qui montre bien que les vies des saints dissimulent souvent d'anciennes divinités païennes, présente ainsi le thème de la terre gaste :

« La malédiction de la terre gaste (dévastée par une stérilité mystérieuse ou une calamité divine) hante l'ensemble de la légende du Graal. Elle se rattache à un vieux mythe saisonnier que l'analyse des rites et du mythe des Rogations permet de mieux comprendre. A l'instar d'Indra, il appartenait à Perceval d'assumer le rôle du héros civilisateur permattant au monde d'échapper à la fatalité d'une terre gaste, dans toute l'acception symbolique du mot. Dans les textes hindous, en effet, c'est Indra, le grand héros, qui transperce le dragon retenant les eaux prisonnières et qui creuse le lit des rivières apportant l'eau à tous les humains. »

Or l'eau est un élément important de la Vie de saint Laurian, car le lieu du martyre est situé au voisinage d'une fontaine. D'ailleurs le saint aurait pris le soin d'y laver sa tête avant de la remettre à ses bourreaux. Vatan est par ailleurs arrosé par deux ruisseaux confluant juste à sa sortie nord, dont le plus important, le Pozon, prend sa source à 4 km environ, à la Fontaine aux Pélerins, sur la commune de la Chapelle Saint-Laurian. Il est intéressant également de lire ce qu'écrivait dans son Mémoire de 1803 le préfet Dalphonse sur la cité de Vatan :

« Cette ville est située dans une vaste plaine et dans une espèce d'enfoncement. La route de Paris à Toulouse la traverse et donne de l'activité et de l'aisance à ses habitants. L'eau y est presque partout à fleur de terre, les maisons y sont extrêmement humides ; dans plusieurs la fontaine est à côté du foyer et dans presque aucune il n'y a de cave par impossibilité d'en établir. Cette abondance d'eau avait fait penser que cette ville était construite sur un vaste étang desséché, son nom l'indique assez mais cette abondance d'eau peut bien provenir aussi de ce que la ville est dominée par des terres calcaires qui rejettent sur elle les eaux qu'elles n'absorbent pas. » (cité par R. Guignard, p.151).

Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui de l'humidité des maisons mais il me paraît clair que Laurian a pris le rôle dévolu à Indra dans le mythe hindou : le passage suivant, cité par Ph. Walter, fait écho à la description du préfet : « Indra a fécondé les jeunes filles et elles se réjouissaient comme des sources qui viennent tout juste de jaillir à travers le sol ; les jeunes épouses respectables qui languissaient peu à peu, il les a fécondées. Il a satisfait la soif des prairies et des champs altérés. »

 

Selon Ph. Walter, c'est le même dragon tué par Indra qui « est porté en procession au Moyen Age pendant les Rogations sous des noms divers : la gargouille de Rouen (tuée par saint Romain), le graoulli messin, la chair-salée de Troyes, la drée de Montlhéry et bien d'autres encore. C'est ce même dragon avaleur des eaux, l'une des formes multiples du dieu préchrétien, que l'Eglise cherchait à exorciser lors des Rogations afin de contenir un imaginaire de la fécondité vis-à-vis duquel elle se sentait démunie. Dans le christianisme médiéval, le héros tueur de monstre est souvent un évêque (...) »

Ce que fut, en effet, Laurian.

Les Rogations tombent le lundi, mardi et mercredi qui précédent le jeudi de l'Ascension, et dépendent donc de la date de Pâques, ce qui les placent en théorie du 28 avril au 1er juin. Laurian était associé, lui, à deux fêtes solennelles : le 4 juillet, anniversaire de son martyre, et le quatrième dimanche après Pâques, célébration de la translation de ses reliques à Vatan, auparavant conservées dans une chapelle proche de la fontaine. Ce qui donne dans ce dernier cas, la semaine précédant les Rogations.

Pour le 4 juillet, ne voyant pas le rapport, ni avec les Rogations, ni avec le signe zodiacal du Capricorne qui s'ouvre avec Vatan, j'ai consulté l'excellent site 366 jours par an et constaté que c'était le jour de la saint Florent (bien proche phoniquement de Laurian, et notons que la commune au nord la plus proche de Vatan n'est autre que Saint-Florentin).

Examinons donc d'un peu plus près ce saint Florent.


