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Triphullion et Peristereôn

En ce jour solsticial, récapitulons donc les données afférentes à la croisée diagonale de Crozant. En fait, l'histoire tourne autour de quatre figures de saints : Saint-Pantaléon : c'est le titulaire de l'église de Saint-Plantaire. Logiquement le village devrait porter son nom, or il porte celui d'un saint inconnu au catalogue. La paronymie de Plantaire et de Pantaléon laisse à penser qu'on a voulu condenser dans ce seul nom de Plantaire, le souvenir du saint local et l'allusion à la vigueur végétative du secteur zodiacal où le village se situe. Ce qui renforce cette hypothèse, c'est l'observation du festiaire propre à la commune. Il se réduit à deux fêtes : la fête communale de la Saint-Jean et la fête patronale de Saint Fiacre. Eh oui, le même saint Fiacre avec qui nous avons inauguré notre périple zodiacal, le prince jardinier de la chapelle de Verneuil. A part ça, notons que Pantaléon est le patron des médecins, ayant été médecin lui-même, distingué par l'empereur Maximien qui plus tard ordonnera son martyr. Le vitrail de Chartres représentant son histoire le montre guérissant un aveugle et un paralytique avant d'être jeté en prison. Saint Jean-Baptiste : c'est le saint-Jean-aux-Fers de la chapelle, celui qui guérit l'épidémie qui décimait les troupeaux berrichons et entraîne la jalousie de Pantaléon. Sainte Foy : c'est la jeune martyr agenaise de douze ans, dont les reliques firent la gloire de Conques. « Comme il en va pour nombre de saints, sainte Foy avait également ses spécialités, à savoir la guérison de la cécité et la libération des prisonniers. A en croire les textes, ceux-ci avaient pris l'habitude de déposer auprès de la sainte leurs chaînes qui furent accrochées comme ex-voto à la charpente de l'édifice religieux ou transformées en grilles par les artisans de la communauté. Aussi le visiteur actuel de Conques peut-il voir représentées sur le célèbre tympan de l'édifice ces chaînes pendant à des éléments architecturaux symbolisant l'abbatiale conquoise. » (M. Renout, R. Dangreville, Conques, Editions du Rouergue, 1997, p. 28) Saint André : (je renvoie là aux notes précédentes).

Maintenant, reportons-nous au précieux ouvrage de Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l'Antiquité (Belin, 2003). Docteur du Muséum national d'Histoire naturelle, il a ausculté avec patience et rigueur les textes grecs et latins non seulement d'auteurs consacrés comme Dioscoride, Théophraste ou Pline l'Ancien, mais aussi et surtout les vestiges de textes rares dont certains n'avaient même pas été traduits jusqu'à ce jour. Il met ainsi à jour une botanique zodiacale, planétaire, tout un système de correspondances fascinant, qui mérite d'être envisagé maintenant à l'aune de la géographie sacrée. Au signe du Taureau, deux plantes très différentes sont attribuées par les auteurs des notices astrologiques. Le texte concernant la première, le triphullion, est si court et fragmentaire qu'il n'autorise pas, selon l'auteur, l'identification à une plante plutôt qu'à une autre. Néanmoins sa lecture est éloquente : « La plante du Taureau est le triphullion. Cueille-la quand le signe domine, c'est-à-dire le Taureau. Elle a les propriétés suivantes : mets son fruit et ses fleurs dans une peau de boeuf qui n'est pas encore né [agennêtos bous : embryon (?) ou animal mort-né]. Porte-la quand tu t'avances vers les rois, les chefs, les archontes et tu seras traité avec de grands égards. Ses feuilles en onction... [la suite du texte manque]. Son suc guérit les yeux et toutes les douleurs oculaires. La racine portée en amulette écarte démons et méchants génies (ageloudai)... [la suite manque] » (Catalogus Codicum Astrologicorum Graecorum, VIII, 2, 159-160)
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Le même pouvoir ophtalmologique -rappelant donc celui de Pantaléon et de Foy- se retrouve dans la notice beaucoup plus longue et plus précise de la seconde plante du Taureau, le peristereôn, que l'on peut identifier à la verveine : « (...) on lui attribue des pouvoirs que tu ne peux pas imaginer. En effet, elle met fin en trois jours aux affections oculaires qui semblent désespérées, grâce à la qualité du remède. Pour les ophtalmies, les oedèmes, les gonflements, tous les écoulements d' humeurs, emploie ce collyre : safran : 14 drachmes (...). Les membranes qui se forment sur la cornée (pterugia), les tumeurs, les chalazions sur les paupières et toutes sortes de maux semblables, elle les guérit en un jour. Il n'y a pas lieu de louer une quelconque puissance divine, mais chacun des pouvoirs de la plante. C'est l'expérience qui démontre sa force. » (C.C.A.G., VIII, 3, 141-142) Guy Ducourthial se demande alors pour quelles raisons les astrologues ont particulièrement insisté sur les vertus de la plante pour soigner les affections oculaires « alors que ni les mélothésies zodiacales ni les mélothésies planétaires ne placent l'oeil sous la domination du Taureau ou de la planète qui y est domiciliée ? » (op.cit. p. 396) Et il avance alors « l'hypothèse que le choix des astrologues a pu être inspiré par la croyance en l'existence de relations entre le nom donné à cette plante, la colombe, la vue et Aphrodite. » Ce mot peristereôn évoquait en effet la colombe, oiseau d'Aphrodite, la maîtresse du signe taurin, et l'on croyait dans l'Antiquité à son pouvoir de guérison de la vue. Ainsi Celse, auteur latin contemporain de Pline, note dans la partie de son encyclopédie médicale consacrée aux ophtalmies, qu'une lésion de l'oeil ne saurait être mieux soignée qu'avec du sang de pigeon, de ramier ou d'hirondelle. Or, que voyons-nous dans l'histoire de sainte Foy : attachée sur une grille de bronze sous laquelle brûle un feu de poix et de charbons ardents, une colombe dépose sur la tête de Foy une couronne de gloire puis éteint le brasier d'un battement d'ailes accompagné d'une rosée abondante. Et sur le vitrail de Chartres, une colombe descend du ciel tandis que Pantaléon prie avant le supplice final. Rappelons aussi que l'axe des châteaux rejoint Luzeret après avoir traversé le Colombier. Luzeret, paroisse de l'abbaye de Loudieu où une fontaine miraculeuse soigne spécialement les maux d'yeux. Aujourd’hui encore, si j'en crois ce site, dans l’église Saint Pantaléon de Rome, on continue à distribuer une eau miraculeuse bénie avec les reliques du saint, ainsi qu’un petit livret contenant une neuvaine à réciter en son honneur pour demander la guérison des maladies. Guy Ducourthial signale encore que l'on croyait que certains oiseaux utilisaient des plantes précises pour soigner les yeux crevés ou arrachés de leurs petits. Le nom de ces plantes dérivait alors du nom de l'oiseau qui en usait, ainsi l'hirondelle (chelidôn) a-t-elle donné son nom à la chélidoine. Je ne peux m'empêcher de rapprocher cette croyance du miracle le plus remarquable narré dans le Livre de sainte Foy, à savoir qu'un certain Guibert ou Gerbert, énucléé par son maître en 980, aurait vu ses globes oculaires « pousser à nouveau sous ses paupières vides. Recouvrant la vue, il aurait manifesté sa joie en grimpant dans le clocher-porche pour ébruiter aux sons des cloches l'heureuse intervention de sainte Foy. Et le bruit s'en répandit effectivement. » (op. cit. p. 28)
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21 juin 2005 | Lien permanent

