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Vatan, terre gaste

« Après que l'arc fut détendu, la flèche s'en retrouva fichée au sommet de la tête de la sirène, comme le montrent deux dalles sculptées provenant de la façade ouest de l'abbatiale Saint-Sernin qui sont aujourd'hui au musée des Augustins : étrange scène de chasse, motif classique de l'ornementation romane que l'astrologie traduit en disant que Mars s'exalte en Capricorne. »

(Guy-René Doumayrou, Géographie sidérale, p. 150)

 

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La flèche perçant le crâne symbolise l'illumination, l'inspiration fécondante, l'ouverture de la conscience à l'intuition divine. Sachant cela, nous ne serons guère étonnés des détails merveilleux de la biographie de saint Laurian, venu trouver la mort à Vatan. J'en ai déjà évoqué des détails dans un article sur le Laurier du Tempé , mais il n'est sans doute pas inutile d'y revenir ici plus longuement. Originaire de Pannonie (comme saint Martin, d'ailleurs, et ceci n'est sans doute fortuit), clerc de l'église de Milan, Laurian aurait été nommé évêque de Séville au temps de Totila, roi des Wisigoths. Après un épiscopat de dix-sept ans, Laurian se serait rendu à Rome, puis en Gaule au tombeau de saint Martin, enfin à Vatan, où les émissaires de Totila l'aurait rejoint, puis lui auraient tranché la tête. Le saint aurait alors pris sa tête dans ses mains, poursuivi ses assassins et leur aurait demandé de la rapporter en Espagne. Le "chef" de saint Laurian aurait donc été conservé dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque, pendant laquelle on l'aurait si bien caché que depuis, il n'aurait pu être retrouvé. Par ailleurs, il est dit qu'Eusèbe d'Arles, averti par le Ciel, venu à Vatan pour ensevelir le corps du martyr, le trouva gardé par deux ours. Ces faits tirés de la Passio Sancti Lauriani, peut-être écrite vers la fin du IXè siècle, n'ont très probablement aucune valeur historique, mais ils recouvrent sans nul doute une matière mythique qu'il importe de remettre en lumière. Mgr Villepelet lui-même, bien qu'affirmant que tout n'était pas faux dans ce récit, n'en reconnaît pas moins qu' « il y a trop de détails sujets à caution pour qu'on puisse les admettre sans réserve : tels le rôle de Totila, qui était roi d'Italie et non d'Espagne, la mention d'Eusèbe d'Arles, qui ne se trouve point sur les listes d'évêques de cette ville, l'invraisemblance de certains détails merveilleux. (Les Saints Berrichons, p.116) ».

J'ai suggéré ailleurs que Laurian, de par son nom, pouvait donc renvoyer au laurier de la vallée du Tempé, au nord de Delphes, dont le centre oraculaire faisait grand usage. Si Laurian meurt à Vatan, ce n'est pas un hasard, c'est que la ville est située au Nord géographique de Neuvy Saint-Sépulchre, représentant donc le pôle , le centre céleste autour duquel s'enroule toute la création - les deux ours qui gardent le corps de Laurian figurant évidemment les deux constellations boréales de La Grande et de la Petite Ourse.

Maintenant, quelle est la signification de ce nom de Vatan ? Stéphane Gendron n'hésite pas à écrire que Vatan « est le grand absent des dictionnaires et études générales de toponymie française. M. de La Tramblais risque un rapprochement avec vastus : le nom de Vatan a la même origine [que Gâtine], locus vastae solitudinis, lit-on dans la Vie de saint Laurian « (LA TRAMBLAIS 1867 : 361). P-ê en effet racine *vast, celle de l'afr. gast « jachère, terre inculte ». (Les Noms de Lieux de l'Indre, p. 30).»

Romain Guignard, dans un ouvrage publié en 1944, Vatan, des origines à nos jours (réédité en 1997 par la librairie Arts et Loisirs d'Issoudun), abonde dans ce sens : « Vastinum (ou Vastinium) est un vocable du bas-latin de la famille de vastum et dont la signification selon le glossaire de Du Cange aurait été : champ sablonneux, stérile, inculte. Sens dérivé de vastum qui porte primitivement une idée de destruction (le sens originel du latin classique vastus est : ravagé, dépeuplé ) et qui se dit des champs que l'on ne cultive pas ; vastum se dit en plus d'une terre destinée au pacage des animaux et, dans les forêts, d'un emplacement à découvert, sans arbre. (pp. 9-10)»

Alors Vatan, terre gaste ? Terre littéralement dévastée ? Philippe Walter, dans son livre Mythologie Chrétienne, Fêtes, Rites et Mythes du Moyen Age (Imago, 2003, 2005), qui montre bien que les vies des saints dissimulent souvent d'anciennes divinités païennes, présente ainsi le thème de la terre gaste :

« La malédiction de la terre gaste (dévastée par une stérilité mystérieuse ou une calamité divine) hante l'ensemble de la légende du Graal. Elle se rattache à un vieux mythe saisonnier que l'analyse des rites et du mythe des Rogations permet de mieux comprendre. A l'instar d'Indra, il appartenait à Perceval d'assumer le rôle du héros civilisateur permattant au monde d'échapper à la fatalité d'une terre gaste, dans toute l'acception symbolique du mot. Dans les textes hindous, en effet, c'est Indra, le grand héros, qui transperce le dragon retenant les eaux prisonnières et qui creuse le lit des rivières apportant l'eau à tous les humains. »

