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Eudes le franciscain
La figure d'Eudes de Châteauroux m'intrigue. Comme chaque fois qu'une personnalité traverse ce champ encore si obscur de la géographie symbolique, l'envie est grande d'en savoir plus. Il me souvint que Jacques Le Goff avait écrit sur le personnage de Saint Louis une somme considérable. Je ne l'avais point lu à l'époque de sa parution (1996), mais il me paraissait évident que mon prélat castelroussin devait y avoir une bonne place. J'empruntai donc le fort volume de presque mille pages à la Médiathèque et n'ayant pas le temps d'en pratiquer une lecture exhaustive, je me jetai sur l'index des noms de personne. Petite déception : Eudes n'avait droit qu'à huit entrées, ce qui le plaçait assez loin d'Innocent IV (29 entrées) et a fortiori de Blanche de Castille (114 entrées, si je compte bien). Néanmoins j'appris bien des choses en ces quelques pages.
Première entrée donc, page 49 : "Tout l'Orient n'aura été pour Saint Louis que mirages. Mirage d'un empire latin de Constantinople et d'une réunion des Eglises chrétiennes latine et grecque à laquelle s'employa particulièrement, à la demande de la papauté, un homme lié au roi de France, le cardinal Eudes de Châteauroux, franciscain qui avait été chancelier de l'Eglise de Paris. Mirage d'un affaiblissement des princes musulmans déchirés par des rivalités internes et qui pourtant furent vainqueurs de saint Louis et reprirent cette Terre sainte qu'il avait voulu défendre. Mirage d'une conversion des Mongols au christianisme et d'une alliance franco-mongole avec contre les musulmans." (C'est moi qui souligne).
Eudes occupe une position centrale : lié à la fois au pape et au roi de France, il montre également la connivence étroite entre le Berry et la capitale. Son statut de franciscain, que j'apprends ici, n'est sans doute pas anodin. Rappelons qu'à l'époque de saint Louis, l'ordre est encore récent : François d'Assise est mort en 1226, l'année même du sacre de celui qui n'est encore que Louis IX et n'est âgé que de douze ans. Aviad Kleinberg ne craint pas d'écrire que "Les Franciscains incarnèrent l'espoir le plus grand du XIIIè siècle, la promesse d'une vie conforme à la morale chrétienne ici-bas et, par voie de conséquence, de rédemption universelle dans l'au-delà. Saint François lui-même fut perçu par nombre de ses adeptes comme un second Jésus." (Histoires de saints, op. cit. p. 257.) A Châteauroux même, les Franciscains ont laissé une trace architecturale avec le plus beau monument historique de la ville actuelle, le couvent des Cordeliers (Franciscains nommés ainsi à cause de la corde ceignant leur robe de bure).
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Seconde entrée, page 178 : " Pour la prédication de croisade, Louis IX demande au pape Innocent IV, selon la coutume, de désigner un légat pontifical pour la diriger. Lors du concile de Lyon, en 1245, le choix du pape se porta sur un personnage de premier plan, connu du roi, Eudes de Châteauroux, ancien chanoine de Notre-Dame de Paris, chancelier de l'université de Paris de 1238 à 1244, date à laquelle Innocent IV l'a fait cardinal." La note de bas de page qui est appelée par ce dernier mot voit Le Goff donner son jugement sur le personnage : "Eudes de Châteauroux ne semble pas mériter en tant que prédicateur et homme d'Etat le mépris de Barthélémy Hauréau (Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. XXIV/2/2, pp. 204-235, Paris, (1876). Voir le mémoire de D.E.A. inédit d' A. Charansonnet que je remercie (université de Paris-I, 1987/1988, sous la direction de Bernard Guenée) : Etudes de quelques sermons d'Eudes de Châteauroux (1190 ?-1274) sur la croisade et la croix."
Page 184, suite de la Croisade : "Comme lors de l'accueil des reliques de la Passion, mais cette fois-ci avec les rites de croisade -départ pour la guerre sainte et sortie du royaume - recommence la grande liturgie pénitentielle. Le vendredi après la Pentecôte, 12 juin 1248, Louis vient à Saint-Denis prendre l'oriflamme, l'écharpe et le bâton de la main du cardinal-légat Eudes : il associe de cette manière l'insigne royal du roi de France partant en expédition guerrière et ceux du pèlerin prenant prenant le chemin du pèlerinage de croisade." Se confirme ici encore le rôle éminent du légat Eudes, associé à tous les gestes et évènements symboliques forts du règne de Louis IX. Mais il avait également sa place dans la vie diplomatique plus ordinaire du souverain, comme en témoigne l'entrée de la page 253 : "En 1246, dans le cadre des actions de pacification en vue de la croisade, Louis IX et le légat pontifical, Eudes de Châteauroux, avaient ménagé un accord sur la base du Hainaut aux Avesnes et de la Flandre aux Dampierre."
Il faut tout de même sauter à la page 455 pour voir à nouveau paraître Eudes, dans la section du livre consacrée aux chroniqueurs étrangers et, plus précisément, en ce qui nous concerne, la Cronica du franciscain Fra Salimbene de Parme. Ce religieux est témoin oculaire du passage du roi, en route vers Aigues-Mortes, à Sens où il assiste au chapitre général des Franciscains. Salimbene est subjugué par ce roi arrivant à pied, besace et bourdon au cou, demandant les prières et les suffrages des frères. C'est à cette occasion que le cardinal Eudes prend la parole avant le ministre général des Franciscains, Jean de Parme, qui fait l'éloge du roi.
