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Rechercher : saint Denis

Où l'on retrouve Saint Léonard

L'une des particularités de Lourouer Saint-Laurent était, nous l'avons vu, de mettre en scène des saints peu familiers de la terre berrichonne, à savoir les saints limousins Pardoux et Goussaud. Le triangle de l'eau, dont Lourouer est l'un des pôles, nous a conduits vers cette province à travers l'examen du méridien d'un autre pôle : Lourdoueix Saint-Pierre. Limousin, pays des ermites et des prédicateurs, pays d'origine de l'orfèvre Eloi, où encore aujourd'hui se perpétuent des dévotions évanouies partout ailleurs, comme les fameuses ostensions septennales, où l'on ouvre châsses et tombeaux pour en extraire les reliques et les porter en procession dans les rues.« Tous, est-il écrit sur le site du diocèse de Limoges, personnalités civiles, religieuses ou militaires, mais surtout le « peuple limousin », sont invités à se mettre en route à la suite de leurs saints pour implorer le ciel. Il y a dans cette manifestation rencontre de l’Église et de la cité par l’intermédiaire des saints, rencontre du ciel et de la terre. »

Léonard est l'un de ces grands saints limousins. J'ai longuement évoqué sa légende en arpentant les terres de Lion. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'a pas déclenché la même ferveur en Berry. Jean-Louis Desplaces signale qu'une seule fontaine lui est consacrée. Encore une fois c'est une rareté qui doit nous interpeller, cet « hapax » sacral a visiblement quelque chose à nous dire. Il suffit d'examiner sa situation. En effet, la fontaine Saint-Léonard repérée par Desplaces se trouve au hameau de Trisset, sur la commune de Tranzault. Hameau très précisément localisé sur la base du triangle de l'eau, à savoir l'axe Lourouer-Mosnay.

 

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 Fontaine Saint-Léonard

La fontaine est près de la dernière maison du village. « Elle se présente sous la forme d'un puits de 80 cm de hauteur et 1 m de diamètre. Une statue de 40 cm décapitée semble bien figurer un moine, son vêtement est plissé ; il porte medium_leonard-trisset.jpgune corde à sa ceinture. » Jean-Louis Desplaces affirme ensuite qu'on serait venu autrefois en procession à la fontaine, saint Léonard ayant été considéré comme le patron des vieux garçons qui le priaient à Tranzault d'abréger leur célibat. Par ailleurs, une chapelle, dont aucune trace ne subsiste, aurait existé à Trisset. Sainte Geneviève y aurait été honorée.

Sainte Geneviève qui est également la patronne secondaire, avec sainte Solange, de la paroisse de Tranzault, dont le titulaire est saint Pierre. Détail qui me paraît essentiel : Desplaces écrit que la paroisse était sous le patronage du roi. Encore une rareté qui mérite examen : on saisit mal à quel titre cet humble village, qui n'abritait qu'un prieuré dépendant de Déols, méritait un si noble rattachement. Il n'est pas sans doute pas indifférent à cet égard que Tranzault soit situé sur le grand axe Neuvy-Bourges (mais je me réserve de revenir plus amplement sur ce point dans l'étude de Scorpion). Et je rappelerai aussi que Léonard est le premier saint de la Couronne de France, selon les termes du R.P. Bernardin, prieur des Carmes Déchaussés de Limoges, en 1673.

 

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Fontaine Sainte-Geneviève
(mais la statue est celle de sainte solange)

Il n'est pas anodin non plus que ce soit sainte Geneviève qui soit honorée ici. On sait son lien légendaire avec Paris. Une autre fontaine lui est consacrée, route de Neuvy justement, « à 250 mètres de l'église à vol d'oiseau ». Là aussi, une procession était organisée, qui n'a plus cours de nos jours. Un curé signale encore une guérison miraculeuse en 1933, mais cela n'a pas suffi à enrayer le déclin des pratiques.

Aujourd'hui Tranzault est moins connu pour ses fontaines que pour sa foire aux potirons et légumes rares, créée en 1987, et qui a toujours lieu le second dimanche d'octobre. C'est la fête colorée du cucurbitacée, la grande nouba des citrouilles.

 

 

 

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09 novembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (1)

Saint-Marcel, de la Creuse à la Bièvre

C'est une vieille histoire. L'histoire du médecin d'un petit village, passionné d'archéologie, qui emmène le dimanche deux hommes pour fouiller avec lui le plateau des Mersans, à Saint-Marcel.