Or l'eau est un élément important de la Vie de saint Laurian, car le lieu du martyre est situé au voisinage d'une fontaine. D'ailleurs le saint aurait pris le soin d'y laver sa tête avant de la remettre à ses bourreaux. Vatan est par ailleurs arrosé par deux ruisseaux confluant juste à sa sortie nord, dont le plus important, le Pozon, prend sa source à 4 km environ, à la Fontaine aux Pélerins, sur la commune de la Chapelle Saint-Laurian. Il est intéressant également de lire ce qu'écrivait dans son Mémoire de 1803 le préfet Dalphonse sur la cité de Vatan :

« Cette ville est située dans une vaste plaine et dans une espèce d'enfoncement. La route de Paris à Toulouse la traverse et donne de l'activité et de l'aisance à ses habitants. L'eau y est presque partout à fleur de terre, les maisons y sont extrêmement humides ; dans plusieurs la fontaine est à côté du foyer et dans presque aucune il n'y a de cave par impossibilité d'en établir. Cette abondance d'eau avait fait penser que cette ville était construite sur un vaste étang desséché, son nom l'indique assez mais cette abondance d'eau peut bien provenir aussi de ce que la ville est dominée par des terres calcaires qui rejettent sur elle les eaux qu'elles n'absorbent pas. » (cité par R. Guignard, p.151).

Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui de l'humidité des maisons mais il me paraît clair que Laurian a pris le rôle dévolu à Indra dans le mythe hindou : le passage suivant, cité par Ph. Walter, fait écho à la description du préfet : « Indra a fécondé les jeunes filles et elles se réjouissaient comme des sources qui viennent tout juste de jaillir à travers le sol ; les jeunes épouses respectables qui languissaient peu à peu, il les a fécondées. Il a satisfait la soif des prairies et des champs altérés. »

 

Selon Ph. Walter, c'est le même dragon tué par Indra qui « est porté en procession au Moyen Age pendant les Rogations sous des noms divers : la gargouille de Rouen (tuée par saint Romain), le graoulli messin, la chair-salée de Troyes, la drée de Montlhéry et bien d'autres encore. C'est ce même dragon avaleur des eaux, l'une des formes multiples du dieu préchrétien, que l'Eglise cherchait à exorciser lors des Rogations afin de contenir un imaginaire de la fécondité vis-à-vis duquel elle se sentait démunie. Dans le christianisme médiéval, le héros tueur de monstre est souvent un évêque (...) »

Ce que fut, en effet, Laurian.

Les Rogations tombent le lundi, mardi et mercredi qui précédent le jeudi de l'Ascension, et dépendent donc de la date de Pâques, ce qui les placent en théorie du 28 avril au 1er juin. Laurian était associé, lui, à deux fêtes solennelles : le 4 juillet, anniversaire de son martyre, et le quatrième dimanche après Pâques, célébration de la translation de ses reliques à Vatan, auparavant conservées dans une chapelle proche de la fontaine. Ce qui donne dans ce dernier cas, la semaine précédant les Rogations.

Pour le 4 juillet, ne voyant pas le rapport, ni avec les Rogations, ni avec le signe zodiacal du Capricorne qui s'ouvre avec Vatan, j'ai consulté l'excellent site 366 jours par an et constaté que c'était le jour de la saint Florent (bien proche phoniquement de Laurian, et notons que la commune au nord la plus proche de Vatan n'est autre que Saint-Florentin).

Examinons donc d'un peu plus près ce saint Florent.


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21 février 2006 | Lien permanent

L'ard du feu

« On sait aussi des mondes qui se défont. Bravant l'importunité des fileurs de renommée, remontons à Montségur, ce crâne vide, pôle tragique. De la même façon que Planès, ce lieu est à la pointe d'un triangle équilatéral dont les deux autres sommets ne sont pas plus quelconques : ce sont les villes de Saintes et de Feurs. Leur alignement rayonne de Milan, ancienne Mediolanum, comme Saintes, et centre zodiacal de la grande plaine cisalpine, en suscitant maintes capitales : outre les trois précédentes, Lyon, Clermont-Ferrand et Limoges. Mais ce qui nous intéresse directement est que, sur la partie qui forme la base de notre triangle, il est parallèle à l'Equateur. La hauteur et médiane dressée depuis Montségur sur ce segment est une méridienne qui joint les sommets de deux triangles à base commune, feu et eau, le sommet du feu étant en Ile-de-France, près de Rambouillet. »

(G.R. Doumayrou, Géographie Sidérale, p. 274-275)


medium_carte-neuvy2.4.jpgJe reprends cette carte de G.R. Doumayrou, déjà montrée le 11 avril, pour prolonger l'investigation menée ici depuis plus d'un mois sur le triangle de l'eau, Mosnay-Lourouer-Lourdoueix. A partir de ce modèle beaucoup plus vaste qui embrasse quasiment tout le territoire de notre pays, comment ne pas chercher à savoir s'il existe une réplique symétrique qui serait en somme le triangle du feu ? Je suis cependant incapable aujourd'hui de dire si, en 1989, j'ai cherché dans cette direction. Il est possible que j'aie en ce temps-là abandonné l'hypothèse faute d'éléments probants, ne disposant pas alors du même nombre de sources d'information.