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21 février 2006 | Lien permanent

L'ard du feu

« On sait aussi des mondes qui se défont. Bravant l'importunité des fileurs de renommée, remontons à Montségur, ce crâne vide, pôle tragique. De la même façon que Planès, ce lieu est à la pointe d'un triangle équilatéral dont les deux autres sommets ne sont pas plus quelconques : ce sont les villes de Saintes et de Feurs. Leur alignement rayonne de Milan, ancienne Mediolanum, comme Saintes, et centre zodiacal de la grande plaine cisalpine, en suscitant maintes capitales : outre les trois précédentes, Lyon, Clermont-Ferrand et Limoges. Mais ce qui nous intéresse directement est que, sur la partie qui forme la base de notre triangle, il est parallèle à l'Equateur. La hauteur et médiane dressée depuis Montségur sur ce segment est une méridienne qui joint les sommets de deux triangles à base commune, feu et eau, le sommet du feu étant en Ile-de-France, près de Rambouillet. »

(G.R. Doumayrou, Géographie Sidérale, p. 274-275)


medium_carte-neuvy2.4.jpgJe reprends cette carte de G.R. Doumayrou, déjà montrée le 11 avril, pour prolonger l'investigation menée ici depuis plus d'un mois sur le triangle de l'eau, Mosnay-Lourouer-Lourdoueix. A partir de ce modèle beaucoup plus vaste qui embrasse quasiment tout le territoire de notre pays, comment ne pas chercher à savoir s'il existe une réplique symétrique qui serait en somme le triangle du feu ? Je suis cependant incapable aujourd'hui de dire si, en 1989, j'ai cherché dans cette direction. Il est possible que j'aie en ce temps-là abandonné l'hypothèse faute d'éléments probants, ne disposant pas alors du même nombre de sources d'information.

Cette hypothèse du triangle du feu me paraît soutenable à ce jour, et je vais donc m'employer sans plus attendre à le montrer.

 

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Les deux triangles eau et feu

En projetant strictement le triangle symétrique à celui de l'eau sur la partie nord, la pointe tombe juste au-dessus du village de Diors. Rien de bien remarquable pourtant à signaler : le château du 15ème a été bombardé en août 44, l'ancienne église a disparu. Mais elle appartenait à l'abbaye de Déols, grande ordonnatrice du réseau zodiacal, qui se situe sur le même parallèle. Et surtout Diors est mentionné dès 927 (villa Drociso) : c'est la date exacte de la donation du Magny à Déols, par Guillaume d'Aquitaine.

Remarquons maintenant qu'un axe issu de Déols et reliant Lourouer Saint-Laurent traverse la ville d'Ardentes, par ailleurs également située, dans sa partie est, sur le méridien des triangles. Ardentes signe véritablement ce triangle du feu, de par son nom même, qu'on s'autorisera à rattacher au latin ardere, brûler. La commune actuelle fut formée en 1839 de la réunion de Saint-Martin d'Ardentes (dont la magnifique église dépendait de Déols) et de Saint-Vincent, paroisses occupant les deux rives de l'Indre, dont l'étymologie « Flavius Angerem » se retrouve au nord du triangle avec le hameau d'Angeray, en pleine Champagne Berrichonne. C'est sur les mêmes rives indriennes que se dressaient les anciennes forges de Clavières, renommées dès le 16ème siècle. L'économique et le symbolique encore une fois se rejoignent.

 

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Le triangle du Feu

Sur le côté Mosnay-Diors, on relèvera la présence d'Arthon, en bordure de Bouzanne, bien de l'abbaye de Déols dès 1104 (ce nom « Arthon » n'est pas sans parenté avec l'Arthur de la geste celtique, j'y reviendrai), et la proximité de medium_lourouer-les-bois.jpgl'autre Lourouer berrichon, Lourouer-les-Bois, dans la forêt de Châteauroux, où se trouvait jusqu'en 1874 le chef-lieu de la commune du Poinçonnet (on peut y admirer les vestiges de l'ancienne église Saint-Pierre-ès-Liens, transformée aujourd'hui en habitation).