L'un de ces hommes est mon grand-père paternel, Lucien, tout petit paysan sur la commune de Bouesse.

Le médecin est Jacques Allain, pionnier d'Argentomagus, qui payait alors sur ses fonds propres ses deux compagnons de fouilles.

Vieille histoire : j'écris aujourd'hui sur Argentomagus, que mon aïeul, dans les années 60, a donc contribué à faire renaître. Le clavier et la souris ont remplacé la truelle et la pioche. Etrange continuité, et je songe qu'un hasard malicieux voulut que l'antique cité, placée sous l'égide de la blancheur et de l'éclat (étant à Neuvy Saint-Sépulchre ce que Leucade était à Delphes), fut mise au jour par un qui portait aussi la lumière dans son prénom...  Lucien...

Et l'autre, je tiens cela de mon père, je ne l'invente pas, se nommait Blanchard...

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Eglise de Saint-Marcel (Photo : Jean Faucheux)

Il me faut m'attarder sur ce site, car il se trouve que je n'ai pas parlé non plus comme il le fallait de Saint-Marcel, la cité qui a succédé à Argentomagus, s'établissant un peu plus au nord-ouest, laissant la cité s'édifiant plus bas dans la vallée reprendre le nom d'Argentomagus, du moins son premier élément. Reportons-nous à la vie du saint telle qu'elle est narrée sur le site du musée :

"Le récit légendaire du double martyr de saint-Marcel et de saint Anastase est la première manifestation de l'évangélisation d'Argentomagus. La venue de ces deux apôtres de la foi chrétienne est traditionnellement placée au milieu du IIIe s., sous le règne de l'empereur Dèce (248-251).

D'après la légende, Marcel n'avait que 15 ans tandis qu'Anastase était parvenu à l'âge mûr. Venant de Rome et se dirigeant vers Toulouse, les deux missionnaires s'arrêtèrent dans une maison du faubourg d'Argentomagus. Là, Marcel accomplit un premier prodige en rendant la santé à un misérable enfant sourd, aveugle, muet et boiteux de surcroît... Puis, renouvelant le miracle des Noces de Cana, il transforma l'eau en vin au grand émerveillement du voisinage assemblé.

Instruit de l'effervescence qui agita le quartier après ces deux miracles, Héracle, le préteur de la ville, fit bientôt comparaître le thaumaturge et son compagnon et les somma d'abjurer leur foi.

Irrité par leur refus de sacrifier Apollon, Hercule et Diane, les divinités vénérées dans le temple, Héracle livra Marcel au supplice du chevalet puis du gril sur des braises ardentes. L'adolescent supporta toutes ces épreuves avant de demander à être conduit à l'entrée du sanctuaire. Là, devant une foule considérable, Marcel ordonna à Apollon de sortir du temple. La divinité s'exécuta et, poussant un long rugissement, s'évanouit dans un nuage de soufre. Alors le saint pénétra dans le temple. Aussitôt les statues des idoles tombent de leur piédestal et viennent se briser à ses pieds.

Après avoir été une nouvelle fois livré au supplice, Marcel fut jeté dans un cachot, le saint fut peu après décapité non sans avoir prophétisé. La tradition prétend en effet que Marcel fut martyrisé et inhumé à l'emplacement de l'église actuelle. Quant à son compagnon, il fut mis à mort sur le chevalet au lieu-dit le clos Saint-Anastase, aujourd'hui le Champ de l'Image.

Quoiqu'il en soit, l'archéologie, ne nous est d'aucun secours puisque jamais ici, le moindre symbole chrétien n'a été observé sur des objets gallo-romains."


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Saint Marcel et le dragon

Châteauroux, BM, ms. 002

Bréviaire à l'usage de Paris

Cette légende montre bien en creux la difficulté que l'église rencontra pour éradiquer les cultes païens qui devaient être ici très prégnants. J'avais en 2005 déjà signalé le passage à Argenton du moine Yrieix, lors de son voyage à Tours, daté entre 556 et 573, lequel décrit le lieu comme profane et consacré aux démons de la religion antique. C'était donc plus de trois siècles après le martyre supposé de Marcel... Les clercs qui rédigèrent la vie de Marcel n'hésitent pas à prêter vie aux divinités du temple, pour mieux les réduire en cendres par la suite, mais cette naïveté est bien sûr gênante pour les chrétiens d'aujourd'hui, et Mgr Villepelet qui recense Marcel et Anastase dans la liste des Saints Berrichons (1) juge "raisonnable et prudent de traiter ce document comme le témoin de traditions anciennes", sans accorder foi à tous les détails. Il est significatif quant à notre propos de voir que c'est Apollon qui est au premier chef concerné par l'appel de Marcel. C'est lui qui obéit à l'ordre du saint et part en fumée. non sans avoir poussé un long rugissement de bête blessée.