Cette hypothèse du triangle du feu me paraît soutenable à ce jour, et je vais donc m'employer sans plus attendre à le montrer.

 

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Les deux triangles eau et feu

En projetant strictement le triangle symétrique à celui de l'eau sur la partie nord, la pointe tombe juste au-dessus du village de Diors. Rien de bien remarquable pourtant à signaler : le château du 15ème a été bombardé en août 44, l'ancienne église a disparu. Mais elle appartenait à l'abbaye de Déols, grande ordonnatrice du réseau zodiacal, qui se situe sur le même parallèle. Et surtout Diors est mentionné dès 927 (villa Drociso) : c'est la date exacte de la donation du Magny à Déols, par Guillaume d'Aquitaine.

Remarquons maintenant qu'un axe issu de Déols et reliant Lourouer Saint-Laurent traverse la ville d'Ardentes, par ailleurs également située, dans sa partie est, sur le méridien des triangles. Ardentes signe véritablement ce triangle du feu, de par son nom même, qu'on s'autorisera à rattacher au latin ardere, brûler. La commune actuelle fut formée en 1839 de la réunion de Saint-Martin d'Ardentes (dont la magnifique église dépendait de Déols) et de Saint-Vincent, paroisses occupant les deux rives de l'Indre, dont l'étymologie « Flavius Angerem » se retrouve au nord du triangle avec le hameau d'Angeray, en pleine Champagne Berrichonne. C'est sur les mêmes rives indriennes que se dressaient les anciennes forges de Clavières, renommées dès le 16ème siècle. L'économique et le symbolique encore une fois se rejoignent.

 

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Le triangle du Feu

Sur le côté Mosnay-Diors, on relèvera la présence d'Arthon, en bordure de Bouzanne, bien de l'abbaye de Déols dès 1104 (ce nom « Arthon » n'est pas sans parenté avec l'Arthur de la geste celtique, j'y reviendrai), et la proximité de medium_lourouer-les-bois.jpgl'autre Lourouer berrichon, Lourouer-les-Bois, dans la forêt de Châteauroux, où se trouvait jusqu'en 1874 le chef-lieu de la commune du Poinçonnet (on peut y admirer les vestiges de l'ancienne église Saint-Pierre-ès-Liens, transformée aujourd'hui en habitation).

 

L'examen du parallèle de Déols, passant donc par Diors, n'est pas sans enseignement : s'originant à Niherne, sur les bords de l'Indre (église Saint-Sulpice du 12ème), il transperce la forêt de Bommiers par le carrefour des Sept Lignes, puis celle de Choeurs pour en ressortir à Chezal-Benoît, siège d'une abbaye bénédictine et d'une congrégation de grande importance (dont la règle fut adoptée, entre autres monastères, par Saint-Sulpice de Bourges), et dont l'église Saint-Pierre fut consacrée en 1104 par notre vieille connaissance, Léger, l'archevêque de Bourges.

Enfin, l'axe, après avoir franchi le Cher, atteint Saint-Loup des Chaumes, petit village soi-disant fondé par l'évêque Saint-Loup (dont nous avons vu le culte au Magny, mais Ardentes également s'honore d'un pélerinage à Saint-Leu). Village qui est par ailleurs sur le méridien de Bourges, très précisément à l'aplomb du Faubourg Saint-Sulpice.

C'est maintenant vers Bourges que vont se porter nos regards. Avec la capitale des Bituriges va s'ouvrir un chapitre fondamental dans la description de notre géographie sacrée.

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15 novembre 2005 | Lien permanent

Le dieu d'Orsennes

Revenons à Saint-Ambroix, sur le parallèle de Saint-Genou. Une direction cardinale reste à explorer, qui n'est autre que le méridien du lieu. Suivant grosso modo la limite entre les deux départements berrichons, il passe par la chapelle de Dampierre, Chezal-Benoît, rase  St Christophe-en-Boucherie, traverse Champillet (l'autre localité indrienne du même nom, Champillé,  est située, rappelons-nous, près de Sougé, au point médian de l'axe Levroux-Saint-Genou), avant d'entrer en Creuse et de croiser le parallèle de Bazelat, vers  Malleret-Boussac.  .

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Ce faisant, c'est une autre figure géométrique d'importance qui s'impose à nos yeux : un quasi-carré (les côtés verticaux (le second est le méridien de Saint-Genou) sont cinq kilomètres plus longs que les côtés horizontaux). Carré qui s'ajoute donc notamment au triangle de saint-Outrille et au cercle de saint Phalier, composant sur la presque totalité du département une silhouette anthropomorphe qui n'est pas sans m'évoquer ce curieux personnage au torque, que Jean-Louis Brunaux (Les Gaulois, sanctuaires et rites, Errance, 1986) désigne comme le dieu d'Orsennes (on peut l'admirer au musée Bertrand à Châteauroux).

