Rechercher : saint Denis
En quête de Diou
J'ouvre une parenthèse. Sans me détacher de mon sujet - la géographie sacrée prézodiacale*- je tente une expérience : plutôt que d'attendre de mener une enquête à son terme, je vous propose de me suivre pas à pas dans une investigation donnée. Pas à pas, c'est-à-dire presque au jour le jour, avec les questions qui se posent, les avancées, les reculades, les hypothèses, les outils utilisés, sans la certitude absolue de parvenir à un résultat valable et tangible.
Le sujet envisagé ici est le cas de Diou dans l'Allier, ce village homonyme du Diou berrichon, dont S. Gendron déplorait qu'il soit malheureusement sans mention. Dans une telle situation, j'ai tendance à m'obstiner : puisqu'il n'existe pas de données épigraphiques ou littéraires, allons donc examiner le site lui-même, dans son milieu naturel et historique. Avec l'espoir bien sûr de découvrir des résonances avec notre Diou à nous.
Le recours aux cartes est bien sûr le premier réflexe. Avant même de consulter la carte papier Michelin 69, je ne quitte pas l'écran et consulte en ligne, site du Quid pour la fiche du village et localisation sur carte (Googlemap) :
Me frappent ensuite immédiatement les deux Saint-Denis, placés, dirait-on, de part et d'autre de Diou, à équidistance.
Cela m'intéresse d'autant plus que Diou (Indre) est situé juste en amont de Reuilly, dont l'église Saint-Denis appartenait en propre à l'abbaye de Saint-Denis de France.
Il faut aller y voir de plus près, cette fois avec le papier, la règle et le crayon...
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* J'ai ouvert une nouvelle rubrique sous cette apppelation, car depuis quelque temps déjà il n'y avait pas de sens à identifier sous les signes zodiacaux des constructions débordant souvent largement de cette structure, et de toute façon édifiés bien avant la géographie sacrée zodiacale relative à l'établissement de Neuvy Saint-Sépulchre. Certains articles rejoindront bientôt cette nouvelle rubrique.
07 février 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Dagobert en Brenne
"Le Saltus Brionis, la Brenne actuelle, entra dans l'histoire avec le règne du roi Dagobert qui aimait, selon la tradition, venir y chasser. Maintes fermes se vantent de l'avoir reçu à souper ou de l'avoir hébergé, et il a noyé ses chiens dans on ne sait combien d'étangs... "Il n'est si bonne compagnie qui ne se quitte", aurait-il même dit en précipitant dans la Claise sa meute atteinte de la gale."
Chantal de La Véronne (La Brenne, histoire et traditions, p. 21)
A vrai dire, je n'ai pas trouvé ailleurs cette anecdote. Sur le net, la fameuse phrase est bien attribuée à Dagobert, mais il l'aurait prononcé à ses chiens au moment de mourir, le 19 janvier 639, à l'âge de trente-six ans, atteint par la colique.
L'historienne attribue à Dagobert, "mérovingien pieux", la fondation des deux abbayes brennouses de Méobecq et de saint-Cyran. "Assurément, écrit-elle, leur charte de fondation qui date du XIe siècle, est apocryphe, mais peut-être nous a-t-elle transmis la réalité historique." Bel acte de foi... Pourtant même un Mgr Jean Villepelet, homme pieux s'il en était, a observé qu'il s'agissait là d'une fabulation : examinant pour établir la biographie de saint Cyran les Vies de celui-ci, il précise que les Bréviaires de 1734 et de 1863 se sont inspirés très directement de ces documents, mais que celui de 1917 élude" toutefois certains détails reconnus aujourd'hui apocryphes : c'est ainsi qu'il n'attribue plus à Dagobert la donation de la terre de Méobecq pour y établir une abbaye, contrairement à ce qu'on avait cru pendant des siècles, sur le témoignage d'une prétendue charte de fondation, conservée aux Archives de l'Indre, et signée par Dagobert lui-même : or il est reconnu que cette charte est l'oeuvre d'un faussaire, rédigée seulement au XIe siècle (...)" (Les Saints Berrichons, Tardy, p. 203)
Dagobert Ier chassant le cerf. Vie de saint Denis, XIIIème siècle, Paris.
Bibliothèque Nationale de France.
La réalité historique, n'en parlons donc pas. Ce qui est plus intéressant c'est de se demander pourquoi on a voulu placer l'abbaye sous l'égide de Dagobert. Ce n'est pas la première fois. On prête beaucoup à Dagobert, ainsi lui a-t-on dévolu un rôle éminent dans l'histoire de la basilique de Saint-Denis. Mais Anne Lombard-Jourdan rappelle que la critique a ruiné cette tradition :
"Frédégaire (Chronica, IV, 79) nous apprend seulement comment ce roi, qui, en 638, était tombé malade de la dysenterie à Epinay-sur-Seine, fut porté par les siens à Saint-Denis dans un état alarmant, comment il y mourut et y fut enterré quelques jours plus tard dans la basilique que "lui-même avait le premier orné dignement d'or et de pierres précieuses." (...) Sa prétendue volonté d'être enterré à Saint-Denis - dont ne parle pas Frédégaire - ne se trouve que dans huit diplômes manifestement faux et dans les Gesta Dagoberti. C'est donc sur l'initiative de son entourage que, malade, il fut porté depuis Epinay à l'abbaye, où il mourut (...).
