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La Croix Pommerée

S'il est sur le net un outil advenu récemment, et qui soit particulièrement utile, c'est bien le site du Géoportail. Avant lui, je disposais certes de nombreuses cartes papier, et parmi elles les cartes IGN au 1/25000 de plusieurs parcelles du territoire berrichon. Ensuite j'avais fait l'acquisition du logiciel Carto Exploreur, réalisé par la société Bayo, et permettant de visualiser les cartes IGN sur l'ordinateur, avec de nombreuses fonctionnalités bien pratiques (recherche de toponyme, affichage des coordonnées géographiques, altitudes, tracés de routes...). Mais je ne disposais là encore que d'un corpus réduit, en l'occurrence les bases de données Indre-Est et Indre-Ouest. Acquérir la France entière m'aurait coûté une petite fortune. Or c'est bien de la France entière dont on dispose maintenant avec le Géoportail. Il suffit de demander une localité et la carte du territoire de celle-ci est disponible immédiatement.

C'est ainsi que j'ai pu examiner avec minutie le territoire du no man's land Sud-Ouest du carré buissé, et repéré entre Arnac-la-Poste et Saint-Sulpice-les-Feuilles une Croix Pommerée bien intrigante. Je ne pense pourtant pas qu'il faille la confondre  avec la croix pommetée, qui est celle par exemple de Toulouse, où les douze pointes sont ornées de boules; les pommettes, que Doumayrou assimile à douze petits soleils d'or correspondant aux douze signes du zodiaque.

Il me semble qu'il faut plutôt rattacher cette Croix Pommerée au pomerium latin, dont nous avons déjà vu naguère un exemple avec l'examen du site de Grand, en Lorraine.
"D'après Tite-Live (I, 44), déclare l'Encyclopaedia Universalisle mot pomerium désignait une bande de terrain, immédiatement contiguë à l'enceinte fortifiée de Rome, sur laquelle « il n'était mystiquement fondé ni d'habiter ni de labourer ». Cette définition fait clairement apparaître le pomerium comme une ligne de démarcation entre deux espaces dont la distinction est bien attestée dans la mentalité romaine : l'espace intérieur à la ville de Rome ou urbain, l'espace extérieur ou rustique.(...)"



Ceci est cohérent avec notre hypothèse d'autant plus que La Croix Pommerée se situe juste à la limite des deux communes d'Arnac et de Saint-Sulpice. Observez que les proches alentours sont vides de toute habitation. On trouve sur la gauche Les Landes, ce qui ne nous étonnera pas. Enfin, en prenant de la hauteur, on s'aperçoit que cette Croix Pommerée est située sur l'axe des Saint-Léger (Saint-Léger Magnazeix- Saint-Léger-Bridereix, Puyléger, Toulx Sainte-Croix). Or, "on peut constater, écrivais-je en septembre 2005, que la majorité des Saint-Léger ont une tendance manifeste à se situer dans des lieux frontières ou du moins à en baliser la direction."


 







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Les fées et les pierres

A la base de l'observation de Doumayrou sur l'axe Dio - Nyse, il y a une interrogation plus large sur le thème de la Tête Morte, de la céphalophorie, c'est-à-dire de l'ensemble des récits mythiques qui rapportent la fondation d'un lieu sacré par un personnage portant sa tête dans ses mains - et dont l'exemple le plus célèbre est bien sûr saint Denis. Il rappelle les deux traits permanents repérés par Henri Dontenville dans toutes les variétés de cette série légendaire : le "besoin d'une onde pure" et "le rapport presque constant entre la tête chue et une pierre."


Une onde pure, une tête chue, une pierre : ces éléments, est-ce que je ne venais pas de les rencontrer, fors la tête, avec l'histoire du château du Bouchet et de ses anciens propriétaires, les Rochechouart ? Je me reportai aussitôt à l'original, c'est-à-dire La France Mythologique d'Henri Dontenville, publié en 1966, chez Tchou, et depuis bien longtemps dormant sur une étagère.
Mention est faite bien sûr de saint Denis, mais aussi de saint Savinien à Troyes et de saint Just. Dans ce dernier cas, la version est légèrement différente : le saint demande à ses compagnons  de voyage d'emporter sa tête à Auxerre pour la donner à sa mère. C'est aussi ce que demande le géant Bran dans la légende irlandaise:  blessé au pied par une lance empoisonnée, il ordonne que sa tête soit coupée et enterrée à Londres, à Y Gwynvryn (la « Colline Blanche ») .


Le mythe se complique, écrit Dontenville, d'un "rapport presque constant entre cette tête chue et une pierre. En pays wallon et en Nivernais, Gargantua meurt d'une pierre à la tête. Ou bien le personnage légendaire meurt en se fracassant la tête sur les pierres. C'est le cas de Hok Bras et du géant Gallimassue. Enfin le récit de la fin  de Grantgosier et de Galemelle dans les Grandes et inestimables chroniques du grand et énorme géant Gargantua montre les deux géants déposant dans la mer les rochers du Mont Saint-Michel  et de Tombelaine qu'ils ont apportés depuis la Montagne d'Orient, sur leur tête, après quoi les deux géants s'empressent de mourir.
Ainsi le rapport pierre-tête est constant. La tête a une affinité pour la pierre, et cette pétrification, ou ce commerce avec la pierre, est oeuvre mortelle.
" (p. 235)

 

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Le grès rouge de la Brenne


Avons-nous dans le cas du Bouchet une semblable relation à la pierre, au-delà du simple nom des Rochechouart ? Il n'est que de se reporter au passage consacré par Chantal de la Véronne, dans son histoire de la Brenne, aux légendes des pierres. Mégalithes, dolmens ou menhirs y sont le plus souvent transportés par les fées, aussi dénommées martres, fades, dames ou demoiselles :