 

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La surimpression des deux images est assez éloquente :

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L'espace vide entre le carré et le cercle est rempli par le torque. Or, Levroux est au coeur de cet espace, alors même qu'on y a retrouvé une semblable statue, comme le signale cette étude :

"Le Centre de la France possède également une série de bustes sur socle du même type. Un inventaire raisonné en a été récemment dressé (Menez et coll. 2000) à la suite des travaux de G. Coulon (1990) et montre une certaine concentration dans l’ancienne cité des Bituriges avec les découvertes de Pérassay, Orsennes et Levroux dans l’Indre, Châteaumeillant dans le Cher2 (...) la statuette de Levroux gît dans une fosse comblée de matériel de La Tène D1b (100-80 av. J.-C.) et se trouve notamment associée à une ramure de cervidé (Krausz et al., 1989) ; celle de Châteaumeillant participe du comblement supérieur d’un puits attribué aux années 30-20 av. J.-C. et surmonte une « couche » d’andouillers de cervidé (Hugoniot, Gourvest 1961) (...)" [C'est moi qui souligne]

Notons que Perassay, comme Châteaumeillant sont situés à proximité du méridien de Saint-Ambroix.


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En noir, le méridien de Saint-Ambroix

 

"À Levroux comme à Châteaumeillant, on relève malgré le décalage dans le temps des abandons que les statues étaient brisées et associées à un ou plusieurs bois de cervidé. Ces points communs pourraient relever de gestes d’offrandes, d’autant que l’on connaît l’importance du cerf dans les religions protohistoriques, notamment dans la sphère sacrificielle (cf. scène du sacrifice des deux cerfs du chariot de Strettweg, pour ne prendre qu’un exemple ancien).

Les bustes à socles de France centrale, de même que ceux du reste de la Gaule, présentent des caractéristiques communes qui visent à souligner deux aspects principalement : les apparences physiques et la détention de marqueurs d’autorité. Les figurations de moustaches, de chevelures complexes avec un bandeau et parfois de lourdes mèches tirées en arrière montrent l’importance accordée à l’aspect du visage ; les costumes ne sont pas en reste puisque plis, manches et encolures de vêtement sont souvent rendus avec précision. D’autres détails, tels les bras ramenés sur le torse, accentuent le hiératisme des attitudes. Mais surtout, des insignes liés à l’exercice de dignités militaires et/ou religieuses sont portés ou brandis ostensiblement : il s’agit très souvent du torque, parfois du poignard ou de l’épée (Paulmy) et de la lyre (Paule)." (José GOMEZ de SOTO et Pierre-Yves MILCENT,  La sculpture de l’âge du Fer en France centrale et occidentale)


L'examen des médianes et diagonales du carré va maintenant nous conduire à de nouvelles découvertes. (A suivre)

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31 janvier 2008 | Lien permanent

Martial et Mithra, même combat

« Bull and cave themes are found in Christian shrines dedicated to the archangel Michael, who, after the officialization of Christianity, became the patron "Saint" of soldiers. Many of those shrines were converted Mithraea, for instance the sacred cavern at Monte Gargano in Apulia, refounded in 493. It is hard to avoid the conclusion that the Mithras cult was transferred to the previously unvenerated archangel. Bull and crypt are linked in the Christian saint Saturnin (frequently "Sernin" or "Saturninus") of Toulouse, France. The Mithraeum is retained as a crypt under his earliest church, evocatively named "Notre-Dame du Taur."
Je n'ai donc rien inventé : mon hypothèse reliant Saint Sernin de Toulouse au culte de Mithra, je l'ai retrouvée exprimée ce soir même dans l'article du Wikipedia anglo-saxon sur le Mithraïsme, beaucoup plus complet que son homologue français. A la légère déception d'avoir été précédé dans l'émission de l'idée, a succédé heureusement le plaisir de se voir d'une certaine manière confirmé. Je me sens d'autant plus tenté maintenant de compléter mon interprétation mithraïque du personnage de saint Martial. J'ai déjà écrit que par son nom – Martial - il me semblait correspondre au troisième grade de l'initiation (miles), celui du soldat. Il faut rappeler aussi que ce sont essentiellement les légionnaires romains qui ont propagé cette religion orientale. Robert Turcan, par exemple, a montré le lien étroit entre le culte de Mithra et le réseau de colonies et de voies militaires de la vallée du Rhône (le christianisme suivra d'ailleurs le même axe de pénétration). Je verrai volontiers dans le souci récurrent de la crypte et du souterrain chez les moines bâtisseurs de Saint Martial de Limoges la marque de la filiation avec l'héritage mithraïque, le souvenir du mithraeum édifié sous la terre ou dans le rocher. Bien entendu, il ne faut pas supposer une démarche consciente chez les religieux de l'époque romane, le symbolisme originel était sans aucun doute perdu, remplacé par un autre puisant en réalité aux mêmes sources essentielles : « (...)l'architecture des temples et maisons n'a de sens qu'en tant qu'elle est une reproduction symbolique des structures cosmiques, tant statiques que dynamiques. La cave des demeures, ou simplement leur sol, la crypte des églises, les salles enténébrées des soubassements des temples, communiquent avec les Grandes Eaux de l'Abîme, et aussi avec la Grande Terre Mère. » (Gérard de Champeaux, dom Sébastien Sterckx, Introduction au Monde des Symboles, Zodiaque, p. 58) Les mêmes auteurs, spécialistes du monde et de l'art roman, retrouvent d'ailleurs quelques lignes plus loin la thématique ouverte avec le signe du Taureau : « La plupart des peuples soulignent cet aspect de Mystère Vivant que prennent à leurs yeux les régions inférieures, en faisant d'un animal mythique le support de la terre : simple expression symbolique d'une intuition très profonde. (...) Chez les peuples du Caucase, en partie en Egypte, et là où l'Islam a étendu son influence, on retrouve le taureau comme support de la terre : le taureau est universellement reconnu comme un symbole en rapport avec la chaîne eau-terre-fécondité-femme. »
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La résurrection d'Austriclinien M'intriguent aussi les deux compagnons de Martial, saint Alpinien et saint Austriclinien. Comme Martial, ils sont clairement désignés par Grégoire de Tours comme prêtres orientaux. Ces deux noms si proches phonétiquement me font furieusement penser aux noms des deux dadophores (porteurs de torches) qui se dressaient de part et d'autre soit de l'accès au couloir central du mithraeum, soit de Mithra lui-même. L'un tenait sa torche levée (Cautès), l'autre sa torche abaissée (Cautopatès). De même, Alpinien et Austriclinien, ayant survécu à Martial, sont ensuite enterrés à ses côtés dans la crypte Saint Martial. « Suivant les régions et les climats du monde romain, souligne Robert Turcan (E.U, 12, 365), Cautès s'identifie avec la période verdoyante, Cautopatès avec la période stérile de l'année, ou inversement. D'autres symbolismes concernant la descente des âmes dans le monde terrestre et leur remontée au ciel peuvent s'être greffés sur cette imagerie, comme le suggèrent les recherches (très contestées) de Leroy A. Campbell) » Interrogeons donc maintenant les étymologies d'Alpinien et d'Austriclinien. (A suivre)