 

L'examen du parallèle de Déols, passant donc par Diors, n'est pas sans enseignement : s'originant à Niherne, sur les bords de l'Indre (église Saint-Sulpice du 12ème), il transperce la forêt de Bommiers par le carrefour des Sept Lignes, puis celle de Choeurs pour en ressortir à Chezal-Benoît, siège d'une abbaye bénédictine et d'une congrégation de grande importance (dont la règle fut adoptée, entre autres monastères, par Saint-Sulpice de Bourges), et dont l'église Saint-Pierre fut consacrée en 1104 par notre vieille connaissance, Léger, l'archevêque de Bourges.

Enfin, l'axe, après avoir franchi le Cher, atteint Saint-Loup des Chaumes, petit village soi-disant fondé par l'évêque Saint-Loup (dont nous avons vu le culte au Magny, mais Ardentes également s'honore d'un pélerinage à Saint-Leu). Village qui est par ailleurs sur le méridien de Bourges, très précisément à l'aplomb du Faubourg Saint-Sulpice.

C'est maintenant vers Bourges que vont se porter nos regards. Avec la capitale des Bituriges va s'ouvrir un chapitre fondamental dans la description de notre géographie sacrée.

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15 novembre 2005 | Lien permanent

Dio - Nyze et Dyonisos

J'avance lentement dans la passionnante lecture  d'Evocations de l'esprit des lieux de Guy-René Doumayrou. Beaucoup d'éléments sont repris de sa Géographie sidérale, mais on trouve aussi de nouveaux développements sur tel ou tel haut-lieu, principalement du Languedoc. C'est ainsi qu'il débusque dans la haute vallée de l'Orb, soumise au diocèse médiéval de Béziers, un couple de monuments "insignes", situé sur le méridien de la ville "et de part et d'autre d'un plateau aride balayé par les vents" : le château de Dio* et le prieuré de Notre-Dame de Nize. Cette association Dio-Nize conduit Doumayrou à invoquer le grand dieu Dyonisos :

"Ce n'est pas avant 1135 qu'un texte a fixé , pour nous le transmettre, le nom de Nize sous la forme Aniza, que l'on fait venir, faute d'autre hypothèse, d'un patronyme latin supposé : Anicia ou Anicius. Sans prétendre trouver mieux, observons seulement que la contraction  des deux formes anciennes Diona et Anisia accolées fournit Dionanisia : elle fait écho de façon suggestive à une étymologie proposée par François Noël pour Dyonisos, fondée sur l'analyse Dios-Anysein (anyein), ce qui signifie littéralement : Zeus achevé, c'est-à-dire la perfection divine, ou l'accomplissement de la lumière." (pp. 107-108)

L'alignement Dio-Nyse sur la carte ne peut manquer de nous rappeler les alignements mis à jour  avec les Diou.

Dans les trois cas, nous observons cet axe s'écartant de quelques degrés seulement du méridien. Sans doute  Dio n'est-il pas au centre d'un segment défini par  deux Saint-Denis, mais c'est l'ensemble Dio-Nize qui ici rappelle saint Denis, puisque ce nom est bel et bien la forme romanisée de Dyonisos (les habitants de Saint-Denis sont les Dyonisiens).
La carte de la Montjoie parisienne, sise elle aussi entre les deux Saint-Denis, offre également des recoupements intéressants :


Deux toponymes se font en effet écho à la topographie dyonisienne : de part et d'autre de l'axe méridien issu de Dio, Montjoux et le Mont Martin semblent se souvenir l'un de la Montjoie, l'autre du Pasellus Sancti Martini à la base du parcours du saint céphalophore. Ce passelus était "une passerelle jetée sur le ruisseau de Ménilmontant, aujourd'hui supprimé, et qui coulait de l'est à l'ouest, allant se jeter à la rive droite de la Seine au-dessus du pont actuel des Invalides. L'église Saint-Martin des Champs était en effet située à peu de distance au-dessous de ce ruisseau et avait donné son nom à un pont, comme nous le voyons par un diplôme postérieur du roi Louis VI reproduit par Doublet dans son Histoire de Saint-Denys (1)."

Il faut maintenant examiner ce qui a conduit Doumayrou lui-même à l'évocation de ce couple Dio-Nyse.

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* De fait, on m'avait (FEB, merci à elle) déjà signalé ce château de Dio, mais faute d'y déceler un quelconque rapport à des localités Saint-Denis, je n'en avais pas fait état. Et je n'avais bien évidemment pas opéré de rapprochement avec l'église de Nize. Le dévoilement de la géographie sacrée prend souvent des chemins détournés.