L'entrée de la page 537 ne faisant que répéter celle de la page 184, il faut se transporter page 593 pour y voir Le Goff s'interroger une nouvelle fois sur ce Eudes qu'il qualifie ici de maître en théologie : "Comme légat pontifical pour la préparation de sa croisade, il a été en contact étroit avec le roi qu'il a accompagné en Egypte et il a rédigé sur la croisade un rapport adressé au pape. Les oeuvres d' Eudes sont encore mal connues, mais elles font l'objet d'importants travaux. Il semble qu'il a surtout été un prédicateur célèbre. On reste donc à nouveau dans le domaine qui intéresse le plus Saint Louis, celui du sermon."
La dernière entrée, page 806, dévoile un aspect moins reluisant d' Eudes de Châteauroux, et, plus largement, du règne de Saint Louis. En 1241, le souverain avait fait procéder à la crémation publique de vingt-deux charretées de manuscrits du Talmud. Innocent IV l'en félicita dans une lettre du 9 mai 1244, mais l'invita à faire brûler les exemplaires subsistants. Ce qui donna lieu à de nouveaux autodafés les années suivantes (il ne demeure qu'un seul exemplaire médiéval du Talmud, ce qui montre bien l'efficacité de la répression qui fut menée). "Pourtant, poursuit Jacques Le Goff, en 1247, Innocent IV, probablement à la suite de diverses interventions et selon l'habituelle politique des papes qui fait alterner des instigations à la persécution et des appels à la protection des juifs, ordonne à Saint Louis et à son légat en France pour la préparation de la croisade, Eudes de Châteauroux, de rendre aux juifs les Talmuds subsistants parce qu'ils sont nécessaires à leur pratique religieuse. Mais Eudes de Châteauroux supplie le pape de laisser détruire ces exemplaires et, le 15 mai 1248, l'évêque de Paris, Guillaume d'Auvergne, sans doute sous l'influence du dominicain Henri de Cologne, prononce une condamnation publique du Talmud."( C'est moi qui souligne.)
Eloignons-nous maintenant de notre légat neuvicien pour examiner avec Le Goff ce système du sacre que Saint Louis porte à un rayonnement inconnu jusque là. L'ordonnancement qu'il ne cesse sa vie durant de parfaire en prolongeant les lignes de force symboliques héritées des dynasties antérieures ne peut être sans rapport avec la géographie sacrée : toujours est-il qu' avec Saint Louis, comme le déclare l'historien, "la construction de la "religion royale" a presque atteint son sommet."
21 février 2007 | Lien permanent | Commentaires (2)
Lacrimarum valle
Montgivray, ancienne Maugivray, s'honore d'une très vieille église, dont les parties les plus anciennes remontent au 11ème siècle. Elle est placée sous le vocable de saint Saturnin, ce qui n'est pas très fréquent en Berry où une seule paroisse, dans le Cher, porte le nom de saint Saturnin. Nous l'avons d'ailleurs déjà rencontrée à l'occasion de l'étude du méridien de Toulx Sainte-Croix.
L'alignement avec Montgivray ne laisse cependant pas d'être intéressant : passant tout d'abord par l'église de Lacs, puis suivant la vallée de l'Igneraie (traversant même le hameau dit Igneray), il est jalonné par le château dit de La Vallas (ancien fief cité en 1473), puis par le lieu-dit Malvaux. Au sud de Saint-Saturnin, il est balisé par le Mont Joint avant d'atteindre un autre gros hameau nommé La Vallas, sur la rive gauche de la Meuzelle, un peu en amont de La Chapelaude. En face, sur la rive droite de la même rivière, frôlant l'axe, se trouve le lieu-dit Saint-Sornin (forme occitane de saint Saturnin), sur le même horizon qu'un autre hameau dit les Malvaux. Précisons encore que le parallèle de Saint-Saturnin atteint le château de Malvaux, au nord de Saint-Eloy d'Allier (tandis que du côté occidental il rejoint la tour Gazeau et traverse le bois de Bougaseau).
Quel sens maintenant donner à une telle récurrence de Malvaux et plus largement de lieux désignant des vallées ? J'ai une hypothèse, fragile je l'avoue, qui m'est immédiatement venue à l'esprit quand l'alignement s'est dessiné voici quelques années : je la livre telle quelle, n'en ayant pas d'autre à proposer dans l'état actuel de ma réflexion. C'est le nom de Lacs qui fit office de déclencheur : j'y vis tout de suite le début du latin lacrimarum qui, associé à valle, donne la fameuse « vallée de larmes » du psaume 84, repris par le Salve Regina (Ad te suspiramus, gementes et flentes in hac lacrimarum valle).
On peut certes m'objecter que lacs (prononcer « la ») signifie mare, étang, et que le bourg a certainement pris son nom de la présence d'un étang proche de l'église, je ne peux m'empêcher de rêver à un autre niveau de lecture.