Ceci n'est pas sans faire penser à un autre saint Marcel, celui de Paris, qui vint à bout du dragon de la Bièvre. Jacques Le Goff lui a consacré une étude tout à fait passionnante. S'il ne fut pas martyrisé, il a au moins un autre point commun avec notre Marcel berrichon, c'est le miracle renouvelé des noces de Cana : "Le second miracle (Vita, VI), écrit J. Le Goff, qui revêt déjà une allure christologique, mais qui rappelle un des premiers miracles du Christ avant l'apostolat décisif de ses dernières années, le miracle des noces de Cana, se produit quand, Marcel puisant de l'eau dans la Seine pour permettre à son évêque de se laver les mains, cette eau se change en vin et enfle de volume au point de permettre à l'évêque de donner la communion à tout le peuple présent ; son auteur devient diacre."(2)

Ce saint Marcel, devenu lui-même évêque de Paris,  patronna sainte Geneviève. Or, celle-ci a été mise en relation par Anne Lombard-Jourdan, avec la déesse grecque Leucothéa, que nous avons évoquée au billet précédent.

Recoupements troublants. Lutèce-Argentomagus, mêmes constellations symboliques ? Il va falloir aller y voir de plus près.

____________________

(1) Mgr Jean Villepelet,  Les Saints Berichons, Tardy, 1963, p. 114-115.

(2) Jacques Le Goff, Culture ecclésiastique et culture folklorique au Moyen Age, Saint Marcel de Paris et le dragon, repris dans Pour un autre Moyen Age, Quarto, Gallimard, 1999, p. 230.

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15 décembre 2009 | Lien permanent | Commentaires (10)

Vita Martini (4) : De Mars Condatis à sainte Gemme

La mort d'un saint n'est jamais anodine. Le lieu, la date, les circonstances portent un enseignement. Que le jour de cette mort soit devenu chaque fois jour de fête doit nous avertir sur le sens profond de la fête, dont nous avons à peu près perdu aujourd'hui la valeur sacrificielle qui s'y attachait. La mort de Martin ne déroge pas à l'usage. Examinons-la en détail.

Tout d'abord, elle n'a pas lieu à Tours, siège de son évêché, mais à Candes, une petite ville située, comme son nom étymologiquement l'indique (gaulois condate, confluent), à la rencontre des eaux de la Loire et de la Vienne. D'emblée, nous retrouvons la symbolique des flux mêlés qui s'est imposée dès le début de l'étude de Verseau. Les confluents sont toujours des lieux particulièrement sacrés dans toutes les mythologies, et une étude de la Société de Mythologie Française montre que "Le mot condate semble avoir gardé une charge religieuse spécifique et la proportion élevée de patronages dévolus à saint Martin pourrait être un indice de la christianisation du Mars celtique appelé parfois Condatis".

 

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Fronton du porche de l'église de Candes Saint-Martin


La raison officielle de la venue de Martin  à Candes est toutefois l'apaisement d' une querelle entre les clercs de l'endroit. Le devoir accompli, ses forces l'abandonnent et il est reçu le 8 novembre 397 "dans le sein d'Abraham". Le corps du saint va alors être l'objet d'une âpre lutte entre Tourangeaux et Poitevins  de Ligugé, accourus dès la rumeur de trépas prochain,  qui tous le revendiquent. Les Tourangeaux sont les plus malins car ils réussissent, selon les dires de Grégoire de Tours (Sulpice Sévère ne souffle mot du larcin), à escamoter nuitamment la sainte dépouille par une fenêtre et à la transporter jusqu'à Tours en remontant la Loire. Les obsèques  ont lieu le 11 novembre, jour  donc de la Saint-Martin.

"Selon la légende, est-il dit sur le site de saintmartindetours.eu, les Tourangeaux embarquèrent la dépouille du saint évêque dans la lumière et les chants ; tout au long de la remontée de la Loire du bateau funéraire, et plus particulièrement au lieu dit "le Port d'Ablevois" (Alba via - la voie blanche) à la Chapelle Blanche (Capella alba), aujourd'hui appelée La Chapelle-sur-Loire, les buissons des rives se couvrirent de fleurs blanches. C'est de là que vient l'expression "l'Été de la Saint Martin"."

