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Denis Gaulois (6) : De Châteauneuf à saint Fiacre

Tentative d'épuisement de la question Charles de l'Aubespine : le net ne m'offrant plus de ressources valables, je me décidai à entrer en bibliothèque pour y dénicher une ou deux biographies de Richelieu. J'en ressortis donc avec Richelieu, L'Ambition et le pouvoir, de Michel Carmona (Fayard, 1983) et le beaucoup plus récent Richelieu de Françoise Hildesheimer (Flammarion, 2004). Deux forts volumes que je n'ai pas eu le temps (ni l'envie d'ailleurs) de lire in extenso, mais où j'ai traqué la présence de mon Châteauneuf. Oui, c'est sous ce nom (Charles est, je le rappelle, marquis de Châteauneuf(1) ) qu'il est couramment désigné par les deux auteurs.

Il apparaît chez Carmona à la page 306 et à l'année 1617. Richelieu n'est pas alors au faîte de sa gloire, loin s'en faut : il a dû quitter Paris pour Blois, accompagnant Marie de Médicis contrainte à l'exil après l'assassinat du favori Concini. Ravalé en mai au rang de « Chef de son Conseil et de ses affaires, pour tenir et avoir garde de son scel », il ne tarde guère à prendre la fuite : le 11 juin, il regagne son prieuré de Coussay sans rien dire à personne, sans un mot d'explication, ce qui rend la Reine-Mère folle de rage. Richelieu, craignant un ordre d'exil du Roi, avait préféré prendre les devants. Sur cette dérobade, on possède un message bien embarrassé de son frère Henri de Richelieu : « Je suis au désespoir de vous avoir donné l'avis de ce que je vous ai mandé, bien qu'il fût vrai et que je l'eusse appris de Monsieur de Châteauneuf, lui-même présent à la résolution qui fut prise. Cela m'avait été confirmé par une personne de plus grande qualité et par plusieurs autres encore. Mais depuis les choses avaient changé et celle-là aussi qui était bien vraie. Excusez mon affection et la passion que j'ai à votre service. » « En somme, explique Michel Carmona, le Roi avait décidé d'exiler Richelieu ; le marquis en avise son frère ; celui-ci quitte Blois aussitôt ; le marquis lui écrit pour lui dire que ce n'est qu'une fausse alerte. »

Quoi qu'il en soit, nous constatons que notre Châteauneuf-Laubépine était bien en cour à l 'époque, et pas avare de confidences. Son caractère intrigant apparaît déjà à cette occasion.

Il ne refait surface chez Carmona que deux cents pages plus loin, en l'an de grâce 1630, mais en des circonstances exceptionnelles, car c'est à l'occasion de la fameuse Journée des Dupes ( 10 et 11 novembre), « qui constituent incontestablement, selon l'historien, un tournant de l'histoire de France. »

Il est à peu près minuit quand Louis XIII prend la parole à Versailles : « Il expose qu'il est déterminé à mettre un terme aux intrigues qui, depuis plus d'un an, se multiplient contre le cardinal, et empoisonnent l'atmosphère politique. Le chancelier de Marillac est à ses yeux l'un des grands responsables de cet état de choses. C'et pourquoi le Roi, tout en rendant hommage à sa piété et à sa conscience professionnelle, a décidé de se séparer de lui. Monsieur de Châteauneuf exercera désormais les fonctions de garde des Sceaux. Louis de Marillac, nommé la veille commandant en chef de l'armée d'Italie, sera destitué de ses fonctions et décrété d'arrestation. »

Notons que c'est quatre jours seulement après l'exécution de Marillac, le 14 mai 1632, que Richelieu est nommé dans l'ordre du Saint-Esprit.

 

Michel Carmona mentionne une troisième et dernière fois le nouveau chancelier, à la page 510, mais c'est presque anecdotique : Châteauneuf est l'un des nombreux courtisans qui tentent  de faire revenir l'irascible Reine-Mère sur ses positions anti-Richelieu, à Compiègne, en février 1631.

Il n'y parvient pas mieux qu'un autre et Carmona se désintéresse ensuite de son cas, ne signalant ni son emprisonnement prochain, ni la suite de ses démêlés avec la Couronne.

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Françoise Hildesheimer prend en quelque sorte le relais de Carmona puisque Châteauneuf n'apparaît chez elle qu'en novembre 1632 (à la page 258). C'est une nouvelle fois une période difficile pour le cardinal. « Les problèmes s'accumulent : il apprend enfin le mariage de Gaston, lequel, à la nouvelle de l'exécution de Montmorençy, s'est de nouveau enfui à Bruxelles le 6 novembre ; en Allemagne, Wallenstein et Gustave-Adolphe sont face-à-face ; à la cour, dans l'entourage d'Anne d'Autriche, l'irréductible duchesse de Chevreuse a ensorcelé le garde des Sceaux Châteauneuf, qui intrigue contre lui. »

Cet abbé est décidément un drôle de lascar, bien porté qu'il est sur les plaisirs de la chair. Ses turpitudes ne laissent pas d'inquiéter Richelieu, malade de surcroît, si l'on en croit ce passage des Mémoires de La Porte, fidèle de la Reine, dépêché par elle-même à Bordeaux pour « savoir s'il était si mal qu'on disait » : « Je le trouvai entre deux petits lits sur une chaise, où on lui pansait le derrière, et l'on me donna le bougeoir pour lui éclairer à lire les lettres que je lui avais apportées ; ensuite il m'interrogea fort sur ce que faisait la Reine, si M. de Châteauneuf allait souvent chez elle... » F. Hildesheimer précise ensuite que « les lettres sont de la reine et de la duchesse de Chevreuse, et leur destinataire n'a guère de mal à imaginer les sarcasmes dont il est l'objet et les espoirs auxquels sa maladie donne prétexte, notamment au garde des Sceaux Châteauneuf, ce cinquantenaire manipulé, comme on l' a vu, par l'infatigable Chevreuse, elle-même âgée de trente-deux ans, qui en a fait un amoureux transi... Les rieurs ont en effet beau jeu de le traiter de « cul pourri », et les ambitieux de rêver à la succession. »