Vita Martini (1) : Hilaire

Martin naît, semble-t-il, en 316, à Sabaria, en Pannonie (Szombathely, en Hongrie), puis passe sa jeunesse à Pavie, en Italie, où, déjà, il pense à devenir moine. Mais, étant fils de soldat, il se doit de servir dans la garde impériale à cheval. "Cela ne l'empêche pas de pratiquer la vertu, peut-on lire dans l'Encyclopaedia Universalis (Thesaurus Index, II, p.1881), c'est ainsi qu'à Amiens il donne à un pauvre la moitié de son manteau." Ce geste célèbre peut être interprété comme la première inscription de Martin dans la géographie sidérale  neuvicienne : Amiens se situant en effet en Sagittaire, signe de la Chevalerie. Libéré ensuite de ses obligations militaires, il se fait baptiser et va se mettre sous la protection de l'évêque de Poitiers, Hilaire (saint Léger fera de même quelques siècles plus tard). N'importe-t-il pas de faire coïncider le  nouveau départ d'une existence avec le commencement même de la roue zodiacale ?

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La charité de saint Martin

Heures d'Étienne Chevalier, enluminées par Jean Fouquet
Paris, musée du Louvre, département des Miniatures et Enluminures, RF 1679, © Photo RMN
 
J'ai déjà montré, aux prémices de cette étude, alors que nous arpentions encore les terres de Bélier, la valeur principielle de Hilaire et son lien aux hilaria antiques, associés au culte d'Atys et à l'équinoxe. On pourrait ajouter maintenant les propres remarques de Philippe Walter qui note l'accointance de Martin avec un saint dont le nom signifie en latin le "rieur" (hilaris) : "Sous ce trait apparemment anodin, précise-t-il, se cache certainement l'éternelle aptitude au rire prophétique que manifeste le devin caché sous le saint et dont Merlin nous offre une image littéraire parfaite. Dans les romans arthuriens, en effet,  le rire de Merlin correspond toujours à une phase rituelle de se prophéties. Ce rire périodique est un rire mythique ; ce rire inspiré est aussi le rire de Carnaval. Il rappelle l'appartenance de la fête du saint  au calendrier de Carnaval. De Hilaire à Martin, les noms propres livrent souvent les traces d'une présence mythique à peine perceptible mais néanmoins reconnaissable, pour peu que l'on soit attentif à la conjonction d'une date et d'un nom.(Mythologie chrétienne, op. cit. p. 52-53)."
Non loin de Souvigny, le village de Saint-Hilaire porte la marque du saint hilare : Sancto Hilario au XIIème siècle, c'était une ville close et fortifiée, où s'installa également une commanderie de l'ordre de Malte. Il jalonne un autre alignement d'importance, qui relie Souvigny à son presque homonyme Sauvagny (que j'avais d'abord repéré sur l'ancienne carte de Cassini sous le nom de Souvagny-le-Comtal).