Ainsi s'effondre, à l'examen attentif des textes, une part importante du rôle attribué à Dagobert : il ne découvrit pas les corps saints ; il ne fit pas construire une nouvelle église pour les abriter ; s'il fut inhumé dans celle qu'il contribua à décorer, ce ne fut pas de par sa volonté expresse ; il ne fonda pas la communauté monastique ; il ne créa pas non plus la foire de Saint-Denis (faux de 629). Il n'en reste pas moins qu'il fut le premier roi grand bienfaiteur de la basilique de Saint-Denis à Catulliacus, qu'il combla de richesses et de domaines." (Montjoie et saint Denis, Presses du CNRS, 1989, pp. 179-180)
Deux personnages de la chronique du pseudo-Frédégaire (VIIIème siècle).
Paris, Bibliothèque Nationale de France.
Encore une fois nous croisons l'histoire de l'abbaye royale de saint-Denis. Ici, dans une même propension, une même rage d'attribution d'un monument religieux à un même personnage illustre. Mais pourquoi, encore une fois, en appeler à ce souverain mérovingien qui n'a régné au bout du compte que dix ans seulement ? Y aurait-il un rapport à cette sacralité spécifique aux descendants de Mérovée, incarnée dans la chevelure ? Un détail de l'histoire de la consécration de l'église abbatiale de Méobecq, le 3 septembre 1048, qui n'avait pas retenu mon attention jusque là, prend soudainement un sens nouveau à la lumière de ce que l'on sait désormais sur les reges criniti : reconstruite en pierre et dédiée à saint Pierre sous la présidence de l'archevêque de Bourges, l'église s'honore de reliques du saint patron que Sigirannus, le futur saint Cyran, aurait rapportées de Rome : "il s'agissait, écrit C. de la Véronne, de son rasoir, de ses ciseaux, de son couteau, de son autel portatif, enfin de quelques poils de sa barbe et de quelques-uns de ses cheveux..." (op. cit. p. 21)
26 février 2009 | Lien permanent
Signum Leonis Signum Arietis
Après ces détours par la Bourgogne et le Poitou, retour sur nos terres de Berry et de Marche, en ce secteur du Lion dominé par la haute présence de Toulx Sainte-Croix. Le « rex animalium », le roi des animaux, y incarne la puissance souveraine et la force noble, la magnificence des étés et le feu rayonnant. « Pleine flamme de vie », déclare l'astrologue André Barbault. Aussi ne faut-il pas s'étonner de rencontrer dans cette zone un Lusignat, à quelques kilomètres au sud de Toulx, et un hameau dit Lusignan, près de Saint-Denis-de-Jouhet, faisant écho tous les deux au Lusignan de Bélier où triomphe le feu initial. Cette résonance entre les deux signes de feu a trouvé sa plus belle expression artistique dans un marbre conservé à Toulouse, au Musée des Augustins :
Deux femmes tiennent dans leurs bras l'une un lion, l'autre un bélier. Signum Leonis Signum Arietis, lit-on de chaque côté des têtes. Cette oeuvre datée du premier quart du XIIème siècle reste énigmatique pour les historiens : « Cette sculpture, dont les étrangetés n'ont pas fini d'intriguer, a fait l'objet de plusieurs interprétations, mais aucune de ses explications n'est satisfaisante. » (Corpus des inscriptions de la France Médiévale, 7, ville de Toulouse, CNRS, Paris, 1982, p. 61) « Le pied nu et le pied chaussé de chacune des deux femmes, lit-on un peu plus loin, constituent une figuration qu'offrent plusieurs bas-reliefs antiques. Cette représentation connue de la parthénogenèse, traduit également une démarche religieuse. Ainsi dans l'Enéide, Didon s'approche des autels un pied dépouillé de ses bandelettes, la robe dénouée, pour prendre à témoin avant de mourir les dieux et les constellations qui sont au courant de son destin. »
Suicide de DidonBibliothèque Nationale de France
Français 60 fol. 148
Paris, XIVe s.
C'est maintenant vers Saint-Denis-de-Jouhet que nous allons diriger nos regards.
21 août 2005 | Lien permanent | Commentaires (7)
Reliques et géographie sacrée
Le Précieux-Sang de Neuvy, envoyé en 1257, par le cardinal Eudes n'est pas, loin de là, la seule relique auquel ce dernier eut affaire. On a dit déjà qu'il avait consacré la Sainte-Chapelle de Paris en 1248. Or, cet édifice avait été spécialement construit pour accueillir un fragment de la Vraie Croix et la Sainte Couronne d'épines du Christ, relique achetée pour la somme faramineuse de 135 000 livres. Le 26 avril, la chapelle haute est donc dédiée à la Sainte Couronne et à la Sainte Croix par Eudes de Châteauroux, alors légat du pape, tandis que la chapelle basse l'est à la Vierge par Pierre Berruyer, archevêque de Bourges. Les berrichons sont donc omniprésents lors de cet événement considérable pour l'époque, que j'ai par ailleurs déjà évoqué dans une note de septembre 2005.
La même année 1248, le 12 juin, Saint-Louis se saisit de l'oriflamme capétien en la basilique de Saint-Denis et part en Croisade accompagné de sa femme, Marguerite de Provence. Le cardinal Eudes, on l'a vu, est aussi du voyage.