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07 février 2009 | Lien permanent

Le dieu d'Orsennes

Revenons à Saint-Ambroix, sur le parallèle de Saint-Genou. Une direction cardinale reste à explorer, qui n'est autre que le méridien du lieu. Suivant grosso modo la limite entre les deux départements berrichons, il passe par la chapelle de Dampierre, Chezal-Benoît, rase  St Christophe-en-Boucherie, traverse Champillet (l'autre localité indrienne du même nom, Champillé,  est située, rappelons-nous, près de Sougé, au point médian de l'axe Levroux-Saint-Genou), avant d'entrer en Creuse et de croiser le parallèle de Bazelat, vers  Malleret-Boussac.  .

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Ce faisant, c'est une autre figure géométrique d'importance qui s'impose à nos yeux : un quasi-carré (les côtés verticaux (le second est le méridien de Saint-Genou) sont cinq kilomètres plus longs que les côtés horizontaux). Carré qui s'ajoute donc notamment au triangle de saint-Outrille et au cercle de saint Phalier, composant sur la presque totalité du département une silhouette anthropomorphe qui n'est pas sans m'évoquer ce curieux personnage au torque, que Jean-Louis Brunaux (Les Gaulois, sanctuaires et rites, Errance, 1986) désigne comme le dieu d'Orsennes (on peut l'admirer au musée Bertrand à Châteauroux).

 

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La surimpression des deux images est assez éloquente :

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L'espace vide entre le carré et le cercle est rempli par le torque. Or, Levroux est au coeur de cet espace, alors même qu'on y a retrouvé une semblable statue, comme le signale cette étude :

"Le Centre de la France possède également une série de bustes sur socle du même type. Un inventaire raisonné en a été récemment dressé (Menez et coll. 2000) à la suite des travaux de G. Coulon (1990) et montre une certaine concentration dans l’ancienne cité des Bituriges avec les découvertes de Pérassay, Orsennes et Levroux dans l’Indre, Châteaumeillant dans le Cher2 (...) la statuette de Levroux gît dans une fosse comblée de matériel de La Tène D1b (100-80 av. J.-C.) et se trouve notamment associée à une ramure de cervidé (Krausz et al., 1989) ; celle de Châteaumeillant participe du comblement supérieur d’un puits attribué aux années 30-20 av. J.-C. et surmonte une « couche » d’andouillers de cervidé (Hugoniot, Gourvest 1961) (...)" [C'est moi qui souligne]

Notons que Perassay, comme Châteaumeillant sont situés à proximité du méridien de Saint-Ambroix.


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En noir, le méridien de Saint-Ambroix

 

"À Levroux comme à Châteaumeillant, on relève malgré le décalage dans le temps des abandons que les statues étaient brisées et associées à un ou plusieurs bois de cervidé. Ces points communs pourraient relever de gestes d’offrandes, d’autant que l’on connaît l’importance du cerf dans les religions protohistoriques, notamment dans la sphère sacrificielle (cf. scène du sacrifice des deux cerfs du chariot de Strettweg, pour ne prendre qu’un exemple ancien).

Les bustes à socles de France centrale, de même que ceux du reste de la Gaule, présentent des caractéristiques communes qui visent à souligner deux aspects principalement : les apparences physiques et la détention de marqueurs d’autorité. Les figurations de moustaches, de chevelures complexes avec un bandeau et parfois de lourdes mèches tirées en arrière montrent l’importance accordée à l’aspect du visage ; les costumes ne sont pas en reste puisque plis, manches et encolures de vêtement sont souvent rendus avec précision. D’autres détails, tels les bras ramenés sur le torse, accentuent le hiératisme des attitudes. Mais surtout, des insignes liés à l’exercice de dignités militaires et/ou religieuses sont portés ou brandis ostensiblement : il s’agit très souvent du torque, parfois du poignard ou de l’épée (Paulmy) et de la lyre (Paule)." (José GOMEZ de SOTO et Pierre-Yves MILCENT,  La sculpture de l’âge du Fer en France centrale et occidentale)


L'examen des médianes et diagonales du carré va maintenant nous conduire à de nouvelles découvertes. (A suivre)

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31 janvier 2008 | Lien permanent

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