Or ce minuscule village de 100 habitants s'honore d'une église dont je lis qu'il appartenait aux chevaliers de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, mais ceci n'est que l'autre nom de l'Ordre de Malte. Deux propriétés de l'Ordre sur le même axe issu de Souvigny, voilà qui n'est sans doute pas fortuit, d'autant plus qu'après avoir traversé Saint-Victor, au nord de Montluçon, (et il n'est pas anodin que Victor, martyrisé à Marseille en 303, soit lui aussi comme Martin un soldat romain), il  rejoint Toulx Sainte-Croix, le haut-lieu polaire que nous connaissons bien et dont j'ai pu écrire déjà en 2005 que "pour Henri de Lubac, la croix érigée sur une montagne, au centre du monde, reproduit totalement l'antique image de l'arbre cosmique, en tant qu'Axe du Monde joignant le pôle terrestre au pôle céleste. Or, le méridien de Toulx est le vecteur éloquent d'une telle symbolique : balisé par Boussac ( dont le château abrita longtemps les tapisseries de la Dame à la Licorne ), il désigne le village de Primelles, dans le Cher, situé au coeur de la forêt domaniale de Thoux... Ici, selon Mgr Jean Villepelet (Les Saints Berrichons, Tardy, 1963, p.169), aurait séjourné assez longtemps saint Firmin, évêque d'Amiens, tandis qu'il se rendait à Rome au tombeau des Apôtres. Séjour significatif : Amiens se situe pratiquement sur ce même méridien."

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12 juin 2007 | Lien permanent | Commentaires (5)

La Couronne de Ménétréols

« Dès la plus haute antiquité, une valeur prophylactique est attribuée à la couronne. Elle tenait cette valeur de la matière dont elle était faite, fleurs, feuillage, métaux et pierres précieuses, et de sa forme circulaire, qui l'apparentait au symbolisme du ciel.

En Grèce et à Rome, elle est un signe de consécration aux dieux. Dans le sacrifice, sacrificateur et victime sont couronnés. Les dieux se détournent de ceux qui se présentent à eux sans couronne, dit un poète grec archaïque. Les statues des dieux sont couronnées, et généralement avec les feuilles des arbres ou les fruits des plantes qui leur sont consacrés, le chêne à Zeus, le laurier à Apollon, le myrte à Aphrodite, la vigne à Dyonisos, les épis à Cérès... »

(Dictionnaire des Symboles, Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, art. Couronne, p. 304, Robert Laffont, 1982)

Genèse d'une figure.

En examinant la semaine dernière sur la carte la position de Saint-Valentin par rapport à Vatan, je constatai que le village de Ménétréols-sous-Vatan était pratiquement situé à mi-chemin des deux bourgs. Un hasard peut-être, mais dans ces cas-là, un réflexe presque professionnel me commande de tracer le cercle ayant comme centre le lieu médian en question, donc ici Ménétréols, dont je sais que le nom indique l'ancienne présence d'un monastère (Monesteriolo, 1154, de monasteriolum, petit monastère).

 

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J'y suis d'autant plus enclin que je suis intrigué par ce nom de Tournemine, désignant la rivière passant à Saint-Valentin.

Tournons donc.

Or, j'ai la bonne surprise de glaner sur cette circonférence le lieu-dit La Ronde et le village de Giroux (Giro, 1214, que S. Gendron fait dériver de Giroldus, nom propre germanique, et sans doute a-t-il raison, mais comment ne pas y lire aussi la giration ?).

 

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A ce stade, je suis encore loin d'être certain de la valeur de mon hypothèse. Je me documente alors sur chacun des villages aux alentours de ce cercle et constate que quatre d'entre eux (Paudy, Liniez, Lizeray et Giroux) possèdent une église Saint-Martin (à Liniez, coule un ruisseau également nommé Saint-Martin). Saint Martin, le grand saint évangélisateur, pourfendeur du paganisme des campagnes. Encore une fois, ce n'est pas un indice décisif, car Martin est le saint « qui possède le plus grand nombre de patronages d'églises (près de quatre mille) alors que les toponymes débutant par Saint Martin ou incluant le nom de saint Martin ne se comptent plus. » (Ph. Walter, op.cit. p. 54), mais il y a tout de même lieu de s'interroger.

J'aurai l'occasion de revenir sur cette grande figure de Martin.

 

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Un deuxième cercle intérieur définit une couronne contenant tous les villages circonvoisins de Ménétréols, isolant celui-ci sur son plateau dominant légèrement les vastes horizons de la Champagne. A propos, quel saint patronne l'église de Ménétréols ? Saint Paul, dont on sait qu'il s'est souvent substitué à Apollon, le dieu de la Lumière : « Toute couronne participe de l'éclat et du symbolisme de la couronne solaire. » (Dictionnaire des Symboles, p. 303.)

 

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Vitrail de saint Paul à Ménétréols

Enfin, je m'avise que ce n'est pas le premier cercle qui apparaît sur ce parcours zodiacal. On se souvient peut-être de la Roue de Taranis, à cheval sur Poissons et Bélier, ou Roue de Nesmes

Or, les diamètres de cette Roue et celle de la Couronne de Ménétréols sont identiques à quatre cents mètres près.

Ménétréols, comme Nesmes, signalerait-il un autre sanctuaire celtique, un autre nemeton ? Les deux noms consonnent étrangement : et si le petit monastère latin dissimulait un important temple pré-chrétien ?

 

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 Apollon tenant la roue du zodiaque
 

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09 mars 2006 | Lien permanent | Commentaires (8)

La pyramide de Pouligny : divagation fromagère

Le carré inscrit dans la roue de Pouligny trouve une étonnante résonance dans l'histoire économique et culturelle de ce petit terroir, en effet, le Pouligny Saint-Pierre, comme tout bon gastronome ne l'ignore pas, est un fromage de chèvre réputé qui «  se présente, nous dit le site de la Maison du Lait, sous forme d'une pyramide élancée, à la base carrée, d'une hauteur de 12,5 cm et dont le sommet est un petit carré de 2,5 cm de côté. » L'aire d'appellation contrôlée (AOC), comprenant 22 communes est  «  aujourd'hui la plus petite zone d'appellation d'origine fromagère, mais aussi la plus ancienne au niveau caprin. » La notice de Wikipédia rapporte que c'est, dit-on, le clocher de leur église, ce même clocher à l'origine de notre quête, qui aurait inspiré aux habitants de Pouligny-Saint-Pierre la forme pyramidale.