De retour de croisade, Eudes, ayant selon ses dires rapporté des reliques christiques de Jérusalem, a donc l'idée de les expédier à Neuvy. Cela donne en passant la mesure de l'importance de ce sanctuaire. A la Sainte-Chapelle, édifiée au centre de Paris dans l'Ile de la Cité, fait en quelque sorte écho la basilique neuvicienne, centre de la géographie sacrée du Berry. Saint-Louis est alors revenu de captivité, cette translation de reliques ne peut qu'avoir reçu son approbation.
Le pape Innocent IV qui avait nommé Eudes de Châteauroux cardinal de Tusculum avait d'ailleurs, en 1244, encouragé Saint-Louis dans ses projets de croisade, mais, semble-t-il, s'en est peu soucié par la suite. Homme paraît-il savant et intelligent, il n'en autorise pas moins, en 1252, les autorités civiles à utiliser la torture contre les hérétiques avec la bulle Ad extirpandam.
Innocent IV et Louis IX à Cluny, enluminure
Il est cité assez longuement, sur cette épineuse question de la foi, dans l'excellente étude d'Aviad Kleinberg, Histoires de saints, Leur rôle dans la formation de l'Occident (Gallimard, 2005). Ce passage important à plusieurs titres fera l'objet de la prochaine note.
(J'abandonne la piste du saint Voult, qui ne me semble plus justifiée, la semblable origine italienne des reliques (Lucques, Viterbe) n'est sans doute pas un indice suffisant pour envisager une filiation).
02 février 2007 | Lien permanent | Commentaires (3)
Le méridien de Lourdoueix
Examinons aujourd'hui le méridien de Lourdoueix Saint-Pierre. Dans sa partie sud, il s'enfonce dans la Marche, d'où est originaire le saint Pardoux vénéré à la fontaine de Lourouer Saint-Laurent. Après avoir traversé le Bourg d'Hem, qui relevait de Déols, l'axe atteint Saint-Sulpice-le-Guérétois et Saint-Eloi avant d'aboutir sur une chapelle placée sur une éminence et précisément nommée chapelle Saint-Pardoux. Nous retrouvons donc trois saints rencontrés lors de l'exploration des signes de la Vierge et de la Balance. Remarquons incidemment que les trois communes creusoises dédiées à saint Sulpice, archevêque de Bourges et grand ami de saint Eloi, sont alignées avec une extrême précision (il s'agit de Saint-Sulpice-le-Dunois, Saint-Sulpice-le-Guérétois et Saint-Sulpice-des-Champs).
Le village de Sardent, d'où le saint est originaire, n'est qu'à quelques centaines de mètres, à l'est de la chapelle Saint-Pardoux. « La vie de saint Pardoux, est-il écrit sur le site du diocèse de Poitiers, semble fortement teintée de légende. Dit natif de la Creuse en 617 (plus probablement vers 658), il aurait d'abord vécu, aveugle et ermite, dans une grotte et aurait attendu l'âge de... 103 ans pour fonder le monastère bénédictin de Garactum (Guéret). Contre les Sarrasins, il l'aurait défendu par sa seule prière, alors que tous ses moines avaient pris la fuite. Frappés de cécité, les envahisseurs auraient recouvré la vue après une aspersion d'eau bénite et auraient passé leur chemin en épargnant la ville. Après sa mort en 737 ou 738, les reliques de saint Pardoux auraient été transportées au prieuré d'Arnac. II est fêté le 6 octobre."
Il est à noter que l'aspersion d'eau bénite, commune à Mosnay et Lourouer, se retrouve dans la Vita même du saint. Selon l'historienne Martine Larigauderie Beijeaud, spécialiste des Grandmontains, Pardoux apparaît « à la fois comme un saint guérisseur et un saint protecteur. Son rôle lui vient de son métier. Il rappelle les miracles accomplis durant sa vie. Il agit en outre en tant que relais de culte des fontaines et peut-être même des pierres. »
Bras-reliquaire de saint Pardoux
2e tiers XIIIe siècle
Guéret, musée des Beaux-Arts
Provient de l'église de Sardent.
Ayant repéré sur les cartes un Saint-Pardoux-les-Cards, je me suis demandé s'il n'existait pas un alignement des Saint-Pardoux, analogue à celui des Saint-Sulpice. Je traçai donc la ligne unissant les deux sites déjà reconnus et, effectivement, je constatai qu'elle rejoignait un troisième Saint-Pardoux, dit le Pauvre, proche d'Evaux-les-Bains. Mais ce n'était pas tout : la ligne désignait vers le sud-ouest, Saint-Goussaud, « à tous les sens du mot, selon Gilles Rossignol, un haut-lieu de la Creuse ». Le village doit son nom à un autre ermite, Gonsalvus, qui vécut là au VIIème siècle, à la même époque donc que Pardoux. Or, on retrouve ces deux saints typiquement marchois associés dans l'histoire de Lourouer Saint-Laurent, avec une quittance de 1681 payant le règlement « de trois figures : Saint-Pardou, Saint Goussaud, Saint Laurent. » (J.L. Desplaces, op. cit. p. 69).