Les rieurs n'auront pas ri longtemps. Le cardinal-ministre n'aura de cesse d'imposer l'autorité royale à l'ensemble de la société et singulièrement à la gent nobiliaire. Selon ses propres mots, il avait décidé de rogner les ongles « si courts à ceux dont on a lieu de se garder que leur mauvaise volonté serait inutile »... F. Hildesheimer cite en préambule de son chapitre 5, justement intitulé « Rogner les ongles », une page qu'elle juge saisissante des Mémoires de La Rochefoucauld, où il dresse un tableau effrayant de la situation de la noblesse au temps de sa jeunesse - notre Châteauneuf y figure, disons-le d'emblée, en bien mauvaise posture : « Le Grand Prieur de Vendôme et le maréchal d'Ornano étaient morts en prison [...], le duc de Vendôme y était encore, la princesse de Conti et le duc de Guise son frère furent chassés ; le maréchal de Bassompierre fut mis à la Bastille, le maréchal de Marillac eut la tête tranchée ; on ôta les sceaux à son frère pour les donner à Châteauneuf. La révolte de Monsieur fit périr le duc de Montmorency sur un échafaud [..] [Le garde des Sceaux] fut ensuite arrêté, prisonnier lui-même bientôt après, Madame de Chevreuse fut reléguée à Tours, n'ayant de crimes l'un et l'autre que d'être attachés à la reine et d'avoir fait avec elle des railleries piquantes du Cardinal. (...)(2) »

Page 313, il est donc bien précisé que le 25 février 1633, Châteauneuf doit rendre les Sceaux « - payant chèrement les sarcasmes dont sa correspondance avec la duchesse a abreuvé Richelieu, le soupirant de la Chevreuse ne sortira de prison qu'après la mort du ministre(3) -, et ses partisans sont éliminés ; ils ont le choix entre le jugement et l'exil. Le cardinal, pour sa part, est crucifié par ses hémorroïdes dont rien ne peut venir à bout : tous les remèdes s'avèrent impuissants à le soulager, y compris les reliques de saint Fiacre, transportées pour l'occasion de Meaux à Paris ; quatre incisions doivent être pratiquées. L'heure n'est pas à l'optimisme, mais bien à la dépression, et donc, sans doute, à la répression... »


Et le 5 mai 1633, Richelieu est nommé commandeur de l'ordre du saint-Esprit...


Par des chemins bien tortueux, je dois l'avouer, nous voici incidemment revenus à saint Fiacre, le premier saint que j'ai abordé lors de cette étude. Mais je n'avais pas alors mentionné qu'il était considéré comme guérisseur et patron de ceux qui souffrent de maladies vénériennes et d’hémorroïdes (cette attribution serait fondée sur un calembour à partir du mot “Fic” qui désignait une petite tumeur). Autre preuve, s'il en fallait, de sa notoriété : Anne d’Autriche  aurait crédité saint Fiacre de la guérison de Louis XIII à Lyon, où le roi était tombé gravement malade.


Après Châteauneuf, c'est à Condé qu'il faut maintenant s'intéresser.


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1. Il s'agit de Châteauneuf-sur-Cher, qui fut d'ailleurs dans son histoire l'enjeu d'âpres batailles entre vicomtes de Bourges et princes de Déols. La forteresse établie au XIème siècle sur les rives du Cher fut complètement détruite à l'issue de cette guerre, puis reconstruite à plusieurs reprises.

2. La Rochefoucauld, Mémoires, Paris, 1964, p. 45-46.

3. « Châteauneuf réapparaîtra à l'occasion de la Fronde, toujours dans le sillage de la duchesse » Note de F. H

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14 octobre 2006 | Lien permanent | Commentaires (3)

Denis Gaulois (14) : Giraldus fecit istas portas

Revenons à nos bêtes féroces. La mention par Anne Lombard-Jourdan du tympan de Saint-Ursin de Bourges prend place dans la chapitre III de son livre Aux origines de Carnaval (Odile Jacob, juin 2005), chapitre intitulé Carnaval - Un moment païen au coeur du calendrier chrétien. Pour elle, ce terme de "Carnaval" "désignait primitivement le moment où les cerfs perdent leurs bois. La racine carn ne se rapporterait pas à caro, carnis, la chair, mais à cern, corn, carn (latin cornu), qui nomme la "corne" des animaux et, en particulier, "les bois du cerf". Et donc Carnaval signerait le temps où la corne va à val ou avale, autrement dit tombe : "L'adverbe "aval" et le verbe "avaler", précise-t-elle,  étaient très employés au Moyen Age. Dès la Chanson de Roland, on trouve "aval" opposé à "amont". Avaler a vieilli dans le sens de "descendre" et, depuis le XVIIe siècle, on l'emploie surtout pour "faire descendre dans le gosier, déglutir". Mais Rabelais joue encore au XVIe siècle sur le double sens du mot : descendre et déglutir. Dans les Propos des bien yvres, un des buveurs s'exclame : "Si je montois aussi bien comme j'avalle, je feusse pieça hault en l'aer." Le même auteur emploie aussi la forme pronominale "s'avaler" dans le sens de " se laisser glisser en bas"." (op. cit. p. 241)

 

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Or, cette chute des bois du cerf,  placée en février sous nos latitudes, comme on peut par exemple le vérifier sur Le Grant Kalendrier et compost des Bergiers,  (1491), a peut-être marqué le début de l'année dans bon nombre de sociétés païennes. Anne Lombard-Jourdan en donne quelques indices (entre autres le calendrier celtique de Coligny, la création du mois de Hornung pour février par Charlemagne, la fête du lundi du cerf (Hirschmontag) en Alsace, en Lorraine et dans le Sundgau) avant d'attirer l'attention sur le tympan de l'ancien portail de l'église de Saint-Ursin de Bourges : "Ce petit chef d'oeuvre de l'art roman offre une composition et une iconographie exceptionnelles, dont l'inspiration entièrement profane a pourtant dû être approuvée par le clergé du lieu. Chose très rare au Moyen Age, le nom du sculpteur est gravé au-dessous : GIRALDUS FECIT ISTAS PORTAS. Ce tympan comprend trois registres. Au premier sont figurés les douze mois et -voilà ce qui nous intéresse - c'est février qui commence la série. La scène représentée, un homme qui se chauffe à un feu, évoque le froid de l'hiver, qu'il commence ou s'achève. Elle a été fréquemment  utilisée aux portails d'autres églises pour symboliser janvier ou février et, plus rarement, décembre. Mais au tympan de Saint-Ursin, les lettres FEB gravées au-dessous, les premières de FEBRUARIUS, écartent toute équivoque.