 

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Mais bon, comme cette même notice précise que le fromage de chèvre apparaît dans la région au XVIIIè siècle, il convient de ne prendre qu'avec circonspection ces dernières remarques...

Je ne résiste tout de même pas à vous signaler que ladite notice renvoie sur le site d'un producteur (dont j'ai vu ensuite qu'il était aussi le rédacteur de Wikipédia), installé au lieu-dit Fonterland. Or, cette propriété renferme les vestiges d'un prieuré de l'abbaye de Fontgombaud, avec une chapelle dédiée à saint Michel. Par ailleurs ce nom de Fonterlan n'est pas un inconnu pour nous, puisqu'il est lié à la légende des gouffres du Suin :

Alors la Sainte Vierge, tremblant encore à la pensée du danger qu'avait couru son fils, étendit la main vers les flots qui grondaient toujours et dit : "Méchante petite rivière, tu seras maudite dans la succession des siècles. Désormais ton cours comptera autant de gouffres qu'il y a de jours dans l'année." Et voilà pourquoi, de Salvert à Fonterlan, on peut compter 365 gouffres toujours altérés : les cataractes du ciel peuvent s'ouvrir, les bondes de la Mer Rouge peuvent être entièrement levées, les 365 gouffres du Suin, celui de Salvert en tête, boivent toutes les eaux qui descendent dans la vallée." (La Brenne, Histoire et traditions, pp. 95-96) [C'est moi qui souligne]

Bon, après cette pause fromage, retour au fondamental, avec la légende des "Bons Saints", et singulièrement l'histoire de saint Génitour.

(A suivre)

 

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10 mars 2009 | Lien permanent

Sanctus Leodegarius

« Le nom dit la vérité de la personne, permet de retracer son histoire, annonce ce que sera son avenir. La symbolique du nom propre joue ainsi un rôle considérable dans la littérature et dans l'hagiographie. Nommer est toujours un acte extrêmement fort, parce que le nom entretient des rapports étroits avec le destin de celui qui le porte. C'est le nom qui donne sens à sa vie. Bien des saints, par exemple, doivent leur vita, leur passion, leur iconographie,leur patronage ou leurs vertus à leur seul nom. »

(Michel Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Age occidental, Seuil, 2004, p. 16)


Sanctus Leodegarius, c'est saint Léger en latin. La racine leo, lion, est au départ du nom. Mais fi du latin, La Vie de saint Léger (seconde moitié du Xème siècle), inspiré d'écrits monastiques, est un des premiers textes de la langue française, en strophes de six vers octosyllabiques assonancés.

Léger naît au début du VIIème siècle ; sa famille, installée aux confins de la Bourgogne et de l'Alsace, envoie le jeune homme auprès de son oncle Didon, évêque de Poitiers. Archidiacre peu après l'âge de 20 ans, il est désigné pour reprendre la charge de l'abbé de Saint-Maixent qui venait de mourir. « L 'abbaye de Saint-Maixent, précise Pierre Riché, était construite autour de la cellule de saint Maxence, un saint contemporain de Clovis. Grégoire de Tours raconte que les guerriers de Clovis, lorsqu'ils étaient allés combattre le roi wisigoth Alaric en 507, avaient, à la suite d'un miracle, épargné cette abbaye. » (Histoire des Saints, tome IV, p. 197, Hachette, 1986). Léger reste là six ans puis, sa réputation ayant gagné la cour, la reine Bathilde l'appelle auprès d'elle.

Le maire du palais, Ebroïn, le fait ensuite nommer, en 663, évêque d'Autun. Léger s'installe dans la cathédrale, située dans la partie fortifiée de la ville, au sud de ce qui avait été Augustodunum, la ville romaine, et qui demeurait une étape importante sur la grande route de Lyon à Boulogne. Il entreprend là de grands travaux d'urbanisme et légifère en faveur de l'Eglise et des pauvres. Il devient aussi le porte-parole des aristocrates bourguignons en lutte avec Ebroïn, qui souhaite restaurer l'unité du royaume divisé en deux parties depuis la mort de Dagobert, en 639. Léger parvient même à le faire enfermer au monastère de Luxeuil. Conseiller ensuite du roi Chilpéric II, il s'aliène son appui dans une affaire de justice et se retrouve exilé lui aussi à Luxeuil. « L'assassinat de Chilpéric et l'évasion des deux prisonniers, poursuit Pierre Riché, relancent les tractations. Ebroïn finit par l'emporter ; les dernières années de Léger ne sont qu'un long supplice. Affreusement torturé, il meurt décapité en 678 ou 679. » Il devient tout naturellement un martyr ; à l'instar des frères Aymon dressés contre Charlemagne, sa lutte contre le pouvoir politique central fait de lui un personnage populaire : « Le nom même du saint a contribué à sa gloire posthume, puisqu'il passe pour alléger les obèses, et pour donner un pied léger à ceux qui ont des difficultés à marcher »(op. cit. p.196). Belle illustration de la remarque de Michel Pastoureau citée plus haut.