En suivant maintenant l'alignement vers l'est, c'est au village de Montjoie, dans les collines de Combrailles, que l'on aboutit, sur la rive de la Bouble, en amont de Saint-Eloy-les-Mines. J'ai déjà évoqué par ailleurs le rôle de ces Montjoies, qu' Alphonse Dupront décrit comme le « lieu de la découverte illuminante du sens » : « Découverte d'être ainsi neuf et donc joie : quasi au terme du chemin, sur les grandes routes de pélerinage, existent encore, ici et là, des Montjoies. Raccourci empoignant, le mot, dans sa nudité d'éclat, alors que la passion de la route s'achève, d'une route vécue, corps entier et souffrant, dans une maîtrise inlassée d'âme à mettre un pied l'un devant l'autre, parfois dans une tenaillante angoisse de l'indéfini, voire de l'impossible. A la Montjoie, tout se délivre du vécu du pélerinage. » (Du Sacré, Gallimard, 1987, p. 49).
Montjoie aussi probablement, ce signal de Montjouer, ou Puy de Jouer, culminant à 697 mètres au-dessus de Saint-Goussaud. L'antique Praetorium, cité par la table de Peutinger, comme station sur la route de Saintes à Sens, se situerait en ce lieu.
Il n'est sans doute pas fortuit que le méridien de Lourdoueix passe au nord par le hameau du Petit Jouhet, sur la commune de Saint-Denis-de-Jouhet.
Un autre alignement de Saint-Pardoux suit strictement le parallèle de la chapelle : du côté occidental, il est jalonné par Saint-Sulpice-Laurière et rejoint Saint-Pardoux, près du lac du même nom ; du côté oriental, il désigne, via Mainsat, le village de Saint-Pardoux, situé comme Saint-Eloy-les-Mines sur la route de Clermont-Ferrand, non loin par ailleurs du bourg d'Ebreuil, où les moines de Saint-Maixent vinrent trouver refuge contre les Normands, en 898, avec dans leurs bagages les reliques de saint Léger.
Nous retrouvons ce saint bien connu au village de Saint-Goussaud, où l'on accède par le col de Laléger, mais aussi en poursuivant la remontée du méridien, juste au-dessus du triangle de l'eau, à Lys Saint-Georges, sur une colline dominant le Gourdon. L'église du village lui est dédiée.
Enfin, si nous nous permettons un petit retour sur le mythe de Déméter, nous apprenons que « c'est en cueillant un lis (ou un narcisse) que Perséphone fut entraînée par Hadès, épris d'elle, dans une ouverture soudaine du sol, jusqu'en son royaume souterrain ; le lis pourrait à ce titre symboliser la tentation ou la porte des Enfers. « (Dict. des Symboles, art. Lis, p. 577).
27 octobre 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)
En lisant Jean-Pierre Le Goff (1)
J'aime que des inconnus me suggèrent une piste à explorer. C'est ainsi qu'un certain Thierry, dans un récent commentaire, m'aiguillait sur l'oeuvre de Jean-Pierre Le Goff. Une amie, Fernande B. pour en pas la citer, alias Isidore Bonaventure, m'avait parlé de lui lors d'un vernissage à Equinoxe, mais je n'avais pas cherché alors à en savoir plus. Le rappel de Thierry me persuada de le faire, et c'est ainsi que je me mis en quête dans cette même médiathèque d'Equinoxe de quelque volume legoffien. Or, elle n'en regorge pas. "Le cachet de la poste", seul opus disponible, n'était plus en rayonnage et je dus en demander le retrait au magasin.
Bonne surprise : le livre avait été édité dans cette belle collection de L'arbalète chez Gallimard, dont je possède quelques précieux exemplaires (Jacques Darras et Jacques Rebotier). C'est d'ailleurs à croire que la maison est sous la coupe d'une confrérie de Jacques puisque c'est un autre Jacques (Réda) qui préface le livre de Jean-Pierre Le Goff. Je ne tardai pas à me jeter dans sa lecture. J'appris bientôt que la principale activité de l'auteur consistait à enfiler des perles. Mais pas n'importe comment, pas n'importe où et pas n'importe quand. Bref, c'est plein d'humour mais n'était-ce pas un peu gratuit ?
Et puis seconde surprise, de taille : dans la feuille volante (c'est ainsi que JPLG baptise ses petits textes qui furent autant d'envois postaux) intitulée La voie des céphalophores, où il évoque saint Denis et la ligne Amiens-Saint-Denis-Bourges relevée par Henri Dontenville, voici qu'il évoque celui-là même sans qui ce blog n'eût point existé :
"Guy-René Doumayrou me fit remarquer que cette ligne se confondait avec celle que je traçais sur la carte de France, lors d'une recherche précédente, pour figurer le fil d'un gigantesque fil à plomb."
Doumayrou, auteur introuvable, si peu cité par mes contemporains, apparaissant soudain comme un interlocuteur de JPLG : je n'en revenais pas. (A suivre)
11 mars 2010 | Lien permanent | Commentaires (2)
Vita Martini (3) : Le cilice et la cendre
Devenu célèbre à la suite de la résurrection supposée d'un catéchumène, Martin est ordonné évêque de Tours le dimanche 4 juillet 371, contre son gré et "contre l'avis de certains assistants qui trouvent que ce moine a l'air trop misérable" (Encyclopaedia Universalis). Il ne renonce d'ailleurs pas au mode de vie monacal : il fonde en face de Tours, de l'autre côté de la Loire, le monastère de Marmoutier.