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Février (Les Riches heures du Duc de Berry)

Au second registre se déroule, sur toute la longueur, une chasse au cerf et au sanglier remarquablement animée.*

 Au troisième, sont figurées des fables : celle de la cigogne qui retire un os de la gorge du loup et celle des funérailles de Renard, lequel ressuscite et se jette sur les coqs qui le portent en terre. Ici, aucun rappel de l'Ancien ou du Nouveau Testament, aucune religieuse leçon, mais la seule évocation de ce qui faisait la vie de chaque jour et le bagage culturel de chacun. Comment expliquer une telle icinographie, par ailleurs exceptionnellement signée et donc revendiquée par l'artiste GIRALDUS ? Dans ce pays de Berry, mal irrigué par les courants novateurs et singulièrement attaché à ses traditions les plus lointaines -nous le verrons encore avec Gargantua et Mélusine -, elle traduit une inspiration profonde que les spectateurs du moment étaient parfaitement capables d'interpréter." (Op. cit. p.85. C'est moi qui souligne).

Cette spécificité du Berry, comme province "conservatoire" des traditions,  revient plusieurs fois dans l'ouvrage et renforce bien évidemment notre conviction qu'ici, plus qu'ailleurs, s'est maintenue dans ses formes et ses mythes la géographie sacrée qui devait autrefois mailler tout le territoire.

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* En note, l'historienne précise que cette scène de chasse peut avoir été inspirée par celles sculptées sur les sarcophages de l' Antiquité tardive, mais qu'elle n'en est pas la copie : " Le veneur qui chevauche en tête et sonne du cor est bien médiéval : il monte avec étriers et les jambes tendues en avant, comme les chevaliers si souvent représentés sur les miniatures des XIIe et XIIIe siècles."

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 Sarcophage de saint Ludre (dessin de Meyer)

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17 janvier 2007 | Lien permanent | Commentaires (2)

Vicus Dolensis et Mont-Dol

Déols. Enfin nous y sommes. Déols l'inspiratrice, dite aussi le Bourg-Dieu. Combien de fois déjà ce nom a-t-il hanté ces notes ? N'ai-je pas depuis longtemps affirmé que Déols et Bourges étaient à la source de la geste zodiacale, bouillonnante du feu souterrain de la mythologie celtique ? Pourtant, que sait-on de Déols elle-même ? Pas grand chose, en vérité. Quelques lignes dans le Quid résument l'essentiel : « Anciennement "Vicus Dolensis", cité gallo-romaine administrée au 3ème par le sénateur Léocade, dont le fils, saint Ludre, fut le premier disciple de saint Ursin. Les tombeaux de saint Ludre et de son père devinrent un important lieu de pèlerinage, célèbre dès le 6ème. Au 10ème, Déols était un gros bourg appartenant à une puissante famille féodale dans la mouvance des ducs d'Aquitaine. En 917, Ebbe Le Noble fonda l'abbaye de Saint-Pierre, Saint-Paul et Notre-Dame qu'il donna à des moines de Cluny. L'abbaye, qui était l'une des plus belles et des plus riches du royaume, fut ravagée par les huguenots au cours des guerres de Religion puis sécularisée en 1622 par Henri II de Condé, père du Grand Condé. Engagée dès cette époque, la démolition de l'édifice fut poursuivie jusqu'au milieu 19ème. »

Léocade, Ludre, Ursin, ces personnages cités par Grégoire de Tours ont-ils réellement existé ? Rien n'est moins sûr. Je m'interroge : qu'est-ce qui détermine ce site des bords de l'Indre, qui n'a en apparence, sur le plan strictement géographique, rien d'exceptionnel, à devenir un haut lieu de pélerinage dès le VIème siècle, puis à accueillir l'une des plus formidables abbayes du royaume, fondée sur le modèle de Cluny ?

Si l'on examine l'étymologie, l'incertitude est là aussi de mise : Stéphane Gendron (Les Noms de Lieux de l'Indre, op. cit. p. 9), signale qu'on a proposé le gaulois dol « méandre », « qui convient parfaitement pour Déols, dans une boucle de l'Indre », mais il ajoute aussitôt : « Nous restons cependant méfiant car cette explication ne convient pas pour son principal homonyme, Dolus-le-Sec (Indre-et-Loire, Dolus VIe), loin de tout ruisseau. »

Je reviendrai sur ce fameux Dolus-le-Sec, mais, à ce stade, n'ayant rien à perdre, j'ai songé à un autre Dol : Dol-de-Bretagne que je ne connaissais que de nom. Un petit tour sur le net m'apprend vite que cette petite ville bretonne fut longtemps (jusqu'en 1199) le siège d'un archevêché, en concurrence avec celui de Tours. Le roi des Bretons, Nominoé, y fut sacré en 848. L'évêque de Dol présidait les États en l'absence du duc de Bretagne. Cette prééminence serait redevable au moine gallois saint Samson , l'un des sept saints fondateurs de la Bretagne, qui se serait fixé à Dol au VIe siècle. Son sarcophage est conservé dans la cathédrale de Dol.

Non loin de Dol, on peut visiter le Mont-Dol dont l'histoire est d'une exceptionnelle richesse, comme en témoigne l'exposition qui a semble-t-il lieu actuellement dans l'église même de Mont-Dol.