"Ce sont elles qui ont édifié le géant de la Brenne, le château du Bouchet, à la demande du seigneur du lieu, il y a de cela bien longtemps. Mais le seigneur avait oublié de s'adresser à l'une d'elles, qui, courroucée de cet affront, vint au Bouchet le soir même du jour où ses compagnes devaient commencer leur oeuvre (car les fées ne travaillent que la nuit), et jeta un sort : si le château n'était pas terminé avant que le coq ne chante, il ne le serait jamais. Les petites fées se dépêchèrent donc autant qu'elles le purent, transportant les matériaux dans leurs devantiaux d'arentelles (tabliers de toiles d'araignées), dont la force de résistance devait disparaître avec le premier cri du jau. La forteresse était presque finie, quand l'aube parut, et le coq chanta : l'une des petites fées apportait la dernière pierre, son devantiau se déchira et la pierre tomba. Elle manque toujours aux murs du Bouchet ; on peut la voir à un kilomètre et demi à l'ouest du château, c'est la Pierre à la Fée ou à la Fade. Et c'est pourquoi le Bouchet ne pourra jamais être achevé..." (pp. 95-96)


Il est significatif que le château du Bouchet soit personnifié comme le géant de la Brenne. Brenne marquée par ailleurs par le passage d'un autre géant, Galifront, que l'on présente toujours comme la version brennouse de Gargantua. On lui attribue la formation des étangs et des buttons qui parsèment la Brenne lorsqu'il dut la traverser  pour se rendre de Touraine en Limousin. Il secouait ses pieds pleins de boue, se dépattait comme on dit en Berry, et formait ainsi les monticules de grès dont le Bouchet est un exemple. Peut-on lire ce Galifront littéralement comme la Tête (le Front) Gallique (au sens de ces mythologies galliques que voulait défendre Rabelais) ?

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Sur la chaussée de la Mer Rouge


Cette pierre qui tombe loin du château qu'elle est sensée compléter se répète en un autre lieu (que je ne connaissais d'ailleurs pas alors que j'ai souvent arpenté la contrée) : le château de Salvert, aujourd'hui ruiné aux bords d'un gouffre du Suin, le ruisseau qui traverse l'étang de la Mer Rouge. Là aussi les fées étaient chargés de la construction jusqu'à  ce qu'un enchanteur plus puissant qu'elles  leur intima de cesser leur labeur sur-le-champ et de quitter le pays. Une des fées qui transportait une énorme pierre la laissa choir sur le chemin qui menait au château : "on peut l'y voir encore tout près du gouffre qui protégeait la façade sud-est de l'ancien château de Salvert, et ce chemin s'appelle le chemin du Gros Rô (roc)."
Cette dualité de pierres qui tombent à distance du haut-lieu en construction n'est pas sans rappeler les monts Tombe et Tombelaine, dans la baie du Mont Saint-Michel, montagnes doubles "qui sont, précise Doumayrou,  les pierres chues de la tête du couple des Bons Géants." Sur le terrain, des alignements caractéristiques montrent bien que les légendes ne font que porter témoignage d'un compagnonnage essentiel. En effet, Salvert, sur l'horizon de la chapelle de la Mer Rouge, (dont la légende liée à Aimery Sénebaud, le baptiseur de la Mer Rouge, a été contée ici en 2005), s'aligne avec Le Bouchet en prenant dans sa course deux dolmens, celui des Sablons et celui, précisément, de la Pierre à la Fée.

 

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(Cliquer sur la carte pour en avoir une version plus large)

Il faut noter aussi que trois lieux-dits jalonnent l'alignement : les Sablons, la Hire et la Milandière. Il est surprenant de retrouver là le nom même du fidèle compagnon de Jeanne d'Arc, La Hire, dont on fit plus tard le valet de coeur de nos jeux de cartes. Mais j'avoue pour l'instant ne pas trouver de justification symbolique à sa présence. La Milandière est, elle,  une ferme et anciennement une châtellenie. Son nom viendrait, selon S. Gendron, du nom propre Milan. Or, l'église de Douadic, qui se situe dans la pointe des deux axes, est dédiée à saint Ambroise, Aurelius Ambrosius dit plus communément Ambroise de Milan (il fut évêque de la ville de 374 à 397, et c'est l'un des Pères de l'église latine).


Ces axes directeurs mettent en relation des géosymboles très disjoints dans le temps :  du dolmen néolithique au château du XIV ème siècle, ce sont  plusieurs millénaires qui se trouvent ainsi reliés, témoignant d'une permanence de vision à travers les différentes époques.

 

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08 février 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)