Sur l'importance de la place de Saint-Martin de Tours, une étude fort pointue d'Hélène Noizet nous apporte des éléments de réflexion tout à fait intéressants. Deux moments différents sont analysés : au IXe siècle tout d'abord, alors que l’Austrasie constitue le coeur de l’empire carolingien, avec les établissements monastiques d’Andenne, Echternach, Nivelles ou Stavelot comme principaux points d’appui du pouvoir. "À la périphérie immédiate de ce centre carolingien, se trouve Saint-Martin de Tours (...). À cette époque, Saint-Martin est une institution ecclésiastique incluse dans une Cité épiscopale (...). Dans cette région, Saint-Martin n’est pas le seul soutien du pouvoir: Saint-Denis forme un autre point fort du système politico-ecclésiastique carolingien. Les deux institutions sont souvent associées dans l’esprit du souverain et bénéficient de privilèges similaires, qu’il s’agisse d’immunité ou de possessions de biens."
©Hélène Noizet
Nous avons déjà pu établir, en ce qui concerne Saint-Denis, son implication dans la géographie sacrée du Berry. Nous voyons bien maintenant que la même chose est notable en ce qui concerne Saint-Martin de Tours. La géographie sacrée ne doit certainement pas être considérée comme un aimable divertissement et une simple ornementation dans le paysage mental des élites du Moyen Age, mais bien plutôt comme une donnée structurante étroitement liée aux processus historiques et aux enjeux de pouvoir qui les traversent.
Ceci peut encore être observé au XIIème siècle, deuxième moment étudié par Hélène Noizet, où "l’espace politique capétien dispose d’une seule capitale, Paris, et d’un sanctuaire royal singulièrement privilégié, Saint-Denis. (...) L’enclave royale de Saint-Martin constitue un point d’appui essentiel pour le roi, qui exploite au maximum les ressources de cette situation stratégique (...)" Plus haut, l'historienne rappelait qu'"à partir de 866, les abbés laïcs de Saint-Martin appartiennent systématiquement au lignage des Robertiens, les ancêtres des Capétiens, qui ont succédé aux Carolingiens à la direction du Regnum Francorum en 987. Saint-Martin acquiert ainsi une nouvelle dimension stratégique aux yeux du souverain, surtout dans ses relations conflictuelles avec les grands seigneurs que sont les comtes de Blois et d’Anjou. Ces derniers ont alternativement dominé le pagus de la Touraine (ressort comtal), mais les Capétiens sont finalement devenus les maîtres de cette région au tournant des XIIe et XIIIesiècles: les victoires de Philippe Auguste sur les comtes d’Anjou Plantagenêt, qui étaient aussi rois d’Angleterre depuis 1154, sanctionnent cette intégration définitive de la Touraine dans le domaine royal capétien. À cette échelle suprarégionale, Tours constitue donc un pion essentiel sur l’échiquier des relations entre Capétiens et Plantagenêts."
Partant, il n'est guère étonnant de retrouver nos clunisiens dans cette histoire : c'est en effet Mayeul lui-même, saint Mayeul, abbé de Cluny, qui installe ses moines à Marmoutier en 982 à la place des chanoines accusés de désordre. La vie même de Mayeul, telle que rapportée par son successeur Odilon, ne manque pas de références remarquables : c'est bien en se rendant à Saint-Denis que Mayeul trépasse à Souvigny, et c'est là, sur son tombeau, que le roi de France Hugues Capet (dont le nom même renvoie à la cape de Martin) se rend en 996, en compagnie de Bouchard, Comte de Vendôme, et de Renaud évêque de Paris. Et je rappelle une nouvelle fois qu'en 997 Raoul Glaber note dans ses Historiæ que lors de l’épidémie du mal des ardents, Mayeul est, avec Saint Martin de Tours, l’un des saints les plus sollicités et que son tombeau attire les foules «de tout l’univers ». La similitude avec saint Martin est poussée jusqu'à l'imitation des miracles : de même que Martin a connu la gloire grâce à la résurrection d'un catéchumène, saint Mayeul ressuscite un enfant. Odilon lui-même perpétuera cette assimilation en choisissant de mourir comme Martin sur un cilice : « Il passait les nuits en prières et en veilles, forçant ses membres épuisés à servir son âme, couché sur son beau lit de cendres et couvert d'un cilice…Ses disciples le priant de permettre que l'on glissât au moins sous lui de grossières couvertures ». « Il ne convient pas, dit-il, qu'un chrétien meure autrement que sur la cendre. Moi, si je vous laissais un autre exemple, j'aurais péché. » Et cet exemple fut suivi par les abbés de Cluny qui succédèrent à Odilon.
"L'abbaye Saint-Martin de Tours fut durant la première moitié du IXe siècle un centre éditorial de première importance. On a recensé pas moins de 45 bibles qui paraissent provenir de ce scriptorium réputé. Ce sont en général d'énormes bibles de format monumental et de plus de 400 feuillets, qui contiennent le texte complet de la bible. Elles étaient destinées à l'empereur, aux grands princes de la famille carolingienne, aux évêques, ou à d'autres abbayes. Copiée pour un des gendres de Charlemagne, le comte Rorigon, cette bible offre un remarquable exemple du nouveau type d'écriture qu'était la minuscule caroline."