Une semblable translation par voie fluviale a eu lieu, on le sait,  pour saint Genou, dont le corps fut  transporté de Palluau à Saint-Genou en suivant le cours de l'Indre (très court trajet d'ailleurs, dont on voit mal la nécessité matérielle, mais c'est le symbole qui importe bien sûr).


Mgr Villepelet place la fête de saint Genou au 20 juin (d'autres sources la placent au 17 janvier, comme celle de saint Sulpice). D'autres saints  sont fêtés bien sûr ce jour-là. Parmi eux, une certaine sainte Gemme, martyre en 109, jeune lusitanienne d'une grande beauté  ayant fui en Aquitaine la vindicte de son père, lequel voulait lui faire abjurer sa foi chrétienne.


Comme par hasard, le village de Sainte-Gemme (la commune s'honore aussi d'un dolmen dit de la Pierre-Saint-Martin) se place  exactement sur le méridien sud de Saint-Genou.

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27 juin 2007 | Lien permanent | Commentaires (5)

En quête de Diou (3) : la Montjoie

Comment n'y ai-je pas pensé avant ? Sur Saint-Denis, le réflexe aurait dû être de se précipiter sur le livre le plus stimulant que je connaisse sur l'histoire de ce saint et de l'abbaye qui porte son nom : "Montjoie et Saint-Denis !" d'Anne Lombard-Jourdan, sous-titré Le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis, et publié aux Presses du CNRS en 1989. Pour aller vite, l'auteur pense avoir localisé au nord de Paris, dans la plaine du Lendit, "le lieu consacré au centre de la Gaule" dont parle Jules César. Ce site apparaissait comme un tumulus, autrement dit un tertre funéraire artificiel, désigné sous le nom de "Montjoie", dérivé du francique *mund-gawi, que l'on peut traduire par "Protège-pays". "C'est au sommet de cette tombe d'un ancêtre divinisé, devenue sanctuaire vénéré, que l'évangélisateur de Paris aurait été décapité." C'est aussi à proximité de cette Montjoie que sainte Geneviève érigea la première sépulture dédiée à saint Denis. Première, oui, car il y en eut une seconde, à Saint-Denis précisément, l'ancienne Catolacus. Translation que que l'on peut placer aux alentours de l'an 630, selon Anne Lombard-Jourdan.

Voilà une information qui nous intéresse grandement, car si l'on se reporte aux cartes, on s'aperçoit que la Montjoie est située entre les deux Saint-Denis, à exactement  trois kilomètres de l'un et de l'autre. Dans la même position justement que nos Diou. Mieux, comme eux, la Montjoie est située légèrement à l'écart de la voie qui les relie, selon une même direction septentrionale (sans  retrouver, il est vrai, la légère déviation des Diou).


Anne Lombard-Jourdan pense que la Montjoie du Lendit fut vraisemblablement le prototype de toutes les "montjoies" connues : "Une fois constitué, le toponyme rayonna le long des chemins. Son sens originel s'estompa, puis disparut, sans que le mot perdit de sa vogue, essaimant un peu partout en tant que nom propre et nom commun et subissant la cascade de modifications sémantiques bien connues. C'est ainsi qu'on finit par appeler "montjoies" les petits monuments gothiques ornés chacun d'une croix et de trois statues de rois qui, élevés en 1271 à proximité de la Montjoie primitive, jalonnèrent la grande route qui menait de Paris à Saint-Denis et furent, eux aussi, regardés comme "protégeant" les passants."(p.57)

De même qu'on christianisa ce lieu païen en y plaçant le martyre de saint Denis, on peut concevoir qu'en Berry on christianisa ces lieux-Diou autrefois consacrés à des divinités celtiques en les encadrant en quelque sorte par des lieux semblablement dédiés au saint céphalophore. N'est-ce pas remarquable, encore une fois, que Reuilly, juste en aval de Diou, appartînt en propre à l'abbaye royale de Saint-Denis ?



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12 février 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

La Chapelle-Aude

Trouvé tout récemment sur le net, le document de l'Ecole des Chartes sur les possessions de Saint-Denis, non seulement m'a confirmé ce que je savais déjà de Reuilly par une autre source, mais aussi m'a appris l'appartenance à l'abbaye royale de La Chapelaude et de Vaux.