Il y a une question toute simple qu'il faut se poser devant ces lieux préfixés par le mal, ce Maugivray et ces Malvaux : pourquoi les populations acceptèrent-elles de vivre en ces lieux s'ils étaient maléficiés ? N'aurait-on pas dû plutôt les fuir, les déserter ? Mieux : qui, à cette époque, semble délibérément rechercher ces endroits pour y fonder une communauté de vie ? Les cisterciens, bien sûr :
« L'Exordium Cistercii, un des documents les plus anciens de l'Ordre, a peut-être contribué à alimenter le mythe que les moines cisterciens avaient recherché délibérément des emplacements malsains pour fonder leurs abbayes. Il y est dit que lorsque Robert et ses vingt-et-un compagnons quittèrent Molesme et arrivèrent à leur nouvelle maison, Cîteaux leur apparut comme « un lieu d'horreur et une vaste solitude » et qu'ils entreprirent de « transformer la solitude qu'ils avaient trouvée en une abbaye ». En réalité, « l'horrible et vaste solitude » fait référence au cantique de Moïse dans le Deutéronome (32, 10) et ne saurait être prise au pied de la lettre. » (Terryl N. Kinder)
Or, une abbaye cistercienne se loge dans l'étroit compas ouvert entre le parallèle de Saint-Saturnin et l'axe de Montgivray : la très ruinée abbaye des Pierres, implantée dans ce que l'on appelait le « Val Horrible ». Un alignement avec Saint-Saturnin conduit jusqu'à la Roche-Guillebaud, ancienne forteresse elle aussi en ruines bâtie sur un éperon rocheux des bords de l'Arnon (on y a souvent vu le modèle de La Roche-Mauprat, du roman de George Sand1).
Affronter l'horreur, le mal, la souffrance, lutter contre ses propres démons intérieurs, c'était le défi de ces hommes de Dieu. Saurons-nous encore l'entendre ? Les larmes fondent et figurent la condition humaine, et ce depuis notre naissance. Le philosophe Jean-Louis Chrétien peut ainsi écrire dans Promesses furtives (Minuit, 2004, p. 86) que l' « humanité des larmes, c'est aussi de réquérir instamment, dans l'écoute, la nôtre. Le psalmiste lui-même demande à Dieu, non pas d'abord de sécher ses larmes, mais de les écouter : Auribus percipe lacrimas meas (« Avec tes oreilles perçois mes larmes »)Psaume 39 (38), 13. »
1Philippe Barlet a fait justice de cette attribution dans un article décisif, Le Mystère de la Roche-Mauprat, paru dans l'ouvrage collectif George Sand, Une européenne en Berry, Le Blanc-Châteauroux-La Châtre, 2004. Notons par ailleurs que Mauprat, c'est étymologiquement le mauvais pré. On reste dans la même symbolique...
04 novembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (11)
Cluny, Mayeul et Odilon
Première fille aînée de Cluny, Souvigny entre dans l'histoire peu après sa génitrice. Si le 11 septembre 910, le duc d'Aquitaine Guillaume Ier, dit «le Pieux», cède sa "villa de Cluni et toutes possessions attenantes: villages et chapelles, serfs des deux sexes, vignes et champs, prés et forêts, eaux courantes et fariniers, terres cultivées et incultes", à charge pour Bernon, abbé de Baume et de Gigny en Jura et co-signataire, d'y fonder un monastère, le même Bernon reçoit en 915 de Aymard, ancêtre des Bourbons, une villa à Souvigny où il ne tarde pas à établir des moines. Ce nouveau monastère allait être le noyau autour duquel les descendants d'Aymard allaient développer la principauté du Bourbonnais, entre Auvergne, Berry et Bourgogne.
La situation géographique de Cluny et de Souvigny ne doit rien au hasard, les deux abbayes se situant délibérément dans des zones limitrophes : "Située sur la ligne de partage du droit coutumier germanique et du droit écrit romain, de la langue d'oïl et de la langue d'oc, à proximité de la Saône, cette frontière naturelle qui séparait l'empire romain-germanique de la Francie, de la via Aggripa qui reliait Lyon à Boulogne et à Trèves, traversée par une voie secondaire qui s'en détachait à Belleville-sur-Saône pour rejoindre la voie principale à Autun, la vallée de la Grosne, "carrefour clunisien", connaîtra pendant plusieurs siècles les grandes migrations et les grands rassemblements de l'Europe de ces temps.(Site de l'Ensam de Cluny)"
Position de Souvigny
Souvigny se place, elle, au carrefour de quatre diocèses, Clermont, Nevers, Bourges et Autun. Mayeul, quatrième abbé de Cluny, y meurt à l'âge vénérable de 84 ans, en 994, alors qu'il se rendait à Saint-Denis. Son culte se développe alors à une vitesse fulgurante comme en atteste en 996, le pélerinage de Hugues Capet sur son tombeau (si l'on en croit la Vita Maioli écrite par Odilon, abbé de Cluny, successeur de Mayeul). En 997 Raoul Glaber note dans ses Historiæ, que Mayeul est, avec Saint Martin de Tours et saint Ulrich d'Augsbourg (premier religieux canonisé par Rome), l’un des saints les plus sollicités lors d'une épidémie du mal des ardents et il ne craint pas d'ajouter que son tombeau attire les foules «de tout l’univers ».