Profitons-en pour revenir sur cette création déjà évoquée de la Commémoration des Morts ou Jour des Trépassés par ce même Odilon à la date du 2 novembre. Philippe Walter écrit qu'"il ne faisait qu'adapter au christianisme une vieille coutume celtique qui voulait qu'à cette époque de l'année les âmes étaient engagées dans leur migration funéraire. En plaçant ce jour-là la fête des défunts, on détournait vers le culte chrétien les antiques croyances de la nuit de Samain et on les rendait inoffensives parce qu'elles étaient simultanément rattachées à une autre vision de l'au-delà qui offrait l'espérance d'un paradis à côté de la menace de l'Enfer." (Mythologie chrétienne, p.44-45) Samain, fixée au 1er novembre, était la grande fête inscrite au calendrier irlandais où le passage était possible avec le Sid, l'Autre Monde. Elle se perpétue en quelque sorte avec Halloween.
On constate donc que l'effort clunisien d'assimilation des rituels païens reprend celui qui fut mené par Martin en son temps, à partir du IVème siècle. Encore faut-il soupçonner qu'à travers la seule figure de Martin, se dissimule en filigrane une société de clercs soucieuse d'imposer sa religion. Aviad Kleinberg (Histoires de saints, Gallimard, 2005, p.235) écrit que le biographe de Martin, Sulpice Sévère, "essaie d'adapter le modèle oriental de la Vie d'Antoine d'Athanase au public occidental." La nécessité où se trouvent les clunisiens de poursuivre l'entreprise d'assimilation montre bien qu'un demi-millénaire n'avait pas suffi pour entamer substantiellement le crédit des pratiques paganistes. La coupure est encore vive entre ces pratiques et la religion cultivée : seul le culte des saints, avec son mélange d'éléments païens et chrétiens, représente une forme d'expression populaire du christianisme. "Les villageois, explique Kleinberg (p. 232), qui représentent le plus grand nombre, adoptent les structures et les symboles chrétiens : le temps linéaire en même temps que le temps cyclique, la personnalisation des forces de la nature, un dieu devenu homme, un sauveur qui souffre comme un homme, un cosmos moral dans la partie invisible duquel perdurent des principes rigides de salaire et de châtiment. Par ailleurs, ils continuent de croire en une topographie sacrée (de montagnes, de grottes et de sources) dont le lien avec le christianisme est faible, ainsi qu'en des forces moralement neutres dominant la nature, la fécondité et la vie quotidienne.(C'est moi qui souligne)"
Le récit de la mort de Martin que nous verrons au prochain épisode est une belle illustration de la prégnance de cette topographie sacrée.
20 juin 2007 | Lien permanent | Commentaires (2)
Le livre blanc et la Montjoie
"Correspondances secrètes, formes invisibles, rapports souterrains : la carte devait révéler tout un monde obscurément pressenti, le projeter sur l'espace terrestre et l'ouvrir à la déambulation. Mais rien n'est apparu : sur les innombrables écrans qui couvrent les murs de mon réduit, il n'y a qu'un interminable défilé de listes de noms, de lieux, de latitudes, d'identités, de signes particuliers, de montants, de dimensions, d'horaires, de cotations et de messages, tout cela à la suite, sans ordre ni signification, comme un long et sinueux ruban de déchets continuellement déposés par les vagues."
Philippe Vasset, Carte muette, Fayard, 2004, p. 9
Premières lignes d'un roman atypique que je découvris lors de sa sortie en 2004. Personne ne me l'avait recommandé et d'ailleurs personne ne m'en a parlé depuis. Le détail s'est estompé bien sûr, mais il me reste de Carte muette le souvenir d'une fantastique divagation sur les réseaux, une intrigue obscure sur les territoires de l'internet, une obsession des cartes, ce en quoi je ne pouvais que me reconnaitre et être happé par le dispositif de voix plurielles mis en place par l'auteur.
Il n'était pas question de géographie sacrée ; le roman était résolument inscrit dans notre modernité, voire même dans une anticipation sensible de celle-ci, mais ce qui est au coeur de la recherche en géographie sacrée s'y laissait appréhender : la prise de repères par l'homme dans son milieu, le tissage par ses soins d'une toile où chaque élément vient résonner avec les autres.
C'est donc sans hésitation aucune que j'ai emprunté la semaine dernière à la médiathèque le dernier livre de Philippe Vasset, Un livre blanc, paru en 2007. Le thème de la carte est là encore central - le sous-titre aussi en témoigne : Récit avec cartes - puisqu'il est à l'origine même du projet qui a donné naissance à l'ouvrage. L'auteur fait simplement remarquer que les cartographes laissent parfois certaines zones vierges : "Qu'y a-t-il dans ces lieux théoriquement vides ? Quels phénomènes ont été jugés trop complexes pour être représentés sur une carte ? Pourquoi ces occultations suspectes ? Autant de questions nécessitant un examen approfondi. Pendant un an, j’ai donc entrepris d’explorer la cinquantaine de zones blanches figurant sur la carte n°2314 OT de l’Institut géographique national, qui couvre Paris et sa banlieue. Au cours de cette quête, j’espérais, comme les héros de mes livres d’enfant, mettre au jour le double fond qui manquait à mon monde. (p. 10)
Parti en quête de ces espaces vacants, Vasset va le plus souvent rencontrer la misère et la violence. Mais je ne veux pas ici chroniquer en détail cette exploration (d'autres l'ont fait avec pertinence).