A la lumière d'Henry de Monfreid

Je le redis : ce site est un chantier. Sans doute son axe directeur est-il mon essai inédit de 1989, mais en bien des endroits il s'en écarte et de nouvelles voies s'ouvrent presque chaque jour. Une grande part de ce qui s'écrit ici est totalement nouveau. Je regrette parfois de ne pouvoir approfondir tel ou tel point de détail, mais c'est qu'il faudrait se plonger corps et âme dans une littérature spécialisée qui suspendrait pour longtemps une circumambulation zodiacale qui a déjà pris du retard. Je me résigne donc à risquer des hypothèses et à esquisser des interprétations, quitte à y revenir ultérieurement, en assumant le reproche d'être parfois superficiel ou approximatif. Par ailleurs je ne peux faire fi des commentaires de lecteurs attentifs qui me permettent souvent de rebondir et d'explorer quelques sentes qui m'avaient échappé. Il n'est pas de remarque a priori anodine qui ne puisse ouvrir une nouvelle fenêtre imprévue. Le dernier exemple en est pour moi la précision apportée par un certain Patrick le 4 mai dernier. Dans la note sur Ingrandes, il me signale fort justement que le musée Henri de Monfreid n'est pas situé dans la maison de l'écrivain, mais dans l'ancienne cure de la commune. J'ai donc rectifié et, avant cela, revu quelques pages de la Toile sur Ingrandes et Henri de Monfreid. Et c'est là que j'ai vu quelque chose de particulièrement troublant : Tout part d'une page web du site Terredécrivains intitulée Henry de MONFREID à Cap Leucate, Paris, Ingrandes, et datée du jeudi 28 août 2003. J'apprends donc qu'il est né au domaine de La Franqui, au nord de Port-Leucate. C'est ce nom qui m'arrête. Je suis assez souvent retourné ces derniers temps dans les oeuvres de Jean Richer pour savoir que le Leucade grec est un lieu essentiel pour la construction du système zodiacal centré sur Delphes : "Le point initial du cycle, en relation avec l'équinoxe de printemps et correspondant symboliquement au point vernal, tombait dans la mer Ionienne juste en avant du saut de Leucade. Il était donc commode, pour la lecture ultérieure de la figure, de tracer un cercle ayant pour rayon la distance Delphes-Leucade et de le diviser en douze parties égales à partir du point que nous venons d'indiquer." (Géographie Sacrée du Monde Grec, Guy Trédaniel, 1983, p.37). Jean Richer cite le géographe grec Strabon qui signale que, de son temps, chaque année le jour de la fête d'Apollon, un criminel était précipité du haut du rocher de Leucade. "Des plumes étaient collées sur son corps et on l'attachait même à des volatiles vivantes pour ralentir sa chute. Il était gracié s'il sortait vivant de l'eau." De même, dans la roue zodiacale centrée sur Sardes, en Anatolie, la localité située à la latitude de Sardes se nomme Leuca. Un autre cap du même nom, à la pointe sud-est de la Calabre, au Promontoire Iapygium Sallentinum, "semble avoir été considéré, au moins à un certain moment, comme une sorte de relais jouant le même rôle symbolique que Leucade et avoir donc été mis en relation avec le point vernal."(Géographie Sacrée dans le Monde Romain, Guy Trédaniel, 1985, p.66). Le nom même de Leucade est apparenté à celui de la blancheur (leukè) et de la Lumière (lycos). Malgré ces illustres précédents, ni Richer ni Doumayrou ne mentionnent Cap-Leucate dans leurs travaux. Il faut dire que sa situation, au sud-est de Toulouse, ne convient pas pour en faire un point vernal à la semblance de Leucade pour Delphes. En fait, le cap se situe pratiquement sur l'axe Carcassonne-Toulouse, sur la pointe du signe de la Vierge de la roue toulousaine. Une position similaire est relevée par Jean Richer en ce qui concerne Alicante par rapport à Tolède, considéré comme le centre zodiacal de la péninsule ibérique. Alicante a en effet porté les noms d'Akra Leuca, de Castrum Album ou de Lucentum, trois noms qui évoquent encore une fois la blancheur et la lumière. Ce qui amène Jean Richer à supposer qu'Akra Leuca n'est autre que le point vernal du système. Je suis très dubitatif sur cette attribution, qui donne un zodiaque décalé de 150 ° par rapport aux zodiaques égéens. De plus, les indices relevés à l'appui de cette hypothèse sont en nombre réduit (les secteurs Cancer à Sagittaire sont traités sur la seule page 363 ). L'examen des monnaies de Sagonte le conduit par ailleurs à postuler l'existence d'un second zodiaque décalé de 60° par rapport au précédent. Cela devient dès lors très confus et, à mon sens, peu convaincant.

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Examinons plutôt la ligne 0° Vierge du zodiaque delphique. C'est elle qui relie l'omphalos à Athènes et Délos. C'est elle qu'au printemps 1958, après une deuxième visite à Delphes, Jean Richer trace sur la carte de Grèce - ce qu'il qualifie d'intuition fondamentale. Elle a donc une valeur de commencement, une valeur initiatique . Doumayrou montre que son prolongement, ""suivant le même destin que l'or de Brennus, aboutit à Toulouse, mais en passant par Minerve (...)." Minerve, petite cité précisément ancré dans le secteur de la Vierge, au coeur du Minervois, non loin de Cap Leucate. ""Minerve étant l'antique vierge olympienne que ses pouvoirs égalaient au maître des cieux (...)"". "La Vierge, écrit encore Ernst Jünger dans Graffiti, est la Dame de la blancheur, de la page encore vide, le champ non labouré. Un nimbe de douceur se pose autour de ceux qui se confient à elle."" La lumière dont il s'agit ici n'est donc plus la lumière physique de Bélier, c'est une lumière intérieure, l'éclair de l'illumination, de la révélation ébranlant l'être tout entier. Nous n'oublions pas Henry de Monfreid. Il est tout de même extraordinaire que cet homme, entre Cap-Leucate et Ingrandes, soit né, ait vécu puis décédé sur deux axes semblablement dédiés à la lumière. Ceci est d'autant plus étonnant qu'il fut comme on sait un infatigable voyageur et que rien ne le prédisposait à s'installer à Ingrandes, loin de ses origines méditerranéennes. L'actualité d'Henry de Monfreid : Exposition de photos inédites d'Henry de Monfreid au festival international du livre ETONNANTS VOYAGEURS à ST. MAL0, du 5 au 8 mai 2005.

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L'ard du feu

« On sait aussi des mondes qui se défont. Bravant l'importunité des fileurs de renommée, remontons à Montségur, ce crâne vide, pôle tragique. De la même façon que Planès, ce lieu est à la pointe d'un triangle équilatéral dont les deux autres sommets ne sont pas plus quelconques : ce sont les villes de Saintes et de Feurs. Leur alignement rayonne de Milan, ancienne Mediolanum, comme Saintes, et centre zodiacal de la grande plaine cisalpine, en suscitant maintes capitales : outre les trois précédentes, Lyon, Clermont-Ferrand et Limoges. Mais ce qui nous intéresse directement est que, sur la partie qui forme la base de notre triangle, il est parallèle à l'Equateur. La hauteur et médiane dressée depuis Montségur sur ce segment est une méridienne qui joint les sommets de deux triangles à base commune, feu et eau, le sommet du feu étant en Ile-de-France, près de Rambouillet. »

(G.R. Doumayrou, Géographie Sidérale, p. 274-275)


medium_carte-neuvy2.4.jpgJe reprends cette carte de G.R. Doumayrou, déjà montrée le 11 avril, pour prolonger l'investigation menée ici depuis plus d'un mois sur le triangle de l'eau, Mosnay-Lourouer-Lourdoueix. A partir de ce modèle beaucoup plus vaste qui embrasse quasiment tout le territoire de notre pays, comment ne pas chercher à savoir s'il existe une réplique symétrique qui serait en somme le triangle du feu ? Je suis cependant incapable aujourd'hui de dire si, en 1989, j'ai cherché dans cette direction. Il est possible que j'aie en ce temps-là abandonné l'hypothèse faute d'éléments probants, ne disposant pas alors du même nombre de sources d'information.