Odilon va lui aussi décéder à Souvigny et il y a tout lieu de penser que cela n'est pas fortuit. Odilon et Mayeul n'ont en effet jamais résidé à Souvigny, ils n'ont jamais cessé de voyager dans toute la chrétienté occidentale, et pourtant ils rejoignent dans le trépas la même cité bourbonnaise. "Nous disposons de deux récits évoquant sa mort, peut-on lire sur le site de la ville. Le premier est une lettre envoyée par les moines de Souvigny à Albert, abbé de Saint-Denis, cette lettre est datée de juin 1049, soit quelques mois après la mort d'Odilon. C’est un texte précis, très réaliste dans les détails montrant l'agonie de l'abbé qui ne peut plus avaler que du vin et du miel dont il vomit la plus grande partie, ses difficultés à chanter, son comportement agité. Le deuxième texte, élaboré par Jotsald élimine soigneusement ces détails : il est destiné à édifier les fidèles, à montrer ce que doit être la mort d'un abbé. Dans cette version, Odilon repousse le diable et chante mieux que jamais. Ce texte doit jouer un rôle dans la propagation des mérites d'Odilon : Cluny entretient des rapports particuliers avec la mort, et la mémoire des morts est soigneusement préservée. A fortiori, la mort de l'abbé se doit d'être un modèle." Il n'est pas anodin de noter que c'est Odilon lui-même qui a institué vers 1030 la fameuse Fête des morts du 2 novembre, au lendemain de la Toussaint.
Mais la date de la mort d'Odilon est également à prendre en considération : il meurt en effet dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 1048. Donc dans la nuit de la Saint-Sylvestre. Nuit apparaissant, comme celle de Noël, selon Philippe Walter "comme deux doublets d'une même fête solsticiale d'origine païenne. Ce sont deux nuits de tous les dangers au cours desquelles peuvent se manifester les puissances tutélaires de l' Autre Monde, autrement dit les revenants. On peut déjà souligner que le nom de Sylvestre a pour étymologie le latin silva "la forêt" et que ce nom est à rapprocher de la grande figure de l'Homme sauvage, personnage clé de la mythologie préchrétienne, figure archétypale du revenant pour les traditions médiévales." (Mythologie chrétienne, Imago, 2005, p. 65).
Or, quelle est l'étymologie de Souvigny ? Rien moins que Silviniacum, qui très clairement dérive de silva.
Le moine clunisien, nouvelle incarnation de l'Homme Sauvage ? C'est bien ce que suggère Adalbéron, évêque de Laon, anti-clunisien notoire...
(A suivre)
01 juin 2007 | Lien permanent | Commentaires (8)
En lisant Jean-Pierre Le Goff (2)
"Dans le jardin de Claire et Jean-Pierre Fontbaustier à Gobert (Vouillon, Indre), les 26 et 27 septembre 1992, sous la coordination de Gérard Laplace, une dizaine de personnes utiliseront des ressources végétales pour mettre en place une installation qu'ils auront conçue. Celle que je propose consistera en l'arrangement, suivant les suggestions du terrain, des oeufs que vous m'aurez confiés, et sur lesquels le nom de l'oiseau élu sera inscrit accompagné de vos initiales." (Jean-Pierre Le Goff, Le Cachet de la Poste, p. 72)
Ceci est la première mention d'une intervention de JPLG dans notre département. D'autres, nombreuses, suivront, ce qui ne saurait nous étonner, sachant (depuis le commentaire de Thierry) que le poète possède une maison à Châteauroux. On voit qu'il a délaissé pour une fois la perle au profit de l'oeuf (le chapitre concerné s'intitule De l'eau à l'air, de l'oeuf à l'oiseau).
Je n'ai jamais parlé ici de Vouillon, bien que son église romane mérite l'attention. L'historien Jean Hubert montra en 1966 que l'édifice actuel faisait suite à une importante tour-porche, appelée aussi galilée ou avant-nef. Ses dimensions en devaient faire le plus vaste prieuré dépendant de l'abbaye de Déols. Mais à l'origine, elle n'est qu'une simple chapelle mentionnée en 938 comme ayant été fondée par des moines bretons. Peut-être les mêmes, selon Gérard Granger, que ceux qui quelques années plus tôt ont fondé l'abbaye Saint-Gildas, près de Déols.
Maintenant, si je reprends ma vieille carte Michelin 68 traversée d'alignements comme un antique portulan, je constate que Vouillon se situe dans le prolongement de l'axe Saint-Valentin - Vatan. Si l'on ajoute qu'il est jalonné également par Le Petit Villiers et le Grand Villiers, on peut s'étonner de cette prolifération de noms en V. Dessin de la lettre évocateur du vol de l'oiseau ("ce n'est pas, écrit JPLG, dans le monde clos de l'oeuf que nous trouverons l'air, c'est en aspirant au vol de l'oiseau qui en sortit que nous l'atteindrons"), ce qui nous incite à tracer l'autre branche du V originée à Vouillon, symétrique par rapport à l'axe méridien, qui n'est lui-même pas anodin puisqu'il vise Saint-Aoustrille en étant tangent au cercle intérieur de la couronne de Ménétréols. Or, cet axe symétrique est pratiquement dans le prolongement de l'axe Bois Saint-Denis - Saint Denis (faubourg d'Issoudun).