La tradition attribue à saint Samson la gravure de trois croix pattées sur un pointement granitique à l'est du tertre, sans doute un rocher sacré païen qui fut ainsi christianisé : « Les mêmes croix visibles sur une base de colonne antique réemployée dans l'église, témoignent probablement de la christianisation d'un monument romain à Jupiter, élevé primitivement sur le plateau. »

Notons aussi le légendaire attaché à Gargantua : « Un jour où il se promenait dans la région, une douleur soudaine lui fit retirer sa chaussure qu'il secoua : il en tomba trois cailloux qui sont aujourd'hui le Mont-Dol, le Mont Saint-Michel et le rocher de Tombelaine. Le même géant passait de Normandie en Bretagne en trois pas colossaux, jalonnés par la roche de Carolles, Mont-Dol, le Mont Saint-Michel et Tombelaine. »

Dol ne serait-il pas le premier élément du mot dolmen, élément signifiant "table" ? Marquant ainsi la présence d'une roche tabulaire sacrée ? Mais, me direz-vous, à Déols, aucun dolmen déclaré, existant ou détruit, aucune pierre votive.

Pas si sûr. Je m'en vais vous le montrer tout à l'heure. (A suivre)









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02 juin 2006 | Lien permanent | Commentaires (1)

Denis Gaulois (16) : La biche et le sanglier

"Un jour Ludre dit à son père qu'il falloit se ressouvenir que le patriarche Ursin leur avoit dit de bâtir des temples ; Léocade ne différa pas. Il fit bâtir une église qu'il dédia à saint Etienne et fit dire des prières par un des moines de la chapelle de Sainte-Marie, auquel il donna de grosses sommes ; il donna, en outre, de l'argent à plusieurs habitants pour bâtir autour.
Après quoi, il pria le patriarche Ursin de venir prêcher dans son canton, ce qu'il fit, et plusieurs rentrèrent dans la loi de Dieu ; il les baptiza. Il allait souvent avec Léocade voir le père Gaulois."

La fondation par Léocade de l'église Saint-Etienne, à l'instigation de Ludre rappelant la promesse faite à Ursin, est à mettre en relation avec la présence en cet édifice du sarcophage de saint Ludre. Je l'ai déjà mentionné plusieurs fois : ce monument funéraire présente un décor qui n'a rien de chrétien avec ses thèmes directement inspirés de la mythologie grecque. Brigitte Rochet-Lucas (Rites et Traditions populaires en Bas-Berry, 1980, p. 162) y reconnaît, outre des scènes de chasse et de repas, Hercule et la biche du Mont Cérynie, Méléagre et le sanglier de Cérydon.
Or Jean Richer, mettant en relation, dans sa Géographie Sacrée du Monde Grec, les signes zodiacaux avec les travaux d'Héraklès, associe précisément le troisième travail - la capture de la biche de Cérynie - avec le signe du Capricorne (auquel, faut-il le rappeler,  appartient Déols dans le système neuvicien). La biche est en effet associée à la direction du nord : dans la légende, elle court jusqu'au pays des Hyperboréens pour échapper au héros. De plus, comme tout cervidé, elle est consacrée à Artémis, dont le pays des Hyperboréens est précisément la résidence principale.

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Héraclès et la capture de la biche de Cérynie,

amphore attique à figures noires, v. 530520 av. J.-C., musée du Louvre

(photo Jastrow) 


Ce qu'il est intéressant de relever dans l'article de Wikipédia consacré à la biche de Cérynie, c'est qu'une "version contradictoire et isolée d'Euripide raconte que la Biche, de taille gigantesque, vivait dans les bois d'Oenoé, en Argolide et ravageait les récoltes. Héraclès la tua et consacra les bois de l'animal dans le temple d'Artémis Oenoatis afin de se concilier avec la déesse."
Un animal vivant dans les bois et ravageant les récoltes : ceci rappelle furieusement les bêtes féroces de la légende de Denis Gaulois. L'auteur se serait-il inspiré de l'iconographie du sarcophage ? Un autre indice fort m'incite à le penser : la nature même d'Artémis, son mode de vie, la rapproche étrangement du "père Gaulois", vivant dans la familiarité de ses bêtes sauvages, licornes sans cornes, effrayantes montures :

"Coureuse des bois, sauvageonne insoumise et fière, Artémis appartient avant tout au monde sauvage. Seule parmi les dieux, à l'exception de Dionysos, elle est constamment entourée d'une troupe d'animaux sauvages, d'où son épiclèse Ἡγημόνη / de Hêgêmónê, « la Conductrice ». Elle est aussi à la tête d'une troupe de nymphes (20 nymphes du mont Amnios, selon Callimaque) et de jeunes mortelles, qu'elle mène à travers les forêts. L'Iliade en parle comme de « l'agreste Artémis (...), la dame des fauves » (XXI, 470).

Surnommée la « Bruyante » (Κελαδεινή / Keladeinế), elle mène sa meute et les pousse de la voix. Artémis possède en effet le double visage de la compagne des animaux sauvages, et de la chasseresse. La biche symbolise bien son ambivalence : la bête est sa compagne favorite, et de nombreuses représentations la montrent à son côté. Néanmoins, Artémis est aussi celle qui est réputée poursuivre de ses flèches cerfs et biches, même si peu de textes l'attestent."


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Méléagre et le sanglier de Calydon, probable copie

d'après Scopas (IVe siècle av. J.-C.), musée Pio-Clementino

(Photo Jastrow) 

Qu'en est-il maintenant de Méléagre et du sanglier de Calydon ?

Une nouvelle fois -la coïncidence est tout de même étonnante - il s'agit d'un animal monstrueux qui ravage des récoltes, en l'occurrence un sanglier envoyé par Artémis, encore elle, dans les vignes du royaume de Calydon  pour se venger du roi Oenée qui avait négligé de sacrifier en son honneur. C'est Méléagre , le fils d'Oenée, qui abat l'animal, suscitant la fureur d'Artémis.

Or, écrit encore Jean Richer, le "sanglier semble un véritable doublet de l'ourse et chaque fois qu'il apparaît sur des monnaies avec ou sans ailes, c'est avec une signification polaire (ou bien associé au solstice d'hiver). C'est ainsi qu'on trouve des protomés de sanglier sur les monnaies de Clazomènes, ville tournée vers le nord, de Ialysos, située au nord de l'île de Rhodes. (...)