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28 mai 2005 | Lien permanent

Crozant

Reprenons : Gérald (ou Géraud) de Crozant concède la villa Sosteranea aux chanoines de saint Martial. Crozant où s'élève la forteresse des Comtes de la Marche, un peu plus au nord de La Souterraine, en secteur Taureau, sur l'éperon rocheux dominant le confluent de la Creuse et de la Sédelle. Site impressionnant, sauvage, que l'on atteint par de petites routes escarpées, tortueuses. George Sand, en découvrant ce lieu en 1827, en assura sa célébrité et toute une pléiade de peintres paysagistes s'en enticha au point qu'on parle encore aujourd'hui d'une Ecole de Crozant. Lieu retiré, mal accessible, pourtant sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, étape entre Gargilesse et La Souterraine, ayant longtemps appartenu à la famille des Lusignan que nous connaissons bien maintenant. A l'intérieur des ruines, nous retrouvons une crypte, sise entre la Tour dite du Renard et celle dite d'Isabelle d'Angoulême, épouse de Hugues de Lusignan (XIIème siècle).

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01 juin 2005 | Lien permanent

Suin, Soudun et Issoudun

Saint Fleuret, qu'on retrouve à Mijault et à Estaing, n'est pas le seul lien qu'entretient la région avec le lointain Rouergue. Le Suin, dont nous avons déjà évoqué la légende des 365 gouffres, nous en procure un autre par son étymologie. Je me reporte là à celle que propose Stéphane Gendron. Sachons d'abord que Suin désigne aussi un hameau situé à la limite entre Preuilly-la-Ville et Pouligny Saint-Pierre, sur une hauteur. Voici maintenant ce que le chercheur écrit :

« P.ê du gaul. *Segodunum, avec segu- « force », c'est-à-dire « forteresse solide, imprenable » (DELA-MARRE 2003 : 228-9). A comparer avec Suin, commune de Saône-et-Loire, Sedunum au XIe siècle, avec Rodez, Sogodounon au IIe siècle chez Ptolémée, et Sion, ville de Suisse, Sedunum au IVe siècle. »

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Un autre lieu tout proche relève pratiquement de la même étymologie, c'est le château féodal du Soudun, situé à Néons-sur-Creuse, sur un promontoire dominant la rivière. Il se nommait autrefois Issoudun, comme la ville que nous connaissons bien, ou Issoudun-sur-Creuse.

Or, il se trouve que ce château du Soudun n'est pas sans rapport avec un autre château, celui de Rochefort, qui surplombe justement notre stèle de Sauzelles. Une légende rapportée par Chantal de La Véronne raconte l'ultime épisode de la lutte qui opposait de longue date les fées des deux châteaux. C'était à l'époque où l'évangile de saint Jean fut retrouvé... (A suivre)

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Phalier, Priape et les vergers

Flava Ceres, tibi sit nostro de rure corona spicea,
quae templi pendeat ante fores;
pomosisque ruber custos ponatur in hortis,
terreat ut saeva falce Priapus aves;

Tibulle (Elégie I)


(Traduction : Blonde Cérès, que te soit donnée une couronne d'épis venant de notre domaine, pour qu'elle soit suspendue devant les portes de ton temple, et que l'on installe un Priape, rouge gardien, dans nos vergers pleins de fruits, pour que de sa faux cruelle il effraie les oiseaux.)



Etrange destinée mythologique que celle de Priape : le fils de Dyonisos et d'Aphrodite (certaines traditions disent même de Zeus), originaire de Lampsaque en Aise Mineure,  dieu de la fécondité et de la fertilité à qui l'on dédie chants et poésies, finit dans les vergers romains sous forme de statues grossières en bois de figuier vermillonné, autrement dit en épouvantail.