La Chapelaude, je connaissais : j'ai souventes fois traversé cette bourgade de l'Allier en me rendant à Montluçon. Son nom est une contraction de la Chapelle-Aude (Capella Aude du cartulaire blanc de Saint-Denis). Ce que désignait ce nom de Aude fut la première question que je me posai. La réponse vint rapidement : il s'agirait d'une moniale disciple au VI ème siècle de Sainte Geneviève. Le legs de la terre de la Chapelaude se situe, lui, au XIème siècle. Voici ce qu'on peut lire sur un site intéressant consacré au canton d'Huriel : « En 1060, le chevalier Jean de Saint Caprais, avec l'assentiment d'Humbault le Vieux, sire d'Huriel, donne à Rainier, abbé de St Denis, le terroir du Mont-Jullian. L'abbé y fait alors élever un prieuré à l'origine du bourg actuel, appelé successivement La Chapelle, La Chapelle Saint Denis, La Chapelle Audes puis La Chapelaude. »

Nous ne sommes guère qu'à une vingtaine de kilomètres, à vol d'oiseau, de Toulx Sainte-Croix. Je trace alors la ligne réunissant les deux localités et je m'aperçois qu'elle vise, au-delà de la Chapelaude, le bois d'Audes, près du village précisément nommé Audes (et dont l'église, je le découvre peu après, appartenait elle aussi à l'abbaye de Saint-Denis).

Quand on met à jour une telle association, on y regarde ensuite d'un peu plus près. Or, si mes calculs sont bons, La Chapelaude indique, par rapport à Toulx, le lever héliaque au solstice d'été.

 

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On peut d'ailleurs se demander si le choix de Aude, au-delà de la sainte référence historique qui rattache clairement le prieuré à Paris et Saint-Denis, ne relève pas d'un jeu de mots avec aube (alba) ?

Est-ce fortuit également de constater que non loin de La Chapelaude se situe le village de Vaux, sur les rives du Cher, qui fait écho à Vaux, la possession poitevine des dyonisiens ?

De ce Vaux picton, parlons-en, en retrouver la trace fut une autre paire de manches...


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25 août 2005 | Lien permanent

En quête de Diou (2)

En réalité, on s'aperçoit que l'alignement des deux Saint-Denis (un hameau et un faubourg de Bourbon-Lancy) ne prend pas Diou sur son parcours. Il s'en faut de peu, mais c'est ainsi : Diou n'est pas au centre exact du segment dyonisien.
Fausse piste ? Je remarque tout de même en passant un autre fait intéressant : la verticale du Saint-Denis méridional s'origine au Puy Saint-Ambroise, près de Saint-Léon, un haut-lieu de la région et prend dans sa course l'abbaye de Sept-Fons, proche de Diou, édifiée sur l'emplacement d'une ancienne abbaye cistercienne.

Comparons maintenant avec le Diou berrichon.

Diou est là aussi situé à quelques toises de l'alignement Saint-Denis (faubourg d'Issoudun) et Bois Saint-Denis (faubourg de Reuilly). La position est moins centrale, mais ce que l'on peut observer c'est une quasi similarité des angles avec la méridienne. Remarquons aussi que les deux Diou, outre leur situation en bordure de rivière, sont semblablement placés sur une limite territoriale : les limites de département recoupant ici comme souvent d'anciennes frontières provinciales ou diocésaines.

A ce stade, je ne peux penser que ces similitudes soient le fait du hasard.

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Le Puy Saint-Ambroise

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08 février 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

Caput regni

J'imagine le scénario suivant :
 
A l'époque où le peuple gaulois des Bituriges (étymologiquement, les Rois-du-Monde) était le plus puissant de la Gaule et où les Druides avaient conquis une influence déterminante sur la société de leur temps, les deux centres sacrés les plus importants se trouvaient être Déols et Bourges (ils ne portaient évidemment pas ces noms-là), deux tertres entourés de marais, dont le compagnonnage symbolique sera constant au cours des siècles suivants, la trace en étant gardée jusque dans la légende tardive de Denis Gaulois.