Je veux seulement dire ma surprise d'avoir découvert à la page 75 une carte comportant la Plaine Saint-Denis et la Montjoie :
qui m'avait conduit à mettre en évidence une dualité des Denis.
"Un site en particulier a excité mon imagination : en arpentant, sur la Plaine Saint-Denis, un vaste rectangle que la carte présente comme vierge, mais qui a été comblé par le centre de bureaux Plaine Espace et le siège social de Poelger CEIM (éclairage, génie climatique, distribution et transport d'énergie, appareillage domestique et industriel, sécurité des communications, outillage et mesure, câblage), je suis tombé, au croisement des rues Saint-Gobain et Fillette, sur un rassemblement de voitures de toutes marques et de toutes nationalités sur lesquelles s'affairaient des mécaniciens en bleu de travail."
Un site web poursuit et prolonge l'aventure du livre : il s'ouvre sur une carte où apparaissent certaines des zones blanches arpentées par l'auteur. Celle de la plaine Saint-Denis y figure, avec en regard des photographies et un texte où la Montjoie est nommément citée (comme zone industrielle...) :
L'image du chantier archéologique qui surgit là me laisse rêveur : cette coïncidence entre le récit de Philippe Vasset et ma propre investigation ne suggère-t-elle pas d'autres modes de passage entre l'hier et l'aujourd'hui ?
Le sacré ne se dissimulerait-il pas in fine dans ces zones blanches, dans ces territoires abandonnés aux déchets ? Nous dont le regard se porte plus volontiers sur les vestiges avérés du passé, sur les constructions encore imposantes des siècles révolus, cathédrales, forteresses, abbayes, collines inspirées, ne devons-nous pas également nous porter vers ces lieux déshérités que l'urbain le plus brutal semble avoir cruellement scarifiés ? Souvenons-nous que le sacré a à voir avec la souillure, qu'Apollon tuant le Python delphique est contraint de se retirer dans le val de Tempé pour se laver de ce meurtre. Nous retrouvons là une thématique abordée dès l'aube de cette recherche, où la ville de Poitiers, située sur l'axe équinoxial de Neuvy Saint-Sépulchre, se présentait en sa devise comme "Sainte, sale et savante".
28 mars 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Cluny, Mayeul et Odilon
Première fille aînée de Cluny, Souvigny entre dans l'histoire peu après sa génitrice. Si le 11 septembre 910, le duc d'Aquitaine Guillaume Ier, dit «le Pieux», cède sa "villa de Cluni et toutes possessions attenantes: villages et chapelles, serfs des deux sexes, vignes et champs, prés et forêts, eaux courantes et fariniers, terres cultivées et incultes", à charge pour Bernon, abbé de Baume et de Gigny en Jura et co-signataire, d'y fonder un monastère, le même Bernon reçoit en 915 de Aymard, ancêtre des Bourbons, une villa à Souvigny où il ne tarde pas à établir des moines. Ce nouveau monastère allait être le noyau autour duquel les descendants d'Aymard allaient développer la principauté du Bourbonnais, entre Auvergne, Berry et Bourgogne.
La situation géographique de Cluny et de Souvigny ne doit rien au hasard, les deux abbayes se situant délibérément dans des zones limitrophes : "Située sur la ligne de partage du droit coutumier germanique et du droit écrit romain, de la langue d'oïl et de la langue d'oc, à proximité de la Saône, cette frontière naturelle qui séparait l'empire romain-germanique de la Francie, de la via Aggripa qui reliait Lyon à Boulogne et à Trèves, traversée par une voie secondaire qui s'en détachait à Belleville-sur-Saône pour rejoindre la voie principale à Autun, la vallée de la Grosne, "carrefour clunisien", connaîtra pendant plusieurs siècles les grandes migrations et les grands rassemblements de l'Europe de ces temps.(Site de l'Ensam de Cluny)"
Position de Souvigny
Souvigny se place, elle, au carrefour de quatre diocèses, Clermont, Nevers, Bourges et Autun. Mayeul, quatrième abbé de Cluny, y meurt à l'âge vénérable de 84 ans, en 994, alors qu'il se rendait à Saint-Denis. Son culte se développe alors à une vitesse fulgurante comme en atteste en 996, le pélerinage de Hugues Capet sur son tombeau (si l'on en croit la Vita Maioli écrite par Odilon, abbé de Cluny, successeur de Mayeul). En 997 Raoul Glaber note dans ses Historiæ, que Mayeul est, avec Saint Martin de Tours et saint Ulrich d'Augsbourg (premier religieux canonisé par Rome), l’un des saints les plus sollicités lors d'une épidémie du mal des ardents et il ne craint pas d'ajouter que son tombeau attire les foules «de tout l’univers ».