Mais c'est cette association latine entre vergers et Priape qui me retient d'exclure complètement l'hypothèse phallique du nom de saint Phalier. En effet, si l'on veut bien revenir quelque peu en arrière, examinons à nouveau la légende de Saint-Outrille, près de Graçay, où se trouve le premier Saint-Phallier que j'ai mentionné :
"Un jour, on aperçut le diable dans le village. Aussitôt, les braves villageois se mirent en devoir de lui donner la chasse. Le diable se réfugia sur le clocher. Une vaillante commère entreprit de l'en déloger et commença l'escalade. Le diable, sentant son refuge menacé, sauta dans le verger avoisinant. Mais sa queue se prit dans la flèche et la tordit de telle façon que, de nos jours, elle demeure vrillée ...."

Bien sûr, on peut juger que c'est somme toute assez banal, la présence d'un verger au pied d'une église. Poursuivons donc avec le Saint-Phalier levrousain : ceux qui se sont penchés sur la carte IGN du site, que j'ai déjà insérée deux fois, y auront peut-être aperçu sur la route qui mène à Levroux le lieu-dit nommé précisément Le Verger.



Trouverons-nous un troisième verger sur la troisième pointe du triangle, à savoir à Chabris, terre d'élection du saint ermite ?  Je n'en ai point décelé, il est vrai, mais il existe, me semble-t-il, d'autres indices. Encore une fois, c'est l'excellente recension de Jean-Louis Desplaces (Florilège de l'eau en Berry, vol. 3) qui va nous servir de guide. La dernière procession à la fontaine Saint-Phalier, proche de l'oratoire du même nom ( dont j'ai noté qu'elle balisait l'alignement avec le Saint-Phalier de Graçay), a eu lieu en 1973 où elle ne recueillit qu'une centaine de personnes. Cruel contraste avec la même procession avant-guerre, décrite par l'écho paroissial de Chabris en septembre  1934. La narration est enthousiaste :
 
" (...) C'est un pèlerinage champêtre par la traversée des champs et des vignes, la montée d'un chemin abrupt, mais mystique aussi, par une sorte de poésie médiévale qui se dégage des ombres de la crypte, des eaux de la fontaine, des invocations naïves au " guérisseur des douleurs et des enfants en langueur" (...) Aux messes du matin, les dévotions privées et la visite indispensable à la crypte. Un escalier de pierre usé par les pas de quarante générations, conduit au sanctuaire souterrain où trône sur l'autel une statue antique de saint Phalier, curieusement couverte d'un camail de chanoine et d'une étole. (...) Tous les prêtres sont descendus en même temps pour leur visite d'hommage, ils s'agenouillent, prient et passent sous le tombeau de saint Phalier. Ce tombeau est tailladé par les couteaux des pèlerins qui emportaient autrefois de la poussière précieuse ainsi recueillie.
A dix heures et demie, "les  chiens de Saint-Phalier" cloches au timbre argentin, aboient à la population qui, à ce signal, se presse vers l'église et la remplissent. La longue nef ogivale est décorée à chaque arceau d'oriflamme au chiffre du saint Patron. la tribune porte en pendentifs d'immenses grappes de roses d'un merveilleux effet. Le sanctuaire est tapissé de verdure et de roses aux vives couleurs. Deux bosquets de palmiers et de plantes vertes encadrent l'autel dont les degrés sont chargés de bégonias éclatants et superbes, ensemble qui retient les regards
."

C'est cette profusion de verdure et de roses qui m'intrigue et me fait penser aux vers virgiliens :
Vere rosa, autumno pomis, aestate frequentor 
spicis : una mihi est horrida pestis hiemps.

Traduits ainsi par Maurice Rat :
Au printemps je suis couvert de roses, en automne  de fruits , en été d'épis ; seul l'hiver m'est un horrible fléau.

"La rose, explique-t-on icisymbole de l'amour et du désir, est la fleur de Vénus, de Bacchus et de Priape, auquel on offre aussi, à l'occasion, d'autres fleurs : violettes, pavots, etc."
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Mosaïque d'El Jem (Tunisie)

Pascal Quignard : "A Rome, on ne peut distinguer  lusus et religio, sarcasme et sacrifice, Dieu raillé ou Dieu puissant. Fascinus ou Priapus fut honoré de stèles durant tout l'Empire. Priapus est "le premier des dieux", le dieu Prin, le dieu Priopoien (le dieu qui crée-avant la création elle-même). Priapus fut sans la moindre hésitation le dieu le plus représenté de l'Empire. Sarcasme vient du grec sarx, qui est le mot qu'employait Epicure, pour dire le corps (sôma) de l'homme et le lieu unique du bonheur possible. Le sarkasmos, c'est la peau prélevée sur le corps de l'ennemi qu'on a tué. En cousant ces peaux "sarcastiques", le soldat formait un manteau de victoire. Le plus souvent Athéna arbore la tête de Gorgone sur son bouclier, mais il arrive que la déesse porte sur son épaule la dépouille (le sarkasmos) de Méduse. Le latin carni-vore traduit mot à mot le grec sarko-phage." (Le sexe et l'effroi, Gallimard, pp. 104-105)

Difficile de ne pas songer au sarcophage vide de saint Phalier, au profond de la crypte, en calcaire monolithe reposant sur deux piliers, auge de pierre dont on grattait donc "sarcastiquement" la surface pour recueillir la poussière guérisseuse.

 







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26 octobre 2007 | Lien permanent | Commentaires (4)

Le chaos et la forêt

Hé Dieux! que le temps m'anuie,

Un jour m'est une sepmaine;

Plus qu'en yver longue pluie,

M'est ceste saison grevaine.

Helas! car j'ay la quartaine,

Qui me rent toute estourdie

Souvent et de tristour pleine:

Ce me fait la maladie.