A l'heure de la conquête romaine, les Bituriges n'exercent plus le pouvoir suprême et ne sont plus que les clients des Eduens ; les Druides eux-mêmes, comme l'a bien montré Jean-Louis Brunaux, ont perdu la  prééminence des siècles antérieurs et forment une institution déclinante.
Un nouveau centre sacré a supplanté les centres bituriges : Anne Lombard-Jourdan a suggéré qu'il s'agissait d'un  tertre  situé au nord de Paris, dans la plaine du Lendit. Ne pouvant éradiquer purement et simplement ce haut-lieu du paganisme, les premiers chrétiens y placèrent le martyre de saint Denis et sainte Geneviève érigea à proximité la première basilique dédiée à celui-ci.
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Martyre de saint Denis


Le lien avec les anciens centres sacrés n'est cependant pas rompu : entre Berry et Ile-de-France, Paris-Saint-Denis  et Bourges-Déols la vieille histoire perdure, se livre en échos riches et profonds. Le règne de Saint Louis est exemplaire à ce point de vue. On a vu le rôle insigne du prélat berrichon Eudes dans la consécration de la Sainte-Chapelle, la conduite de la croisade et la dotation en reliques christiques du modeste sanctuaire berrichon de Neuvy, création conjointe des princes de Déols et des seigneurs berruyers. L'abbaye royale de Saint-Denis a des possessions en propre à Reuilly et à La Chapelaude.

Etonnant comme la dualité Déols-Bourges est répétée par celle de Paris et Saint-Denis : "Depuis le XIe et, surtout, le XIIe siècle, plus encore sous Saint Louis, écrit Jacques Le Goff , Paris est la résidence habituelle du roi et donc de son conseil, la Curia, qui peu à peu se transforme de cour féodale itinérante en organisme de gouvernement tendant à la stabilité. Paris est devenu caput regni, la capitale du royaume. Mais Saint-Denis, où le roi va prendre l'oriflamme avant de partir pour la guerre ou les attributs du pèlerin avant de partir pour la croisade, sur l'autel duquel il paie un tribut de quatre besants d'or soigneusement déposés chaque année, où sont gardés, entre les sacres, les insignes du pouvoir royal, où reposent ses prédécesseurs dans l'attente de la Résurrection, Saint-Denis est appelé aussi caput regni.
Le Royaume de France a une capitale bicéphale, Paris et Saint-Denis, dont la route, bientôt parsemée de "montjoies", est la véritable voie royale. Et le triangle sacré de l'espace monarchique est Reims, où le roi reçoit le pouvoir  royal, dans la cathédrale du sacre, Paris où il l'exerce habituellement dans son palais et Saint-Denis où il l'abandonne dans le "cimetière aux rois" de l'abbaye "nationale"
(p. 530-531).

Jacques Le Goff montre que c'est d'ailleurs Saint Louis qui va pleinement utiliser "l'instrument idéologique et politique que la nécropole royale offrait  à la monarchie française", en réorganisant la disposition des tombeaux existants de manière à affirmer la continuité entre Carolingiens et Capétiens, et à se rattacher à la prestigieuse figure de Charlemagne, histoire de légitimer une bonne fois pour toutes cette dynastie capétienne "longtemps vilipendée en la personne de son fondateur Hugues Capet - que Dante va bientôt encore évoquer avec mépris" (p. 281).












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03 mars 2007 | Lien permanent | Commentaires (7)

Vaux-sur-Net

Et comme celui qui a morigéné les Rois, j’écouterai monter en moi l’autorité du songe.
(Saint-John Perse, Vents)

 

 

Tapez « Vaux » dans Google, le moteur vous annonce aussitôt 975 000 résultats. Evidemment vous vous en doutiez, le terme est tellement commun. Vaux-le-Vicomte a droit à la première place, suivi de Vaux-sur-Mer, et plus loin Vaux-sur-Sure, Vaux-le-Pénil, etc. Notre Vaux est poitevin, c'est tout ce que nous en savons pour l'instant. Allons donc pour « Vaux Poitou » : plus que 96 100 résultats, où Vaux-sur-Mer se paie la part du lion, en campings, hôtels, locations... Serait-ce là notre Vaux dyonisien ? On a des doutes... Essayons donc « Vaux Saint-Denis » : 76 000 résultats seulement, on progresse. On trouve même un Saint-Denis-de-Vaux : las, ce beau village, qu'on peut visiter virtuellement (mais j'ai décliné la ballade), est sis en Saône-et-Loire... Fausse piste donc. Et « Vaux Saint-Denis Poitou » ne nous donne plus que 9060 réponses en français (bizarrement le premier site indiqué est espagnol...), sans nous apporter plus de lumière.