Cette hypothèse du triangle du feu me paraît soutenable à ce jour, et je vais donc m'employer sans plus attendre à le montrer.

 

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Les deux triangles eau et feu

En projetant strictement le triangle symétrique à celui de l'eau sur la partie nord, la pointe tombe juste au-dessus du village de Diors. Rien de bien remarquable pourtant à signaler : le château du 15ème a été bombardé en août 44, l'ancienne église a disparu. Mais elle appartenait à l'abbaye de Déols, grande ordonnatrice du réseau zodiacal, qui se situe sur le même parallèle. Et surtout Diors est mentionné dès 927 (villa Drociso) : c'est la date exacte de la donation du Magny à Déols, par Guillaume d'Aquitaine.

Remarquons maintenant qu'un axe issu de Déols et reliant Lourouer Saint-Laurent traverse la ville d'Ardentes, par ailleurs également située, dans sa partie est, sur le méridien des triangles. Ardentes signe véritablement ce triangle du feu, de par son nom même, qu'on s'autorisera à rattacher au latin ardere, brûler. La commune actuelle fut formée en 1839 de la réunion de Saint-Martin d'Ardentes (dont la magnifique église dépendait de Déols) et de Saint-Vincent, paroisses occupant les deux rives de l'Indre, dont l'étymologie « Flavius Angerem » se retrouve au nord du triangle avec le hameau d'Angeray, en pleine Champagne Berrichonne. C'est sur les mêmes rives indriennes que se dressaient les anciennes forges de Clavières, renommées dès le 16ème siècle. L'économique et le symbolique encore une fois se rejoignent.

 

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Le triangle du Feu

Sur le côté Mosnay-Diors, on relèvera la présence d'Arthon, en bordure de Bouzanne, bien de l'abbaye de Déols dès 1104 (ce nom « Arthon » n'est pas sans parenté avec l'Arthur de la geste celtique, j'y reviendrai), et la proximité de medium_lourouer-les-bois.jpgl'autre Lourouer berrichon, Lourouer-les-Bois, dans la forêt de Châteauroux, où se trouvait jusqu'en 1874 le chef-lieu de la commune du Poinçonnet (on peut y admirer les vestiges de l'ancienne église Saint-Pierre-ès-Liens, transformée aujourd'hui en habitation).

 

L'examen du parallèle de Déols, passant donc par Diors, n'est pas sans enseignement : s'originant à Niherne, sur les bords de l'Indre (église Saint-Sulpice du 12ème), il transperce la forêt de Bommiers par le carrefour des Sept Lignes, puis celle de Choeurs pour en ressortir à Chezal-Benoît, siège d'une abbaye bénédictine et d'une congrégation de grande importance (dont la règle fut adoptée, entre autres monastères, par Saint-Sulpice de Bourges), et dont l'église Saint-Pierre fut consacrée en 1104 par notre vieille connaissance, Léger, l'archevêque de Bourges.

Enfin, l'axe, après avoir franchi le Cher, atteint Saint-Loup des Chaumes, petit village soi-disant fondé par l'évêque Saint-Loup (dont nous avons vu le culte au Magny, mais Ardentes également s'honore d'un pélerinage à Saint-Leu). Village qui est par ailleurs sur le méridien de Bourges, très précisément à l'aplomb du Faubourg Saint-Sulpice.

C'est maintenant vers Bourges que vont se porter nos regards. Avec la capitale des Bituriges va s'ouvrir un chapitre fondamental dans la description de notre géographie sacrée.

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15 novembre 2005 | Lien permanent

La toison tondez à vos brebis trop drue

« Roma-Amor. Dans les jeux de mots, on appelle palindromes les mots et les phrases qu'on peut lire aussi en sens inverse. Ils m'arrivèrent tous les deux avec une force de primeur loin de chez moi. Dix-huit années, de la première à la dernière, j'ai vécu à Naples, ma ville de naissance, stérile, sans aimer aucune fille dans les quartiers de mon adolescence. Ce n'est que sur l'île d'en face, un été, que m'est venu un amour pour une fille de Rome. Et quant à dix-huit ans je me suis évadé de mon lieu de fondation et du Sud, je me suis rendu dans cette ville, parce qu'il m'était resté de l'amour, un peu, mais assez pour faire passer par là celui qui se détachait de son centre et qui était équidistant de toute gare d'arrivée.»

Erri de Luca (Le contraire de un, Gallimard, 2004, p.63)

 

Signe de terre gouverné par Mercure, la Vierge ne suscite guère, en général, l'emballement des astrologues : c'est que le type qu'il représente est généralement décrit comme rationaliste et inhibé, de tempérament froid et ne goûtant guère l'effusion lyrique, la démesure et le baroque. En d'autres termes, il est le plus souvent un adversaire coriace de l'astrologue. La géographie zodiacale de la roue toulousaine porte les stigmates d'un tel conflit. Rome est en secteur Vierge et représenta, pour le monde occitan gagné par l'hérésie cathare, un pôle funeste. Guy-René Doumayrou cite le troubadour toulousain Guilhem Figueira, en 1226 :

Rome tricheuse, de convoitise perdue,
Qui la toison tondez à vos brebis trop drue...

 

Le pape Innocent III déclare que le danger cathare est plus menaçant que le danger sarrasin. Les diverses campagnes de prédication n'ayant rien donné, la croisade est décrétée, prêchée par l'abbé de Cîteaux. Le 22 juillet 1209, elle est inaugurée par le massacre de Béziers. « Béziers, remarque Doumayrou, s'aligne sur l'axe Toulouse-Rome, montrant par cette coïncidence que même l'action destructrice suit les voies énigmatiques du symbole, avec la cruelle indifférence de la nature » (Géographie Sidérale, p.110).