L'équivalence ourse-sanglier repose peut-être sur un jeu de mots (...).  Dans d'autres langues indo-européennes, l'équivalence linguistique est plus apparente (latin : ursus-us). En anglais, le même mot (bear-boar) désigne les deux animaux.

Rappelons, d'autre part, qu'aussi bien dans la légende d'Adonis que dans celle de Méléagre, Artémis l'hyperboréenne, suscite un sanglier meurtrier. A Patras, on sacrifiait à Artémis des oursons et des sangliers, avec d'autres bêtes sauvages." (op.cit. p. 82-83)


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Le sanglier de Calydon (détail du sarcophage de saint Ludre)
 

Nous sommes donc en présence d'une thématique polaire extrêmement cohérente qui fait correspondre Déols avec la géographie sacrée du monde grec, ainsi que nous l'avions déjà entrevu avec le nom même de Léocade, associé à Leucade, origine du zodiaque, point vernal du systéme delphique.

Nous retrouvons un semblable lien entre Bélier et Capricorne, le point vernal et le solstice d'hiver, avec la cité d'Argenton, qui porte au coeur de son blason (en héraldique son abyme), les armes de la maison de Déols. Qui plus est, la direction du soleil levant au solstice d'hiver mené depuis cette ville désigne le village de Montchevrier (ancien Monte Capriri).

 

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 Argenton et ses directions solsticiales

 

 

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17 avril 2007 | Lien permanent | Commentaires (1)

Translatio Leodegariis

Le corps de saint Léger est donc acheminé d'Arras jusqu'à Saint-Maixent : l'Artois se situant en secteur Sagittaire, le retour des reliques décrit donc le périple de la lumière dans la période allant du solstice d'hiver à l'équinoxe printanier. A l'image du jour qui croît quotidiennement en durée, le cortège mené par Audulf, abbé de Saint-Maixent et ancien disciple de Léger, va être suivi d'une foule toujours plus fervente, émerveillée par les miracles qui jalonnent l'itinéraire. Le moine Ursin de Poitiers, biographe de Léger, rapporte qu'ils étaient si nombreux qu'on ne pouvait les énumérer. « Un psautier contiendrait à peine tous ceux que j'ai vus. » Ainsi, à Ingrandes , à la frontière des diocèses de Tours et de Poitiers, un boiteux et un paralytique sont guéris. Pierre Riché, encore : « A Antran, près de Chatellerault, le cortège s'arrête quelque temps : l'évêque Ansoald en prend la tête, conduit d'abord les restes de saint Léger à Sainte-Radegonde, puis à Saint-Hilaire, et confie enfin le précieux chargement aux moines de Saint-Maixent (1). Ces derniers installent le corps de Léger dans un tombeau au centre du monastère. » (op. cit. p. 201).

Curieux, ces miracles en limite de diocèse, que marque bien le vocable Ingrandes qui, comme Aigurande et Ingrandes sur l'Anglin, indique initialement la frontière entre deux civitas celtiques. Un alignement Ingrandes-Antran, orienté Nord-Nord-Est, passe bien au sud par un lieu-dit Saint-Léger (sur la rive gauche du Clain, que suivaient les pélerins de Compostelle) et la forêt de Saint-Hilaire, tandis qu'un autre alignement pratiquement parallèle est décelable près de Thouars, qui joint Saint-Léger de Montbrun et Saint-Léger-de-Montbrillais à Mont-Forton et le bois de la Motte.

 

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Ceci est particulièrement intéressant dans la mesure où se confirme la connivence profonde de saint Léger avec le Bayart et les quatre fils Aymon. En effet, la geste des Fils Aymon parle d'une « roche haute, contre-mont, vers le ciel », dans la plaine de Vaucouleurs où Charlemagne attend les quatre frères en embuscade. Henri Dontenville, qui suggère, arguments à l'appui, que l'Ardenne du poème pourrait fort bien se situer en Aquitaine, propose une nouvelle localisation du lieu : « Ce pourrait être cette Roche Mombron, dans un bois, à « la Lustre », commune de Tauriac (...) un hameau est là, de ce nom, à environ 1,5 km du fleuve, avec une roche émergeant des bois et où nulle empreinte de cheval ne subsiste (la pierre s'est désagrégée). La carte porte bien « la Lustre » sur la route n°669 et une habitante de la Rochemonbron dit la suite. Le manuscrit La Vallière porte « roche Mabon ». Le frère de Renaud, « Richard vint poignant à la roche Mabon » (v.7043). Les livrets populaires restituent : Roche « Montbron ». » (La France Mythologique, pp.111-112).

La popularité du récit a favorisé l'essaimage du thème : ajoutons, pour finir, que Saint-Léger de Montbrillais précède sur l'axe les villages de Roche et de Montbrillais tandis que l'alignement passant par Ingrandes rase Saint-Ustre (avec son église Saint-Maixent de la fin du XIème - le nom Ustre viendrait d'Adjutor, premier nom de saint Maixent) et touche Buxeuil (enfermant le château de la Roche-Amenon et rappelant incidemment Luxeuil où Léger fut emprisonné), près de Descartes, avant d'atteindre Bléré où Henri Dontenville, encore lui, a retrouvé la plainte déchirante de la femme de Renaud, elle qui vient d'accoucher et qui découvre au matin la mort de son mari :


Elle a jeté un si grand cri

Que l'église en a retenti :

Prenez mes bagues, mes anneaux,

Je veux mourir avec Renaud. (op. cit, p. 134)


  1. Sur la commune creusoise de Saint-Maixant, située sur le méridien de Toulx, la courte notice du Quid est éloquente, qui nous rappelle les thèmes abordés dans l'étude de la montagne polaire :

    « La paroisse de Saint-Maixant était jusqu'au 19ème église matrice de celle de Saint-Amand. Berceau au 13ème de la famille de La Roche-Aymon. Jean de Malleret, marquis de Saint-Maixant, fut député de la noblesse aux Etats généraux de 1789. La commune prit le nom de "La Victoire" pendant la Révolution. »








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15 août 2005 | Lien permanent

Les enfants du marais

Les mégalithes ne sont pas le seul point commun entre les lieux Dolus. Il en existe au moins un autre, d'ordre géographique. Reprenons l'inventaire.