Je commence à désespérer lorsque soudain me revient en mémoire un détail de ma récente recherche sur Ingrandes, où l'on se souvient que le convoi translatant le corps de saint Léger avait fait halte : l'église de la ville dépendait d'un prieuré de Saint-Denis. J'avais noté ça dans un coin de ma tête en m'amusant de la coïncidence, je ne pensais pas alors y revenir si vite. Vérification sur le site du diocèse de Poitiers : il est bien écrit que « Sous l'Ancien Régime, la cure d'Ingrandes était à la nomination du prieur de Saint-Denis-en-Vaux, qui dépendait de la grande abbaye de Saint-Denis-en-France. »

La question était maintenant de savoir où se situait ce Saint-Denis-en-Vaux. C'est un autre site sur la même page de résultats, consacré aux églises romanes du Poitou, qui m'apporta la solution : « Trois kilomètres à l'Est d'Ingrandes, à Oyré, se trouve une autre très belle Eglise Romane dédiée à Saint Sulpice. Elle relevait jadis du Prieuré de Vaux sur Vienne qui lui meme dépendait de l' Abbaye de Saint Denis, près de Paris. L'église possèdait à l'origine des fresques murales. »

Vaux-sur-Vienne : il ne restait plus qu'à remonter le cours poitevin de la Vienne pour repérer le haut-lieu tant attendu. Et à vrai dire, il n'y eut pas à remonter loin, Vaux-sur-Vienne était là, tout près d'Ingrandes et de Oyré. Il aurait dû me crever les yeux : il me jouait le coup de La lettre volée d'Edgar Poe.

 

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Ceci dit, le mystère demeurait : la carte Michelin n'indiquait aucun bâtiment religieux remarquable et une nouvelle recherche sur Vaux-sur-Vienne fut très décevante : aucune mention du prieuré, qui semble avoir disparu dans les ténèbres de l'Histoire. J'ai eu beau scruter la carte de Cassini, publiée en 1815, elle ne mentionne aucun prieuré Saint-Denis. Il sera bien bon celui (ou celle) qui me donnera des informations précises sur l'histoire de ce Vaux pictave décidément bien fuyant.

Il reste que la localisation de Vaux près d'Ingrandes montre bien encore une fois, s'il en était besoin, l'intrication serrée entre les deux saints martyrs Léger et Denis. L'histoire de l'abbaye dyonisienne et celle de l'évêque déchiré entre les pouvoirs de son époque ne cessent de corréler. Toutes les deux ont en commun d'interroger la fonction royale. J'ai la nette impression que notre réflexion sur celle-ci ne fait que commencer.


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Léger et le roi Chilpéric

P.S : Un site rassemble tous les Saint-Léger de France, de Suisse et de Belgique. J'y ai puisé nombre d'informations. Merci aux concepteurs du site, que l'on peut consulter ici.


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26 août 2005 | Lien permanent

Du ternaire

 

Un autre point commun entre les légendes de saint Denis et de saint Génitour est l'importance du ternaire. Après avoir rappelé le témoignage de Lucain dans la Pharsale (I, 444-446), poème écrit au 1er siècle de notre ère, qui évoque la triade des dieux gaulois Esus, Teutatès et Taranis, Anne Lombard-Jourdan remarque que la première Vie de saint Denis « situe au « vénérable lieu triple » (venerabilem locum trinum) le martyre des trois saints ; Denis, Rustique et Eleuthère, indissolublement unis dans leur sacrifice, confessent d'une seule voix leur adoration de la sainte Trinité, dogme catholique qui s'oppose à l'hérésie arienne négatrice d'un dieu en trois personnes. » (« Montjoie et saint Denis ! », Presses du CNRS, 1989, p. 66)

Les neuf fils de Maure portent avec évidence le ternaire à la plus haute puissance de lui-même. Et la distribution spatiale et temporelle des martyres relève d'un semblable souci : trois morts près du départ de la fuite, à Tours ; trois morts sur le chemin (Saint-Epain, Barrou, Tournon) ; et enfin, trois morts au Blanc. En outre, comme Génitour choisit sa sépulture en Ville Basse, Tridore et Principin sont enterrés en Ville Haute. Comme cela ne fait pas le compte, on y ajoute Messaire, que pourtant la légende fait mourir à Tournon. Trois toujours. Ce sont eux que l'on nomme les Bons Saints, qu'on invoque pour la protection des enfants, et auxquels les pélerins viennent rendre hommage chaque premier dimanche de septembre. Une date qui place obligatoirement le « voyage »dans le temps de la Vierge, le signe opposé aux Poissons du secteur.