 

Martyre de saint Léger

Or, il s'avère que ce destin tourmenté suit les voies de la géographie sacrée et peut pratiquement être résumé par une grande loxodromie (Robert : courbe suivie par un navire lorsqu'il coupe les méridiens sous un même angle) issue de la cathédrale d'Autun. Elle se dirige au sud-ouest par Chevannes, Montaigu, Saint-Léger-sous-Beuvray (au pied donc du Mont Beuvray, site de l'ancienne Bibracte, capitale des Eduens), Montjouan, Chevannes, Saint-Léger-les-Vignes au nord de Decize, Saint-Amand Montrond et Orval. Elle passe alors à deux kilomètres au nord de Neuvy Saint-Sépulchre puis rejoint Argenton, le bois de Souvigny, Chapelle-Viviers, Morthemer, Vivonne avant d'aboutir à Souvigné à seulement cinq kilomètres de Saint-Maixent. Un Saint-Maixent que nous retrouvons sur la partie sud du méridien de Toulx.

 

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Ce grand axe symbolique a sa correspondance historico-légendaire avec l'assemblée de Pâques 681 au palais royal, où l'évêque de Poitiers, Ansoald, et celui d'Autun, Hermenaire, réclamèrent tous deux l'honneur de ramener dans leur diocèse la dépouille du saint, tandis que l'évêque d'Arras (ville où il avait été mis à mort) le revendiquait au prétexte que des miracles avaient déjà eu lieu sur sa tombe. On en appela à un jugement de Dieu pour attribuer le trophée. « Après trois jours de jeûne et de prières, on écrivit les noms des trois évêques sur trois billets qu'on déposa sur l'autel. Le lendemain, un clerc tira au hasard celui sur lequel était inscrit le nom d'Ansoald de Poitiers.» (op. cit. p. 201).

 

Le saint fit donc retour aux lieux mêmes de son initiation. Le récit de la translation, d'Artois en Poitou, est en lui-même chargé d'enseignement.




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13 août 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)

Si le grain ne meurt

A La Châtre, à une dizaine de mètres de l'Indre, au pied de l'ancien château seigneurial (qui abrite maintenant le musée George Sand), surgit la source appelée Grand-Font ou Fontaine Sainte-Radegonde. Un monument néo-gothique du 19ème recouvre le bassin triangulaire de 2,5 m de diamètre, au-dessus duquel trône dans une niche une statue en pierre polychrome de sainte Radegonde. La dénomination de la fontaine est récente : jusqu'en 1900, on l'appelait Fontaine Notre-Dame. Comme à Vaudouan, on y déposait des cierges pour la délivrance des femmes en couches, mais aussi pour celle des prisonniers (le donjon surplombant le site servait surtout de prison ). « Ces femmes « en mal d'enfant », rapporte Jean-Louis Desplaces, se rendaient ensuite en ville Place Notre-Dame, où elles déposaient des « chandelles » devant la statue de la Vierge. » (Florilège de l'eau en Berry, op. cit. p. 58).

 

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Statue de sainte Radegonde

Déplaçons-nous maintenant à trois kilomètres de La Châtre, au village du Magny. L'église y a pour titulaire saint Michel (rappelons que les pélerins qui allaient au Mont Saint-Michel s'arrêtaient à Vaudouan). Son histoire mérite attention : elle fut en effet offerte, ainsi que le bourg, à l'abbaye de Déols, en 927, lors de la consécration de celle-ci. Les donateurs ne sont pas anodins : il s'agissait rien moins que de Guillaume II d'Aquitaine et de sa femme Ingeberge. Le chambrier de l'abbaye de Déols était d'office prieur du Magny. Un tel legs à une communauté que nous avons vue, dès le début, présider aux destinées de la vie religieuse de la région, ne peut manquer d'être marquée symboliquement. L'alignement Le Magny-Neuvy saint-Sépulchre est, comme on pouvait s'y attendre, chargé d'indices.

Ayant auparavant traversé La Motte-Feuilly et Briantes (deux paroisses qui relevaient de l'archevêché de Bourges), l'axe majeur (je le surnomme ainsi car Magny s'apparente au latin magnum) passe ensuite par l'abbaye de Varennes et frôle le hameau du Ponderon où se situe une fontaine Sainte-Madeleine invoquée également pour les biens de la terre. Une messe champêtre continue, semble-t-il, d'y être célébrée le 22 juillet, jour de la fête de la sainte. Celle-ci est étroitement associée à La Vierge Marie : elles sont ensemble au pied de la croix du Christ, recueillant ses dernières paroles (cf. Jean, 19, 25). C'est Madeleine qui, la première, découvre le tombeau vide puis Jésus ressuscité.

 

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L'axe majeur ou "l'alignement des saint Eloi"

Prenons encore davantage de champ. Vers le sud-est, l'axe majeur prend racine à Saint-Eloy d'Allier, sur le parallèle de Sainte-Sévère, tandis que vers le nord-ouest, il aboutit au bois de la Chaise, entre Mosnay et le château de la Chaise Saint-Eloi. Un pélerinage existait là aussi, qui reliait l'église du village de Mosnay et les ruines du prieuré de la Chaise, qui relevait de Déols et dont la chapelle était dédiée à saint Eloi : « Arrivés au bord de la fontaine, les pélerins y trempaient un rameau bénit, au moyen duquel ils arrosaient le curé, afin d'avoir la bénédiction du ciel. » (Brigitte Rochet-Lucas, Rites et traditions populaires en Bas-Berry. Pélerinages et diableries, 1980, p.27).