Mont-Dol, Dol-de-Bretagne : « On passe, écrit Jacques-Pierre Amette, devant la cathédrale de Dol, on suit une descente goudronnée parmi des maisons basses aux teintes chocolatées, on glisse sous la nationale 176 qui va de Pontorson à Dinan, la grande route à quatre voies de pénétration de la Bretagne nord ; on découvre alors un espace infini et si plat qu'il en miroite : le marais de Dol. Magique. »

Dolus d'Oléron : Le marais aux oiseaux, situé aux Grissotières, « est à la fois un parc animalier à vocation pédagogique mais aussi un centre de sauvegarde et une réserve de faune sauvage. »

Déols : « Les mentions faites de marais -paludis – indiquent assez son action déterminante sur la nature du terrain : l'Indre décrit ici « des méandres divagants s'inscrivant dans une large vallée marécageuse, à fond plat et à pente très faible »1
De vastes prairies -
pratum Longum, pratum Ubarense – sont cernées par ses nombreux bras morts. Un ruisseau coule parallèlement à son lit, avec lequel il communique par plusieurs bras avant de s'y jeter ; il emprunte son nom au Montet - Monte Batolio – escarpement calcaire qui borde la vallée de l'Indre. C'est sur la rive droite de cette vallée que s'est formée une agglomération humaine -villa Dolis-, au point de rencontre de la rivière et du ruisseau. » (Patricia Duret, La sculpture romane de l'abbaye de Déols, Issoudun, 1987, p. 19.)

medium_marais.jpgLa proximité de marais se vérifie donc sur ces trois lieux Dolus. La signification mythique du marais ne fait aucun doute : lieu de la matière indifférenciée, il joue dans la Grèce antique, nous dit le Dictionnaire des Symboles, le même rôle que le labyrinthe. Glastonbury, en Angleterre, qui passe pour l'ancienne île d'Avalon, s'est édifiée au-dessus des marécages.

Pour résumer, le dol serait en somme un espace surplombant un marais, un affleurement naturel de roche que les hommes sur-signifient en y implantant des mégalithes, et plus tard, des autels et des églises.

Et Dolus-le-Sec, me direz-vous ? Point de marais dans le proche voisinage, certes. Mais le village n'est qu'à dix kilomètres au nord-ouest de Loches, la cité royale avec son donjon et sa collégiale Saint Ours (qui n'est pas sans nous rappeler évidemment le saint Ursin berruyer). Or, Loches se serait nommée dans l'Antiquité Castrum Locae, le « Camp des Marais ».

Point commun entre Loches et Dolus : leurs églises ont été semblablement fondées au Vème siècle par le second successeur de saint Martin à la tête de l'évêché de Tours, saint Eustoche, si l'on en croit Grégoire de Tours, dans le dixième livre de l'Histoire des Francs :

« Le cinquième fut Eustoche, homme saint et craignant Dieu, de naissance sénatoriale. On dit qu’il institua des églises dans les bourgs de Brisay, d’Iseure, de Loches et de Dol. Il bâtit aussi, dans les murs de la cité, une église dans laquelle il plaça les reliques des martyrs saints Gervais et Protais, apportées d’Italie par saint Martin, comme le raconte saint Paulin dans son épître. Il tint dix-sept ans le siège épiscopal , et fut enterré dans la basilique qu’avait élevée l’évêque Brice sur le tombeau de saint Martin. » (C'est moi qui souligne.)

C'est le même Grégoire de Tours qui fait mention pour la première fois de Déols comme Vicus Dolensis.

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Clocher de Beaulieu-lès-Loches

 Ce rapprochement que j'opère entre Déols et Loches, par le biais de Dolus, se trouve enfin renforcé par la très forte parenté entre le clocher de Déols et celui de Beaulieu-lès-Loches, aux portes de Loches, comme son nom l'indique, parenté relevée dans l'étude très fouillée de Patricia Duret :

« Si l'abbatiale de Déols puise aux sources aquitaines son inspiration, sa situation en marge des pays de la Loire la tient cependant en contact avec d'autres formes. L'étonnante similitude du clocher de Déols avec le clocher de Beaulieu-lès-Loches, du milieu du XIIe siècle, en témoigne : même volume, à la fois élancé et robuste, mêmes baies géminées en plein-cintre sur les quatre faces de l'étage des cloches -baies exemptes d'arcs de décharge mais enrichies par de nombreuses voussures et colonnettes -, mêmes colonnes logées dans les angles de la tour quadrangulaire, mêmes corniches pour parachever la composition. » (op. cit. p. 64.)

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1G. Coulon, J.N Delétang, M. Garraut, R. Pécherat, J. Tournaire, Histoire de Châteauroux et de Déols, Roanne, 1981, p. 7.

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13 juin 2006 | Lien permanent | Commentaires (5)

Le Magny

Sur le côté Lourdoueix Saint-Pierre – Lourouer Saint-Laurent du triangle de l'eau que nous avons mis en évidence à partir d'une étude des fontaines sacrées liées à la terre, nous retrouvons Le Magny. Une fontaine, dont je n'ai pas encore parlé, est là aussi étroitement liée à l'église du village : à moins de deux cents mètres en contrebas, sur le bord de la route de La Châtre, elle porte le nom de Saint-Rémi. Pourtant, rien dans l'église, ni dans la procession associée ne rappelle le célèbre évêque rêmois. En effet, c'est le 29 juillet, jour de la fête de saint Loup, que l'on descendait à la fontaine, où le curé bénissait l'eau : « (...) à l'église, des évangiles étaient dits, des cierges brûlaient devant la statue de saint Loup. La procession est abandonnée depuis une dizaine d'années mais une messe est toujours célébrée pour la saint Loup. On invoque celui-ci pour la peur ou la guérison des fièvres ; selon Michel Garraut, curieusement, on déposait des pièces de monnaie dans la gueule du monstre terrassé par saint Michel et non devant la statue de saint Loup. » (J.L. Desplaces, op.cit. p. 74).