La région que nous étudions - semble-t-il restée à l'écart du catharisme – renferme en zone Vierge une ville au nom significatif : La Châtre, castrum latin, à rapprocher de Rome, appelée par les Anciens urbs quadrata, et même par Plutarque, Roma quadrata. Le castrum, le camp militaire qui a donné ensuite le château fort médiéval, adopte une forme géométrique en carré, partagée par deux artères médianes, le cardo et le decumanus. L'architecture de l'Urbs a connu, à l'avènement de l'empire, « un type d'agglomération rationnel, la colonie, au plan strictement géométrique, inspiré à la fois par l'urbanisme grec dérivant d'Hippodamos de Milet et par l'ordonnance des camps militaires (les colons sont des vétérans chargés de garder un point stratégique) » (Encyclopaedia Universalis, 16, 139).


L'ordre de Cîteaux manifesta à des siècles de distance le même souci de la quadrature. Villard de Honnecourt nous a laissé les plans d'une église cistercienne du XIIème siècle tracée ad quadratum. Elle s'inscrit dans un rectangle et sa longueur comporte trois carrés d'égale mesure. « Les cisterciens, écrit Jean-Yves Hugoniot, sont des mathématiciens qui ont pris dans leurs constructions l'homme pour nombre d'or. Rigueur mathématique, rigueur des proportions, ainsi la salle capitulaire présente partout où elle subsiste en Berry les rapports largeur = 2/3 de la longueur (dimension de la salle capitulaire de Noirlac : L : 12,64 m, l : 8,44 m, ht : 4,50 m). L'abbatiale elle-même croix latine tout en orthogonalité et en alignement comme à Noirlac ou à Fontmorigny est fondé sur un module carré. » (Cîteaux en Berry, Ville de Saint-Amand Montrond, Librairie Guénégaud, 1998, p. 47).

 

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Abbaye de Varennes

Varennes, l'abbaye cistercienne la plus proche de Neuvy Saint-Sépulchre, se situe précisément dans le secteur de la Vierge.

C'est Ebbe II de Déols qui fait venir en 1148, du diocèse de Sens, des moines de l’abbaye de Vauluisant , pour fonder ce monastère qu'il place d'emblée dans l'orbe de Cîteaux. Pourquoi une telle volonté de bâtir ici, près de ce gué obscur sur le Gourdon ? Pourquoi, sept ans plus tard, un autre souverain et pas le moindre, Henri II Plantagenêt, fait-il arracher la pierre de fondation originelle pour se proclamer fondateur à son tour, Varennes devenant l'abbaye royale de Notre-Dame de Varennes ? Il faut croire que ce lieu a une importance symbolique assez forte pour que des seigneurs aussi considérables s'en disputent aussi violemment la paternité. Aucune des autres abbayes cisterciennes du Berry, même Noirlac, n'a engendré, à ma connaissance, une semblable rivalité.

Il y a une première énigme : pourquoi Ebbes de Déols va-t-il chercher si loin des bâtisseurs ? Pourquoi choisit-il les moines bourguignons de Vauluisant ? De quel prestige ceux-ci pouvaient-ils bien se prévaloir ?

Pour répondre à ces questions, il faut se pencher sur une autre grande figure de l'époque, Hugues de Toucy, archevêque de Sens.


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10 septembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (2)

De Rodène à Mélusine

En attendant de revenir sur la figure de l'Homme Sauvage, en relation avec l'Homme des Bois de Thiers et l'Homme à l'écot de Lisieux, décrits par Fulcanelli dans les Demeures Philosophales (rapprochements utilement suggérés par Marc Lebeau), je voudrais m'attarder sur le personnage féminin de la légende de saint Silvain, à savoir Rodène, la jeune fiancée convertie qui n'hésite pas à se mutiler pour échapper au mariage auquel elle était promise.

Le site Carmina-Carmina.com, découvert récemment, et qui est une vraie mine de renseignements sur l' hagiographie et les dictons, propose (se reporter à la date du 22 septembre) d'identifier Rodène à la déesse celtique Rosmerta, sans donner par ailleurs de justification. Il est permis de supposer que c'est la proximité phonétique des deux noms qui est ici le critère.

Qui est Rosmerta ? Paul-Marie Duval écrit dans Les dieux de la Gaule (Payot, 1976, p.57), qu'elle « porte, comme une « mère », la corbeille de fruits ou la corne d'abondance, car son nom, anciennement Pro-smerta, signifie « la grande Pourvoyeuse », celle dont on peut espérer le plus de gains et de profit. C'est pourquoi elle est la compagne de Mercure, notamment dans l'est de la Gaule : elle porte parfois, comme lui, le caducée (?), paraît recevoir dans ses mains la bourse du dieu. »

Rien cependant dans cette description ne rappelle la Rodène de la légende. L'association avec Mercure ne cadre pas avec la filiation de Silvain avec le Silvanus latin et le Sucellus celtique.

Si l'on suit maintenant l'hypothèse Sucellus, on remarquera que ce dernier est souvent représenté avec une compagne, Nantosuelta, comme sur cet autel près de Metz.

 

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(Image Wikipedia)

Elle aussi est souvent figurée, comme Rosmerta, en déesse de l'abondance : J.J. Hatt mentionne par exemple la stèle de Nuits Saint-Georges où la parèdre de Sucellus tient une patère de la main droite et de la main gauche une corne d'abondance pleine de fruits.

Anne Lombard-Jourdan remarque, quant à elle, que le nom de Nantosuelta n'a pas été expliqué de façon sûre, mais qu'il semble toutefois débuter par la racine gauloise nantos, « vallée, torrent », et qu'il s'agirait d'une déesse de l'eau. Et cela s'accorde mieux avec Rodène, à laquelle est consacrée une fontaine guérisseuse de Levroux. Dans la légende, Silvain nettoie les chairs coupées par Rodène dans une fontaine (est-ce la même ?) et, en excellent chirurgien esthétique, les remet en place, rendant toute sa beauté à la jeune femme.