Maintenant, pourquoi saint Eloi ? Ce saint, originaire du Limousin, a trouvé place dans le Propre du diocèse, « en raison, explique Mgr Villepelet, des voyages qu'il fit à Bourges, pour visiter son ami saint Sulpice-le-Pieux, et plus tard pour s'agenouiller sur son tombeau. » (Les saints berrichons, Tardy, 1963, p.199). Le prélat rapporte ensuite qu'au cours de ses visites, il délivra miraculeusement plusieurs prisonniers. La délivrance, aussi bien de la femme en gésine que du prisonnier, est donc bien le motif dominant la symbolique du secteur Vierge. Il apparaît dans le mythe de Déméter - implorant la délivrance de Proserpine retenue par Hadès – comme dans l'Evangile où Marie de Magdala (Marie-Madeleine) est délivrée de sept démons par Jésus lui-même (Marc, 16,9). Que cette femme soit ensuite la première à recueillir la Parole de Jésus ressuscité après l'avoir assisté dans sa dernière heure, rien de plus cohérent au regard du symbolisme que nous n'avons cessé de croiser ces derniers jours : la mort et la renaissance du grain, la cérémonie de l'époptie d'Eleusis, doivent être rapprochées de l'évocation du Fils de Dieu mort et ressuscité. « Quand saint Jean annonce la glorification de Jésus par sa mort, il ne recourt pas à un autre symbole que le grain de blé.
"La voici venue l'heure
où le fils de l'homme doit être glorifié.
En vérité, en vérité je vous le dis,
si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt,
il reste seul ;
s'il meurt,
il porte beaucoup de fruits."

(Jean 12, 23-24) » (Dict. Des Symboles, art. Blé, p. 128).

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16 octobre 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)

Le triangle de Pouligny

J'ai donc tracé les lignes reliant les trois églises de Douadic, Pouligny Saint-Pierre et Saint-Génitour du Blanc. J'ai presque cru obtenir un triangle rectangle tel que celui dessiné par les Saint-Phalier, dans le nord du département, mais il s'en fallait en réalité de 10 degrés, un écart trop grand pour être négligé. Voici la figure obtenue :

 

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Cependant, il est possible de faire une série d' observations :

  1. Les distances Douadic – Pouligny et Pouligny – St Génitour sont pratiquement identiques ( à cinq cents mètres près).

  2. L'alignement Douadic – St Génitour atteint dans son prolongement l'église Saint-Etienne, dans la ville haute du Blanc, édifice qui a pris le relais d'une antique église également dénommée Saint-Etienne, qui se situait à l'extrémité de l'actuelle rue saint-Etienne, et dont il ne reste plus aujourd'hui aucun vestige.

  3. Cette ancienne église se situe dans le même prolongement de l'axe venu de Douadic, et sa distance à Pouligny est, à quelques dizaines de mètres près, identique à la distance Pouligny-Douadic.

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On peut également vérifier cet alignement d'églises sur le plan des paroisses avant 1789, reproduit par Lucienne Chaubin (Le Blanc, vingt siècles d'histoire, 1982), lui-même d'après le livre sur Le Blanc écrit par Chantal de la Véronne.

 

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Ceci m'a naturellement conduit à tracer un cercle dont le centre est Pouligny Saint-Pierre, et le rayon la distance Pouligny – Douadic. Or ce cercle s'est immédiatement révélé, sur la carte Michelin 68 qui me sert depuis bien longtemps de terrain de recherche, tangent à un autre cercle mis en évidence en mai 2005, et que j'ai nommé la Roue de Nesmes*.

 

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On voit que Pouligny se situe dans l'exact prolongement de la diagonale du carré inscrit dans la grande roue**. Ces deux figures trouvées indépendamment l'une de l'autre se présentent donc dans une très grande complémentarité. Le carré inscrit dans la roue de Pouligny a un sommet commun avec celui de la roue de Nesmes.

Un autre sommet du carré inscrit se situe à Saint-Marc, lieu-dit de la commune de Douadic qui s'honore d'une chapelle. La diagonale issant de Saint-Marc va se ficher au-delà du carré à Saint-Savin, non sans prendre au passage le mystérieux monument gallo-romain dit le Saint-Fleuret, entre Sauzelles et le château de Rochefort, sur lequel j'aurai à revenir.

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*"Le village de Nesmes, situé dans le prolongement de la Luzeraize, sur les rives de l'Allemette, en aval de Château-Guillaume, ne serait-il pas le souvenir d'un ancien nemeton ?", écrivais-je en 2005. Cette hypothèse est maintenant appuyée par Stéphane Gendron, dont je ne connaissais pas alors les travaux, et qui analyse Nesmes comme issu du gaulois "*nemausos, composé de *nem- "ciel" (dans nemeton "sanctuaire") + suff. -ausos (DOTTIN 1920 : 67 ; DELAMARRE, 2003 : 197-8). Le sens a pu être "sanctuaire". De nombreux coffres funéraires ont été découverts à Nesmes et surtout près de Laluef, rive droite de l'Allemette. Enfin, un paysan découvrit, en 1864, une statuette de type Cernunnos (identification incertaine) "dans une brande près de Bélâbre". Malheureusement cette statuette est perdue (connue par une lithographie) et on ne connaît pas sa provenance exacte." (Les Noms de Lieux de l'Indre, 2004, p. 6)

**J'ai découvert aussi, postérieurement à cet article de 2005, la monographie sur Bélâbre écrite par Maxime-Jules Berry (Royer, 1992, archives d'histoire locale). Elle signale qu'"A la limite des paroisses de Ruffec et de Bélâbre, aux environs du Grand-Tremble, un lieu-dit porte encore le nom de Pilory : c'est là sans doute qu'était installé autrefois le poteau où l'on exposait les coupables condamnés par la justice des seigneurs de Bélâbre, comme s'élevait celui de la justice du Blanc, au point où le chemin de Bélâbre à cette ville rencontrant celui venant de Romefort (vers Bélivier)." Or, c'est à cet endroit que j'ai situé le centre de la Roue de Nesmes. Le pilori portait comme le souvenir du poteau central, de l'axis mundi du sanctuaire.