Saint Loup étant un saint peu fréquent en Berry, ( il n'est d'ailleurs pas répertorié par Mgr Villepelet parmi les saints berrichons), on peut s'interroger sur sa présence ici. C'est le lieu de se souvenir que Le Magny est situé sur l'alignement des saint Eloi. Or, Mgr Villepelet, encore lui, raconte que la reine Bathilde suivit à pied le cortège funèbre de saint Eloi, qui s'était endormi « dans le Seigneur, à Noyon, le dernier jour de novembre de l'an 659. » Il précise ensuite en note que cette reine Bathilde (qui était une ancienne esclave originaire d'Angleterre), aurait voulu transférer au monastère de Chelles - qu'elle avait elle-même fondée et où elle prit voile à la mort de son mari Clovis II - le corps de saint Eloi. « Mais quand on souleva son cercueil, il devint si pesant qu'on comprit que la volonté de Dieu était que le corps du saint restât à Noyon. Il fut en effet enseveli d'abord dans l'abbaye de Saint-Loup qui prit dans la suite le nom de saint Eloi. C'est ce convoi funèbre que suivit à pied et dans la boue, en plein hiver, la reine Bathilde avec ses trois fils Clotaire III, Childéric II et Thierry III. Plus tard les ossements de saint Eloi furent transportés dans la cathédrale de Noyon, qui les conserve encore en grande partie aujourd'hui. » (Les Saints Berrichons, Tardy, 1963, p. 202, c'est moi qui souligne).

L'église du Magny mérite une visite. Outre les statues de saint Loup et de saint Michel (celle-ci en pierre polychrome du XVème siècle), on y admirera des vestiges de fresques et des chapiteaux romans de belle facture, dont une saisissante sirène.

 

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Il y a là sans aucun doute matière à méditation prochaine.

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25 octobre 2005 | Lien permanent

La Chapelle du Fer

Sur le bord d'une petite route entre Saint-Plantaire et Crozant s'élève la Chapelle du Fer, mentionnée sur les cartes de Cassini sous le nom de Chapelle Saint-Jean-aux-Fers. Elle est « le but d'un pélerinage, écrit André Simon en 1910, qu'accomplissent, dans l'intérêt de leur conservation, tous les bestiaux de l'extrémité méridionale du Bas-Berry (...). Le pélerinage a lieu la veille de la Saint-Jean, avec procession autour de la chapelle. Le jour de la Saint-Jean, on fait dire une messe, et, pendant le sacrifice, les fidèles lancent en guise d'offrande, des toisons entières de brebis (La Chapelle du Fer, in Revue du Berry et du Centre, p. 240) ». Ce pélerinage décrit le premier quadrant zodiacal, celui du printemps, qui court du Bélier (les toisons de brebis) à la fin des Gémeaux, au solstice d'été, dont la Saint-Jean (24 juin) est la figuration chrétienne. Le Saint-Jean-aux-Fers n'est autre que Saint Jean-Baptiste emprisonné par le roi Hérode puis décapité (Marc, 6-17) à la suite de la danse de Salomé, la fille d 'Hérodiade.

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((Décollation de saint Jean-Baptiste. - BNF, LAT 18014 - fol. 214 Petites Heures de Jean de Berry France, Paris XIVe s, détail) ) La situation isolée de la chapelle s'expliquerait par cette autre légende : « " Alors qu'une épidémie accablait les troupeaux du bourg de Saint-Plantaire, les habitants firent des prières à Saint Pantaléon qui ne furent pas entendues. Une neuvaine à Saint Jean-Baptiste obtint le succès ; les fidèles reconnaissants décident de construire une chapelle mais les murailles sont renversées, les substructions inondées. Le maître-maçon déclare : « La jalousie règne vraisemblablement au ciel comme sur la terre. Saint Pantaléon est irrité de voir Saint Jean prendre possession de son fief. Que Saint Jean choisisse lui-même le lieu de son sanctuaire. » Il lance dans les airs,, poursuit Jean-Louis Desplaces (Florilège de l'eau en Berry, vol. II, 1981), son marteau qu'un vent emporte au loin. Sept ans après, un taureau mugissait autour d'un objet : la bergère aperçoit un marteau. La chapelle est immédiatement construite. » L'animal commis à l'élection du lieu saint n'est donc autre que le titulaire zodiacal du secteur. Nous allons voir maintenant que la position de la chapelle ne doit rien au hasard d'un vent, fut-il divin.

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06 juin 2005 | Lien permanent

Le méridien de Lourdoueix

Examinons aujourd'hui le méridien de Lourdoueix Saint-Pierre. Dans sa partie sud, il s'enfonce dans la Marche, d'où est originaire le saint Pardoux vénéré à la fontaine de Lourouer Saint-Laurent. Après avoir traversé le Bourg d'Hem, qui relevait de Déols, l'axe atteint Saint-Sulpice-le-Guérétois et Saint-Eloi avant d'aboutir sur une chapelle placée sur une éminence et précisément nommée chapelle Saint-Pardoux. Nous retrouvons donc trois saints rencontrés lors de l'exploration des signes de la Vierge et de la Balance. Remarquons incidemment que les trois communes creusoises dédiées à saint Sulpice, archevêque de Bourges et grand ami de saint Eloi, sont alignées avec une extrême précision (il s'agit de Saint-Sulpice-le-Dunois, Saint-Sulpice-le-Guérétois et Saint-Sulpice-des-Champs).