Maintenant, quel peut bien être l'auteur de cette légende, qui offre, on le voit, de si nombreux points de comparaison avec celle de saint Denis qu'on ne peut pas croire qu'elle ne s'en soit pas inspirée ? Selon Patrick Grosjean, il pourrait s'agir d'un moine de la grande abbaye de Déols, un auteur « qui ne s'embarrasse pas du fait que les Wisigoths aient été chrétiens, des hérétiques tout de même puisque ariens. Il ne craint pas davantage les anachronismes : le roi des Goths est présenté comme contemporain de saint Martin tout en portant un nom romain. Bref ce récit n'est représentatif que de l'hagiographie médiévale. »(op. cit. pp. 136-137)

 

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On retouve là la volonté de combattre l'hérésie arienne présente dans la geste dyonisienne. Par ailleurs, le prieuré de Saint Génitour fut  fondé avant 1125 par l'abbaye de Déols. Et il est un autre détail crucial, que l'Inventaire général n'a pas relevé, et qui affermit notablement l'hypothèse d'une origine déoloise, c'est que les trois clochers de Douadic, Pouligny Saint-Pierre et Saint-Génitour sont directement inspirés du clocher de Déols, qui se présente lui aussi comme de plan carré avec étages de baies aveugles (deux au lieu d'un, le modèle se doit de conserver la suprématie.)

 

 

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15 mars 2009 | Lien permanent

Dio - Nyze et Dyonisos

J'avance lentement dans la passionnante lecture  d'Evocations de l'esprit des lieux de Guy-René Doumayrou. Beaucoup d'éléments sont repris de sa Géographie sidérale, mais on trouve aussi de nouveaux développements sur tel ou tel haut-lieu, principalement du Languedoc. C'est ainsi qu'il débusque dans la haute vallée de l'Orb, soumise au diocèse médiéval de Béziers, un couple de monuments "insignes", situé sur le méridien de la ville "et de part et d'autre d'un plateau aride balayé par les vents" : le château de Dio* et le prieuré de Notre-Dame de Nize. Cette association Dio-Nize conduit Doumayrou à invoquer le grand dieu Dyonisos :

"Ce n'est pas avant 1135 qu'un texte a fixé , pour nous le transmettre, le nom de Nize sous la forme Aniza, que l'on fait venir, faute d'autre hypothèse, d'un patronyme latin supposé : Anicia ou Anicius. Sans prétendre trouver mieux, observons seulement que la contraction  des deux formes anciennes Diona et Anisia accolées fournit Dionanisia : elle fait écho de façon suggestive à une étymologie proposée par François Noël pour Dyonisos, fondée sur l'analyse Dios-Anysein (anyein), ce qui signifie littéralement : Zeus achevé, c'est-à-dire la perfection divine, ou l'accomplissement de la lumière." (pp. 107-108)

L'alignement Dio-Nyse sur la carte ne peut manquer de nous rappeler les alignements mis à jour  avec les Diou.

Dans les trois cas, nous observons cet axe s'écartant de quelques degrés seulement du méridien. Sans doute  Dio n'est-il pas au centre d'un segment défini par  deux Saint-Denis, mais c'est l'ensemble Dio-Nize qui ici rappelle saint Denis, puisque ce nom est bel et bien la forme romanisée de Dyonisos (les habitants de Saint-Denis sont les Dyonisiens).
La carte de la Montjoie parisienne, sise elle aussi entre les deux Saint-Denis, offre également des recoupements intéressants :


Deux toponymes se font en effet écho à la topographie dyonisienne : de part et d'autre de l'axe méridien issu de Dio, Montjoux et le Mont Martin semblent se souvenir l'un de la Montjoie, l'autre du Pasellus Sancti Martini à la base du parcours du saint céphalophore. Ce passelus était "une passerelle jetée sur le ruisseau de Ménilmontant, aujourd'hui supprimé, et qui coulait de l'est à l'ouest, allant se jeter à la rive droite de la Seine au-dessus du pont actuel des Invalides. L'église Saint-Martin des Champs était en effet située à peu de distance au-dessous de ce ruisseau et avait donné son nom à un pont, comme nous le voyons par un diplôme postérieur du roi Louis VI reproduit par Doublet dans son Histoire de Saint-Denys (1)."

Il faut maintenant examiner ce qui a conduit Doumayrou lui-même à l'évocation de ce couple Dio-Nyse.

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* De fait, on m'avait (FEB, merci à elle) déjà signalé ce château de Dio, mais faute d'y déceler un quelconque rapport à des localités Saint-Denis, je n'en avais pas fait état. Et je n'avais bien évidemment pas opéré de rapprochement avec l'église de Nize. Le dévoilement de la géographie sacrée prend souvent des chemins détournés.

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07 février 2009 | Lien permanent

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