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09 mars 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

Boire à tyrelarigot

Et tous se mirent si bien à flaconner, que le bruyt en vint par tout le camp, comment le prisonnier estoit de retour, & qu'ilz debvoient avoir au lendemain l'assault, & qu'à ce ià se preparoit le roy & les capitaines ensemble les gens de la garde, & ce par boire à tyrelarigot. Parquoy ung chascun de l'armée se mist à martiner, chopiner, & tringuer de mesmes. Somme ilz beurent si bien, qu'ilz s'endormirent comme porcz sans nul ordre parmy le camp.
(Rabelais, Pantagruel, Ch.XVIII)



Martiner, chez Rabelais, c'est donc boire plus que de raison. C'est dire si, avec saint Martin, nous ne quittons pas la thématique de la beuverie qui s'est si vite imposée dans l'étude de Verseau. Et le mot connait bien des dérivés bachiques, ainsi du martinage, que l'un de nos hauts dirigeants n'hésite pas à citer dans un de ses discours : "La nouvelle classe bourgeoise qui émerge au XVIIIème siècle n'hésite pas à remplir ses celliers, raréfiant, de ce fait, ceux des aubergistes et provoquant ce que l'on a appelé des « émeutes de la soif ». Aussi la récolte nouvelle est-elle attendue comme une bénédiction et dans la fête, notamment le 11 novembre, jour du paiement des contrats d'embauche et de la dégustation du vin nouveau ou «  martinage », du nom de Saint-Martin, célébré ce jour-là." (Allocution de Christian Poncelet, président du Sénat, 6 décembre 2006) (1)

Et nous n'oublierons pas le mal Saint-Martin (l'ivresse) et l'expression provençale "faire sant Martin" qui désignait l'acte de boucher les tonneaux et de monter à califourchon sur les fûts pour goûter le vin nouveau avec un chalumeau.
Philippe Walter rappelle que le concile d'Auxerre, dès 578, "avait tenté de mettre fin aux ripailles dont la fête du saint était l'objet. Sans succès apparemment puisqu'au XVIe siècle Ronsard continuait de célébrer les "martinales" dans le plus pur style de la tradition bachique." (Mythologie Chrétienne, op.cit. p. 53)

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Une Saint-Martin suisse


"L'oie réhabilitée", un texte succulent d'un écrivain du 19è siècle, Christophe Bataillard, qu'on peut trouver sur la bibliothèque électronique de Lisieux, montre que le rapport de saint Martin à cette tradition bachique a déjà été perçue par quelques auteurs : " Millin cite encore l'opinion du Père Carmeli, qui n'aurait vu dans les Martinalia, que la continuation dans la Gaule, païenne d'abord et ensuite chrétienne, des fêtes de Bacchus, succédant aux vendanges célébrées chez les Grecs, au mois Anthesterion, sous le nom de Pithoegia { grec }, et chez les Romains, sous les noms de Vinalia et de Brumalia. Cette opinion s'appuierait sur divers miracles opérés au tombeau de saint Martin en faveur des buveurs de vin. M. Leber admet sans hésiter cette origine : « C'est en passant par les Brumalia des Romains, dit-il, que les Anthestéries grecques sont venues se mêler au divertissement des Chrétiens, où elles ont usurpé longtemps après le nom de saint Martin. »"


Il faudrait plutôt renverser le sens de l'usurpation : c'est bien parce qu'on ne parvenait pas à éradiquer ces fêtes débridées qu'on a tenté de les modérer en les recouvrant du manteau de saint Martin. La greffe du nom a pris, mais les coutumes bachiques n'en ont pas moins perduré, assurant du même coup au saint une notoriété qui passa les siècles.
En effet, pour en revenir à Rabelais, Jean-Mary Couderc, maître de conférences à Tours, juge, dans une excellente étude sur " Les toponymes Saint-Martin dans nos campagnes" que "les 5 citations de saint Martin dans son oeuvre prouvent, par leur caractère allusif, que la légende du saint est familière à l'auteur et que ce dernier juge qu'elle est bien connue de ses contemporains. Ceci montre le niveau de popularité que conserve encore notre saint dans la première moitié du XVI' siècle (Gasnault P., 1984, p. 932)."

Une de ses occurrences est d'ailleurs observable dans le passage de la vieille accoucheuse de Saint-Genou : "Dont une horde vieigle de la compaignie, laquelle avoit la reputation d'estre grande medicine et là estoit venue de Brizepaille d'auprès de Sainctgenou d'avant soixante ans, luy feist un restrinctif si horrible, que tous ses larrys tant feurent oppilez et reserrez, que à grande pene avecques les dents, vous les eussiez eslargiz, qui est chose bien horrible à penser: mesmement que le diable à la messe de sainct Martin escripvent le caquet de deux gualoises, à belles dentz allongea son parchemin."
(C'est moi qui souligne).