Sur un autre bas-relief trouvé à Hérange (Moselle), Anne Lombard-Jourdan relève que Nantosuelta se tient debout sur le bord d'un bassin quadrangulaire « et une zone faite de lignes parallèles et ondées figurent approximativement l'eau qui recouvre la partie inférieure de son corps. Elle présente dans sa main gauche, des richesses inidentifiables et sa main droite levée saisit le cou d'un long serpent, dont le corps disparaît sous son avant-bras, plonge derrière elle dans le bassin et réapparaît à sa gauche en une queue sinueuse qui atteint la hauteur de la tête des personnages et que Sucellus saisit en un geste semblable à celui de sa compagne. (...) L'iconographie de ce bas-relief, de facture un peu maladroite, est parfaitement significative. Le serpent, qui s'échappe du bassin de la source et ondoie entre eux, crée un lien très fort entre les deux personnages. Il symbolise la force régénératrice de la divinité souterraine et aquatique dont s'est emparé le dieu ouranien. Le bas-relief d'Hérange semble vouloir anthropomorphiser le mythe du cerf et du serpent. Une telle représentation est un précieux jalon sur le long cheminement qui conduisit le mythe protohistorique jusqu'au conte médiéval de la rencontre de Raimondin et Mélusine. Devant la figuration d'Hérange, on comrend que leur aventure près de la fontaine ait pu prendre corps. » (Aux origines de Carnaval, Odile Jacob, 2005, p. 198.)

Vertigineuse perspective qui s'offre là : dans le Roman de Mélusine, c'est bien à la fontaine de Sed que Raimondin, qui vient de tuer malencontreusement son oncle bien-aimé au cours d'une chasse au sanglier, rencontre la fée Mélusine. La fontaine de Sed, c'est la fontaine « de la Soif », orthographiée quelquefois, précise Anne Lombard-Jourdan, « Font de ».

Ceci ne peut manquer bien sûr de nous rappeler la Céphons.

 

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Mélusine et ses deux soeurs apparaissant à Raimondin près de la fontaine de Soif
(image BnF)

Mélusine à Levroux ?

Ceci ne devrait pas au fond nous surprendre :

Doumayrou (G.S. p. 154): « Or la fée, mère-lumière et pôle de la vie, était affligée, comme Capricorne, d'une double nature, torse de femme et queue de serpent, mais qu'elle n'était tenue d'assumer que le samedi, jour de Saturne : c'est la planète même qui est domiciliée dans le signe (...). »








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10 mai 2006 | Lien permanent

Pourquoi Cahors ?

"Filles sont très belles et gentes 
Demourantes à Sainct-Genou".
François Villon


Deux localités sur le même parallèle, deux saints évêques de Cahors, Genou et Ambroix. La question se pose naturellement : pourquoi Cahors ?
Il convient  tout d'abord de se souvenir que Cahors n'est pas une inconnue dans la géographie sacrée berrichonne :
le Christ du tympan de Déols n'est pas sans affinité, on l'a vu, avec celui du tympan de Cahors. Le socle sur lequel il repose  est porté par deux animaux : le lion et le dragon. "Cette représentation des symboles de l'Antéchrist et du Diable suivant Honorius d'Autun, écrit Jean Favière, fréquente dans la sculpture gothique, est unique dans l'iconographie des portails romans." Et je me demandais alors si nous étions en présence là encore d'un écho à Cahors. Cahors que  Doumayrou rattache au chaos primordial : "Ce nom, ainsi que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos) et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité bien connue de cette gueule d'enfer qu'est le chaos." (Géographie sidérale, p.168)


C'est bien cette idée du chaos qu'il s'agit d'appréhender pour comprendre la référence à Cahors sur l'axe Saint-Genou - Saint-Ambroix.


C'est ma lecture récente d'Ecoumène, le livre d' Augustin Berque, qui a grandement éclairé ma lanterne : le géographe, après avoir noté que Chaos est de même famille que chainô (s'ouvrir), qui provient de la racine indo-européenne ghei-, comme le latin hiatus, relève  que "nombreux sont les auteurs qui leur apparentent  chôra, terme que Platon utilise dans le Timée pour dire le lieu des choses au sein du monde sensible."
"Le Timée, poursuit-il, est l'une des dernières oeuvres de Platon, peut-être la plus célèbre. C'est en effet celle où il ramasse son ontologie et sa cosmologie - son onto-cosmologie, l'une allant avec l'autre - et qui narre entre autres le mythe de l'Atlantide. Pour ce qui nous concerne, on y trouve sa théorie du lieu. Après avoir distingué deux sortes d'être : la Forme ou Idée intemporelle et aspatiale (eidos ou idea), c'est-à-dire l'être absolu qui est l'"être véritable" (ontôs on) et relève de l'intelligible, d'une part, d'autre part l'être relatif ou en devenir (genesis), qui relève du sensible, Platon introduit un "troisième genre" (triton allo genos, 48e 3), qu'il va appeler chorâ."

 

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Buste de Platon
Réplique romaine d'après un original du milieu du 4ème siècle

©[Louvre.edu] Photo Erich Lessing


Le problème est que Platon ne donne pas de définition très précise de cette chorâ, ne la désignant que par des métaphores qui, selon Berque, paraissent peu cohérentes. Des choses qui sont, elle semble comme l'empreinte et en même temps la matrice, mère (mêtêr) ou nourrice (tithênê). "Si Platon, continue-t-il,  ne trace pas de figure claire de la chorâ, du moins pouvons-nous inférer une image de ce qu'il lui associe. Genesis, que les spécialistes, pour cadrer avec le système platonicien, interprètent comme l'être relatif, le devenir ou l'étant, cela exprime d'abord et fondamentalement l'idée d'engendrement (du radical indo-européen gen- ou gne-, lequel a été dans nos langues, c'est le moins qu'on puisse dire, extrêmement prolifique). Ce n'est évidemment pas un hasard si, dans le Timée, cette idée se trouve couplée à celle de chorâ, qui nous renvoie, en deçà d'elle-même, au chaos comme béance."


Et nous pourrions écrire, en écho à Augustin Berque, que ce n'est évidemment pas un hasard si l'histoire de saint Genou (dont la racine gen- est manifeste) est couplée  à celle de la ville de Cahors, tirant son nom du Chaos  (et anagramme de chorâ, par dessus le marché).


En faisant de la vieille de Brisepaille, près de Saint-Genou, l'accoucheuse de Gargamelle, Rabelais s'inscrivait parfaitement dans cette ontologie platonicienne.