L' oiseau élu dont parle JPLG serait-il par hasard un pigeon ? En tout cas, la ligne Vatan-Saint-Valentin-Vouillon rencontre juste après ce village le gros hameau de Boisramier.
Cette envolée vouillonesque m'a inspiré quelques autres pistes nouvelles, mais ce sera tout pour aujourd'hui.
PS : On notera que le Loup, figure qui devait prendre beaucoup d'importance dans les équipées de JPLG, encadre ici en quelque sorte le lieu-dit à Gobert, où les oeufs furent installés, avec La Trace au Loup et la Fosse au Loup, sans parler de ce Croc à Marly, qui ne saurait déparer dans ce portrait.
17 mars 2010 | Lien permanent | Commentaires (5)
Les bien yvres sont de retour
« Sur le monde je porterai le regard clair prêté par l’aigle à Ganymède »
Jean Genet, Journal du voleur
Après un long intermède estival, retour donc avec l'automne sur les terres berrichonnes. Je m'étais arrêté sur la figure de Saint-Georges, figure hautement symbolique de cette géographie sacrée mêlant paganisme et christianisme. Que me reste-t-il à inventorier ? En ai-je fini avec la longue évocation du carré buissé ? Pas tout à fait, me semble-t-il. Il me faut revenir sur le point de départ de l'investigation en signe du Verseau, en appeler encore une fois à Rabelais. La boucle sera alors bouclée et nous pourrons passer au dernier signe de ce circuit zodiacal : les Poissons, qui couvre une des régions les plus fascinantes du Berry, totalement différente des autres territoires naturels qui composent la province, j'ai nommé la Brenne. A vrai dire, je l'ai déjà évoqué brièvement, avec l'étang du Bois-Secret, dont Doumayrou faisait le point central de l'une de ses grandes perspectives symboliques. On essaiera d'aller plus loin.
Souvenons-nous : Verseau convoquait Ganymède, l'échanson des dieux et il était donc question de boire, ce à quoi s'employaient gaiement les compagnons de Grangousier, les "bien yvres". On se souvient que l'accoucheuse de Gargantua est désignée comme étant une vieille de Saint-Genou : ceci me donnant le départ d'une longue enquête sur ce saint qui déboucha sur la découverte du carré buissé. Allons donc maintenant au centre même de ce carré. J'ai déjà dit que le village le plus proche était Buxières d'Aillac, mais il est possible de préciser encore en cherchant le toponyme le plus proche. Or, il semblerait que ce soit l'Entonnoir, entre l'Orme et le Châtaignier, non loin de la queue de l'étang de Brenne. Nous ne quittons pas le motif de la beuverie...
Car le mot même apparaît chez Rabelais, au chapitre V de Gargantua, justement dans "Les propos des bien yvres" :
"-Non moy, pecheur, sans soif, et, si non presente, pour le moins future, la prevenent comme entendez. Je boy pour la soif advenir. Je boy eternellement. Ce m'est eternité de beuverye, et beuverye de eternité.
-Chantons, beuvons, un motet entonnons ! Où est mon entonnoir?
-Quoy! Je ne boy que par procuration !"
On le retrouve aussi au dernier chapitre du Tiers-Livre :
"Ce que ie vous ay dict, est grand & admirable. Mais si vouliez vous hazarder de croire quelque aultre divinité de ce sacre Pantagruelion, ie la vous dirois. Croyez la ou non. Ce m'est tout un, me suffist vous avoir dict verité. Verité vous diray. Mais pour y entrer, car elle est d'accès assez scabreux & difficile, ie vous demande. Si i'avoys en ceste bouteille mis deux cotyles de vin, & une d'eau ensemble bien fort meslez, comment les demesleriez vous? comment les separeriez vous? de manière que vous me rendriez l'eau à part sans le vin, le vin sans l'eau, en mesure pareille que les y auroys mis. Aultrement. Si vos chartiers & nautonniers amenans pour la provision de vos maisons certain nombre de tonneaulx, pippes, & bussars de vin de Grave, d'Orleans, de Beaulne, de Myrevaulx, les avoient buffetez & beuz à demy, le reste emplissans d'eau, comme font les Limosins à belz esclotz, charroyans les vins d'Argenton, & Sangaultier: comment en housteriez vous l'eau entierement? comment les purifieriez vous? I'entends bien, vous me parlez d'un entonnoir de Lierre. Cela est escript. Il est vray & averé par mille experiences. Vous le sçaviez desià. Mais ceulx qui ne l'ont sceu & ne le veirent oncques, ne le croyroient possible. Passons oultre."(C'est moi qui souligne)
Remarquons qu'à la ligne du dessus, sont évoqués les vins d'Argenton et Sangautier (Saint-Gautier), autrement dits des cépages berrichons. Argenton, on le sçait desià, sur le parallèle de Neuvy Saint-Sépulchre, donc sa ligne équinoxiale, séparant Bélier de Poissons ; Saint-Gaultier, un peu en aval sur la Creuse, pratiquement sur le parallèle de l'Entonnoir. N'est-ce pas là aussi grand & admirable ?