Christine de Pizan (Ballade XLIII) 

 

 Revenons sur l'axe Saint-Genou ¬ Saint-Ambroix, parallèle d'où a émergé la géométrie sacrée de saint Outrille et de saint Phalier : j'ai pu mettre en évidence le point commun entre les deux saints donnant leur nom aux deux localités, à savoir que tous les deux furent évêques de Cahors. Cette dernière ville devant être mise en rapport elle-même avec le chaos.

L'autre grande direction cardinale issue de Saint-Genou, son méridien, nous avait amenés à Sainte-Gemme et au bois de Souvigny, toponyme dont un inventaire a mis «  en lumière un complexe cultuel situé sur des zones frontalières, au coeur d'un massif forestier, en relation avec les puissances souterraines incarnées par la présence de sources sacrées. Si l'on recherche quelle divinité celtique pourrait bien avoir été au centre d'un tel complexe, on ne peut que penser au Silvain gallo-romain,  assimilé au gaulois  Sucellus, le dieu au maillet que j'ai déjà évoqué au sujet de Levroux. »

 

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 Christine de Pizan instruisant son fils

 

Or, les thématiques portées par ces deux directions cardinales, le parallèle et le méridien, ne sont pas sans lien dans l'imaginaire des hommes du Moyen Age ; c'est ce que j'ai découvert grâce à un de ces livres glanés au Bleu fouillis des mots, la librairie d'ancien de Châteauroux. Dans La couleur de la mélancolie sous-titrée La fréquentation des livres au XIVe siècle 1300-1415 (Hatier, 1993), Jacqueline Cerquiglini-Toulet écrit que la matière, « c'est l'unité primitive, le chaos primordial tel que Christine de Pizan le présente au début de L'Advision, l'indivision première.

Le grand ymage, dont a son commencement ce dit livre parle, pour tout le monde puet estre pris ; c'est asavoir ciel, terre et abeisme. Son nom qu'escript en son front portoit, c'est assavoir Chaoz, puet estre entendu que a son commencement les pouetes anciens nommerent la masse que Dieu fourma, dont il trey ciel et terre et toutes choses, chaos, qui est a dire confusion, qui encore assez est au monde. Les .ii. Conduis qu'il avoit par ou peüz estoit et purgiéz se puet entendre la naissance de toutes corporelles choses, et aussi la mort de toute creature vive.

« Glose sur la premiere partie de ce present volume », in L'Advision Christine (Ed. C. Réno), pp. 1-2.

( La grande image dont parle ce livre à son début peut être prise pour l'ensemble du monde ; à savoir le ciel, la terre et l'abîme. Le nom qu'elle porte écrit à son front, chaos, peut être entendu de cette manière : au commencement du monde, les anciens poètes nommèrent la masse que Dieu forma et dont il tira le ciel, la terre et toutes choses, chaos, c'est-à-dire confusion, laquelle est encore bien présente dans ce monde. Par les deux tuyaux de l'image, par lesquels elle était nourrie et purgée, on peut comprendre la naissance de toutes les choses corporelles, et aussi la mort de toute créature vivante.) »

L'auteur poursuit ainsi : « Ce chaos peut être vu comme forêt, materia prima, hylè des Grecs. C'est la forêt obscure dans laquelle se trouve Dante au début de La Divine Comédie, « chose dure à dire, sauvage et âpre et forte » (Enfer, chant 1er, vv. 4-5), cette « silve » qu'évoque Christine de Pizan dans son Chemin de Long Estude (v. 1131), profondeur ténébreuse de l'informe à valeur d'enfance. La matière en tant qu' origine renvoie à l'élémentaire et la forêt en constitue, métaphoriquement, le paradigme. » (p. 70)



Cette longue citation - trouvée presque accidentellement alors que je feuilletais ce volume longtemps après l'avoir l' acheté - donne encore plus de cohérence au schéma symbolique ordonné autour de Saint-Genou et donne un sens jusque-là encore inaperçu à certains noms présents sur les cartes. Ainsi, j'étais intrigué par cette forêt de Chaon près de Souvigny-en-Sologne ; vue à la lueur du passage ci-dessus, c'est presque un pléonasme qu'on peut alors y lire.

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L'idée de naissance attachée au chaos est également illustrée par l'importance donnée dans ce village à la fête de saint Blaise. Placée là au 31 janvier, selon le Quid, elle est plus traditionnellement attribuée au 3 février. Or, ce 3 février est précisément la date donnée par Rabelais pour la naissance de Gargantua, dont nous avons déjà vu avec la vieille de Brise-Paille le lien avec Saint-Genou. Situé exactement quarante jours après Noël et quarante jours avant Pâques, le 3 février a sans doute été choisi, pense Anne Lombard-Jourdan, parce que la spécialité du saint était de soigner la gorge, « si présente dans la nomenclature de la famille Gargantua et dans l'histoire du géant. Mais il faut prendre aussi en considération la signification du nom du saint. » (Aux origines de Carnaval, Odile Jacob, 2005, p.52). Analyse partagée par Philippe Walter pour qui Rabelais inscrit « délibérément le mythe gargantuesque dans la tradition et la religion carnavalesque. A la fois lieu de parole, lieu d'absorption des aliments, , lieu de circulation du souffle vital (en allemand blasen signifie « souffler »), la gorge de Blaise (ou de Gargantua) renvoie à celle du loup divin, l'homme-loup (ou l'homme-ours) qui gouverne les cycles du Temps mais aussi les liturgies de Carnaval : la musique sur les instruments à vent, le grand manger, la sortie de l'ours (ou du loup-garou) prédateur, autant de rites qui renvoient à un temps originel cherchant à établir les principes d'un ordre par rapport auquel l'homme devra se définir. » (Mythologie chrétienne, Imago, 2005, p. 103)