"La chorâ, [...], c'est bien l'ouverture par laquelle adviennent à l'existence les êtres qui vont constituer le monde. C'est le lieu géniteur et le giron, l'i grec hospitalier de tout ce qu'il "y" a sous le ciel"(Ecoumène, p. 22-23).

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09 septembre 2007 | Lien permanent

Les bien yvres sont de retour

« Sur le monde je porterai le regard clair prêté par l’aigle à Ganymède »
Jean Genet, Journal du voleur


Après un long intermède estival, retour donc avec l'automne sur les terres berrichonnes. Je m'étais arrêté sur la figure de Saint-Georges, figure hautement symbolique de cette géographie sacrée mêlant paganisme et christianisme. Que me reste-t-il à inventorier ? En ai-je fini avec la longue évocation du carré buissé ? Pas tout à fait, me semble-t-il. Il me faut revenir sur le point de départ de l'investigation en signe du Verseau, en appeler encore une fois à Rabelais. La boucle sera alors bouclée et nous pourrons passer au dernier signe de ce circuit zodiacal : les Poissons, qui couvre une des régions les plus fascinantes du Berry, totalement différente des autres territoires naturels qui  composent la province, j'ai nommé la Brenne. A vrai dire, je l'ai déjà évoqué brièvement, avec l'étang du Bois-Secret, dont Doumayrou  faisait le point central de l'une de ses grandes perspectives symboliques. On essaiera d'aller plus loin.

Souvenons-nous : Verseau convoquait Ganymède, l'échanson des dieux et il était donc question de boire, ce à quoi s'employaient gaiement les compagnons de Grangousier, les "bien yvres". On se souvient que  l'accoucheuse de Gargantua est désignée comme étant une vieille de Saint-Genou : ceci me donnant le départ d'une longue enquête sur ce saint qui déboucha sur la découverte du carré buissé. Allons donc maintenant au centre même de ce carré. J'ai déjà dit que le village le plus proche était Buxières d'Aillac, mais il est possible de préciser encore en cherchant  le toponyme le plus proche. Or, il semblerait que ce soit l'Entonnoir, entre l'Orme et le Châtaignier, non loin de la queue de l'étang de Brenne. Nous ne quittons pas le motif de la beuverie...



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Car le mot même apparaît chez Rabelais, au chapitre V de Gargantua, justement dans "Les propos des bien yvres" :

"-Non moy, pecheur, sans soif, et, si non presente, pour le moins future, la prevenent comme entendez. Je boy pour la soif advenir. Je boy eternellement. Ce m'est eternité de beuverye, et beuverye de eternité.

-Chantons, beuvons, un motet entonnons ! Où est mon entonnoir?

-Quoy! Je ne boy que par procuration !"

 

On le retrouve aussi au dernier chapitre du Tiers-Livre :

 

"Ce que ie vous ay dict, est grand & admirable. Mais si vouliez vous hazarder de croire quelque aultre divinité de ce sacre Pantagruelion, ie la vous dirois. Croyez la ou non. Ce m'est tout un, me suffist vous avoir dict verité. Verité vous diray. Mais pour y entrer, car elle est d'accès assez scabreux & difficile, ie vous demande. Si i'avoys en ceste bouteille mis deux cotyles de vin, & une d'eau ensemble bien fort meslez, comment les demesleriez vous? comment les separeriez vous? de manière que vous me rendriez l'eau à part sans le vin, le vin sans l'eau, en mesure pareille que les y auroys mis. Aultrement. Si vos chartiers & nautonniers amenans pour la provision de vos maisons certain nombre de tonneaulx, pippes, & bussars de vin de Grave, d'Orleans, de Beaulne, de Myrevaulx, les avoient buffetez & beuz à demy, le reste emplissans d'eau, comme font les Limosins à belz esclotz, charroyans les vins d'Argenton, & Sangaultier: comment en housteriez vous l'eau entierement? comment les purifieriez vous? I'entends bien, vous me parlez d'un entonnoir de Lierre. Cela est escript. Il est vray & averé par mille experiences. Vous le sçaviez desià. Mais ceulx qui ne l'ont sceu & ne le veirent oncques, ne le croyroient possible. Passons oultre."(C'est moi qui souligne)

 

Remarquons qu'à la ligne du dessus, sont évoqués les vins d'Argenton et Sangautier (Saint-Gautier), autrement dits des cépages berrichons. Argenton, on le sçait desià, sur le parallèle de Neuvy Saint-Sépulchre, donc sa ligne équinoxiale, séparant Bélier de Poissons ; Saint-Gaultier, un peu en aval sur la Creuse, pratiquement sur le parallèle de l'Entonnoir. N'est-ce pas là aussi grand & admirable ?

 

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22 septembre 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

De Brennus aux Rochechouart

L'or de Delphes volé par Brennus et ses troupes aurait donc été caché dans un marécage, à Toulouse, chez les Volques. Il se trouve que l'axe qui joint Delphes à Toulouse prend Délos dans son prolongement et indique, sous cette latitude, la pointe du signe des Poissons. Guy-René Doumayrou cite alors Jean Markale qui, "dans son étude sur les Celtes (page 119), constate que rien n'atteste de la réalité historique de cette équipée et que l'or de Delphes pourrait fort bien avoir été de nature spirituelle plutôt que grossièrement métallique. Autrement dit, la légende ne ferait que porter témoignage, par le truchement tout à fait traditionnel du récit allégorique, d'une transmission initiatique de la puissance oraculaire de l'omphalos héllène à l'omphalos occitan." (Géographie sidérale, p. 50) Si l'on retient cette hypothèse, il y aurait donc lieu de soupçonner une transmission similaire, postérieure ou concomitante, entre Toulouse et le Berry.

Omphalos.jpgL'omphalos delphique était matérialisé par le Bétyle, une pierre que Rhéa, la mère des dieux (assimilée par les Romains à Cybèle), aurait donné enveloppée de peau de chèvre et arrosée de son propre lait, à son époux Cronos, en guise d'enfant à dévorer. Car le bougre, ayant appris que sa souveraineté serait dénoncée par ses enfants, avait entrepris de consommer toute sa progéniture. La pierre aurait ensuite été vomie par le mari trompé et, tombée sur le sol grec, aurait figuré le nombril du monde, centre de la terre des hommes, l'Omphalos.