22 septembre 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Léonard, le sage-homme
Léonard, nous dit sa Vita, est fils de bonne famille franque, bien introduite à la cour de Clovis. La preuve en est que c'est Clovis lui-même qui parraine le petit Léonard, baptisé par saint Rémi. C'est dire s'il ne manque pas de célébrités à l'aurore de la vie de notre futur ermite. Après d'excellentes études dans l'école du saint rémois, le voilà qui délaisse le monde et opte pour le monastère, en l'occurrence Micy, près d'Orléans1, au confluent de la Loire et du Loiret. Micy, dont il ne reste malheureusement rien aujourd'hui. Là, avec son frère Liphard, il mène une vie pieuse sous l'autorité de saint Maximin, alias saint Mesmin, dont le principal titre de gloire est d'avoir vaincu un dragon à l'haleine pestilentielle qui sévissait depuis une grotte des rives de la Loire. Mais la vie ligérienne est encore trop douce pour Léonard, il traverse le Berry et descend en Limousin, attiré par la promesse de ses forêts profondes. Il remonte la vallée de la Vienne jusqu'à une « montagne » où il fonde son premier ermitage, Pauvain.
Un ermitage mal isolé en réalité : sur l'autre rive, se trouve en effet le château de chasse du roi. Mais la proximité a ses commodités : quand la reine Clotilde manque de mourir en couches, c'est Léonard qui l'en délivre. Le roi manifeste alors sa reconnaissance en lui attribuant la portion de territoire qu'il pourra circonscrire en chevauchant un âne pendant une nuit. Ce sera l'origine de Noblat, ainsi dénommé, on l'aura deviné, de par sa noble origine.
Soucieux par ailleurs d'épargner la corvée d' eau jusqu'à la Vienne à ses deux disciples (curieuse sollicitude de la part d'ermites si prompts d'habitude à s'infliger les épreuves corporelles les plus pénibles...), il fait jaillir par la prière un puits à l'eau intarissable.
Ce saint qui meurt à l'âge canonique de 93 ans, est le premier saint de la Couronne de France, si l'on en croit le R.P. Bernardin, prieur des Carmes Déchaussés de Limoges, en 1673. On ne saurait mieux dire.
La vocation royale de Léonard, manifeste dans sa biographie se lit aussi dans les détails. Si le roi est l'intercesseur entre le ciel et la terre, le monde des dieux et celui des hommes, il est aussi celui qui descend aux enfers. Le puits de Léonard n'est pas de simple bonté, il répond à la montagne de Pauvain. Au centre du cloître des abbayes, le puits est « à lui seul un microcosme ramené à l'essentiel ; de nombreux cultes en attestent le caractère sacré. Il fait communiquer avec le séjour des morts ; l'écho caverneux qui en remonte, les reflets fugitifs de l'eau remuée, épaississent le mystère plus qu'ils ne l'éclaircissent. Considéré de bas en haut, c'est une lunette astronomique géante braquée du fond des entrailles de la terre sur le dôme céleste. Ce complexe réalise une échelle de salut reliant entre eux les trois étages du monde. » (Le Monde des Symboles, Zodiaque, p.152)
C'est du roi de France encore que Léonard reçoit le privilège de délivrer les prisonniers de son choix. Délivrance des prisonniers, délivrance de la femme en couches, cette thématique, nous allons précisément la retrouver en parcourant les terres du secteur zodiacal voisin, Vierge.
Que Léonard avait déjà honorée en nommant l'oratoire de Noblat, Notre-Dame de sous les arbres.
L'arbre qu'on trouve aussi parfois au carrefour des quatre avenues du cloître.
1 Dont on notera en passant qu'il est une anagramme quasi parfaite de Léonard (Léonars).
07 septembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (1)
Le voyage alchimique (1)
Tout part de Cluis, car, de par son nom même (attesté en Closis dans plusieurs actes médiévaux) indiquant la clôture, la cité représente l'instrument de la quête alchimique occidentale : le livre, le traité, dont « la composition complexe, explique René Alleau (art. Alchimie, Encyclopaedia Universalis, I), et, surtout, l'énergie subtile et l'influence spirituelle dont il est chargé en font à la fois un véhicule « hermétiquement clos » et un message substitué magiquement à la présence même du maître. »
Le livre fermé est donc le symbole même de la Matière Première sur laquelle l'alchimiste va travailler. Tous ses efforts ne visent qu'à un seul but : ouvrir ce livre, c'est-à-dire en extraire le principe vital qui y est enfermé, la quintessence, la « substantifique moelle » dont parlait Rabelais. « Les sages, précise Fulcanelli1, ont appelé leur matière Liber, le livre, parce que sa texture cristalline et lamelleuse est formée de feuillets superposés comme les pages d'un livre. » (Les Demeures Philosophales, I, p. 296, Pauvert, 1964). Le célèbre adepte Nicolas Flamel se munit en son voyage allégorique vers Saint-Jacques de Compostelle du mystérieux manuscrit hiéroglyphique d'Abraham le Juif.