 

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Le village de Sardent, d'où le saint est originaire, n'est qu'à quelques centaines de mètres, à l'est de la chapelle Saint-Pardoux. « La vie de saint Pardoux, est-il écrit sur le site du diocèse de Poitiers, semble fortement teintée de légende. Dit natif de la Creuse en 617 (plus probablement vers 658), il aurait d'abord vécu, aveugle et ermite, dans une grotte et aurait attendu l'âge de... 103 ans pour fonder le monastère bénédictin de Garactum (Guéret). Contre les Sarrasins, il l'aurait défendu par sa seule prière, alors que tous ses moines avaient pris la fuite. Frappés de cécité, les envahisseurs auraient recouvré la vue après une aspersion d'eau bénite et auraient passé leur chemin en épargnant la ville. Après sa mort en 737 ou 738, les reliques de saint Pardoux auraient été transportées au prieuré d'Arnac. II est fêté le 6 octobre."

Il est à noter que l'aspersion d'eau bénite, commune à Mosnay et Lourouer, se retrouve dans la Vita même du saint. Selon l'historienne Martine Larigauderie Beijeaud, spécialiste des Grandmontains, Pardoux apparaît « à la fois comme un saint guérisseur et un saint protecteur. Son rôle lui vient de son métier. Il rappelle les miracles accomplis durant sa vie. Il agit en outre en tant que relais de culte des fontaines et peut-être même des pierres. »

medium_gueret2.gifBras-reliquaire de saint Pardoux
2e tiers XIIIe siècle
Guéret, musée des Beaux-Arts
Provient de l'église de Sardent.

 

Ayant repéré sur les cartes un Saint-Pardoux-les-Cards, je me suis demandé s'il n'existait pas un alignement des Saint-Pardoux, analogue à celui des Saint-Sulpice. Je traçai donc la ligne unissant les deux sites déjà reconnus et, effectivement, je constatai qu'elle rejoignait un troisième Saint-Pardoux, dit le Pauvre, proche d'Evaux-les-Bains. Mais ce n'était pas tout : la ligne désignait vers le sud-ouest, Saint-Goussaud, « à tous les sens du mot, selon Gilles Rossignol, un haut-lieu de la Creuse ». Le village doit son nom à un autre ermite, Gonsalvus, qui vécut là au VIIème siècle, à la même époque donc que Pardoux. Or, on retrouve ces deux saints typiquement marchois associés dans l'histoire de Lourouer Saint-Laurent, avec une quittance de 1681 payant le règlement « de trois figures : Saint-Pardou, Saint Goussaud, Saint Laurent. » (J.L. Desplaces, op. cit. p. 69).

En suivant maintenant l'alignement vers l'est, c'est au village de Montjoie, dans les collines de Combrailles, que l'on aboutit, sur la rive de la Bouble, en amont de Saint-Eloy-les-Mines. J'ai déjà évoqué par ailleurs le rôle de ces Montjoies, qu' Alphonse Dupront décrit comme le « lieu de la découverte illuminante du sens » : « Découverte d'être ainsi neuf et donc joie : quasi au terme du chemin, sur les grandes routes de pélerinage, existent encore, ici et là, des Montjoies. Raccourci empoignant, le mot, dans sa nudité d'éclat, alors que la passion de la route s'achève, d'une route vécue, corps entier et souffrant, dans une maîtrise inlassée d'âme à mettre un pied l'un devant l'autre, parfois dans une tenaillante angoisse de l'indéfini, voire de l'impossible. A la Montjoie, tout se délivre du vécu du pélerinage. » (Du Sacré, Gallimard, 1987, p. 49).

 

medium_axes-saint-pardoux.2.jpg

Montjoie aussi probablement, ce signal de Montjouer, ou Puy de Jouer, culminant à 697 mètres au-dessus de Saint-Goussaud. L'antique Praetorium, cité par la table de Peutinger, comme station sur la route de Saintes à Sens, se situerait en ce lieu.

Il n'est sans doute pas fortuit que le méridien de Lourdoueix passe au nord par le hameau du Petit Jouhet, sur la commune de Saint-Denis-de-Jouhet.

Un autre alignement de Saint-Pardoux suit strictement le parallèle de la chapelle : du côté occidental, il est jalonné par Saint-Sulpice-Laurière et rejoint Saint-Pardoux, près du lac du même nom ; du côté oriental, il désigne, via Mainsat, le village de Saint-Pardoux, situé comme Saint-Eloy-les-Mines sur la route de Clermont-Ferrand, non loin par ailleurs du bourg d'Ebreuil, où les moines de Saint-Maixent vinrent trouver refuge contre les Normands, en 898, avec dans leurs bagages les reliques de saint Léger.

Nous retrouvons ce saint bien connu au village de Saint-Goussaud, où l'on accède par le col de Laléger, mais aussi en poursuivant la remontée du méridien, juste au-dessus du triangle de l'eau, à Lys Saint-Georges, sur une colline dominant le Gourdon. L'église du village lui est dédiée.

Enfin, si nous nous permettons un petit retour sur le mythe de Déméter, nous apprenons que « c'est en cueillant un lis (ou un narcisse) que Perséphone fut entraînée par Hadès, épris d'elle, dans une ouverture soudaine du sol, jusqu'en son royaume souterrain ; le lis pourrait à ce titre symboliser la tentation ou la porte des Enfers. « (Dict. des Symboles, art. Lis, p. 577).







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27 octobre 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)

Pantaléon en Lorraine

En effectuant une recherche sur le web au sujet de saint Pantaléon, j'ai découvert le chemin des Saints Auxiliaires de Hombourg, en Moselle. J'ai ainsi appris que Pantaléon était l'un des quatorze saints dits aussi « auxiliateurs », invoqués collectivement pour le soulagement de maux divers. Quatorze statues jalonnent un chemin qui conduit de l'église à la chapelle Sainte-Catherine, en passant le long du site de l'ancien château.

medium_hombourg.jpg
Le culte des saints Auxiliaires remonterait seulement au XVème siècle et l'implantation actuelle des statues n'a été réalisée qu'en 1900. On ne saurait donc parler de tradition séculaire, cependant il est curieux de noter que deux Pantaléon sont à l'honneur : l'un vient en sixième position sur le trajet, l'autre est abrité au sein de la chapelle. De plus saint Cyriaque, qui ouvre la théorie des saints, est un diacre de Rome martyrisé en 303, donc la même année que Pantaléon. Il se trouve aussi qu'on l'invoque pour les maladies des yeux.

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22 juin 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)

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