 

Pour conclure provisoirement, je songe encore à la rivière qui coule à Souvigny-de-Touraine, dont le nom, l'Amasse, renvoie peut-être à « la masse que Dieu forma et dont il tira le ciel, la terre et toutes choses, chaos ». Ici encore, la naissance est sur-signifiée par la présence de fonts baptismaux très anciens (Vème-VIème siècle) et d'un lavoir construit à l'emplacement d'une fontaine sacrée gauloise.

 


 

 

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06 décembre 2007 | Lien permanent | Commentaires (4)

Verneuil (suite)

Verneuil est étymologiquement la clairière de vergnes. Les deux éléments de ce toponyme sont d'origine celtique. La finale euil dérive de ialos, la "clairière cultivée". Or c'est bel et bien une clairière que saint Fiacre délimite avec son bâton miraculeux, renouvelant en cela un geste ancestral attesté dès l'époque de La Tène ancienne (- 500, - 250). "Le lieu de culte n'était rien d'autre, soutient Jean-Louis Brunaux, qu'une aire sacrée limitée par un fossé et parfois une palissade. (...) L'enclos est, en effet, la représentation la plus simple et la plus durable du lieu de culte chez la plupart des peuples indo-européens, et particulièrement chez les Grecs et les populations italo-celtiques. Le témenos et le templum, mots de même racine, ne sont rien d'autre que ce terrain "découpé". Un simple trait sur le sol, un sillon de charrue, un fossé suffisaient à délimiter la place du sacré." (Les Gaulois, Sanctuaires et rites, Errance, 1986, p. 28) Ayant fortuitement retrouvé l'association Fiacre-Verneuil avec la statue du saint à Verneuil-sur-Avre, j'ai lancé hier une petite recherche systématique sur le web avec ces deux mots-clés. Et c'est ainsi que j'ai déniché la petite commune de Parnay, 49 habitants seulement, dans le Cher, sur les rives de l'Auron. Une commune berrichonne donc, qui s'honore d'une église Saint-Fiacre, mais aussi des ruines d'un prieuré dépendant de l'abbaye de Verneuil-les-Bois. Ajoutons enfin que la commune relevait de l'abbaye de Déols.

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25 mars 2005 | Lien permanent

De Septem Fontibus

La question est maintenant de savoir quel culte païen a été recouvert par les figures de saint Martin, saint Silvain, saint Silvestre et autres Rodène et Corusculus. Comme à Vatan, il est très certainement lié à une ou plusieurs sources : « A l'origine, écrit Stéphane Gendron, le village semble avoir joué un rôle important dans le culte de l'eau guérisseuse. La fontaine guérisseuse de sainte Rodène (scrofuleux, feu de saint Sylvain, ou érysipèle, engelures...) est fréquentée au moins depuis le XIIIe siècle. » (Les Noms de Lieux de l'Indre, op. cit. p. 25.) Un ruisseau prend source à Levroux, à l'est de la ville intra muros, ruisseau nommé Céphons, c'est-à-dire Septfons, les sept fontaines, près d'une métairie appelée déjà Sept Fonds au XIIIe siècle. Stéphane Gendron encore : « Selon Ardouin-Dumazet, la source est l'objet de légendes : On prétend qu'une grosse pierre bouche le fond de l'abîme et empêche les eaux d'être trop abondantes ; si on l'enlevait, Levroux serait inondé ! ».

Il semble qu'il y eut par le passé des débats passionnés sur l'orthographe du cours d'eau (Céphons ou Septfonds) et pour savoir s'il y avait bien sept fontaines à Levroux. A mon humble avis, c'était être aveugle à la portée symbolique des termes choisis. Je ne m'étendrai pas sur la valeur universelle du septenaire qui est bien connue, sinon pour dire qu'il signe, entre autres, le Septentrion, c'est-à-dire les sept étoiles de la Grande Ourse1 . Cette valence cosmique se répète peut-être avec la graphie de Céphons, qui évoque irrésistiblement Céphée, autre constellation boréale dont les étoiles alpha et gamma furent polaires, voici 21 000 et 19 000 ans avant notre ère.

 

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Céphée « est reconnaissable à sa forme de pentagone irrégulier, ou de dessin enfantin d'une maison à toit pointu. » Or, la cité médiévale de Levroux avec sa ceinture de remparts nous présente une figure étrangement proche, comme l'attestent la carte de Cassini ou l'atlas de Trudaine.

 

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Carte de Cassini

 

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Levroux en 1747 (atlas de Trudaine)

 

Sources des cartes : Histoire et Archéologie du pays de Levroux (Indre), 2003

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1 Je ne parviens pas à remettre la main sur une note prise lors de la lecture du Journal de Paul Claudel : il y mentionnait, si j'ai bonne mémoire, avoir vu sept puits à l'intérieur d'un temple chinois, figurant la constellation boréale.

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04 avril 2006 | Lien permanent | Commentaires (9)

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