Adoptant la même symbolique, de Cluis nous allons nous rendre à Neuvy Saint-Sépulchre, dont nous savons déjà qu'elle était une éminente étape sur le chemin de Saint-Jacques. Pour ce faire, nous emprunterons la route de Châteauroux. Au sortir de Cluis, nous passerons au lieu-dit Ragon, qui dissimule à peine par son aphérèse le Dragon primordial, monstre noir couvert d'écailles et fort malodorant, qui se cache « es cavernes de la terre » et qui n'est qu'une des multiples appelations de cette Matière Première dont le nom vulgaire est soigneusement éludé. La route nous conduira ensuite aux Loges de Bonavois, à la lisière du bois de Bonavois : il nous est simplement confirmé, sans mystère excessif, que nous sommes bien sur la « bonne voie ». Animé de cette certitude, nous pourrons plus aisément traverser la forêt, qui est la représentation naturelle du Labyrinthe symbolisant les épreuves rencontrées par l'Adepte : « Donc, en cette mesme façon, écrit Nicolas Flamel, je me mis en chemin et tant fis que j'arrivais à Montjoye et puis à Saint-Jacques, où, avec une grande dévotion, j'accomplis mon voeu. » Nous retrouvons ici ce terme de Montjoie qui a souvent croisé notre périple zodiacal : « C'est l'indice de l'étape bénie, développe Fulcanelli, longtemps attendue, longtemps espérée, où le livre est enfin ouvert, le mont joyeux à la cime duquel brille l'astre hermétique. La matière a subi une première préparation, le vulgaire vif-argent s'est mué en hydrargyre philosophique, mais nous n'y apprendrons rien de plus. La route suivie est sciemment tenue secrète. » (op.cit. p. 440-441).
Toujours est-il que nous voici parvenus au pied de la rotonde, sur le mur de laquelle court, nous l'avons vu, le serpent fabuleux, le dragon ailé. Hiéroglyphes du principe alchimique primordial, de ce Mercure des Sages (qui n'a bien sûr que peu à voir avec le mercure de la chimie moderne), véritable moteur du Grand Oeuvre, car « il le commence, l'entretient, le perfectionne et l'achève. (...) C'est lui, poursuit Fulcanelli, le cercle mystique dont le soufre, embryon du mercure, marque le point central autour duquel il accomplit sa rotation » (op. cit. II, p. 282)... et dont la rotonde est bien sûr la merveilleuse expresssion architecturale. En alchimie, le sépulcre est d'ailleurs le nom donné à l'Oeuf philosophique, la cornue de verre ou de cristal où s'effectue la conjonction des principes opposés, soufre et mercure, le premier, sec et igné, de nature fixe et mâle, le second, froid et humide, de nature femelle et volatile.
Entrons maintenant dans la rotonde par la magnifique porte Nord.
(A suivre)
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1Le célèbre alchimiste, dont l'identité véritable est encore une énigme, doit certainement son nom à la cabale phonétique Vulcain-Hélios, le Feu du Soleil – Vulcain étant, on le sait, l'équivalent latin d'Héphaïstos.
21 janvier 2006 | Lien permanent | Commentaires (4)
Se l'estoire ne ment
Donnons un dernier exemple montrant l'étroite association symbolique entre saint Léger et Bayart sous l'égide solaire. Léger, comme les fils Aymon, fut très populaire dans les campagnes : son martyr s'apparentait en quelque sorte aux souffrances du cheval et des quatre frères traqués sans relâche par Charlemagne. Dans l'une des chansons de la geste, l'empereur fait suspendre au cou de Bayart une meule de moulin, et du pont de Meuse le fait précipiter dans le fleuve. Le cheval s'enfonce aussitôt dans les flots à la grande douleur des autres chevaliers présents, mais il parvient ensuite à briser la pierre, traverser le fleuve et fuir dans la grande forêt de l'Ardenne. « On a dû jadis, assure Henri Dontenville, d'un côté comme de l'autre du Rhin, éprouver des chevaux sacrés, observer s'ils pouvaient, bien entravés, traverser une rivière, et cette pratique s'alliait, à n'en pas douter, au culte de l'astre solaire ; il devait s'agir de provoquer la renaissance ou le maintien de l'astre en sa puissance. Trois lignes du poème, que nous pouvons citer dès maintenant, glorifient inconsciemment le solstice d'été. Bayart échappe à l'empereur chrétien, erre, sauvage et libre, dans la forêt :
Encor i est Baiars, se l'estoire ne ment,
Et encore l'i oït-on, a feste sainct Jehan
Par toutes les années hanir moult clerement. »
(La France Mythologique, p. 108)
Or, lorsque les troupes protestantes du maréchal d'Aumont, comte de Châteauroux, assiégèrent en vain la ville d' Autun en 1591, du 18 mai au 21 juin, cette délivrance fut attribuée à une mystérieuse apparition de saint Léger, si bien que fut instituée, tous les 21 juin, la fête de l'apparition de saint Léger. Est-il besoin de préciser que le 21 juin est précisément la date du solstice d'été ?