Odilon va lui aussi décéder à Souvigny et il y a tout lieu de penser que cela n'est pas fortuit. Odilon et Mayeul n'ont en effet jamais résidé à Souvigny, ils n'ont jamais cessé de voyager dans toute la chrétienté occidentale, et pourtant ils rejoignent dans le trépas la même cité bourbonnaise. "Nous disposons de deux récits évoquant sa mort, peut-on lire sur le site de la ville. Le premier est une lettre envoyée par les moines de Souvigny à Albert, abbé de Saint-Denis, cette lettre est datée de juin 1049, soit quelques mois après la mort d'Odilon. C’est un texte précis, très réaliste dans les détails montrant l'agonie de l'abbé qui ne peut plus avaler que du vin et du miel dont il vomit la plus grande partie, ses difficultés à chanter, son comportement agité. Le deuxième texte, élaboré par Jotsald élimine soigneusement ces détails : il est destiné à édifier les fidèles, à montrer ce que doit être la mort d'un abbé. Dans cette version, Odilon repousse le diable et chante mieux que jamais. Ce texte doit jouer un rôle dans la propagation des mérites d'Odilon : Cluny entretient des rapports particuliers avec la mort, et la mémoire des morts est soigneusement préservée. A fortiori, la mort de l'abbé se doit d'être un modèle." Il n'est pas anodin de noter que c'est Odilon lui-même qui a institué vers 1030 la fameuse Fête des morts du 2 novembre, au lendemain de la Toussaint.
Mais la date de la mort d'Odilon est également à prendre en considération : il meurt en effet dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 1048. Donc dans la nuit de la Saint-Sylvestre. Nuit apparaissant, comme celle de Noël, selon Philippe Walter "comme deux doublets d'une même fête solsticiale d'origine païenne. Ce sont deux nuits de tous les dangers au cours desquelles peuvent se manifester les puissances tutélaires de l' Autre Monde, autrement dit les revenants. On peut déjà souligner que le nom de Sylvestre a pour étymologie le latin silva "la forêt" et que ce nom est à rapprocher de la grande figure de l'Homme sauvage, personnage clé de la mythologie préchrétienne, figure archétypale du revenant pour les traditions médiévales." (Mythologie chrétienne, Imago, 2005, p. 65).
Or, quelle est l'étymologie de Souvigny ? Rien moins que Silviniacum, qui très clairement dérive de silva.
Le moine clunisien, nouvelle incarnation de l'Homme Sauvage ? C'est bien ce que suggère Adalbéron, évêque de Laon, anti-clunisien notoire...
(A suivre)
01 juin 2007 | Lien permanent | Commentaires (8)
En lisant Jean-Pierre Le Goff (2)
"Dans le jardin de Claire et Jean-Pierre Fontbaustier à Gobert (Vouillon, Indre), les 26 et 27 septembre 1992, sous la coordination de Gérard Laplace, une dizaine de personnes utiliseront des ressources végétales pour mettre en place une installation qu'ils auront conçue. Celle que je propose consistera en l'arrangement, suivant les suggestions du terrain, des oeufs que vous m'aurez confiés, et sur lesquels le nom de l'oiseau élu sera inscrit accompagné de vos initiales." (Jean-Pierre Le Goff, Le Cachet de la Poste, p. 72)
Ceci est la première mention d'une intervention de JPLG dans notre département. D'autres, nombreuses, suivront, ce qui ne saurait nous étonner, sachant (depuis le commentaire de Thierry) que le poète possède une maison à Châteauroux. On voit qu'il a délaissé pour une fois la perle au profit de l'oeuf (le chapitre concerné s'intitule De l'eau à l'air, de l'oeuf à l'oiseau).
Je n'ai jamais parlé ici de Vouillon, bien que son église romane mérite l'attention. L'historien Jean Hubert montra en 1966 que l'édifice actuel faisait suite à une importante tour-porche, appelée aussi galilée ou avant-nef. Ses dimensions en devaient faire le plus vaste prieuré dépendant de l'abbaye de Déols. Mais à l'origine, elle n'est qu'une simple chapelle mentionnée en 938 comme ayant été fondée par des moines bretons. Peut-être les mêmes, selon Gérard Granger, que ceux qui quelques années plus tôt ont fondé l'abbaye Saint-Gildas, près de Déols.
Maintenant, si je reprends ma vieille carte Michelin 68 traversée d'alignements comme un antique portulan, je constate que Vouillon se situe dans le prolongement de l'axe Saint-Valentin - Vatan. Si l'on ajoute qu'il est jalonné également par Le Petit Villiers et le Grand Villiers, on peut s'étonner de cette prolifération de noms en V. Dessin de la lettre évocateur du vol de l'oiseau ("ce n'est pas, écrit JPLG, dans le monde clos de l'oeuf que nous trouverons l'air, c'est en aspirant au vol de l'oiseau qui en sortit que nous l'atteindrons"), ce qui nous incite à tracer l'autre branche du V originée à Vouillon, symétrique par rapport à l'axe méridien, qui n'est lui-même pas anodin puisqu'il vise Saint-Aoustrille en étant tangent au cercle intérieur de la couronne de Ménétréols. Or, cet axe symétrique est pratiquement dans le prolongement de l'axe Bois Saint-Denis - Saint Denis (faubourg d'Issoudun).
L' oiseau élu dont parle JPLG serait-il par hasard un pigeon ? En tout cas, la ligne Vatan-Saint-Valentin-Vouillon rencontre juste après ce village le gros hameau de Boisramier.
Cette envolée vouillonesque m'a inspiré quelques autres pistes nouvelles, mais ce sera tout pour aujourd'hui.
PS : On notera que le Loup, figure qui devait prendre beaucoup d'importance dans les équipées de JPLG, encadre ici en quelque sorte le lieu-dit à Gobert, où les oeufs furent installés, avec La Trace au Loup et la Fosse au Loup, sans parler de ce Croc à Marly, qui ne saurait déparer dans ce portrait.
17 mars 2010 | Lien permanent | Commentaires (5)