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1) Petite note adventice qui n'a pas grand chose à voir : Il n'y a pas que les élèves qui pratiquent le copier-coller sans citer bien sûr leurs sources.  Il semblerait que notre président sénateur ait largement emprunté à un article légèrement antérieur de l'universitaire Gilles Fumey comme on peut en juger sur le passage cité. Voici l'original chez Gilles Fumey : "La nouvelle classe bourgeoise qui émerge au 18e siècle remplit ses celliers et raréfie d’autant les vins qui manquent chez les aubergistes, provoquant des émeutes comme celle des canuts lyonnais en 1788 ou des ouvriers du quartier de la Bastille à Paris qui fomentent des « émeutes de la soif ». La récolte est attendue comme une bénédiction et dans la fête, notamment le 11 novembre qui est le jour du paiement des contrats d’embauche et de la dégustation de vin nouveau (le « martinage », du nom de Saint Martin fêté ce jour-là par un banquet autour d’une oie, avant que l’armistice de 1918 ne prenne le dessus)."
Christian Poncelet (ou son nègre) a omis quelques détails présents ici, mais les phrases sont pratiquement identiques. Et ce n'est pas le seul exemple qu'on puisse relever dans ce discours.

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09 juin 2007 | Lien permanent

L'axe des Lourdoueix

Non loin de Fresselines, une autre configuration symbolique reproduit le thème gémellaire. Une fois n'est pas coutume, je n'en suis pas l'inventeur : elle a été discernée la première fois par M.Gérard Guet, qui a observé que l'église du petit village creusois de Measnes (que les gens du crû prononcent « mène »), se situait exactement au point médian de l'axe qui relie l' église de Lourdoueix Saint-Michel à l'église de Lourdoueix Saint-Pierre. Ces deux paroisses doivent leur nom et leur origine à deux simples oratoires. Ainsi l' « Oratorium Sancti Michaelis » est-il cité en 1154. Mais pourquoi saint Michel et saint Pierre ?

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L'explication en est que ce doublet reprend sous une formulation chrétienne la dualité de Castor et Pollux : l'archange figure l'immortel Pollux tandis que l'apôtre se substitue au mortel Castor. Leur réunion symbolise l'indispensable communion du céleste et du terrestre. De même que Pollux intervient auprès de Zeus pour plaider la cause de Castor et l'arracher des griffes de la mort, c'est un ange qui délivre Pierre des geôles du roi Hérode (Actes, 12, 6-18). Rappelons encore la parole célèbre de Jésus : « Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église, et la Puissance de la Mort n'aura pas de force contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux et tout ce que tu lieras sur cette terre sera lié aux cieux et tout ce que tu délieras sur cette terre sera délié aux cieux. » (Matthieu 16, 18-20) La perpendiculaire à l'alignement des Lourdoueix menée depuis Measnes, autrement dit la mé(di)asne(s), conduit précisément à l'ancienne abbaye cistercienne d'Aubepierre (alba petra). Fondée en 1149, il n'en reste malheureusement plus que quelques vestiges, détruite qu'elle fût au 16ème par l'armée protestante du duc de Deux-Ponts.

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28 juin 2005 | Lien permanent

La Croix Pommerée

S'il est sur le net un outil advenu récemment, et qui soit particulièrement utile, c'est bien le site du Géoportail. Avant lui, je disposais certes de nombreuses cartes papier, et parmi elles les cartes IGN au 1/25000 de plusieurs parcelles du territoire berrichon. Ensuite j'avais fait l'acquisition du logiciel Carto Exploreur, réalisé par la société Bayo, et permettant de visualiser les cartes IGN sur l'ordinateur, avec de nombreuses fonctionnalités bien pratiques (recherche de toponyme, affichage des coordonnées géographiques, altitudes, tracés de routes...). Mais je ne disposais là encore que d'un corpus réduit, en l'occurrence les bases de données Indre-Est et Indre-Ouest. Acquérir la France entière m'aurait coûté une petite fortune. Or c'est bien de la France entière dont on dispose maintenant avec le Géoportail. Il suffit de demander une localité et la carte du territoire de celle-ci est disponible immédiatement.

C'est ainsi que j'ai pu examiner avec minutie le territoire du no man's land Sud-Ouest du carré buissé, et repéré entre Arnac-la-Poste et Saint-Sulpice-les-Feuilles une Croix Pommerée bien intrigante. Je ne pense pourtant pas qu'il faille la confondre  avec la croix pommetée, qui est celle par exemple de Toulouse, où les douze pointes sont ornées de boules; les pommettes, que Doumayrou assimile à douze petits soleils d'or correspondant aux douze signes du zodiaque.

Il me semble qu'il faut plutôt rattacher cette Croix Pommerée au pomerium latin, dont nous avons déjà vu naguère un exemple avec l'examen du site de Grand, en Lorraine.
"D'après Tite-Live (I, 44), déclare l'Encyclopaedia Universalisle mot pomerium désignait une bande de terrain, immédiatement contiguë à l'enceinte fortifiée de Rome, sur laquelle « il n'était mystiquement fondé ni d'habiter ni de labourer ». Cette définition fait clairement apparaître le pomerium comme une ligne de démarcation entre deux espaces dont la distinction est bien attestée dans la mentalité romaine : l'espace intérieur à la ville de Rome ou urbain, l'espace extérieur ou rustique.(...)"



Ceci est cohérent avec notre hypothèse d'autant plus que La Croix Pommerée se situe juste à la limite des deux communes d'Arnac et de Saint-Sulpice. Observez que les proches alentours sont vides de toute habitation. On trouve sur la gauche Les Landes, ce qui ne nous étonnera pas. Enfin, en prenant de la hauteur, on s'aperçoit que cette Croix Pommerée est située sur l'axe des Saint-Léger (Saint-Léger Magnazeix- Saint-Léger-Bridereix, Puyléger, Toulx Sainte-Croix). Or, "on peut constater, écrivais-je en septembre 2005, que la majorité des Saint-Léger ont une tendance manifeste à se situer dans des lieux frontières ou du moins à en baliser la direction."


 







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