16 août 2005 | Lien permanent
Signum Leonis Signum Arietis
Après ces détours par la Bourgogne et le Poitou, retour sur nos terres de Berry et de Marche, en ce secteur du Lion dominé par la haute présence de Toulx Sainte-Croix. Le « rex animalium », le roi des animaux, y incarne la puissance souveraine et la force noble, la magnificence des étés et le feu rayonnant. « Pleine flamme de vie », déclare l'astrologue André Barbault. Aussi ne faut-il pas s'étonner de rencontrer dans cette zone un Lusignat, à quelques kilomètres au sud de Toulx, et un hameau dit Lusignan, près de Saint-Denis-de-Jouhet, faisant écho tous les deux au Lusignan de Bélier où triomphe le feu initial. Cette résonance entre les deux signes de feu a trouvé sa plus belle expression artistique dans un marbre conservé à Toulouse, au Musée des Augustins :
Deux femmes tiennent dans leurs bras l'une un lion, l'autre un bélier. Signum Leonis Signum Arietis, lit-on de chaque côté des têtes. Cette oeuvre datée du premier quart du XIIème siècle reste énigmatique pour les historiens : « Cette sculpture, dont les étrangetés n'ont pas fini d'intriguer, a fait l'objet de plusieurs interprétations, mais aucune de ses explications n'est satisfaisante. » (Corpus des inscriptions de la France Médiévale, 7, ville de Toulouse, CNRS, Paris, 1982, p. 61) « Le pied nu et le pied chaussé de chacune des deux femmes, lit-on un peu plus loin, constituent une figuration qu'offrent plusieurs bas-reliefs antiques. Cette représentation connue de la parthénogenèse, traduit également une démarche religieuse. Ainsi dans l'Enéide, Didon s'approche des autels un pied dépouillé de ses bandelettes, la robe dénouée, pour prendre à témoin avant de mourir les dieux et les constellations qui sont au courant de son destin. »
Suicide de DidonBibliothèque Nationale de France
Français 60 fol. 148
Paris, XIVe s.
C'est maintenant vers Saint-Denis-de-Jouhet que nous allons diriger nos regards.
21 août 2005 | Lien permanent | Commentaires (7)
De Dolus en Pierre Folle
Je m'aperçois que je vais trop vite en besogne. Avant d'en venir à Déols, attardons-nous un moment sur les deux autres Dolus que nous livrent les moteurs de recherche. Le site de la Société de Mythologie Française nous apprend par exemple qu' aux « deux extrémités de l'île d'Oléron, à Saint-Denis et à Dolus, les restes de deux anciens dolmens constituent les Palets de Gargantua. »
Quant à Dolus-le-Sec, minuscule commune près de Loches, j'en ai retrouvé la trace sur un site traitant des légendes de Touraine. Trois fées auraient bâti en une nuit le grand dolmen de Saint-Antoine-du-Rocher, où elles auraient élu domicile ainsi que « dans les trois cimetières des fées ou pucelles de Neully-le-Brignon, Marcé-sur-Esves et Saint Epain, sans compter la Chambre aux dames de Semblançay, la Pierre Folle de Bueil et la Fontaine de la Pierre Couverte de Dolus. » (C'est moi qui souligne.)
Cette récurrence de mégalithes liée à un légendaire populaire (de type fée ou Gargantua), rencontrée sur chacun des Dolus, me laisse à penser que Déols ne doit pas faire exception à la règle, et qu'à l'origine de la dévotion et du pélerinage en ces lieux doit se trouver une ou plusieurs pierres sacrées. Or, je l'ai dit, rien de tel officiellement à Déols.
Sauf que l'étude de la toponymie proche de Déols nous apporte quelques indices pour le moins troublants. A la sortie du centre-ville actuel, le quartier des Maussants porte trace d'une antique occupation : un temple gallo-romain y a été fouillé en 1990, et le nom même de Maussants dérive, selon S. Gendron, du bas-latin muro-cinctus « ceint de murs », et désignait donc une localité ou un domaine fortifié. On retrouve d'ailleurs le terme à Saint-Marcel, où sur le plateau dit des Mersans sont localisées les fouilles de l'antique Argentomagus, ainsi qu'à Levroux (ça faisait longtemps...), avec le hameau de Maussant où se trouve l'emplacement de l'oppidum des Tours, occupé à partir du 1er siècle av. J.C.
Or, près des Maussants de Déols, que lit-t-on sur la carte IGN ? De l'autre côté du rond-point de la D135, le hameau des Grandes Pierres Folles nous laisse rêver à une hypothétique allée couverte... Sur la même page 197 de son livre sur Les Noms de Lieux de l'Indre, S. Gendron signale encore la Pierre Folle, « à Déols, près des Etollières, Cloux de Pierre Folle 1539 (...) ». Ce lieu-dit est situé sur une étroite éminence entre deux petits affluents de l'Indre.
Tout ceci est pure conjecture, je l'avoue, rien ne subsistant de ces dolmens ou menhirs dont seule la toponymie nous conserve peut-être le souvenir. Mais je tiens tout de même à préciser que c'est seulement après avoir formulé cette hypothèse mégalithique, à partir de l'examen des autres lieux dolus, que je me suis reporté à la carte IGN et ai constaté la présence de ces Pierres Folles - dont on a vu qu'un autre exemple, en Touraine, à Bueil, entrait dans la mythologie populaire.
08 juin 2006 | Lien permanent | Commentaires (2)