Or, dominant la Brenne, bâtie sur l'une des rares éminences de ce plat pays, le château du Bouchet porte le souvenir de l'importante famille des Rochechouart-Mortemart, dont les armes sont encore visibles au-dessus d'une porte d'entrée : fascé, ondé d'argent et de gueules de six pièces. On disait d'elle encore :
"Avant que la mer fut au monde,
Rochechouart régnait sur les ondes."

 

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Armes des Rochechouart


Bien immodeste dédicace, qui s'accorde en revanche parfaitement à la symbolique du signe. Rochechouart ne serait-elle pas la "roche chue" que je viens d'évoquer avec Rhéa et Cronos (et cette hypothèse se trouve même géologiquement avérée car les scientifiques ont clairement établi qu'une énorme météorite était tombée sur la région de Rochechouart il y a environ 214 millions d'années : il est seulement surprenant qu'on ne fasse aucune relation avec une étymologie pourtant transparente) ?

Cette  maison de Rochechouart serait par ailleurs la plus ancienne après la famille royale. Et, malgré la devise, elle ne s'enracine  pas dans un environnement marin, mais bien dans le proche Limousin, à travers  la Maison de Limoges, fondée par Foucher de Limoges, deuxième fils de Raymond Ier, comte de Toulouse. Certes, les Rochechouart prennent possession du château du Bouchet à une date assez récente (1560), mais leur rôle dans l'établissement de la géographie sacrée est certainement beaucoup plus ancien, car nous avons relevé sur le grand axe de Saint-Léger issu d'Autun*, les cités de Morthemer et de Vivonne, où nous retrouvons les armes de la famille dans l'église Saint-Georges, à la clef de voûte de la porte d'entrée. Et un poème découvert par Dom Fonteneau au château de Cercigny, près de Vivonne, exalte aussi la haute antiquité de la lignée :

"Je chante les lauriers dont les mains du dieu Mars
Ont couronné le chef de tant de Mortemarts.
Je chante leur fabrice et leur race divine
Dont les plus grands trésors de la race poitevine
Depuis quinze cents ans sont descendus, et d'où
Leurs poitevins font leurs rois de Poitou."




_____________________________________

* "Les vicomtes de Limoges et de Rochechouart sont sans doute issus des comtes de Rouergue et probablement les descendants des comtes d'Autun." (Wikipédia)


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04 février 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

L'ombre et la lumière

Tilly, non loin de Lignac, pratiquement sur l'alignement Nesmes-Château-Guillaume, était le siège d'une abbaye de l'ordre de Cîteaux, fondée en 1146 et nommée La Colombe. Un aspect essentiel du monde des symboles se révèle ici, le principe de bipolarité qui veut que chaque symbole, comme l'explique Jean Chevalier dans son introduction au Dictionnaire des Symboles, « de quelque dominante qu'il relève, possède un double aspect, diurne et nocturne. Le monstre, par exemple, est un symbole nocturne en ce qu'il avale et dévore ; il devient diurne, en ce qu'il transforme et recrache un être nouveau ; gardien des temples et des jardins sacrés, il est à la fois obstacle et valeur, nocturne et diurne. (XXV) » La Colombe, découverte en Bélier à l'issue d'une assez longue traque, est, ne l'oublions pas, oiseau de Vénus, qui n'est autre que la planète maîtresse de Balance, le signe opposé. Avec Balance, à l'équinoxe d'automne, la nuit reprend le pas sur le jour. Cette dualité est concrètement évoquée à travers un axe Bélier-Balance s'originant à Tilly et son Eglise Notre-Dame. Jalonné par le hameau du Colombier, l'église Saint-Pierre de Chaillac, le château de la Prune-au-Pot, l'église Saint-Saturnin de Ceaulmont, il rase après Neuvy un autre lieu-dit Le Colombier avant d'atteindre celui du Chassin, et les villages de Saint Chartier et Verneuil-sur-Igneraie (église Saint-Hilaire). Jeu de miroir avec cette simple chapelle du Haut-Verneuil qui constitua notre premier témoin d'importance. Le Chassin, lui, possédait un château-fort, aujourd'hui disparu. Son nom, en tout cas, est tiré de celui du chêne en gaulois, cassanos. Or, c'est sur le chêne que se tiennent les colombes de l'Enéide, c'est sur le chêne qu'est cueilli le gui, c'est-à-dire le rameau d'or. Jean Beaujeu note à propos de ces textes de l'Enéide « que la mythologie du gui, très pauvre en Italie, était riche dans les pays celtiques et germaniques ; le gui passait pour avoir une puissance magique : il permet d'ouvrir le monde souterrain, éloigne les démons, confère l'immortalité et, détail propre aux Latins, est inattaquable au feu. Tout se passe comme si Virgile avait adopté un thème de son pays natal (la plaine du Pô avait été occupée pendant plusieurs siècles par les Celtes), en lui donnant un caractère latin par la consécration à Proserpine. » (Dictionnaire des Symboles, art. Rameau d'or, p.801). Comme Enée, nous allons désormais pouvoir poursuivre notre périple en entrant, en ce qui nous concerne, dans le signe du Taureau, signe de Terre, et précisément, selon les termes de l'astrologie traditionnelle, domicile nocturne de Vénus. En définitive, nous ne faisons ici que vérifier une forte intuition de Guy-René Doumayrou qui, enquêtant sur les régions mentionnées dans la légende de Mélusine, s'étonnait que les domaines de la fée, Marche et Poitou, soient désertes en images d'ombre : « Peut-être, mais il faudrait pouvoir s'appuyer sur des témoins plus stables que des statuettes de bois ou même de pierre, une géographie de l'ombre et de la lumière, relative au culte de la Dame, existe-t-elle, reprenant une giration parallèle à celle de la roue toulousaine » (G.S., pages 265-266). Quelle terre pouvait mieux constituer le moyeu d'une telle roue sinon le Bas-Berry, ouvert à l'ouest sur le Poitou et au sud sur la Marche ?

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25 mai 2005 | Lien permanent

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